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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE LA GRÈCE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la Grèce sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport a été présenté par Mme Ourania Antonopoulou, Ministre adjointe du travail, qui a rappelé que depuis 2008, la Grèce a sombré dans une crise qui s'est intensifiée en 2010 et a eu des effets dévastateurs pour le pays, dont le PIB a chuté de 25%, alors que le taux de chômage a atteint aujourd'hui 26% et que le taux de pauvreté a augmenté. La réponse à la crise avait un aspect non seulement national mais aussi international eu égard aux obligations de la Grèce au niveau international, mais la communauté internationale n'est pas parvenue à apporter une réponse à la crise qui soit respectueuse des droits de l'homme, a souligné la ministre adjointe. Elle a ajouté qu'en vertu de la constitution, le législateur se doit de respecter des principes fondamentaux tels que l'égalité et le respect de la dignité humaine, qui inclut des conditions de vie suffisante. La population grecque a récemment exprimé sa volonté de rester dans l'Union européenne et dans la zone euro, en toute connaissance des implications de cette décision. Il faut respecter les engagements d'une Europe sociale et promouvoir le bien-être de la population, en veillant à ce que l'ensemble du fardeau soit réparti en respectant les principes de justice et d'équité.

La délégation grecque était également composée de représentants des Ministères des affaires étrangères, travail, de l'intérieur, de la santé, de l'éducation et de la protection des citoyens. Elle a répondu aux questions posées par les membres du Comité s'agissant notamment de la reconnaissance des minorités, alors que la Grèce ne reconnaît officiellement que la minorité musulmane de Thrace; de la situation des Roms; de l'égalité entre hommes et femmes; du principe de non-discrimination; des questions syndicales, d'emploi, d'éducation et de santé; de la situation des migrants, requérants d'asile et réfugiés au regard en particulier du flux actuel des migrations en Méditerranée; ou encore de l'impact des programmes d'austérité. La délégation a notamment indiqué qu'environ 40% de la population grecque vivait aujourd'hui en-dessous ou au niveau du seuil de pauvreté. Elle a fait observer que les créanciers de la Grèce lui demandent à la fois de poursuivre ses programmes sociaux et de réduire les dépenses sociales, ce qui est contradictoire. Il ne peut y avoir une Grèce sociale dans une Europe qui aurait fait un choix différent, mais la Grèce estime pouvoir exercer une influence sur l'orientation à long terme de la politique de l'Europe.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce, M. Waleed Sadi, par ailleurs Président du Comité, s'est interrogé sur l'état d'avancement de la mise en œuvre du Pacte en Grèce, que ce soit dans la loi ou dans la pratique. Il a déploré que la Grèce ne se soit pas davantage fondée sur le Pacte dans ses négociations avec les institutions financières internationales et la Commission européenne et a exprimé l'espoir qu'à l'avenir, dans le cadre des contacts du pays avec ses créanciers, le Pacte sera davantage invoqué. En outre, la Grèce est frappée de plein fouet par la crise des réfugiés et le rapporteur a rappelé que les réfugiés avaient des droits, s'inquiétant que la Grèce ne semble pas en mesure de leur assurer la jouissance de la totalité de ces droits en raison de la crise économique qu'elle traverse. M. Sadi a noté le délicat travail d'«équilibriste» de la Grèce entre son engagement en faveur du modèle social et les mesures que les créanciers veulent lui imposer. La Grèce a fait des promesses qui s'adressent aux hommes et femmes du pays: ces promesses doivent primer sur celles faites aux créanciers, a conclu le rapporteur.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de la Grèce dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la fin de la session.


La prochaine séance publique du Comité se tiendra à l'occasion de la séance de clôture des travaux, vendredi 9 octobre à partir de 15 heures. Les observations finales sur les rapports examinés au cours de la session seront disponibles dans les prochains jours.


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport de la Grèce (E/C.12/GRC/2), ainsi que de ses réponses (E/C.12/GRC/Q/2/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (E/C.12/GRC/2).

MME OURANIA ANTONOPOULOU, Ministre adjointe au Ministère du travail de la Grèce, a présenté les excuses de la Grèce pour la présentation tardive de ce second rapport périodique. Elle a rappelé que depuis 2008, la Grèce avait sombré dans une crise qui s'est intensifiée en 2010. En raison de la crise de la dette, un mécanisme d'aide a été mis en place avec le concours des institutions financières internationales et de la Commission européenne, a-t-elle ajouté, avant de rappeler que dans ce cadre, trois programmes d'ajustement économique ont été adoptés - dont le dernier tout récemment. Elle a rappelé que la réponse à la crise avait un aspect non seulement national mais aussi international eu égard aux obligations que la Grèce se devait de respecter au niveau international.

La crise a été dévastatrice pour la Grèce, dont le PIB a chuté de 25%, a poursuivi la ministre adjointe, précisant que le taux de chômage dans le pays atteignait aujourd'hui 26%, alors que le taux de pauvreté avait lui aussi augmenté. C'est dans ce contexte qu'une partie des solutions proposées avait consisté à rééquilibrer les équilibres internes et externes. Ainsi, les dépenses publiques ont-elles diminué, affectant bien entendu les ressources allouées à des secteurs comme la santé et les transports. La Grèce a constaté qu'elle avait un certain retard à rattraper, mais il est apparu que la communauté internationale n'était pas parvenue à apporter une réponse à la crise qui soit totalement respectueuse des droits de l'homme, a déclaré Mme Antonopoulou. Or, quel que soit le contexte, constitutionnellement, le législateur se doit de respecter des principes fondamentaux tels que l'égalité et le respect de la dignité humaine, qui inclut des conditions de vie suffisante.

Les difficultés auxquelles est confrontée la Grèce s'inscrivent dans un contexte plus vaste, a poursuivi la ministre adjointe, qui a rappelé que la population grecque venait d'exprimer sa volonté de rester dans l'Union européenne et dans la zone euro, en toute connaissance des implications de cette décision. Il faut respecter les engagements d'une Europe sociale et promouvoir le bien-être de la population grecque, en veillant à ce que l'ensemble du fardeau soit réparti sur la base du respect des principes de justice et d'équité, a-t-elle conclu.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. WALEED SADI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce – et par ailleurs Président du Comité, a salué la franchise avec laquelle la Grèce répond aux préoccupations du Comité. Nous ne sommes pas tout à fait à l'aise avec l'état d'avancement de la mise en œuvre du Pacte en Grèce, que ce soit dans la loi ou dans la pratique, a-t-il déclaré, avant de déplorer que la Grèce ne se soit pas davantage fondée sur le Pacte dans ses négociations (avec les institutions financières internationales et la Commission européenne). Il faut donc espérer qu'à l'avenir, dans le cadre des contacts du pays avec ses créanciers, le Pacte sera davantage invoqué, a indiqué M. Sadi.

De l'avis de la délégation, la Grèce a-t-elle des responsabilités dans la première phase de cette crise, a demandé le rapporteur?

M. Sadi s'est interrogé sur la compatibilité de la législation antidiscriminatoire grecque avec l'article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (l'alinéa 2 stipule que les États s'engagent à garantir que les droits énoncés dans le Pacte seront exercés sans discrimination aucune).

Le rapporteur a ensuite fait observer que si la Grèce reconnaît les minorités musulmane et turque en vertu du traité de Lausanne de 1923, d'autres minorités, comme les «Macédoniens», ne sont pas reconnues. En outre, la Grèce est frappée de plein fouet par la crise des réfugiés; or les réfugiés ont des droits, a rappelé le rapporteur, s'inquiétant que la Grèce ne soit peut-être pas en mesure de leur assurer la jouissance de la totalité de ces droits en raison de la crise économique qu'elle traverse.

L'expert a par ailleurs relevé la très faible représentation des femmes dans les processus de prise de décision – et en particulier l'absence de femmes dans le nouveau gouvernement -, ainsi que les importantes inégalités en matière d'égalité de salaires dans le pays.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a constaté que les autorités n'avaient pas procédé à une évaluation des conséquences sur les droits économiques, sociaux et culturels des accords de 2010 et de 2012 avec la Commission européenne pour le remboursement de la dette. S'agissant du mémorandum d'accord du 19 août dernier avec la Commission européenne, il vise aussi principalement le remboursement de la dette et l'expert a voulu savoir si le Gouvernement avait procédé à une évaluation de ce récent accord du point de vue des droits de l'homme. Il a aussi relevé que l'accord du 19 août visait à éviter l'évasion fiscale mais que certaines mesures prévues n'ont pas été prises.

S'agissant des mesures relatives aux pensions, à l'abolition des exemptions fiscales pour les îles de la mer Égée, les tarifs de consultation médicale et d'autres mesures, l'expert a voulu savoir si elles sont compatibles avec la position exprimée par le passé par le Comité s'agissant du respect des droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre des mesures d'austérité, soulignant en particulier que ces mesures doivent être provisoires, non discriminatoires et ne pas toucher l'essentiel des droits protégés par le Pacte.

L'expert a aussi noté que l'accord du 19 août prévoyait la création d'opportunités d'emploi pour 50 000 personnes, en particulier celles se trouvant en situation de chômage de longue durée, et il a souhaité savoir comment on comptait procéder et en quoi le mémorandum d'accord avec la Commission pouvait contribuer au droit au travail.

Comment les autorité grecques ont-elles veillé à ce que l'impact des mesures prises pour surmonter la crise soit le moindre possible sur les groupes les plus vulnérables et défavorisés de la population, a-t-il été demandé ?

Il est clair que les institutions internationales n'ont pas été à même d'apporter à la crise grecque une réponse qui soit fondée sur les droits de l'homme, ont souligné plusieurs experts; mais il ne faut pas perdre de vue que l'approche nationale doit elle aussi contribuer à prendre en compte ces droits.

Une experte s'est enquise de l'intention des autorités grecques de maintenir un régime de retraite de base de premier niveau.

Plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage au sujet de la place des femmes dans la vie économique, sociale et politique du pays et du respect du principe d'égalité entre les sexes dans ce contexte. La crise a accru les disparités entre hommes et femmes sur le marché du travail, a fait observer un autre membre du Comité.

La question de l'intégration des Roms a également été maintes fois soulevée. La Grèce dispose-t-elle d'une loi qui prévoit une procédure pour la reconnaissance des minorités, a-t-il en outre été demandé? Le groupe rom est reconnu en tant que tel, puisque des mesures spécifiques sont prises en sa faveur, mais en même temps, les Roms ne sont pas reconnus comme une minorité, s'est étonné un expert.

Un membre du Comité s'est inquiété des conditions très difficiles dans lesquelles vivent les Roms dans de nombreux camps depuis plus de vingt ans. Il semble que les Roms fassent l'objet d'une double discrimination par rapport aux autres citoyens grecs, en ce sens qu'ils ne bénéficient pas de la possibilité offerte par la loi de devenir propriétaire de la terre que l'on occupe dès que cette occupation a dépassé un délai de vingt ans; s'agissant des Roms, les autorités préfèrent au contraire procéder à des expulsions des camps où ils vivent.

Compte tenu du fait que la Grèce a accueilli un grand nombre de réfugiés traversant la Méditerranée pour gagner l'Europe, qu'en est-il de l'aide - régionale et internationale - apportée à la Grèce pour faire face à cette situation, a demandé un expert? Les créanciers de la Grèce tiennent-ils compte de ce fardeau supplémentaire qui pèse sur le pays, a demandé un autre membre du Comité?

Un membre du Comité a voulu savoir quelles étaient les compétences des bureaux d'inspection du travail. Qu'est-il advenu des syndicats et du droit syndical dans le contexte de la crise; quel a été l'impact de la crise financière sur le rôle des syndicats, a demandé un expert?


Un expert s'est enquis de la situation prévalant en Grèce en matière de VIH/sida. Il a aussi demandé ce qu'il en était du paludisme, des informations faisant état d'une réapparition de cette maladie dans le pays.

La consommation de stupéfiants est pénalisée en Grèce et nombre d'informations font état d'un harcèlement de la part des forces de l'ordre à l'encontre des personnes qui se droguent, a déploré un autre membre du Comité.

La crise grecque a incontestablement affecté le secteur de l'enseignement, comme en témoigne la réduction du nombre de recrutements d'enseignants ou encore les baisses de salaires du personnel enseignant, sans parler des innombrables fermetures ou fusions d'écoles, a fait observer un membre du Comité. Qu'en est-il de l'impact des mesures prises par les autorités grecques pour éliminer la ségrégation scolaire à l'égard des enfants roms et des enfants des autres minorités, a-t-il demandé ? L'éducation inclusive pratiquée par la Grèce, qui vise à intégrer tout le monde dans le système éducatif, est une bonne chose; mais qu'en est-il concrètement des résultats de cette politique en termes de proportion d'enfants reconnus à besoins éducatifs spécifiques et de pourcentage de scolarisation de ces enfants dans des structures distinctes (écoles spéciales), a ajouté l'expert ?

Du fait des nombreuses disparitions ou fusions d'écoles, les enfants en Grèce doivent souvent parcourir de longues distances pour se rendre à l'école, alors que les moyens de transport ne sont pas toujours disponibles sur ces parcours, s'est inquiété un autre membre du Comité, en écho aux préoccupations exprimées à ce sujet pour l'ombudsman grec pour les enfants.

L'Union européenne donne certes de l'argent à la Grèce, mais pas gratuitement, alors que la Grèce a donné à l'Europe, gratuitement, quelque chose de bien plus important: la civilisation, a fait observer un membre du Comité. Il s'est réjoui que la mise en œuvre du Pacte soit en de bonnes mains en Grèce puisqu'elle n'est pas confiée à un quelconque Dieu grec.

Quel est l'ampleur du phénomène des enfants de moins de 15 ans qui travaillent – illégalement donc – en Grèce, a demandé un expert ?

Réponses de la délégation

S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a souligné que les lois nationales devaient être conformes au Pacte et que les dispositions de cet instrument pouvaient être directement invoquées devant les tribunaux. Il faut toutefois reconnaître que jusqu'à présent, le Pacte n'a pas été fréquemment invoqué par les magistrats compétents qui, majoritairement, on davantage tendance à invoquer la Constitution, a fait observer la délégation.

En ce qui concerne la protection des droits des personnes appartenant à des minorités, la délégation a rappelé qu'en Grèce, un seul groupe est qualifié de minorité: il s'agit de la minorité musulmane de Thrace, reconnue par le Traité de Lausanne de 1923. Ceci étant, la Grèce respecte le principe de l'auto-identification individuelle, a-t-elle souligné. Les membres de groupes qui ne sont pas reconnus officiellement comme une minorité bénéficient pleinement de leurs droits énoncés dans le Pacte, a fait valoir la délégation. Quant à l'existence de la soi-disant minorité macédonienne, les allégations concernant l'existence d'un tel groupe ne correspondent pas à la réalité sur le terrain, a déclaré la délégation.

Les Roms ne sont pas reconnus en tant que minorité parce qu'ils ont demandé eux-mêmes à ne pas être reconnus comme tels; ils s'identifient eux-mêmes comme n'étant pas membres d'une minorité, a expliqué la délégation. Pour autant, leur spécificité culturelle est respectée, a-t-elle assuré.

La Grèce a mis en place plusieurs mesures visant à réduire les déséquilibres persistants à tous les niveaux en matière d'égalité entre hommes et femmes dans les processus de prise de décision, a souligné la délégation. Elle a précisé que 7 seulement des 46 membres du Gouvernement sont des femmes, et que sur 300 membres du Parlement, 70 seulement sont des femmes. Il convient donc de sensibiliser davantage les politiciens à cette problématique, a admis la délégation.

S'agissant des violences contre les femmes, la délégation a attiré l'attention en particulier sur les mesures prises en faveur de l'accueil et de la prise en charge des victimes, indiquant qu'en juin 2015, quelque 8162 femmes étaient accueillies dans les centres d'accueil du pays.

En Grèce, le principe de non-discrimination est consacré par la Constitution et s'applique dans tous les secteurs, a poursuivi la délégation. La législation portant application des deux directives antidiscrimination de l'Union européenne prohibe toute discrimination directe ou indirecte, a-t-elle ajouté. La loi ne laisse ainsi aucune possibilité d'écart de rémunération entre hommes et femmes à travail égal, a assuré la délégation.

S'agissant des questions syndicales, la délégation a déclaré que le droit à la négociation collective avait fait l'objet de diverses limitations dans le contexte du programme d'austérité négocié par le précédent gouvernement. Le Gouvernement grec entamera donc prochainement un processus de consultation, impliquant notamment l'Organisation internationale du travail, pour examiner les cadres de négociation collective à l'aune des meilleures pratiques en la matière, a-t-elle indiqué. La délégation grecque a fait part de l'objectif du Gouvernement actuel de mettre un terme à la déréglementation du cadre du travail.

En 2015, la Grèce est devenue la principale porte d'entrée des migrants et réfugiés en Europe, a ensuite rappelé la délégation. Alors que le pays avait enregistré un peu plus de 70 000 entrées en 2014, contre 43 000 en 2013, pour les huit premiers mois de 2015, le nombre d'arrivées par mer s'établissait à environ 246 000 contre 23 000 l'année précédente. En septembre 2015, la barre des 300 000 personnes a été franchie. Il s'agit de personnes qui fuient des conflits armés et des violences aveugles et qui ont donc droit à une protection internationale, a rappelé la délégation. La Grèce s'efforce de fournir une première aide à ces personnes et à contribuer à leur enregistrement.

Lorsqu'une personne réside en Grèce depuis plus de cinq ans, elle bénéficie de l'égalité de traitement dans tous les aspects de la vie économique et sociale, y compris en matière d'emploi, a en outre indiqué la délégation. Requérants d'asile et réfugiés bénéficient du droit aux soins de santé et du droit au travail, ainsi que de l'accès à l'éducation et à la sécurité sociale; ils peuvent circuler librement dans le pays et se rendre à l'étranger pour une période de trois mois maximum, a par ailleurs indiqué la délégation.

La Grèce respecte dans le droit et dans la pratique les droits des enfants, y compris pour ce qui est des enfants migrants et réfugiés, qui bénéficient du droit à l'éducation comme tous les autres enfants en Grèce et ce, quel que soit le statut juridique de leurs parents ou tuteurs.

La délégation a ensuite indiqué qu'en 2014, la Grèce avait reçu quelque 2400 demandes de placement en foyer pour des mineurs non accompagnés, contre 1150 demandes l'année précédente et 800 en 2012. La majorité de ces enfants était afghans, a-t-elle précisé. La durée moyenne de séjour en foyer pour ces enfants était de 41 jours en 2014, contre 43 en 2012, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que les mineurs non accompagnés sont particulièrement vulnérables à la traite de personnes. Elle a exposé les mesures de protection prises en faveur des victimes potentielles de la traite, tant par les acteurs gouvernementaux que par les ONG partenaires et ce, en coopération, notamment, avec l'Union européenne.

En ce qui concerne les questions d'emploi, la délégation a notamment souligné l'importance de trouver des solutions au problème du chômage à long terme, qui résulte d'une faible demande. La politique européenne dans ce domaine est loin de garantir l'emploi, a souligné la délégation.

La délégation grecque a rappelé que l'acceptation des deux programmes d'austérité avait normalement pour but d'améliorer la compétitivité de manière à accroître les exportations, ce qui devait permettre de réduire les déséquilibres de la balance des paiements. Mais les seules améliorations enregistrées dans les exportations ont été liées à l'exploitation de pétrole grec, a fait observer la délégation. L'autre but recherché par les programmes d'austérité était de réduire les dépenses publiques, ce qui devait permettre de réduire le ratio dette/PIB, qui est maintenant passé de 180% à 120%. Mais à moins d'aborder la question de la gouvernance financière internationale, il sera très difficile de faire des propositions qui soient source de transformation et qui soient acceptées facilement, a averti la délégation. La Grèce entend neutraliser les éléments récessionnistes de l'austérité, a ensuite indiqué la délégation.

Le principe pacta sunt servanda ne vaut pas seulement pour le respect des memoranda d'accord que la Grèce a signés avec les bailleurs de fonds; il exige également le respect des traités internationaux que le pays a ratifiés, tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a souligné la délégation. Le Comité social européen avait estimé que le programme d'ajustement de la Grèce constituait une violation de la Charte sociale européenne. Or, la Grèce entend bien respecter la tradition du modèle social européen, a fait savoir la délégation.

S'agissant de la question des retraites, la délégation a indiqué que les autorités allaient maintenant s'efforcer de mettre en place un système de retraite reposant sur deux piliers: l'un, qui sera financé par l'impôt, permettant d'offrir une retraite qui soit la même pour tous; l'autre sera financé directement par chaque citoyen.

Actuellement, environ 40% de la population grecque vit en-dessous ou au niveau du seuil de pauvreté, a indiqué la délégation. Dans ce contexte, les autorités grecques se sont efforcées d'assurer les besoins humains élémentaires de cette partie de la population, en termes d'alimentation, d'électricité ou encore d'accès aux soins médicaux, a-t-elle ajouté. Mais les créanciers demandent au pays à la fois de poursuivre ces programmes sociaux et de réduire les dépenses sociales, ce qui est évidemment contradictoire, a souligné la délégation.

La hausse concernant les violences contre les femmes enregistrées entre 2011 et 2014 tient à l'efficacité du programme de prévention et de lutte contre ce phénomène, qui a encouragé un plus grand nombre de femmes â oser porter plainte, a estimé la délégation.

La Grèce n'applique pas à l'égard des Roms une politique d'expulsion forcée et s'efforce au contraire d'appliquer une politique d'amélioration des conditions de logement dans les campements, a tenu à souligner la délégation.

La délégation a ensuite rendu compte des mesures prises afin de promouvoir l'intégration des enfants roms dans le système scolaire. Elle a notamment attiré l'attention sur la circulaire adressée par les autorités aux directeurs des écoles primaires afin de leur rappeler leur obligation d'accepter les enfants roms, ainsi que sur la nomination de médiateurs auprès des communautés roms pour la scolarisation des enfants.

S'agissant de l'impact de la crise économique sur l'éducation, la délégation a reconnu l'effet délétère sur le système éducatif grec du fait en particulier des coupes franches dans le budget de l'éducation. Ces mesures sont intervenues dans le cadre de la rationalisation de la gestion d'ensemble des finances du pays, a souligné la délégation. Pour l'heure, rien n'indique que la crise ait eu un impact sur le travail des enseignants ou sur le contenu éducatif. Évoquant les disparitions ou fusions d'écoles, la délégation a assuré que les écoles qui se trouvaient dans des zones éloignées ou dans des îles côtières ont été maintenues.

La délégation a indiqué ne pas être en mesure, à ce stade, de fournir des statistiques concernant le nombre d'enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux et bénéficiant d'une éducation spéciale. Mais elle a assuré que le système d'éducation spéciale – ou éducation inclusive – tenait une place particulière dans la réforme de l'enseignement mise en œuvre par les autorités grecques. L'éducation spéciale est aujourd'hui proposée dans des écoles classiques, a-t-elle fait valoir.

S'agissant des questions de santé, la délégation a souligné que quelque 2,5 millions de personnes n'étaient pas assurées. Ces cinq dernières années, la situation de la Grèce s'est aggravée en matière de santé. En raison de la crise, les Grecs se sont davantage tournés vers le système public de santé qu'auparavant; face à l'afflux de patients, le système public de santé manque de ressources.

Le Ministère de la santé a mis en place un groupe de coordination pour toutes les questions touchant à la santé des réfugiés et requérants d'asile, a ajouté la délégation.

Dans les hôpitaux, le Ministère de la santé gère des unités qui sont chargées de fournir des produits de substitution afin de faciliter la réhabilitation (désintoxication) des toxicomanes. Ces derniers, suite à un amendement apporté en 2015 à la loi de 2013, sont désormais considérés comme des patients et non plus comme des criminels, a fait valoir la délégation.

Il semble que la pauvreté et la détérioration des conditions de vie accélère le rythme de transmission du VIH/sida, a ensuite reconnu la délégation. Malheureusement, ces dernières années, la distribution de seringues aux toxicomanes et de préservatifs avait été interrompue.

Quelques cas de paludisme ont certes été détectés en Grèce, mais tous, à l'exception d'un seul, provenaient de migrants en provenance d'une zone endémique, a expliqué la délégation en réponse à la question d'un expert, ajoutant que tous ces cas avaient été éradiqués cet été.

Les obstacles politiques voire juridiques auxquels est confrontée la Grèce ne sauraient être invoqués pour justifier le non-respect de ses obligations en matière de droits de l'homme qui sont à la fois nationales et internationales, a déclaré la délégation en conclusion du dialogue. Il ne peut y avoir une Grèce sociale dans une Europe qui aurait fait un choix différent, a-t-elle souligné. Mais est-il possible qu'un petit État comme la Grèce ait une influence sur l'orientation à long terme de la politique de l'Europe? La réponse est oui, a assuré la délégation. Le Bureau international du travail (BIT) sera l'arbitre final des négociations avec nos partenaires, a-t-elle conclu.

Conclusion

M. SADI, Président du Comité et rapporteur pour la Grèce, a remercié la délégation pour les réponses qu'elle a fournies. Il a souligné avoir conscience du délicat travail d'équilibriste que la Grèce doit accomplir entre, d'une part, son engagement en faveur du modèle social et, de l'autre, la réalité des mesures que les créanciers s'efforcent d'imposer au pays. La Grèce a fait des promesses qui s'adressent aux hommes et femmes du pays et ces promesses-là doivent incontestablement primer sur celles faites aux créanciers, a déclaré M. Sadi. Utilisez le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels comme une arme lorsque vous négociez avec les créanciers, a-t-il recommandé à la délégation grecque.


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ESC15/029F