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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la République de Corée sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport de la République de Corée a été présenté par Kim Joo-hyun, Vice-Ministre de la justice de la République de Corée, qui a fait valoir que, depuis l'examen de son précédent rapport en 2006, le pays avait entrepris d'incorporer les recommandations du Comité en mettant en œuvre des politiques visant à améliorer les droits de l'homme individuels. Le respect des droits de l'homme, y compris pour ce qui est du principe de non-discrimination, a été reconnu comme revêtant la plus haute valeur dans le cadre des services de protection sociale fournis par le Gouvernement. Face au nombre croissant d'immigrants, le Gouvernement coréen a mis en œuvre depuis 2008 des plans dont l'objectif était d'empêcher la discrimination et d'assurer le respect de la diversité culturelle. Pour sa part, la loi de 2012 sur les réfugiés adoptée accorde aux personnes qui se voient octroyer le statut de réfugié des prestations de sécurité sociale et une sécurité des moyens de subsistance de base équivalents à ceux accordés aux ressortissants coréens. M. Kim a déclaré que la République populaire démocratique de Corée menaçait continuellement et tout récemment encore la sécurité nationale de la République de Corée. C'est pourquoi la loi de sécurité nationale s'avère indispensable pour protéger l'existence, la sécurité et l'ordre démocratique et libéral fondamental de la République de Corée.

L'imposante délégation de la République de Corée, comprenant une quarantaine de membres, était également composée d'autres fonctionnaires du Ministère de la justice, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la défense nationale, du Ministère de l'emploi et du travail, du Ministère de la santé et du bien-être, du Ministère de l'égalité entre les sexes et de la famille, du Ministère des océans et de la pêche, du Ministère de l'éducation, de l'Agence nationale de la police et de la Commission des communications. La délégation a apporté des réponses aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, des activités des entreprises coréennes travaillant à l'étranger; de la discrimination à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués; de la situation des jeunes filles mères célibataires; de l'incrimination du viol conjugal; du taux élevé de suicides; des dispositions relatives à la garde à vue; de la détention en isolement; de la détention des migrants; des mauvais traitements imputables à la police; de l'hospitalisation involontaire des personnes souffrant de troubles psychosociaux et de l'interdiction de la stérilisation forcée; du maintien de la peine de mort dans la législation; de la protection de la liberté d'expression; de la loi sur la sécurité nationale; des mesures de lutte contre le terrorisme; de l'objection de conscience; ou encore du traitement des transfuges en provenance de République populaire démocratique de Corée.

Des membres du Comité ont invité la République de Corée à revenir sur la réserve qu'elle maintient à l'égard de l'article 22 du Pacte sur la liberté d'association, rappelant que le Pacte n'interdit pas d'imposer certaines limites à l'activité syndicale. Les recommandations du Comité concernant l'objection de conscience n'ont pas été prises en compte par la République de Corée, ont-ils par ailleurs regretté. Il semblerait d'autre part que le nombre de condamnations pour mauvais traitements imputables à la police soit élevé au regard du nombre élevé de plaintes. Des inquiétudes ont été exprimées s'agissant d'informations sur le recours au travail forcé par l'entreprise chargée de produire les billets de banque et de battre monnaie. Les experts se sont État membre inquiétés des discriminations à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, y compris de la part de fonctionnaires de l'État. Des informations font état d'une augmentation de la discrimination raciale dans le pays, se sont également inquiétés les membres du Comité. S'agissant des mesures de lutte contre le terrorisme, il a été rappelé qu'il fallait trouver un juste équilibre entre de telles mesures et les libertés individuelles et autres valeurs importantes protégées par le Pacte. Il a aussi été relevé que, si la peine capitale n'avait pas été exécutée depuis 1997 en République de Corée, deux à trois peines de mort étaient prononcées chaque année.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de la République de Corée dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la fin de la session, qui se termine le 6 novembre.


À sa prochaine réunion publique, lundi prochain à 10 heures, le Comité entendra les représentants de la société civile au sujet des deux rapports devant être examinés la semaine prochaine, à savoir ceux de l'Iraq et du Bénin. Le rapport de l'Iraq sera examiné dès lundi après-midi.

Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport de la République de Corée (CCPR/C/KOR/4), ainsi que de ses réponses (CCPR/C/KOR/Q/4/Add.1) à la liste de questions que lui a adressée le Comité (CCPR/C/KOR/Q/4).

M. KIM JOO-HYUN, Vice-Ministre de la justice de la République de Corée, a assuré que son Gouvernement prenait au sérieux les recommandations que lui a adressées le Comité. Au cours des neuf années qui se sont écoulées depuis l'examen du précédent rapport du pays, en 2006, la République de Corée a entrepris d'incorporer ses recommandations en mettant en œuvre une grande variété de politiques visant à améliorer les droits de l'homme individuels, a-t-il insisté. La République de Corée accorde en outre une grande valeur aux critiques constructives et aux avis émanant de la Commission nationale des droits de l'homme, car ils ont grandement contribué aux efforts du Gouvernement pour mener à bien des politiques de droits de l'homme équilibrées.

Depuis 2006, a poursuivi M. Kim, la situation des droits de l'homme en République de Corée a beaucoup évolué. Grâce aux technologies de l'information et de la communication, tous les citoyens ont un accès illimité à l'information sur Internet et les médias conventionnels ont élargi la gamme de leurs activités. Un contrôle étroit est assuré afin de prévenir toute violation des droits de l'homme susceptible de découler de cette évolution des technologies de l'information et des communications. Par ailleurs, dans un souci de transparence, le Gouvernement coréen diffuse activement l'information sur les politiques qui sont menées, tout en encourageant la participation des citoyens dans les processus de prise de décision.

Les tribunaux et la Cour constitutionnelle, dont l'indépendance est strictement garantie, accordent aux droits de l'homme la plus haute valeur, a assuré le Vice-Ministre. À l'Assemblée nationale, un très grand nombre de projets de lois visant la promotion des droits de l'homme sont présentés, au sujet desquels la société civile a exprimé à maintes reprises son opinion, a-t-il fait valoir. Dans de telles circonstances, le Gouvernement met en œuvre des politiques de droits de l'homme équilibrées reflétant la diversité des opinions publiques, a-t-il insisté.

M. Kim a ensuite indiqué que le Deuxième plan national d'action pour les droits de l'homme avait été lancé en 2012 et avait été amendé l'année suivante à l'issue du deuxième Examen périodique universel auquel s'était soumise la République de Corée devant le Conseil des droits de l'homme. Le Gouvernement coréen, par le biais de ses plans nationaux d'action pour les droits de l'homme, sélectionne un certain nombre de projets sur la base des recommandations qui lui sont adressées par les organes internationaux de droits de l'homme, afin de veiller à ce qu'il soit donné suite aux recommandations émanant des organes conventionnels, a expliqué le Vice-Ministre.

Afin d'améliorer globalement les droits de l'homme fondamentaux, la loi sur les services de protection sociale a été amendée en 2012; le respect des droits de l'homme, y compris pour ce qui est du principe de non-discrimination, a été reconnu comme revêtant la plus haute valeur dans le cadre des services de protection sociale fournis par le Gouvernement, qui se doit de dispenser une éducation aux droits de l'homme à tous les personnels œuvrant dans le domaine des services sociaux.

S'agissant de l'interdiction de la discrimination, M. Kim a rappelé que l'article 11 de la Constitution coréenne définit l'égalité des droits comme constituant un droit fondamental; ainsi, plus de 90 textes de loi interdisent-ils la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique, le handicap, l'âge, le sexe et la couleur de la peau. Nous avons rectifié la protection des droits de l'homme des personnes handicapées et des étrangers – domaines qui avaient été critiqués et considérés comme inadéquats par le passé, a fait valoir le Vice-Ministre. En 2007, a-t-il précisé, a été adoptée la loi contre la discrimination à l'encontre des personnes handicapées et pour les recours à leur intention. Ont également été adoptées des lois sur les services d'assistance aux personnes handicapées et aux enfants handicapés.

Étant donné que le nombre d'immigrants ne cessait d'augmenter, le Gouvernement coréen a mis en œuvre en 2008 le premier Plan de base pour les étrangers, suivi, en 2013, d'un second Plan en la matière, l'objectif politique étant d'interdire la discrimination et d'assurer le respect de la diversité culturelle, a ensuite indiqué M. Kim. En outre, a-t-il ajouté, le Gouvernement coréen a adopté en 2012 la loi sur les réfugiés, qui couvre les procédures de détermination du statut de réfugié et le traitement des réfugiés. Ce faisant, le Gouvernement a accordé aux personnes qui se voyaient octroyer le statut de réfugié des prestations de sécurité sociale et une sécurité des moyens de subsistance de base équivalents à ceux accordés aux ressortissants coréens. Le Gouvernement a également garanti aux enfants d'étrangers l'éducation tant au niveau primaire que secondaire, a fait valoir M. Kim, avant d'ajouter que les requérants d'asile se sont également vu accorder un soutien pour vivre et une éducation pour les aider à s'adapter à la vie en République de Corée.

S'agissant des droits des femmes et des enfants, le Gouvernement coréen a par ailleurs pris des mesures renforcées contre les violations découlant de la violence domestique, de la violence sexuelle et des violences et négligences à l'égard des enfants, a poursuivi le Vice-Ministre.

La République de Corée n'a pas exécuté de peine capitale depuis 1997, a ensuite rappelé M. Kim. Bien que la République de Corée soit considérée comme pays ayant aboli la peine de mort dans la pratique, la peine capitale subsiste sous forme de sanction pénale considérée comme la sanction la plus sévère. Eu égard aux divergences aiguës d'opinion entre ceux qui sont favorables et ceux qui sont défavorables à la peine capitale, il est difficile d'abolir immédiatement la peine de mort dans la législation, a déclaré M. Kim.

Afin de lutter contre la traite de personnes, le Gouvernement a engagé la procédure de ratification de la Convention des Nations Unies contre le crime transnational organisé et de ses trois Protocoles additionnels, a poursuivi le Vice-Ministre. En vue de ratifier le Protocole de Palerme, le Gouvernement a amendé la loi pénale en avril 2013 afin d'y introduire une disposition générale contre la traite de personnes.

Le respect des droits des prisonniers constituant un bon indicateur des normes de droits de l'homme qui prévalent dans un pays, il convient de souligner que les droits des détenus en République de Corée se sont considérablement améliorés, a poursuivi M. Kim. Le Gouvernement coréen a récemment appliqué des programmes de traitement adaptés à chaque prisonnier et les détenus mineurs sont traités d'une manière particulièrement adaptée à leur âge et à leurs aptitudes. En outre, les femmes détenues doivent désormais se soumettre à des examens médicaux réguliers concernant leur santé gynécologique, en sus des examens physiques habituels.

M. Kim a d'autre part souligné que la loi sur la protection des victimes pénales avait été amendée et stipulait désormais que les victimes de crimes devaient être informées de leurs droits au titre de la législation pertinente. Le Vice-Ministre a également attiré l'attention sur la loi relative à la protection des informations personnelles, adoptée en 2011, et sur la création subséquente de la Commission sur la protection des informations personnelles.

Rappelant que la République de Corée était dans une situation de confrontation avec la République populaire démocratique de Corée depuis une soixantaine d'années, M. Kim a déclaré que la République populaire démocratique de Corée menaçait continuellement et même récemment la sécurité nationale de la République de Corée. C'est pourquoi la loi de sécurité nationale s'avère indispensable pour protéger l'existence, la sécurité et l'ordre démocratique et libéral fondamental de la République de Corée qui se trouve en conflit direct avec la République populaire démocratique de Corée, a affirmé le Vice-Ministre. Il a assuré qu'il n'y avait aucun cas d'abus dans le cadre de l'application de cette loi.

Examen du rapport

Questions et observations des experts membres du Comité

Un membre du Comité a rappelé que ce rapport, présenté avec un retard de trois ans, concernait une période se terminant en 2010. En outre, les réponses écrites apportées par la République de Corée à la liste de questions écrites du Comité comportent malheureusement peu de réponses. Il a par ailleurs souligné les vives tensions qui persistent entre les deux parties – nord et sud – de la péninsule coréenne.

L'expert a ensuite évoqué la réserve émise par la République de Corée à l'égard de l'article 22 du Pacte, qui traite de la liberté d'association, déclarant ne pas bien comprendre ce qui se passait à ce sujet en République de Corée et pourquoi les autorités estimaient nécessaires d'exprimer une réserve sur cet article. En effet, le Pacte n'interdit pas d'imposer certaines limites à l'activité syndicale, notamment pour ce qui est du droit de grève, a-t-il fait observer. En fait, cette réserve reste floue et imprécise, a-t-il affirmé, invitant la République de Corée à revenir sur cette réserve, tout au moins sous sa forme actuelle.

Les recommandations du Comité concernant l'objection de conscience n'ont pas été prises en compte par la République de Corée, a par ailleurs fait observer cet expert.

Ce membre du Comité a d'autre part rappelé que le Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme (CIC) avait repoussé à trois reprises déjà l'accréditation de la Commission nationale des droits de l'homme de la République de Corée, en raison de préoccupations ayant trait à la désignation de ses membres et à la garantie de leur indépendance.

L'expert a ensuite souhaité savoir si la République de Corée disposait d'une définition de la torture reprenant tous les éléments énoncés à l'article premier de la Convention contre la torture. Quant aux plaintes pour torture et mauvais traitements dans les commissariats de police, la principale institution en charge de ces questions semble être la Commission nationale des droits de l'homme; or, ni les autorités de la République de Corée, ni cette Commission ne fournissent de statistiques concernant de telles affaires et la suite qui leur est donnée. Il semble que des mesures disciplinaires soient prises par la police elle-même dans ce type d'affaires, ce qui est certes approprié. Néanmoins, il semblerait que le nombre de plaintes pour mauvais traitements imputables à la police soit élevé: 922 en 2011, 1028 en 2013, 617 pour le premier semestre 2014. Or, on parle de moins de 3% de condamnations, s'est étonné l'expert.

Un autre membre du Comité s'est réjoui qu'il soit possible en République de Corée d'invoquer la responsabilité sociale des entreprises dans leurs opérations et activités à l'étranger. Il s'est néanmoins inquiété de recours au travail forcé imputables à cet égard à la Korea Minting and Security Printing Corporation (KOMSCO, entreprise chargée de produire les billets de banque et de battre monnaie).

L'expert a en outre jugé inadapté le budget alloué par le Gouvernement aux mères célibataires, qui reste inférieur à celui alloué aux parents qui adoptent, de sorte que nombre de jeunes étudiantes mères célibataires se trouvent dans l'obligation d'abandonner leurs études.

L'expert a d'autre part déploré certaines restrictions imposées à la double-nationalité, en particulier, un homme ayant la double nationalité dont l'épouse coréenne décède ou divorce doit choisir une des deux nationalités. L'expert a relevé que selon la jurisprudence existante, seuls peu de cas de viol au sein du couple marié (viol conjugal) ont été reconnus; aussi, s'est-il demandé pourquoi la République de Corée préfère s'en remettre à la jurisprudence en la matière plutôt que d'incriminer le viol conjugal dans la législation. L'expert a par ailleurs jugé encore trop élevée la proportion de victimes de viol parmi les enfants de moins de 18 ans.

Une seule plainte pour discrimination fondée sur la race a été enregistrée en République de Corée – c'était en 2008, a pour sa part relevé une experte. Or, des informations font état d'une augmentation de la discrimination raciale dans le pays, a-t-elle souligné. Elle a aussi souligné qu'une définition de la discrimination raciale fait défaut dans la législation coréenne.

Évoquant les mesures antiterroristes mises œuvre par la République de Corée, un membre du Comité a rappelé que si un État peut et doit même prendre des mesures visant à assurer la sécurité publique, il n'en demeure pas moins qu'il convient dans ce contexte de trouver un juste équilibre entre de telles mesures et les libertés individuelles et autres valeurs importantes protégées par le Pacte. Or, neuf ans après l'examen du précédent rapport de la République de Corée, il apparaît que peu de choses aient changé en la matière dans le pays et que celui-ci n'a pas donné suite aux préoccupations et recommandations qu'avait exprimées le Comité à l'époque, s'agissant notamment de l'adoption d'une loi globale dans ce domaine. Aussi, l'expert s'est-il enquis des mesures prises pour protéger le public contre les pouvoirs excessifs accordés aux instances de lutte contre le terrorisme. L'expert a demandé quelle définition la République de Corée retenait du cyberterrorisme. Un autre expert a ajouté que les mesures prises en matière de lutte contre le terrorisme semblent se fonder sur une définition du terrorisme assez floue – en particulier en ce qui concerne le cyberterrorisme – et s'inscrire en dehors de la législation en vigueur.

Un expert s'est enquis des mesures envisagées pour réduire le nombre d'hospitalisations involontaires dans les institutions psychiatriques. La République de Corée est-elle en mesure de confirmer que les pratiques de stérilisation forcée sont désormais considérées comme illégales et passibles de poursuites et de sanctions pénales, a demandé l'expert.

Si la peine capitale n'a pas été exécutée en République de Corée depuis 1997, il n'en demeure pas moins que chaque année, deux à trois peines de mort continuent d'être prononcées, a fait observer une experte. Elle s'est ensuite inquiétée du taux particulièrement élevé de suicides en République de Corée, en particulier parmi les personnes âgées et s'est enquise des causes de ces suicides.

Des informations ont été demandées quant au traitement réservé aux transfuges provenant de la République populaire démocratique de Corée, qui semblent être maintenus dans des centres de détention pour une période de six mois. Un expert a souhaité connaître le nombre total de transfuges admis dans ces centres dits de protection et s'est enquis des garanties accordées à ces personnes durant la procédure d'enquête dont ils font l'objet. Quelle est la durée maximale de la procédure à laquelle sont soumis les transfuges de la République populaire démocratique de Corée, a-t-il été demandé?

Des préoccupations ont en outre été exprimées au sujet de la manière dont les autorités de la République de Corée abordent la question de l'équilibre entre liberté d'expression et diffamation en ligne. Un expert a ainsi regretté le refus de la République de Corée de revoir la loi sur la diffamation, soulignant que l'emprisonnement ne devrait jamais être une peine dans les affaires de diffamation. Il conviendrait d'invoquer le droit civil et non pas le droit pénal dans les affaires de diffamation, a insisté l'expert.

Une experte a souhaité en savoir davantage sur la durée du maintien en détention des réfugiés et requérants d'asile. Au mois de mai 2015, quelque 185 cas de traite de personnes avaient déjà été enregistrés pour cette année, a par ailleurs fait observer cette experte. Elle a déploré que la législation actuellement en vigueur en République de Corée n'incrimine que l'achat et la vente d'êtres humains, de sorte qu'il reste difficile de poursuivre ceux qui ont recruté et exploité des travailleurs migrants.

Si l'emprisonnement cellulaire est possible pour une durée pouvant aller jusqu'à trente jours, comme cela semble être le cas, alors il s'agit d'une durée excessive, a affirmé un membre du Comité.

Un expert s'est inquiété d'informations indiquant que les conseillers juridiques ne peuvent accéder aux lieux de détention situés dans l'aéroport international d'Incheon et aux personnes qui s'y trouvent. Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées et se trouvent actuellement derrière les barreaux en République de Corée parce qu'ils sont objecteurs de conscience, a-t-il par ailleurs déploré, soulignant que la Commission nationale des droits de l'homme avait préconisé que lorsqu'une personne refuse d'effectuer son service militaire, elle se voie proposer un service civil.

Une experte a attiré l'attention sur le surpeuplement carcéral et s'est enquise des efforts déployés pour assainir la situation en la matière et améliorer les conditions de détention. De nombreux décès de détenus sont liés au fait que le traitement médical qu'ils suivaient leur a été supprimé, a-t-elle par ailleurs affirmé. Elle a aussi déploré que la détention au secret soit utilisée dans les centres de détention pour migrants. Un expert s'est inquiété d'informations faisant état de détention en isolement.

L'attention a en outre été attirée sur les lacunes existantes en matière d'incrimination de la violence domestique.

Un expert s'est inquiété des comportements de certains fonctionnaires de l'État à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués. Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés que l'homosexualité semble être considérée comme une maladie en République de Corée.

Réponses de la délégation

S'agissant de la réserve que la République de Corée maintient à l'égard de l'article 22 du Pacte, la délégation a assuré que la République de Corée reconnaît la liberté d'association en vertu de la législation pertinente. Néanmoins, les fonctionnaires de haut rang en République de Corée ne peuvent pas faire partie d'un syndicat, en vertu de la législation en vigueur, et en 2008, la Cour constitutionnelle a validé cette position du Gouvernement coréen; c'est pourquoi il est difficile pour le pays de lever cette réserve, a expliqué la délégation.

En ce qui concerne la définition de la torture, la délégation a indiqué que l'article 125 du code pénal de la République de Corée fait référence aux personnes qui sont responsables d'actes de maltraitance, lesquelles encourent une sanction pouvant aller jusqu'à cinq années d'emprisonnement. Ainsi, la torture est-elle incriminée, notamment lorsqu'elle est perpétrée par des fonctionnaires de l'État dans les lieux de détention.

Pour chacune des années 2012, 2013 et 2014, un cas d'agent de l'État accusé d'acte de torture a fait l'objet de poursuites (soit trois cas au total pour ces trois années), a ensuite indiqué la délégation.

La détention en isolement, pour une période pouvant aller jusqu'à trente jours, figure dans le règlement applicable aux établissements correctionnels, a d'autre part indiqué la délégation. Il y a bien sûr des risques de suicide pour les personnes ainsi placées en détention à l'isolement, mais toutes les précautions voulues sont prises pour les prévenir, a-t-elle ajouté.

Les entreprises coréennes travaillant à l'étranger se doivent de respecter un code de déontologie et se doivent de respecter les droits de l'homme, a souligné la délégation, indiquant que l'Imprimerie nationale (KOMSCO) possède une antenne qui travaille à l'étranger. Une commission nationale a été instituée pour veiller au respect des normes adéquates par les entreprises coréennes travaillant à l'étranger, a précisé la délégation.

Dans une zone maritime au large de la Nouvelle-Zélande, des violations de droits de l'homme ont été enregistrées sur des navires de pêche et les autorités coréennes ont dénoncé ces faits, a poursuivi la délégation. Une enquête a été menée qui a permis de constater que beaucoup restait à faire pour promouvoir le respect des droits de l'homme au bénéfice des personnes travaillant sur les bateaux, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement coréen entend multiplier les enquêtes de terrain pour surveiller les conditions de travail sur les navires appartenant à la flotte de la République de Corée, a insisté la délégation. S'agissant du travail forcé dans l'industrie du coton, des poursuites ont été engagées contre certaines entreprises coréennes, a-t-elle par ailleurs souligné.

La délégation a ensuite attiré l'attention sur les mesures mises en place pour aider les jeunes filles mères célibataires afin qu'elles bénéficient de tous les services et soins nécessaires. Il faut veiller à ce que les jeunes filles mères puissent continuer leurs études, notamment en prenant des mesures visant à assurer la prise en charge des enfants de ces étudiantes, a souligné la délégation.

Répondant aux observations des membres du Comité sur la discrimination à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI), la délégation a indiqué qu'après plusieurs affaires tragiques de décès suite à des attaques, un volet de sensibilisation a été adjoint aux programmes traditionnels de formation, notamment au Ministère de la défense. Les actes de violence dans ce contexte ont considérablement diminué depuis un an grâce à ces mesures, a assuré la délégation. Il n'est pas possible de demander à changer de sexe lorsque l'on a un enfant en bas âge, a par la suite indiqué la délégation en réponse à une autre question.

La délégation a assuré que des sanctions avaient été prononcées dans des cas de discrimination raciale. Elle a plus particulièrement fait état d'une affaire remontant à 2014 où, dans un autobus, un étranger avait entendu des remarques haineuses proférées à son encontre par un ressortissant coréen; la victime avait alors déposé plainte et le procureur avait inculpé l'auteur du chef d'insulte – ce qui est érigé en infraction par le droit coréen.

Dans le contexte d'un mariage mixte, la délégation a fait valoir que si le motif du divorce est imputable à celui des deux époux qui est ressortissant de la République de Corée, celui qui ne l'est pas peut demeurer dans le pays.

En avril 2011, la législation en vigueur a été révisée pour protéger les femmes migrantes mariées, a ajouté la délégation; ainsi, si un époux est victime de violence domestique, il peut engager une action en justice et la victime présumée peut voir son permis de résidence prolongé jusqu'à ce que la justice ait rendu sa décision.

En République de Corée, la participation des femmes dans la sphère économique est en augmentation et le pays enregistre une diminution des écarts salariaux entre hommes et femmes, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne le viol conjugal, la délégation a indiqué que l'article 297 du code pénal prévoyait des sanctions pour tous les cas de viol; or, aucune disposition de cet article n'exclut le viol entre époux du champ d'application de la loi, a souligné la délégation, ajoutant que la Cour suprême avait rendu un arrêt unanime sur cette question.

La délégation a ensuite attiré l'attention sur le budget alloué au renforcement des institutions de protection de l'enfance.

La cause profonde du taux élevé de suicide dans le pays est à rechercher dans la crise économique et le sentiment de solitude parmi les personnes âgées, les femmes devant quant à elles assumer des responsabilités accrues. La délégation a mis l'accent sur les efforts de prévention déployés au niveau communautaire pour réduire ce taux.

La délégation a reconnu l'importance de garantir l'indépendance de la Commission nationale des droits de l'homme de la République de Corée.

S'agissant de la définition du terrorisme et du cyberterrorisme, la délégation a indiqué que des projets de lois sur la lutte contre le terrorisme étaient en cours d'examen. Les questions relatives aux différentes définitions du terrorisme et à leur impact potentiel sur les droits fondamentaux font encore l'objet de discussions au sein de l'Assemblée nationale, a-t-elle précisé. Le Gouvernement ne ménagera aucun effort pour préserver les droits fondamentaux dans le cadre des mesures adoptées dans la lutte contre le terrorisme, a assuré la délégation.

Pour ce qui est de l'abolition de la peine capitale, la délégation a indiqué que l'Assemblée nationale avait engagé des auditions et des discussions afin de parvenir à un consensus national sur cette question.

En ce qui concerne les mauvais traitements imputables à la police, la délégation a assuré que de tels cas sont dûment rapportés lorsqu'il s'en produit, mais a souligné qu'en raison du manque de preuves, peu de poursuites sont engagées concernant ces affaires.

Le Gouvernement a pris des mesures pour prévenir l'hospitalisation involontaire ainsi que la stérilisation des personnes souffrant de troubles psychosociaux, a fait valoir la délégation. Un projet de loi a été présenté en 2014 en vue d'imposer des conditions plus strictes à l'hospitalisation involontaire. La stérilisation forcée constitue un acte illégal, a ajouté la délégation, avant de souligner que c'est à l'État et aux gouvernements locaux qu'il incombe de gérer et de superviser les institutions de santé mentale. Le personnel de ces institutions est obligé de suivre une formation en matière de droits de l'homme, a insisté la délégation.

La garde à vue d'une personne peut durer 48 heures avant qu'un mandat d'arrêt soit délivré à son encontre, faute de quoi la personne devra être libérée, a indiqué la délégation.

Quant à la durée de détention applicable aux migrants, aucune limite n'est fixée en la matière et la délégation a reconnu que la durée de détention des migrants pouvait parfois être considérée comme excessive.

S'agissant des transfuges en provenance de République populaire démocratique de Corée, la délégation a indiqué que c'est la Cour suprême qui statue en la matière. Avant qu'une enquête ne soit ouverte à leur sujet, ces personnes se voient informées de la durée que prendra cette enquête, a ajouté la délégation.

La délégation de la République de Corée a reconnu l'importance de la liberté d'expression, mais a souligné que l'information circulait rapidement sur Internet et qu'il a donc fallu adapter la législation, en particulier pour faire face à la diffusion d'informations erronées ou malveillantes et de matériels pédopornographiques. Il faut notamment protéger la réputation des personnes.

En ce qui concerne les droits syndicaux, la délégation a souligné que le droit d'assemblée et la liberté de réunion faisaient partie des droits fondamentaux garantis par la Constitution coréenne. Elle a rappelé que le droit de se syndiquer était reconnu aux employés. La délégation a toutefois affirmé que le syndicat KGU bafouait les dispositions de la loi et rappelé que la Cour constitutionnelle avait rendu cette année un avis soutenant la position du Gouvernement sur ces questions.

S'agissant de la loi sur la sécurité nationale, la délégation a rappelé que l'article 7 de cette loi concernait les relations existantes entre les deux Corée et veillait à ce que toutes les mesures de sécurité puissent être prises pour protéger l'existence de la République de Corée. Les activités portant atteinte à l'ordre ou à l'essence même du pays sont donc sanctionnées, a-t-elle indiqué.

Après avoir souligné que la loi sur les migrations prévoyait la protection des migrants, la délégation a indiqué que la durée maximale de détention des migrants était de 20 jours et pouvait être renouvelée. Mais on veille à ce que la durée maximale de détention ne dépasse jamais trois mois. La légalité de la détention des migrants peut être réexaminée par le pouvoir judiciaire, a fait valoir la délégation.

Lorsqu'un étranger souhaite faire une demande d'asile à son arrivée à l'aéroport en République de Corée, il est statué sous sept jours sur le droit de cette personne à présenter une telle demande. Une fois la décision prise, la procédure adéquate est engagée; mais tant que la décision n'est pas prise, la personne reste placée dans le centre de rétention de l'aéroport, a indiqué la délégation, avant d'ajouter que la personne peut quitter ce centre qui n'est donc pas un centre de détention.

Revenant sur la définition de la torture, la délégation a indiqué que le code pénal en vigueur définissait un acte cruel ou une agression comme constituant une torture et ne limite pas celle-ci à un acte physique. Le délai de prescription est d'une année, a précisé la délégation.

S'agissant de l'objection de conscience, la délégation a rappelé que selon la Constitution de la République de Corée, les obligations militaires incombent à tout citoyen. Les objecteurs de conscience, s'ils ne sont pas sanctionnés, peuvent poser des problèmes à la société, a-t-elle estimé. Si la situation sécuritaire de la péninsule coréenne évolue positivement et s'il existe un consensus au sein de la population concernant la mise en place d'un service civil, alors la République de Corée ira dans ce sens, a assuré la délégation.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CT15/034F