Aller au contenu principal

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES: AUDITION D'ONG SUR LA SITUATION EN RUSSIE, AU PORTUGAL, AU LIBÉRIA ET EN SLOVÉNIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants d'organisations non gouvernementales et d'une institution nationale des droits de l'homme au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir la Fédération de Russie, le Portugal, le Libéria et la Slovénie.

S'agissant de la Fédération de Russie, l'attention a notamment été attirée sur les trois groupes de femmes considérés comme les plus stigmatisées du pays, à savoir les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, les travailleuses du sexe et les femmes toxicomanes. A également été dénoncée la discrimination à l'encontre des femmes dans le domaine de l'emploi.

En ce qui concerne le Portugal, il a notamment été souligné que près d'un quart des femmes vivent sous le seuil de pauvreté dans ce pays. Ont par ailleurs été déplorées la faible participation politique des femmes, ainsi que la violence contre les femmes et les lacunes en matière de santé génésique.

Pour ce qui est du Libéria, il a été souligné que beaucoup reste à faire, notamment dans les domaines de la santé et de l'accès à la justice, dans un contexte général où la discrimination et la marginalisation dont souffrent les femmes s'aggravent. Le Comité a en outre été invité à demander au Gouvernement libérien d'accélérer l'adoption d'une loi contre la violence domestique.

S'agissant enfin de la Slovénie, l'attention a notamment été attirée sur les problèmes qui se posent en matière d'égalité entre hommes et femmes, d'indépendance économique des femmes et de violence contre les femmes.

Des échanges entre les experts membres du Comité et les représentants de la société civile ont suivi les présentations des organisations non gouvernementales.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Fédération de Russie (CEDAW/C/RUS/8).


Audition des organisations non gouvernementales

S'agissant de la Fédération de Russie

L'Union of Independant LGBT Activists, la Coalition of Sex Workers and their Supporters et Coalition of Women who Use Drugs ont attiré l'attention sur les problèmes qui se posent en Fédération de Russie s'agissant des trois groupes de femmes les plus stigmatisées du pays: les lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées, les travailleuses du sexe et les femmes toxicomanes. Un cinquième des Russes souhaiteraient que ces femmes soient éliminées, a indiqué l'oratrice, dénonçant le climat homophobe qui règne en Fédération de Russie. Elle a aussi souligné que le travail du sexe était illégal dans le pays et que l'usage de stupéfiants par un parent suffit à justifier que la garde de son enfant lui soit retirée.

Anti-Discrimination Centre Memorial a souhaité que le Comité appelle la Fédération de Russie à cesser toute tentative de restreindre le droit des femmes de contrôler leur planification familiale et mette fin à toute discrimination à l'encontre des femmes dans le domaine de l'emploi. La Fédération de Russie doit en outre être appelée à abroger la loi sur les «ONG agents étrangers».

Le Centre for Civil Liberties (au nom de la Coalition des organisations Ukrainiennes des droits de l'homme) a rappelé que la Fédération de Russie avait annexé la Crimée et exerçait un contrôle de facto sur la région du Donbass. Les discriminations plurielles sont communes pour les citoyens de Crimée, notamment pour les femmes tatares, a déclaré l'ONG, avant d'affirmer que la Fédération de Russie avait fait des femmes et des enfants des boucliers humains.

Russian Justice Initiative (Women and Girls in the North Caucasus) a déploré que le Gouvernement fédéral russe ne soit pas en mesure de contrecarrer les politiques associées au droit coutumier et à la charia qui ont cours dans le Caucase Nord, où les mariages forcés sont très répandus et où la polygamie est également très répandue

Centre for Reproductive Rights a dénoncé la remise en cause, ces dernières années, en Fédération de Russie, des principes d'égalité et de non-discrimination entre hommes et femmes, en particulier pour ce qui a trait aux droits de reproduction.

Un représentant du Haut-Commissariat pour les droits de l'homme de la Fédération de Russie a rappelé que selon la loi constitutionnelle fédérale, le poste de Haut-Commissaire qu'il occupe a été créé afin de s'assurer de la protection par l'État des droits et libertés et de leur respect par les autorités étatiques, les organes autonomes locaux et les fonctionnaires. Il a rappelé que le Haut-Commissaire reçoit des plaintes et mène des enquêtes sur ces plaintes. S'il n'a reçu aucune plainte pour discrimination ou violence contre les femmes, le Haut-Commissaire n'en est pas moins, en tant que membre de la Commission étatique de la prévention du crime, en contact étroit avec des ONG russes traitant des questions relatives aux droits des femmes, en conséquence de quoi le Haut-Commissaire estime que le nombre de plaintes est nettement en dessous de l'importance réelle du phénomène.

Une experte du Comité s'est étonnée que les femmes toxicomanes n'aient pas accès, entre autres, à la prévention du VIH/sida, alors qu'elles font partie des personnes qui en auraient le plus besoin. Une autre experte a relevé que nombre d'ONG ayant été enregistrées comme «agents étrangers» avaient engagé des actions devant les tribunaux russes pour contester cette décision; elle a donc souhaité savoir si, une fois la cause perdue devant les tribunaux russes, des actions ont été intentées devant la Cour européenne des droits de l'homme ou devant les mécanismes d'examen de plaintes individuelles de comités tels que le Comité des droits de l'homme. Une experte a fait observer que la Fédération de Russie n'avait toujours pas adopté deux lois importantes: celle sur l'égalité entre hommes et femmes et celle sur la violence au sein de la famille.

Une organisation non gouvernementale a déclaré qu'au début de l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, il y avait en Crimée 80 enseignants de langue ukrainienne; à la rentrée 2015, il n'en restait plus que vingt. Une autre ONG a souligné qu'il n'y avait pas de politique de prévention de la consommation de drogues en Fédération de Russie. Plus de 30 organisations ayant été inscrites en Fédération de Russie sur la liste des «agents étrangers» ont intenté une action devant la Cour européenne des droits de l'homme, a indiqué une ONG.


S'agissant du Portugal

La Plateforme portugaise pour les droits des femmes / Rede Portuguesa de Jovens para a Igualdade de Oportunidades entre Mulheres e Homens a notamment souligné que près d'un quart des femmes vivent sous le seuil de pauvreté au Portugal. Elle a en outre déploré la faible participation politique des femmes, ainsi que la violence contre les femmes et les lacunes en matière de santé génésique.

EOS-Association for Research, Cooperation and Development a dénoncé l'inégale représentation des femmes au sein du Parlement portugais. Il est rare que les cas de violence contre les femmes soient poursuivis devant les tribunaux, a ajouté l'ONG.

L'Associação Portuguesa pelos Direitos da Mulher na Gravidez e Parto a jugé incomplète, bien qu'obligatoire, l'éducation sexuelle dispensée au Portugal. Elle a en outre rappelé que les femmes homosexuelles n'ont droit ni à l'adoption ni au droit de garde.

L'Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués - Portugal a notamment dénoncé le vide absolu qui prévaut dans le pays en ce qui concerne l'orientation médicale à l'intention des personnes intersexes. Elle a également déploré que la reconnaissance juridique du genre requière la présentation d'un rapport de diagnostic de trouble d'identité sexuelle, alors que la loi n'établit pas qui est ou n'est pas compétent pour établir un tel diagnostic, ce qui n'a pas empêché l'établissement d'une liste de cliniques jugées compétentes.

Suite à une question sur les conséquences de la politique d'austérité qui a touché le pays, une organisation non gouvernementale a déclaré que l'enseignement avait très fortement souffert des mesures d'austérité prises dans le pays; dans nombre d'écoles primaires, les élèves des premier et deuxième degrés (d'enseignement primaire) ont ainsi été mélangés. Au niveau universitaire, de nombreux étudiants doivent abandonner leurs études en cours de route, y compris parce qu'ils ne disposent pas de l'argent nécessaire pour s'acquitter des frais d'inscription.

Une experte du Comité ayant souhaité en savoir davantage au sujet de la situation des femmes travailleuses migrantes, en particulier africaines, l'organisation non gouvernementale a souligné qu'il convenait notamment de rappeler que le Portugal avait ratifié la Convention de l'OIT sur les travailleurs domestiques mais ne l'a pas transposée dans son droit interne.

Un membre du Comité ayant souhaité savoir si l'accès des femmes à la justice était entravé du fait du caractère obligatoire de l'assistance d'un avocat, une organisation non gouvernementale a expliqué que toute personne pouvait ester en justice même si elle n'a pas les moyens de payer un avocat grâce à l'aide juridictionnelle; néanmoins, il est fréquent que les femmes ne connaissent pas leurs droits ni les démarches à entreprendre pour avoir accès à cette aide, a-t-il été souligné. Au Portugal, la violence familiale n'est pas considérée comme une circonstance aggravante lorsqu'il s'agit de prendre une décision relative au droit de garde de l'enfant et bien souvent, les femmes choisissent de continuer de vivre avec leur agresseur.

S'agissant du Libéria

Women NGO Secretariat of Liberia a déclaré que depuis 2006, le pays avait obtenu d'importants résultats en matière d'autonomisation et de participation des femmes. Néanmoins, beaucoup reste à faire, notamment dans les domaines de la santé, en particulier face à l'épidémie d'Ebola, et de l'accès à la justice.

Voices of the Voiceless a souligné que nombre de positions exprimées dans le cadre de l'évaluation en cours de la Constitution de 1986 ont trait aux questions de genre, dans un contexte où la discrimination et la marginalisation dont souffrent les femmes s'aggravent. Le Comité devrait demander au Gouvernement libérien d'accélérer l'adoption d'une loi contre la violence domestique et d'indiquer dans quel délai il entend adopter la loi sur l'équité entre les sexes.

Une experte du Comité s'étant enquise de l'impact de la maladie Ebola dans le pays, notamment du point de vue de l'autonomisation économique des femmes, une organisation non gouvernementale a indiqué que depuis le processus d'adoption du plan de redressement post-Ebola, nombre d'organisations de la société civile ont été consultées.

L'experte s'étant inquiétée d'informations faisant état de violences sexuelles et sexistes dont auraient été victimes les femmes durant l'épidémie d'Ebola et de pratiques culturelles ayant contribué à la propagation de la maladie, une autre ONG a déclaré que certaines pratiques culturelles ont effectivement favorisé l'épidémie du virus Ebola, notamment lorsque les familles lavaient les corps de leurs défunts, ce qui contribuait à la propagation de l'épidémie.

S'agissant de la Slovénie

Lobby des femmes de Slovénie a attiré l'attention sur les problèmes qui se posent en Slovénie en matière d'égalité entre hommes et femmes – un concept encore mal compris dans le pays, d'indépendance économique des femmes – notamment pour les femmes vivant seules avec leurs enfants, et de violence contre les femmes.

L'Association SOS Helpline for Women and Children Victims of Violence a déclaré que si des amendements ont certes été apportés au Code pénal concernant la violence contre les femmes, les ONG et autres formes de soutien aux victimes – notamment en termes de soutien psychosocial – ne sont pas réparties de façon homogène sur l'ensemble du territoire slovène.

Une organisation non gouvernementale a fait état des mesures incitatives prises dans le pays pour réduire le chômage des jeunes et a déclaré que ces mesures se sont traduites par un recrutement bien plus nombreux de jeunes hommes que de jeunes femmes alors que ces dernières étaient plus durement touchées par le chômage. Les salaires des fonctionnaires, parmi lesquels figurent de nombreuses femmes, ont baissé de 8% dans le cadre des mesures d'austérité prises par les autorités, a en outre souligné l'ONG.

Une experte du Comité ayant demandé comment était perçue en Slovénie la situation migratoire en Europe, l'ONG a indiqué que la société civile avait insisté sur la nécessité de mettre en place à l'intention des femmes requérantes d'asile en Slovénie des mesures sexospécifiques (afin notamment de leur assurer un accès à l'eau chaude et à des couches pour enfants). Désormais, les choses se sont quelque peu améliorées car les demandes des femmes et les enfants requérants d'asile sont examinées à titre prioritaire dans le cadre de procédures accélérées, a ajouté l'ONG.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW15/031F