Aller au contenu principal

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU MAROC

Compte rendu de séance
Alors que 200 000 personnes arrivent chaque année sur le marché du travail, la croissance dans le pays est faiblement créatrice d'emplois

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné hier après-midi et ce matin le rapport du Maroc sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport marocain a été présenté par le Ministre de l'emploi et des affaires sociales, M. Abdeslam Seddiki, qui a rappelé qu'en 2011, suite à un référendum populaire, une nouvelle constitution a été adoptée qui a consacré les droits et libertés fondamentaux universellement reconnus, y compris les droits économiques, sociaux et culturels. Cette Constitution prévoit la création d'un certain nombre d'institutions de promotion et de protection de ces droits et met l'accent sur la diversité culturelle et linguistique en officialisant la langue amazighe et en soulignant l'importance de préserver la langue hassani et de protéger les dialectes et les expressions culturelles utilisés. La Constitution accorde en outre aux régions d'importants pouvoirs dans les domaines du développement économique et social. Le Maroc a réalisé des progrès considérables quant à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, a fait valoir M. Seddiki, attirant notamment l'attention sur le recul du taux de pauvreté.

L'imposante délégation marocaine était également composée du Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, M. Mohamed Auajjar, ainsi que de représentants d'un grand nombre de ministères, ainsi que de la Délégation interministérielle aux droits de l'homme; du Centre national d'évaluation des programmes au Haut-Commissariat au plan; de l'Agence pour la promotion et le développement économique et social des Provinces du Sud du Royaume; du Conseil économique, social et environnemental; et de l'Institut royal de la culture amazighe. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, du Sahara occidental, y compris pour ce qui est du droit au consentement préalable des populations concernées dans le contexte de l'exploitation des ressources naturelles; de l'évolution du secteur agricole et des inégalités entre zones rurales et urbaines; de la situation des femmes, y compris pour ce qui est de la polygamie, de la violence contre les femmes, des mariages forcés et des mariages de mineurs; des questions de santé et d'éducation; des personnes handicapées; de la «question amazighe»; des questions relatives à l'emploi. À cet égard, la délégation a notamment souligné qu'alors que la moitié des chômeurs sont âgés de 15 à 24 ans et que 200 000 personnes arrivent sur le marché du travail chaque année, le Maroc a une croissance faiblement créatrice d'emplois.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Maroc, M. Rodrigo Uprimny, a déclaré que le Maroc a déployé des efforts pour améliorer les droits de l'homme depuis l'examen de son précédent rapport, en 2006. Mais des préoccupations demeurent, notamment s'agissant de l'article 19 de la Constitution qui consacre l'égalité entre hommes et femmes, mais qui établit qu'elle se fera «dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume». Par ailleurs, la langue amazighe est certes reconnue comme langue officielle mais la loi organique de mise en œuvre n'a pas encore été adoptée. Le rapporteur a également évoqué les problèmes de l'autodétermination au Sahara occidental, des disparités entre les Amazighs et le reste de la population ou encore de la persistance de problèmes en termes d'égalité entre hommes et femmes.

Le Comité adoptera, avant la fin de la session, des observations finales sur le rapport du Maroc dans le cadre de séances privées.


Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Soudan (E/C.12/SDN/2).


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport du Maroc (E/C.12/MAR/4), ainsi que de ses réponses (E/C.12/MAR/Q/4/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (E/C.12/MAR/Q/4).

M. ABDESLAM SEDDIKI, Ministre de l'emploi et des affaires sociales du Royaume du Maroc, a souligné qu'il s'agit ici de présenter les progrès réalisés par le pays en termes de mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels depuis l'examen de son troisième rapport périodique en 2006. Le Royaume du Maroc réitère son engagement à maintenir sa coopération avec le système des droits de l'homme des Nations Unies, a indiqué le Ministre. Il a rappelé que le Maroc a apporté sa contribution au processus de renforcement des organes conventionnels. Cinq procédures spéciales se sont rendues dans le pays depuis 2011 et la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation se rendra dans le pays la semaine prochaine, a indiqué M. Seddiki. Le Maroc a mis en place un plan d'action pour rattraper certains retards en matière de présentation de rapports devant les organes de traités, a ajouté le Ministre.

Le Maroc a adopté une stratégie multidimensionnelle pour promouvoir et protéger les droits de l'homme, a poursuivi M. Seddiki, attirant notamment l'attention sur la mise en place de la Plateforme citoyenne pour la promotion de la culture des droits de l'homme, du Plan national d'action en matière de démocratie et de droits de l'homme, ou encore du Plan gouvernemental pour l'égalité en perspective de la parité. Le pays a également adopté des politiques publiques et des plans sectoriels. Près de 11 institutions nationales de droits de l'homme, de développement durable et de gouvernance ont été créées, a ajouté le Ministre.

En juillet 2011, a été adoptée suite à un référendum populaire une nouvelle Constitution qui a consacré les droits et libertés fondamentaux universellement reconnus, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, a fait valoir M. Seddiki. Cette Constitution prévoit la création d'un certain nombre d'institutions de promotion et de protection de ces droits et met l'accent sur la diversité culturelle et linguistique en officialisant la langue amazighe et en soulignant l'importance de préserver la langue hassani et de protéger les dialectes et les expressions culturelles utilisés, a poursuivi le Ministre. Cette Constitution accorde en outre aux régions d'importants pouvoirs dans les domaines du développement économique et social, tout en promouvant des mécanismes de démocratie participative au niveau régional, a ajouté M. Seddiki. Elle contient également des dispositions relatives à la protection de la propriété, à la liberté d'initiative et d'entreprise, à la libre concurrence et au droit de grève, entre autres, a précisé le Ministre. La Constitution consacre par ailleurs le droit d'accès aux traitements médicaux, aux soins de santé, à la protection sociale, à une éducation moderne, à la formation professionnelle, au logement convenable, à l'emploi, à l'eau, à un environnement sain et au développement durable, entre autres. M. Seddiki a ajouté que le pays avait également adopté un certain nombre de textes de lois relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, y compris dans le système pénal. Ce développement du corpus juridique et institutionnel du pays s'est accompagné de mesures parallèles visant à promouvoir ces droits, en particulier pour soutenir le pouvoir d'achat et la création d'emplois et l'universalisation de l'accès aux services de base, a indiqué M. Seddiki.

Pour ce qui est des droits des femmes, le Maroc a pris diverses mesures visant à combattre la violence contre les femmes, à promouvoir une approche sexospécifique dans le budget public et à garantir l'accès (des femmes) aux services et installations publics, tout en soutenant la participation des femmes dans la gestion des affaires publiques, a poursuivi le Ministre de l'emploi et des affaires sociales, faisant observer que ces réformes ont suscité une reconnaissance internationale qui a contribué au renforcement de la coopération du Maroc avec plusieurs autres pays, en particulier pour ce qui est de la coopération sud-sud. M. Seddiki a rappelé que Marrakech avait accueilli du 27 au 30 novembre la deuxième édition du Forum mondial des droits de l'homme.

Le Maroc a réalisé des progrès considérables quant à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et ce, en dépit des défis et difficultés que rencontre l'économie nationale en raison de la crise économique mondiale et du ralentissement du rythme de développement des économies mondiales, a fait valoir M. Seddiki. Il a notamment attiré l'attention sur le recul du taux de pauvreté, qui est passé de 15,3% en 2001 à 6,2% en 2011, ainsi que sur la baisse du taux d'analphabétisme, qui est passé de 43% en 2004 à 30% en 2012. Le taux de scolarisation est passé de 91,4% en 2008 à 99,5% en 2014, a ajouté le Ministre, précisant que le taux d'abandon scolaire était passé, quant à lui, de 4,6% en 2008 à 2,3% en 2014. La couverture médicale a atteint 62% en 2015, a poursuivi M. Seddiki, avant de faire valoir la baisse de 64% du taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans entre 1992 et 2011 (30 décès pour mille naissances vivantes en 2011 contre 84 pour mille). Quant au taux de mortalité maternelle, il est passé de 332 décès pour mille en 1992 à 112 en 2011, a ajouté le Ministre. Il a par ailleurs fait état d'une baisse de 30% du déficit de logements sociaux au cours de la période 2012-2014.

M. Seddiki a indiqué que le taux de chômage avait été stabilisé à 9% durant la période 2010-2014. Le nombre de salariés déclarés auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale est quant à lui passé de 1,58 million en 2005 à 3 millions en 2014, a-t-il précisé. Il a d'autre part fait valoir que l'indicateur de parité entre les sexes dans l'accès à l'éducation est passé de 0,89 à 0,95 entre 2009 et 2013. M. Seddiki a enfin souligné que le taux d'accès à l'électricité dans les zones rurales était passé de 9,7% en 1994 à 97% en 2012, alors que le taux d'accès à l'eau potable dans ces zones passait de 85% en 2007 à 93% en 2012. Tous ces indicateurs témoignent des progrès accomplis par le Maroc dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, a insisté le Ministre, soulignant que ces accomplissements sont confirmés par plusieurs rapports et certifications émanant d'organisations telles que le PNUD, ONU-Habitat, la FAO, l'UNESCO ou encore la Banque mondiale.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. WALEED SADI, Président du Comité, a déclaré que le Maroc avait incontestablement réalisé d'importants progrès dans de nombreux domaines et l'objet du présent dialogue est de déterminer où se situent encore les lacunes.

M. RODRIGO UPRIMNY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Maroc, a fait observer que ce quatrième rapport périodique était attendu en 2009 et n'a été reçu qu'en 2013; il a donc exprimé le souhait que les prochains rapports du pays soient soumis au Comité dans les délais requis.

Depuis l'examen de son précédent rapport, en 2006, le Maroc a déployé des efforts pour améliorer les droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, et a accompli des progrès en la matière, en particulier au travers de l'adoption de la Constitution de 2011, qui améliore beaucoup la protection de ces droits, a relevé le rapporteur, qui a également salué par ailleurs la mise en place du Conseil national des droits de l'homme.

Mais nul n'est parfait et des préoccupations demeurent, a poursuivi M. Uprimny. Il a ainsi fait observer que l'article 19 de la Constitution, qui consacre l'égalité entre hommes et femmes, établit néanmoins que cela se fera «dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume». Par ailleurs, la langue amazighe est certes reconnue comme langue officielle mais la loi organique pour mettre en œuvre cette reconnaissance n'a pas encore été adoptée, a fait observer le rapporteur. Il a également cité le problème de l'autodétermination au Sahara occidental, le problème des disparités entre les Amazighs et le reste de la population ou encore la persistance de problèmes en termes d'égalité entre hommes et femmes.

M. Uprimny s'est ensuite interrogé sur la justiciabilité réelle des droits économiques, sociaux et culturels tels que reconnus par le Pacte. Il s'est également interrogé sur le sens qu'il convenait d'accorder à l'affirmation selon laquelle le Maroc est un État islamique dans le cadre de constantes qui doivent être respectées. Il semblerait que l'homosexualité soit incriminée en vertu de l'article 489 du Code pénal, s'est inquiété M. Uprimny.

Un autre membre du Comité s'est réjoui qu'un projet de loi de prévention et de lutte contre la corruption ait été adopté cette année par la chambre des représentants. Mais qu'en est-il de la garantie d'anonymat pour les dénonciateurs devant l'instance chargée de la lutte contre la corruption, a demandé l'expert ? La définition de la corruption retenue par la loi n'inclut pas le conflit d'intérêts, a-t-il en outre relevé.

Ces dernières années, le Maroc a connu une croissance continue, supérieure à 4% par an en moyenne, a fait observer un expert, avant de s'enquérir de l'effet de la coopération internationale sur la croissance économique du pays.

Dans quelle mesure les très fortes disparités entre zones rurales et zones urbaines dans la manière dont les droits économiques, sociaux et culturels ont-elles été réduites, a demandé une experte ?

Un membre du Comité a souhaité savoir dans quelle mesure le droit à la santé est opposable dans le pays. Qu'en est-il de l'intention du Maroc de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte (qui reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles) et, le cas échéant, dans quels délais, a en outre demandé l'expert ?

Un autre expert s'est demandé dans quelle mesure les droits économiques, sociaux et culturels étaient bien invoqués et pris en compte dans les tribunaux marocains.

Rappelant le droit des peuples à disposer de leurs ressources naturelles, un membre du Comité a déploré que le Maroc n'ait fourni aucune information au sujet de l'exploitation des ressources naturelles provenant du Sahara occidental. Le droit contemporain prévoit le droit au consentement préalable libre et éclairé des populations concernées, a rappelé cet expert, avant de demander dans quelle mesure le Maroc avait obtenu le consentement du peuple sahraoui concernant l'exploitation des ressources naturelles de ce territoire.

Un autre expert a rappelé qu'en 2006, le Comité avait demandé au Maroc d'arriver à une solution durable et définitive du problème de l'autodétermination au Sahara occidental. Il semblerait que le Maroc entende soumettre par référendum à la population un statut d'autonomie: est-ce ainsi que le Maroc entend donner suite à la demande du Comité et que se passera-t-il si la population n'accepte pas ce statut d'autonomie, a souhaité savoir l'expert ? Ce même expert a d'autre part déploré l'absence de loi globale contre la discrimination qui inclurait tous les motifs de discriminations énoncés par le Comité dans son observation générale n°20. Certaines ONG se sont plaintes que la société civile n'ait pas été consultée dans le processus d'élaboration du présent rapport, a également fait observer l'expert.

Qu'en est-il du salaire minimum au Maroc, a-t-il été demandé ?

Un expert a souhaité savoir si le fait qu'environ 40% des travailleurs au Maroc sont actifs dans le secteur informel faisait obstacle à la jouissance des droits énoncés dans le Pacte pour ces travailleurs. Qu'en est-il de l'inspection du travail dans les zones franches telles que celle de Tanger (pour le secteur du textile), a demandé ce même expert ?

Le Maroc considère-t-il comme bon son taux de chômage, dont la délégation a indiqué qu'il s'était stabilisé à 9% ces dernières années, a demandé un autre membre du Comité ? Le projet de loi 97.13 sur les droits des personnes handicapées a-t-il été adopté, a-t-il en outre voulu savoir ? L'expert a demandé quelle suite avait été donnée s'agissant de l'intention des autorités marocaines d'introduire dans le secteur privé un quota de 5% pour l'emploi de personnes handicapées, alors que le quota prévu pour le secteur public était de 7%.

Un expert s'est inquiété du manque de garanties concernant les droits collectifs des travailleurs, notamment le droit de grève.

Tout en saluant les «réalisations remarquables» du Plan «Maroc Vert» lancé en 2009 dans le domaine de l'agriculture, un membre du Comité a souhaité savoir si les autorités marocaines approchent de manière équilibrée les deux piliers de ce Plan que sont la modernisation de l'agriculture à haute valeur ajoutée, d'une part, et l'agriculture solidaire, de l'autre. La concurrence – notamment en termes d'accès aux marchés – entre les petits producteurs et les nouveaux producteurs agro-industriels est-elle un défi que le Maroc est en mesure de relever, a par ailleurs demandé l'expert.

Une experte a fait observer que l'incidence de la polygamie, en dépit d'une tendance générale à la baisse, reste fluctuante puisque l'année 2009 a enregistré une recrudescence de cette pratique. Quoi qu'il en soit, le problème reste que la polygamie n'est pas interdite, a constaté l'experte. Elle a aussi voulu savoir si les autorités marocaines ont-elles l'intention d'interdire le mariage des enfants, qui est synonyme de mariage forcé. Il ne saurait par ailleurs en aucun cas être accepté que perdure la possibilité pour l'auteur d'un viol de se marier avec sa victime, a ajouté l'experte.

Eu égard aux taux de scolarisation et autres chiffres relatifs à l'éducation, il semblerait que le défi pour ce qui est de l'éducation au Maroc ne tienne pas tellement à un aspect quantitatif, mais plutôt à un aspect qualitatif, a souligné un membre du Comité.

Un membre du Comité a soulevé la question du droit à la santé et à un niveau de vie adéquat dans les prisons, où, selon diverses informations, les conditions semblent très difficiles alors que la surpopulation carcérale est de 60%. Cet expert a ensuite fait observer qu'une majorité d'enfants n'a pas accès à l'éducation préscolaire. Qu'en est-il des stratégies précises pour promouvoir le taux de participation des femmes sur le marché du travail, a en outre demandé l'expert ? Cette dernière question n'est pas sans lien avec celle de l'accès à l'éducation préscolaire, a-t-il fait observer, plaidant pour des mesures d'harmonisation entre vie privée et vie publique pour les femmes. La présence, bien réelle, de la langue amazighe dans les médias et dans l'enseignement, reste insuffisante, a en outre affirmé cet expert. Il a par ailleurs souhaité savoir si ou non les relations homosexuelles étaient incriminées au Maroc. Qu'en est-il des droits culturels du peuple sahraoui et des mesures prises pour les promouvoir, a enfin demandé l'expert?

Réponses de la délégation

La délégation a reconnu qu'il y avait toujours un hiatus entre les aspirations et les réalisations, avant de souligner que le Maroc n'était pas un pays riche, mais un pays classé parmi les pays à revenus intermédiaires. Elle a insisté sur le climat démocratique qui règne dans le pays et a salué la volonté et l'engagement du peuple et des forces vives de la société marocaine. «Les syndicats et les politiques sont reconnus comme moyens d'encadrement de la population», a déclaré la délégation, qui a réitéré que la Constitution de 2011 marquait «un tournant dans l'histoire du Maroc» qui se trouve ainsi hissé au rang de «pays démocratique ou tout du moins de pays en transition démocratique». La délégation a par ailleurs fait observer qu'a été reconnue la diversité du peuple marocain, qu'il s'agisse des Arabes, des Amazighs, des chrétiens, des juifs, des musulmans et même des athées. La majorité du peuple marocain est certes musulmane mais d'autres religions sont reconnues et pratiquées, a insisté la délégation, précisant qu'un «État islamique n'est pas un État musulman».

Le Maroc n'est pas un État régulateur ni un État libéral à proprement parler, mais un État interventionniste, a expliqué la délégation. Le secteur public reste important et même stratégique, notamment dans les domaines des transports, de l'éducation, de la santé, ou encore de l'aide sociale aux personnes ayant des besoins spécifiques, a-t-elle déclaré. Le pays a l'ambition d'aller plus loin en matière de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels; il avance en fonction de ses moyens et entend les utiliser au mieux afin de satisfaire les besoins du peuple marocain. Il y a encore à faire, mais les autorités sont déterminées à aller de l'avant. La délégation a aussi expliqué que parmi les raisons du retard relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, résidait le fait que n'avait pas été accordé suffisamment de pouvoirs au niveau régional.

En ce qui concerne le «problème du Sahara marocain», la délégation marocaine a tenu à réitérer l'engagement du Maroc de continuer à travailler avec les Nations Unies afin de trouver une «solution politique, négociée et définitive», de manière à permettre à cette région de sortir de cette «tension artificielle» et de se concentrer sur le développement. La délégation a rappelé la «proposition généreuse» du Royaume du Maroc d'accorder une large autonomie à cette région; cette proposition est «sérieuse et crédible» et la plupart des capitales internationales la soutiennent, a assuré la délégation. «Nos populations du Sud, essentiellement dans les provinces sahariennes récupérées, exercent quotidiennement leur droit à l'autodétermination», comme en témoignent les élections régionales, «qui ont été saluées pour leur transparence et leur crédibilité», a en outre déclaré la délégation.

Les Provinces du Sud représentent 59% du territoire national mais seulement 3% du PIB national, a poursuivi la délégation, avant d'évoquer une nette dépendance de ces Provinces à l'égard des autres régions du pays. Le PIB moyen par habitant de ces Provinces du Sud est toutefois très supérieur à la moyenne nationale, a-t-elle ajouté. L'État central a consenti d'importants investissements publics pour assurer le développement de ce territoire qui produit environ 1 milliard de dirhams chaque année alors que l'État marocain y investit annuellement quelque 10 milliards de dirhams, a poursuivi la délégation. Dans ces Provinces du Sud, dont le taux de pauvreté est en outre bien inférieur à la moyenne nationale, les indicateurs d'accès aux services publics dépassent également de loin la moyenne nationale, a fait valoir la délégation. Cela témoigne de l'engagement des pouvoirs publics marocains qui ont en outre lancé un nouveau plan de développement régional intégré pour ces Provinces, a insisté la délégation.

En ce qui concerne la question de la consultation préalable (des populations concernées) dans le contexte de l'exploitation des ressources naturelles dans les Provinces du Sud, la délégation a assuré que cette question a été considérée par les autorités marocaines comme une porte d'entrée du nouveau modèle de développement desdites Provinces. La loi sur l'environnement oblige à consulter les populations locales par le biais d'une enquête publique, a par ailleurs rappelé la délégation.

S'agissant de la lutte contre la corruption, la délégation a indiqué que les autorités marocaines ont créé des divisions au sein des tribunaux d'appel afin de lutter contre les crimes financiers. Une loi a par ailleurs été adoptée qui porte sur la protection des victimes, témoins et experts et des membres de leur famille, a précisé la délégation. Le Maroc dispose depuis juillet 2011 d'une instance nationale pour la probité et la lutte contre la corruption; cette instance est centralisée et ne dispose pas de bureaux régionaux, a ajouté la délégation.

Ces dernières années, le Maroc a connu un taux moyen de croissance de 4 à 5%, ce qui n'est pas sans rapport avec les changements, notamment institutionnels, qu'a connus le pays, lequel s'est grandement ouvert sur l'extérieur, a poursuivi la délégation. Elle a indiqué que le secteur des services représentait 60% du PIB marocain. Dans le milieu rural aussi, on enregistre une amélioration des indicateurs de développement humain, de sorte que se réduisent les inégalités entre milieu rural et milieu urbain, a fait valoir la délégation. Dans le secteur agricole, la part de la céréaliculture vulnérable s'est réduite et l'agriculture moderne associée à de nouvelles zones irriguées s'est développée, a fait observer la délégation. Les autorités marocaines sont toutefois conscientes que les taux de croissance ne se traduisent pas nécessairement par une amélioration des indicateurs de développement humain, d'où l'interventionnisme de l'État.

La résorption des bidonvilles obéit à un plan gouvernemental précis, a d'autre part souligné la délégation. Il subsiste certes quelques bidonvilles dans des grandes villes, mais ils ne seront pas évacués tant qu'il n'y aura pas de logements disponibles pour y reloger les personnes qui y vivent, a-t-elle indiqué. La délégation a attiré l'attention sur le problème sérieux que constitue à cet égard l'exode rural, car chaque année, ce sont de 300 000 à 400 000 personnes qui quittent le monde rural pour la ville; ainsi, on résout le problème d'un bidonville pendant qu'un autre bidonville se crée.

Le salaire minimum est défini pour permettre au travailleur et à sa famille de mener une vie décente, a indiqué la délégation.

Entre 2013 et 2014, le taux d'activité (pour les personnes de plus de 15 ans) se situait, de façon assez stable, autour de 25% pour les femmes, ce qui reste faible, alors qu'il se situait entre 72 et 73% pour les hommes, a par ailleurs indiqué la délégation. Pour ces deux mêmes années, le taux de chômage se situait successivement à 9,1% et 9,7% pour les hommes et 9,6% et 10,4% pour les femmes. Ce taux est en revanche beaucoup plus élevé (19,3% en 2013 et 20% en 2014) pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans, a ajouté la délégation. Sur les 1,1 million de chômeurs que compte le Maroc, 50% sont âgés de 15 à 24 ans, a précisé la délégation, soulignant que le faible taux d'activité des femmes et le fort taux de chômage des jeunes constituaient les deux problèmes majeurs qui, en matière d'emploi, préoccupent les autorités.

Le Maroc connaît une croissance faiblement créatrice d'emplois, chaque point de croissance engendrant 25 000 emplois, alors que 200 000 personnes arrivent sur le marché du travail chaque année, a expliqué la délégation. Le pays ambitionne de parvenir à un ratio de 38 000 emplois créés par point de croissance, de façon à être en mesure d'absorber les 200 000 nouveaux arrivants annuels sur le marché du travail, a-t-elle indiqué. Les autorités marocaines ont décidé de placer la question de l'emploi au centre des politiques macroéconomiques, a souligné la délégation.

Le taux de chômage des jeunes diplômés à sensiblement diminué entre 2006 et 2014, a en outre fait valoir la délégation.

Pour ce qui est de l'inspection du travail, la délégation a indiqué que le pays comptait quelque 478 inspecteurs du travail. Ces derniers ont opéré en 2014 quelque 1520 visites d'inspection dans les exploitations agricoles, a précisé la délégation. Les inspecteurs ont reçu une formation adéquate en matière de droits fondamentaux, en particulier pour ce qui a trait au principe de non-discrimination et au droit du travail.

S'agissant du respect du principe de non-discrimination à l'égard des femmes, la délégation a indiqué que le Code de la presse, la Loi sur les partis politiques et le Code du travail, ainsi que le Code civil, le Code pénal et le Code de la famille reprennent la définition de la discrimination énoncée à l'article premier de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur l'existence d'un fonds de soutien aux femmes veuves.

Le Maroc condamne le harcèlement sexuel et toute pratique découlant d'un abus d'autorité, a poursuivi la délégation.

Au Maroc, a indiqué la délégation, la règle est de ne se marier qu'à une seule femme; la tendance est à la monogamie, a-t-elle insisté. Le Code de la famille prévoit la polygamie, mais celle-ci ne peut pas intervenir en cas de crainte de traitement différencié entre les différentes épouses. Entre 2011 et 2014, le pays a enregistré quelque 1104 unions polygames, ces unions ayant représenté 0,28% des mariages conclus en 2014 contre 0,34% en 2011.

Le mariage forcé est une pratique qui n'existe pas au Maroc, a d'autre part assuré la délégation. Toute personne qui oblige une autre personne à se marier encourt une peine d'emprisonnement d'un an assortie d'une amende. Le mariage d'un mineur ne peut être prononcé que par un tribunal et en présence du tuteur légal du mineur, après qu'une demande de dérogation eut été introduite directement par le mineur et son tuteur. Hors dérogation, le mariage ne peut être célébré qu'à compter de l'âge de 18 ans. En 2014, le Maroc a enregistré quelque 43 760 demandes de dérogation, a précisé la délégation.

Les cas de violence contre les femmes ont connu une baisse de 6,28% entre 2013 et 2014 s'agissant du nombre de victimes, a d'autre part indiqué la délégation. Depuis janvier 2015, a été totalement abrogée la disposition qui prévoyait la possibilité pour un auteur de viol d'épouser sa victime, a-t-elle ajouté.

À ce stade, il y a trois cas où l'avortement peut être autorisé, a indiqué la délégation: si la santé de la mère est en danger; en cas de viol; et en cas de malformation génitale du fœtus.

Grâce aux efforts déployés par le Gouvernement, la situation en matière de malnutrition s'est améliorée, surtout pour ce qui est des femmes et des enfants, a ensuite indiqué la délégation. En 1992, 51% des enfants étaient allaités par leur mère et ce taux était tombé à 32% en 2004 pour chuter encore en-dessous de 30% en 2012. Or, les autorités marocaines estiment que les enfants ont droit à l'allaitement et sont donc en train de travailler à l'élaboration d'une loi dans ce domaine. Beaucoup d'efforts ont déjà été déployés par les autorités pour encourager l'allaitement à travers le pays; une semaine de l'allaitement a même été organisée.

Migrants et requérants d'asile au Maroc ont accès aux services de santé sans discrimination aucune, a par ailleurs assuré la délégation. Au Maroc, le système de soins de santé est gratuit et assuré par les institutions nationales, a-t-elle rappelé.

En termes d'accès à l'éducation, le Maroc n'a plus de problème, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, a fait valoir la délégation. Mais il est vrai que persiste le problème de la qualité s'agissant des apprentissages fondamentaux, a-t-elle reconnu. Il est apparu que la question de la qualité relève essentiellement d'un problème de gestion; or, le privé excelle en matière de gestion, de sorte que le pays a mis en place un partenariat public/privé, a indiqué la délégation.

Entre 2005 et 2015, l'effectif des étudiants du supérieur au Maroc est passé de 38 000 à 85 000, ce qui pose un problème de qualité, en particulier pour les établissements à accès ouvert, a d'autre part indiqué la délégation. C'est pourquoi a fini par être adoptée une Charte fixant les grandes orientations de ce secteur vital.

En ce qui concerne la «question culturelle» et plus spécifiquement la «question amazighe», la délégation a expliqué que le Maroc ne comporte pas des territoires exclusivement amazighs ou des territoires exclusivement arabes. C'est vrai que les Amazighs ont été les premiers habitants de ce territoire; mais depuis le VIème siècle, il y a eu des vagues d'immigration arabe et depuis, il y a eu brassage de la population, mixage, de sorte qu'aujourd'hui, «nous sommes avant tout Marocains», a déclaré la délégation. Il faut que chacun aide les gens au Maroc à asseoir l'unité nationale; l'instabilité n'a jamais aidé les droits de l'homme, a souligné la délégation. Elle a rappelé le texte de la Constitution marocaine qui stipule que «le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen».

Le Maroc compte une chaîne de télévision entièrement dédiée à la langue et à la culture amazighes, a poursuivi la délégation. La langue amazighe est enseignée à l'école et à ce jour, quelque 600 000 élèves sont inscrits dans des écoles amazighes, a-t-elle précisé, rappelant qu'une loi organique concernant cette langue doit être adoptée.

Au Maroc, aucune discrimination n'existe, ni vis-à-vis des Amazighs, ni vis-à-vis des homosexuels; la loi protège les homosexuels, a assuré la délégation.

S'agissant de l'accès des détenus aux soins de santé, la délégation a insisté sur le droit des détenus de consulter un médecin ainsi que sur les nombreux autres services de santé mis à disposition des prisonniers, y compris pour ce qui est de la prévention et du traitement du VIH/sida ou encore pour ce qui est de la prévention du cancer du sein.

Le Maroc est en train de se pencher sur un projet de loi relatif aux personnes handicapées, fruit de consultations nationales qui ont duré six ans et auxquelles de nombreuses parties prenantes ont participé. Ce projet de loi constitue en fait une loi-cadre fixant les objectifs de l'État dans ce domaine. Ces objectifs fondamentaux sont au nombre de quatre: gérer les handicaps; gérer les droits des personnes handicapées; permettre aux personnes handicapées de s'intégrer; et permettre à ces personnes de vivre une vie autonome, a précisé la délégation. Le Maroc n'a jamais refusé un quelconque droit à cette catégorie de citoyens que sont les personnes handicapées, a par ailleurs affirmé la délégation.

En conclusion du dialogue, la délégation a tenu à souligner que le Maroc a démontré la capacité de la doctrine islamique à recevoir les valeurs universelles, grâce à un effort de persuasion. Elle a en outre rappelé que la question des «Provinces du Sud» était entre les mains du Secrétaire général de l'ONU et de son Envoyé personnel pour le Sahara occidental et a assuré que le Maroc entendait respecter la légalité internationale.

Rappelant qu'en 2016, le Groupe de travail sur les disparitions forcées tiendrait une session au Maroc, la délégation a invité le Comité à tenir, lui aussi, une session dans son pays.

Conclusion

Le rapporteur, M. UPRIMNY, a jugé très productif et très franc le dialogue qui s'est noué entre les experts et la délégation. Le Maroc a présenté un rapport bien fait et a généralement répondu aux questions qui lui ont été posées, même si certaines sont restées sans réponse, a-t-il indiqué, avant d'exprimer l'espoir que le prochain rapport du pays serait présenté dans les délais impartis, sans qu'il faille attendre huit ou neuf ans.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC15/027F