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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA JORDANIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, vendredi dernier et cet après-midi, le rapport de la Jordanie sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport a été présenté par le Directeur des droits de l'homme et de la sécurité humaine au Ministère des affaires étrangères de la Jordanie, M. Wasfi Abdallah Aly Ayyad. Il a assuré que la Jordanie respecte tous ses engagements internationaux, y compris en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements. La torture va à l'encontre des valeurs religieuses et civilisationnelles de la Jordanie, a insisté le chef de la délégation. L'impunité n'existe pas en Jordanie, a assuré M. Ayyad. Il a aussi souligné que 42 articles de la Constitution avaient été amendés, notamment pour y inclure une nouvelle disposition interdisant explicitement la torture. M. Ayyad a d'autre part indiqué que les autorités pouvaient détenir préventivement une personne en cas de menace à l'ordre public; il a précisé que des garanties relatives à la détention administrative sont prévues. Un procureur spécial a été nommé pour suivre les crimes de torture et tous les actes commis par des agents de l'État font l'objet d'une enquête si l'on soupçonne qu'ils aient pu impliquer la torture, a souligné M. Ayyad. Il a par ailleurs précisé que la Cour de sécurité de l'État n'est compétente que pour les seuls actes relevant du terrorisme, de l'espionnage, du trafic de stupéfiants et de la contrefaçon.

La délégation jordanienne était également composée de la Représentante permanente de la Jordanie auprès des Nations Unies à Genève, Mme Saja S. Majali, ainsi que de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère du développement social, du Ministère de la justice, du Ministère du travail, du Ministère des affaires étrangères et du Département de la sécurité publique. Elle a fourni des réponses aux questions que lui ont adressées les membres du Comité s'agissant, notamment, de la définition de la torture; de l'accès à l'assistance juridique; du fonctionnement de la justice juvénile; de la situation en matière de violence domestique; de la disposition sur la déchéance de la nationalité; de la situation des réfugiés; des conditions de détention et notamment de de la surpopulation carcérale; des visites périodiques indépendantes des lieux de détention; des conditions associées à la détention administrative; de la question des assurances diplomatiques; de la traite de personnes; des différents types de tribunaux, notamment le tribunal de sécurité de l'État et les tribunaux religieux; ou encore des mesures antiterroristes.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Jordanie, Mme Essadia Belmir, a rappelé que ce pays accueillait de nombreux réfugiés de Palestine et de Syrie ainsi que des travailleurs migrants provenant du monde entier. Mme Belmir a rappelé que le Comité espérait que les changements nécessaires soient apportés à la législation afin d'accroître les peines encourues pour acte de torture et a déploré que de tels actes continuent d'être considérés comme un délit et non comme un crime. Elle a par ailleurs relevé qu'un procureur pouvait interdire toute communication avec un avocat jusqu'à une durée de dix jours, renouvelable. Également rapporteur du Comité pour l'examen du rapport jordanien, M. Kening Zhang a relevé que la Jordanie avait enregistré une réduction considérable des mauvais traitements en 2013, par comparaison avec l'année précédente; il s'est néanmoins étonné que seule une faible proportion des cas enregistrés ait fait l'objet d'un jugement. M. Zhang s'est ensuite inquiété que près de la moitié des personnes privées de liberté soient en détention avant procès.

La Jordanie était le dernier pays qui devait présenter un rapport au cours de la présente session. Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur les rapports de tous les pays examinés, qu'il rendra publiques après la clôture de la session, le mercredi 9 décembre. D'autres séances privées seront notamment consacrées à l'examen de communications signalant des plaintes pour violations des dispositions du Pacte par des États parties.


Une séance publique se tiendra le mercredi 2 décembre, à 15 heures, pour l'examen de la suite donnée aux recommandations adressées par le Comité aux États parties et pour se pencher sur la question des représailles contre les personnes qui coopèrent avec le Comité. La séance de clôture de la session se tiendra le mercredi 9 décembre.



Présentation du rapport

Le Comité est saisi du troisième rapport périodique de la Jordanie (CAT/C/JOR/3).

M. WASFI ABDALLAH ALY AYYAD, Directeur des droits de l'homme et de la sécurité humaine au Ministère des affaires étrangères de la Jordanie, a tenu à réitérer la grande importance que son pays attachait à la promotion et à la protection des droits de l'homme. La Jordanie respecte tous ses engagements internationaux, notamment en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements, a-t-il affirmé. L'engagement de la Jordanie est reflété dans sa Constitution et dans ses systèmes juridique et judiciaire, a-t-il insisté. La torture va à l'encontre des valeurs religieuses et civilisationnelles de la Jordanie, a insisté M. Ayyad.

L'impunité n'existe pas en Jordanie, a assuré le chef de la délégation. Des mesures ont été prises pour se conformer aux dispositions de la Convention, notamment en renforçant les institutions et en amendant la Constitution, a-t-il indiqué. En 2011, 42 articles de la Constitution ont été amendés, notamment pour y inclure une nouvelle disposition interdisant la torture. La peine minimum encourue pour acte de torture est de six mois d'emprisonnement; la peine infligée s'accroît en fonction de la gravité des blessures. Des sanctions ont également été prévues pour quiconque essaie d'obtenir des aveux en recourant à la torture, a-t-il fait valoir, avant d'ajouter que le code de procédure pénale avait également été amendé, conformément aux engagements internationaux de la Jordanie. M. Ayyad a ensuite indiqué qu'un poste de Coordonnateur pour les droits de l'homme avait été créé au sein du Cabinet du Premier Ministre; il est notamment chargé de mettre en place un plan national pour les droits de l'homme.

M. Ayyad a d'autre part indiqué que les autorités pouvaient détenir préventivement une personne en cas de menace à l'ordre public. Il a ajouté que des garanties en matière de détention administrative avaient été introduites.

Des lois incriminant la violence contre les femmes ont par ailleurs été adoptées, des sanctions ayant été prévues pour toutes les formes de violence, y compris le viol et le harcèlement sexuel. Les services en charge de la famille apportent une protection aux victimes de violence domestique, a insisté M. Ayyad.

Des centres d'accueil hébergent et prennent en charge les victimes de traite jusqu'à ce que leur situation soit résolue, a-t-il ajouté, avant de rappeler que la traite de personnes était incriminée.

La Jordanie a adopté une loi interdisant la torture et a accueilli une conférence sur cette question, a poursuivi M. Ayyad. Les victimes de torture ont droit à une compensation pour les préjudices subis, a-t-il en outre fait valoir. La Direction de la sécurité publique est l'institution maîtresse de la mise en œuvre de la législation en rapport avec la torture, a-t-il par ailleurs indiqué, précisant que le personnel de cette institution était dûment formé pour reconnaître les signes de torture. Un procureur spécial a été nommé pour suivre les crimes de torture et tous les actes commis par des agents de l'État font l'objet d'une enquête si l'on soupçonne qu'ils auraient pu impliquer la torture, a souligné M. Ayyad. Un manuel à l'intention des procureurs a été élaboré pour les cas de torture et le Ministère de la justice est toujours informé de toute plainte déposée contre des agents en charge de la sécurité publique. M. Ayyad a par ailleurs précisé que la Cour de sécurité de l'État n'était compétente que pour les seuls actes relevant du terrorisme, de l'espionnage, du trafic de stupéfiants et de la contrefaçon.

La torture relève d'une question morale et constitue une violation de la dignité de l'être humain, a conclu M. Ayyad.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME ESSADIA BELMIR, rapporteuse pour l'examen du rapport de la Jordanie, a rappelé que le pays accueillait de nombreux réfugiés de Palestine et de Syrie ainsi que des travailleurs migrants provenant du monde entier. Il s'agit d'un pays riche d'une civilisation très ancienne et qui évolue constamment, a-t-elle ajouté. Elle a ensuite demandé des précisions sur la place qui est réservée à la Convention dans l'arsenal juridique interne, soulignant que des éléments de la Convention faisaient défaut dans cet arsenal. En particulier, il est ainsi difficile de saisir quels agents de l'État sont concernés par les dispositions de la législation jordanienne relative à l'interdiction de la torture. Toutes les formes de torture doivent être interdites par la loi, a insisté la rapporteuse.

Mme Belmir a ensuite rappelé que le Comité espérait que les changements nécessaires soient apportés à la législation afin d'aggraver les peines encourues pour acte de torture, alors qu'en Jordanie de tels actes continuent d'être considérés comme un délit et non comme un crime. La question du délai de prescription des actes de torture est extrêmement importante si l'on veut combattre la torture et les mauvais traitements, a poursuivi la rapporteuse.

Mme Belmir a par ailleurs relevé qu'un procureur pouvait interdire toute communication avec un avocat jusqu'à une durée de dix jours, renouvelable. Elle s'est en outre inquiétée que les personnes arrêtées ne se voient pas énoncer leurs droits. Elle a en outre voulu savoir dans quelle mesure l'accès à un médecin était toujours garanti et si les contacts avec la famille étaient assurés, rappelant que les agents qui procèdent à l'arrestation doivent informer les membres de la famille de la personne arrêtée du moment, du lieu et des motifs de l'arrestation.

S'agissant de la détention administrative, Mme Belmir a souhaité savoir si la loi de 1954 sur la prévention de la criminalité autorisait ce type de détention sans fondement juridique. De qui relève ce type de détention, a-t-elle en outre demandé, s'inquiétant qu'un individu détenu dans ces conditions ne puisse être libéré que s'il s'engage par écrit à ne pas commettre un acte relevant du pénal?

Enfin, Mme Belmir a relevé que des juges ordinaires avaient été intégrés dans les tribunaux de police et les tribunaux militaires, dans lesquels des problèmes persistent. La rapporteuse a fait état du décès d'un détenu, dans des circonstances inconnues, dans un établissement géré par l'armée. Le droit à un procès équitable et à l'intégrité physique du détenu doit être respecté, a rappelé la rapporteuse.

M. KENING ZHANG, également rapporteur pour l'examen du rapport jordanien, s'est enquis des formations spécifiques dispensées aux agents des forces de sécurité conformément au Protocole d'Istanbul. La Jordanie a enregistré une réduction considérable des mauvais traitements en 2013, par comparaison avec l'année précédente, a-t-il relevé; il s'est néanmoins étonné que seule une faible proportion des cas enregistrés ait fait l'objet d'un jugement. Le rapporteur a par ailleurs souhaité en savoir davantage quant à la distinction existante entre délit grave et délit ordinaire.

M. Zhang s'est ensuite inquiété que près de la moitié des personnes privées de liberté soient en fait maintenues en détention avant procès. À cet égard, il a souhaité savoir si les détenus en préventive étaient séparés des détenus condamnés. Le rapporteur s'est enquis des résultats de la supervision des lieux de détention et des éventuelles sanctions prononcées lorsque des violations ont pu être détectées. Est-il vrai que les organisations non gouvernementales se voient refuser l'accès aux établissements correctionnels, a-t-il demandé? Le surpeuplement des lieux de détention semble être un problème, a poursuivi M. Zhang, avant de se demander si la Jordanie envisageait des peines alternatives à la détention pour résoudre ce problème.

Très peu de plaintes de torture ont abouti à des poursuites, a d'autre part fait remarquer M. Zhang, précisant que la proportion (de telles plaintes faisant l'objet de poursuites) n'était que de 3% en 2013. Dans ce contexte, quelles sont les garanties pour assurer que tous les cas de torture fassent bien l'objet d'enquêtes approfondies de la part des autorités? Combien de plaintes pour mauvais traitement de la part d'agents de police ont-elles abouti à des sanctions?

Après avoir souligné que la Jordanie jouissait d'une solide réputation dans le monde pour son ouverture aux réfugiés, qu'ils soient de Palestine ou, plus récemment, de Syrie, le rapporteur a souhaité savoir si la Jordanie avait mis fin à sa pratique de retrait de la nationalité pour certains citoyens jordaniens d'origine palestinienne. Ces personnes peuvent-elles faire appel de telles décisions prises à leur encontre, a-t-il également voulu savoir?

La Jordanie envisage-t-elle d'interdire la pratique des châtiments corporels contre les enfants à la maison, a d'autre part demandé M. Zhang?

Parmi les autres membres du Comité, un expert a fait observer que la Jordanie maintenait une législation prévoyant un délai de prescription pour le crime de torture, ce qui est contraire à la Convention.

Quel est actuellement le nombre de femmes détenues à des fins de protection en Jordanie parce qu'elles sont menacées d'être victimes de crimes d'honneur, a-t-il en outre été demandé? Qu'en est-il de la législation applicable en matière de crime d'honneur et du nombre de poursuites engagées ces dernières années contre de tels crimes?

Des personnes ont-elles été poursuivies à la suite d'inspections dans des commissariats de police et autres lieux de détention, a demandé un membre du Comité? Quels sont les résultats des plus récentes visites opérées par le Centre national des droits de l'homme et ce Centre bénéficie-t-il d'un accès sans entrave à tous les lieux de détention sans avis préalable et avec la possibilité de s'entretenir avec les détenus en privé?

Un expert s'est enquis des garanties légales entourant la détention administrative. Des questions ont également été posées au sujet des assurances diplomatiques en matière d'extradition.

Quelles sont les circonstances qui peuvent amener le directeur d'un centre de détention à refuser à un détenu de communiquer avec sa famille, un médecin ou un avocat, a-t-il été demandé?

Un membre du Comité a souhaité savoir si la Jordanie envisageait de faire la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention, qui autorise le Comité à recevoir et examiner des plaintes individuelles.

Des précisions ont été demandées au sujet du fondement juridique permettant la création de tribunaux spéciaux.

La Jordanie prévoit-elle de mettre en place des unités de police et des tribunaux spécialisés pour les jeunes délinquants? Qu'en est-il de la capacité actuelle des prisons jordaniennes et de la population carcérale dans le pays? Chaque prisonnier a-t-il son propre lit?

La délégation jordanienne a-t-elle conscience de l'existence d'une perception largement répandue selon laquelle un mécanisme de torture serait en place dans le pays, a demandé un membre du Comité? La torture en Jordanie reste un délit et non un crime, a déploré une experte, tout en exprimant l'espoir que le mouvement de révision de la législation se poursuivrait. En outre, la Jordanie n'est pas dans la logique de la séparation des pouvoirs, a ajouté l'experte, insistant en particulier sur les pouvoirs dévolus aux gouverneurs. Le Centre national des droits de l'homme indique avoir reçu depuis 2010 un grand nombre de plaintes pour mauvais traitements et torture, a en outre fait observer cette experte, déplorant qu'un certain nombre de plaintes restent sans suite.

Les migrants se trouvent dans des situations difficiles, notamment pour ce qui est des femmes migrantes travailleuses, s'est par ailleurs inquiétée cette experte. En outre, certains migrants sont détenus sans bénéficier de l'assistance d'un avocat, ni d'un interprète, a-t-elle ajouté. Il est même dit que certaines femmes migrantes détenues sont obligées à faire le ménage dans les lieux où elles sont détenues.

L'experte s'est en outre inquiétée de pratiques de mariages forcés de mineures, notamment pour celles qui sont violées. Un civil doit être en tout cas jugé par un tribunal civil, a par ailleurs estimé cette experte. Dénonçant un regrettable mélange entre la loi sur l'immigration et celle sur la nationalité, dans le contexte notamment du retrait de la nationalité aux Palestiniens, l'experte a souligné qu'il conviendrait d'éviter l'amalgame entre ces deux problématiques (celle de l'immigration et celle de la nationalité). Est-il vrai que les réfugiés ne peuvent pas quitter les camps sans parrainage ou autorisation émanant d'un ressortissant jordanien, a demandé un membre du Comité?

Un membre du Comité a souhaité savoir s'il était exact que les procureurs généraux en Jordanie sont nommés par une instance relevant de la sécurité publique. Est-il exact que la décision d'engager des poursuites contre une personne soupçonnée de terrorisme ne relève que du seul procureur général, a-t-il en outre demandé?

Un expert a souhaité savoir si la délégation était en mesure de fournir des informations sur tous les cas de personnes placées en détention à l'isolement, quelles en ont été les raisons et la durée. L'expert a jugé préoccupant que la Jordanie ait tendance à ne pas respecter la séparation des pouvoirs. Si les chiffres sur le nombre de plaintes pour acte de torture sont en baisse, il est fort probable que ce soit parce que les gens ont peur de dénoncer les cas de torture, a d'autre part estimé cet expert.

Un autre membre du Comité s'est enquis des nombres d'enquêtes, de poursuites et de condamnations pour violence domestique. Où en est le projet de loi visant répression de la violence familiale qui est en cours d'élaboration, a demandé cet expert?

Qui mène les enquêtes en cas de crimes imputables aux personnels pénitentiaires, a demandé un expert?

Réponses de la délégation

Répondant à des questions sur les conditions de détention, la délégation jordanienne a notamment indiqué qu'un projet de loi avait été approuvé par le Conseil des Ministres, prévoyant des peines alternatives (à l'emprisonnement) et notamment la surveillance électronique, afin de contribuer à réduire le surpeuplement dans les prisons et dans les centres de détention. Selon une étude, il s'agirait d'une approche novatrice susceptible de produire des résultats positifs, a précisé la délégation, avant d'ajouter que ce nouveau texte de loi entrerait en vigueur en 2016.

Les autorités jordaniennes œuvrent également à remédier à certaines imperfections du système carcéral. Mais certains centres de détention ne peuvent pas être fermés parce qu'il n'y a pas d'autres centres pour prendre en charge les détenus, a d'autre part expliqué la délégation, faisant observer que le nombre de détenus a significativement augmenté pour atteindre aujourd'hui 60 000. Cela est dû à l'augmentation du nombre de résidents en Jordanie suite à l'énorme afflux de réfugiés qu'a connu le pays, a précisé la délégation. Il n'en demeure pas moins que des activités de maintenance et de rénovation de certains lieux de détention sont en cours, a-t-elle fait valoir. Un certain nombre de lieux de privation de liberté qui ne pouvaient être améliorés ont été fermés, a par la suite indiqué la délégation.

Les autorités jordaniennes ne ménagent aucun effort pour que les meilleurs soins médicaux possibles soient apportés aux prisonniers, a poursuivi la délégation. Les prisonniers blessés ou malades sont transférés vers les hôpitaux et retournent en prison une fois leur traitement achevé, a-t-elle précisé.

En cas de décès d'un détenu, toutes les mesures sont prises pour déterminer les causes du décès, a en outre assuré la délégation.

Conformément à la loi en vigueur, les femmes détenues doivent être séparées des détenus masculins, a rappelé la délégation.

Le Centre national des droits de l'homme a le droit d'effectuer, sans préavis, des visites dans tout centre de détention, y compris dans les lieux de détention de la Direction des renseignements généraux, a ensuite indiqué la délégation. La Croix-Rouge, Human Rights Watch et d'autres ont également été autorisés à visiter les prisons, a-t-elle fait valoir. Des visites dans les lieux de privation de liberté peuvent être organisées par le parquet et par d'autres entités, en concertation avec le Centre national des droits de l'homme, a ajouté la délégation. Le procureur de la police traite de toutes les plaintes que lui transmet le Centre national des droits de l'homme.

Les juges et procureurs peuvent effectuer des visites dans les lieux de détention et peuvent demander au personnel de leur service d'engager des poursuites ou de prendre toute autre mesure qu'ils jugeront appropriée, a précisé la délégation. Toute plainte pour mauvais traitement portée par un détenu doit faire l'objet d'une enquête, a-t-elle souligné.

Du point de vue des garanties dont bénéficie tout personne placée en détention, la délégation a notamment rappelé que la Constitution jordanienne garantit la liberté personnelle et la vie privée, personne ne pouvant être arrêté sans chef d'inculpation clair. Toute personne arrêtée doit être informée de ses droits. Si une personne arrêtée est détenue plus de 24 heures sans être présentée devant un procureur, l'acte d'arrestation sera déclaré illégal, a d'autre part fait valoir la délégation. La Jordanie respecte les normes internationales relatives à la garantie d'un procès équitable, a-t-elle également déclaré, faisant observer qu'une cour d'appel du tribunal de police avait été mise en place à cette fin.

Quiconque aurait subi des violences ou dont les droits auraient été bafoués peut notamment se tourner vers le Bureau de la transparence et des droits de l'homme; si la personne n'est pas en mesure de le faire, un membre de sa famille ou un proche peut le faire à sa place, a indiqué la délégation. Tous les prévenus peuvent porter plainte et une enquête sera alors menée qui, le cas échéant, ouvrira la voie à l'adoption de mesures appropriées. Le Bureau de la transparence et des droits de l'homme a été créé en 2007 et était dès l'origine directement rattaché à la Direction de la sécurité publique, a précisé la délégation.

Le nombre de plaintes pour mauvais traitement transmises au parquet de la police et ayant donné lieu à des poursuites (cas portés devant le tribunal de police et devant les tribunaux ordinaires) s'est élevé en 2014 à 90, a en outre indiqué la délégation, ajoutant que ce nombre s'établissait à 35 pour le premier semestre de cette année (2015).

Ce sont les juges administratifs qui veillent à la validité des décisions relatives à la détention administrative, a d'autre part indiqué la délégation, précisant qu'un mémorandum d'entente a été signé entre le Ministère de la justice et l'association du barreau afin de faciliter l'accès des avocats aux détenus dans ce contexte.

La délégation a rappelé que, conformément à la Constitution, il existe trois types de tribunaux en Jordanie: les tribunaux ordinaires, les tribunaux spéciaux et les tribunaux de la charia. Les tribunaux spéciaux sont créés conformément à la loi et leur fonctionnement bénéficie donc de toutes les garanties adéquates, a-t-elle précisé. Le tribunal de sûreté de l'État est un tribunal spécial conforme aux dispositions de l'article 99 de la Constitution, a par la suite indiqué la délégation; il comporte des juges civils et militaires et tous œuvrent en toute indépendance. Les décisions de ce tribunal peuvent être contestées devant la Cour de cassation – tribunal suprême du pays, a fait valoir la délégation. La Constitution jordanienne stipule qu'aucun civil ne peut être traduit devant un tribunal militaire, sauf précisément pour les crimes de haute trahison, d'espionnage, de terrorisme, de trafic de stupéfiants et de contrefaçon de monnaie pour lesquels le tribunal de sûreté de l'État a compétence, a expliqué la délégation.

Les mesures prises pour lutter contre le terrorisme ont pour but de préserver le droit à la vie et à la sécurité de tout citoyen, a affirmé la délégation. Dans ce contexte, il ne peut âtre porté atteinte aux droits de l'homme; on s'efforce plutôt de maintenir un équilibre entre mesures antiterrorisme et sauvegarde des droits de l'homme, y compris pour ce qui est des garanties de procédures. La loi contre le terrorisme adoptée en 2006 a un caractère préventif, a insisté la délégation. Comme chacun sait, il n'existe pas de consensus quant à la définition du terrorisme; mais il existe une convention régionale, adoptée par la Ligue des États arabes, qui mentionne la notion de «terrorisme», a-t-elle rappelé.

À titre de mesure antiterroriste préventive, toute personne qui déménage est tenue de fournir sa nouvelle adresse dans un délai de trente jours, a d'autre part indiqué la délégation.

Un département de police juvénile a été mis en place afin que les délinquants mineurs ne soient pas traités comme des adultes dans le cadre des enquêtes, a ensuite indiqué la délégation, avant de rappeler que l'âge de la responsabilité pénale en Jordanie est fixé à 12 ans. Aucun mineur ne peut être arrêté sans mandat émanant du procureur pour les mineurs et aucun mineur ne peut être détenu dans un centre réservé aux adultes, a en outre assuré la délégation.

Pour ce qui est de la formation aux droits de l'homme, la délégation a assuré que les représentants des forces de l'ordre sont dûment formés à des fins de prévention de la torture et des mauvais traitements. Le Ministère jordanien de la justice a quant à lui adopté une stratégie nationale dont le but est de renforcer les capacités des juges, indépendamment de leur spécialité et de leur domaine de compétence, a-t-elle poursuivi. La délégation a rappelé que la Jordanie avait accueilli en juin dernier la deuxième conférence régionale sur la torture, qui a donné lieu au lancement d'un manuel sur la question de la torture.

Les dispositions législatives concernant la définition de la torture ont été amendées en 2013 et continueront d'être examinées, a d'autre part indiqué la délégation, précisant que des dispositions permettront de poursuivre des fonctionnaires de rang supérieur.

L'article 208 du code pénal couvre différents crimes: mauvais traitement ainsi qu'atteinte physique, morale ou psychologique, a ensuite indiqué la délégation, précisant que cet article avait été amendé en 2014 afin notamment d'y introduire la notion d'atteinte (ou souffrance) morale. La peine imposée pour acte de torture est actuellement de six mois au minimum et de trois ans au maximum; une proposition se trouve devant le Parlement afin de faire en sorte que la peine maximale encourue pour crime de torture passe de trois à sept ans, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs fait valoir qu'un bureau de l'assistance juridique avait été ouvert pour venir en aide à quiconque aurait besoin de ce type de soutien. Le soutien juridique est actuellement accordé gratuitement par le barreau, a-t-elle précisé.

La Constitution jordanienne stipule que la nationalité ne peut être accordée ou retirée que conformément à la loi et suite à une décision judiciaire, le Conseil des Ministres devant également approuver toute décision en la matière, a en outre indiqué la délégation.

Il n'est pas exact de dire que les réfugiés n'ont pas le droit de quitter les camps de réfugiés sans autorisation d'un citoyen jordanien, a déclaré la délégation. La Jordanie applique le principe de non-refoulement et traite ses réfugiés sur un pied d'égalité avec ses propres ressortissants, en leur accordant notamment le droit à l'éducation, aux soins de santé et à une assistance juridique, a-t-elle fait valoir. Les réfugiés en Jordanie ont droit à l'emploi indépendant et ne paient pas de droits de sortie du pays.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'un projet de loi sur la violence domestique avait été discuté au début de ce mois et était maintenant en voie de transmission à l'Assemblée nationale. De nombreux experts et chefs religieux ont pris part à la préparation de ce texte, a précisé la délégation. Un nouveau centre d'accueil pour les victimes a été ouvert dans le nord du pays et aucune femme violentée accueillie dans ce centre ne saurait être obligée à retourner auprès de son mari; elle se verrait au contraire apporter tous les services nécessaires. Ce centre accueille également les enfants des victimes jusqu'à l'âge de quatre ans.

En ce qui concerne la question des assurances diplomatiques, la délégation a assuré que la Jordanie est un état de droit qui respecte les normes internationales, y compris bien entendu celles énoncées dans la Convention contre la torture, notamment en matière d'extradition.

La ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture procède d'une démarche volontaire et n'est pas obligatoire, a tenu à rappeler la délégation. Quoi qu'il en soit, le mécanisme de prévention de la torture prévu dans le Protocole existe bel et bien en Jordanie: il s'agit effectivement du Centre national des droits de l'homme, qui effectue des visites dans les lieux de détention. De plus, les lieux de détention font l'objet d'un contrôle judiciaire et administratif de la part des Ministères de la justice et de l'intérieur.

S'agissant de la traite de personnes, la délégation a notamment indiqué que le pays avait organisé plusieurs ateliers, auxquels plusieurs inspecteurs du travail et de la sécurité publique ont participé pour être mieux formés à l'identification des cas de traite. La délégation a par ailleurs rendu compte des formations dispensées aux personnels concernés à des fins de détection du travail des enfants.

Sur la question de la déchéance de la nationalité, la délégation a souligné que l'octroi ou le retrait de la nationalité relèvent de la loi de 1954 sur la nationalité et doivent être validés en Conseil des Ministres. Le Centre national des droits de l'homme n'a reçu aucune plainte en rapport avec cette problématique en 2014, a-t-elle en outre indiqué.

S'agissant de la séparation des pouvoirs, la délégation a notamment rappelé que ce principe est consacré dans la Constitution jordanienne. Aucun pouvoir ne s'immisce dans l'activité d'un autre pouvoir mais leurs actions respectives se complètent, a-t-elle expliqué.

Selon la Constitution, les tribunaux religieux de la charia en Jordanie sont habilités à rendre justice selon leurs propres lois concernant un certain nombre de questions, notamment pour ce qui a trait à l'état civil des musulmans et à la diya – c'est-à-dire une compensation financière que doit payer l'auteur ou la famille de l'auteur d'un homicide à la famille de la victime, ou à ses ayants-droit (prix du sang). Il existe d'autres conseils confessionnels, non musulmans, qui sont reconnus comme représentant des groupes confessionnels en Jordanie et qui sont régis par leurs propres lois et règlements, leurs compétences portant également sur l'état civil.

Le projet de loi contre la violence domestique va être transmis au Conseil de la nation par le Conseil des ministres en vue de son adoption, a ensuite rappelé la délégation. À l'instar de dizaines d'autres pays, la Jordanie a adhéré en 2014 à l'Initiative de lutte contre la violence faite aux femmes et a mis en place à cette fin un plan d'action pour la période 2014-2016. Un grand nombre de chefs religieux et d'avocats, notamment, ont été formés à cette problématique, a fait valoir la délégation.


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CAT15/032F