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LE CONSEIL ACHÈVE SES DÉBATS INTERACTIFS SUR LES PRODUITS ET DÉCHETS DANGEREUX ET SUR LE DROIT À L'EAU ET À L'ASSAINISSEMENT

Compte rendu de séance
Il entame l'examen des rapports sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable et les mesures coercitives unilatérales

Après avoir achevé ses débats interactifs avec les titulaires des mandats relatifs aux produits et déchets dangereux et au droit à l'eau et à l'assainissement, le Conseil a entamé, ce matin, l'examen des rapports présentés par l'Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, M. Alfred de Zayas, et par le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme, M. Idriss Jazairy. Il a par ailleurs entendu une déclaration de la Commissaire aux droits de l'homme et à l'action humanitaire de la Mauritanie, Mme Aichetou Mint M'haiham.

Présentant son rapport, M. de Zayas a constaté l'existence d'un paradoxe: les États sont parties à des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ayant effet immédiat, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; mais ils sont également parties à des accords de coopération ou de libre-échange qui empiètent sur la jouissance de ces droits de l'homme. Or, ce paradoxe p eut être résolu par la mise en œuvre de l'article 103 de la Charte des Nations Unies, qui stipule que le régime international des droits de l'homme l'emporte sur tous les autres traités – ce que la Cour internationale de justice devrait rappeler en émettant un avis consultatif à ce sujet, a indiqué l'Expert indépendant. Il a également souligné que les risques accompagnant les investissements ne donnent pas droit à ceux qui procèdent à ces investissements d'imposer des conditions aux États, d'exiger des garanties de profits, ni même d'intervenir dans les processus législatifs. Les accords de libre-échange qui empiètent sur les prérogatives des États devraient être abrogés, car ils représentent une entrave à l'établissement d'un ordre international démocratique équitable, a souligné M. de Zayas.

Le Rapporteur spécial sur l'impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l'homme, M. Idriss Jazaïry, a quant à lui présenté son rapport en indiquant qu'il entendait par «mesures coercitives unilatérales» des mesures autres que celles votées par le Conseil de sécurité en vertu de la Charte des Nations Unies. Il a admis que certaines mesures peuvent être tout à fait appropriées, dans la lutte contre la traite d'êtres humains, la corruption, le terrorisme ou le trafic de stupéfiants, par exemple; aussi, a-t-il fait part de son intention de différencier les mesures globales de celles qui sont ciblées. Pour autant, M. Jazaïry a souligné que la légalité des mesures coercitives unilatérales sous l'angle du droit international doit faire l'objet d'un débat, car elles sont susceptibles de lui porter atteinte et d'affecter la jouissance des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a attiré l'attention sur l'augmentation spectaculaire de ce type de mesures depuis les années 1990, faisant observer qu'il s'agit parfois d'alternatives pacifiques à la guerre et parfois, au contraire, d'actions de nature hostile.

Entamant ses débats interactifs sur ces deux thématiques, le Conseil a entendu des déclarations de l'Algérie (au nom du Groupe africain) et de l'Arabie saoudite (au nom du Groupe arabe).

Le Conseil avait auparavant achevé ses débats interactifs, entamés hier, avec le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, M. Baºkut Tuncak, et avec le Rapporteur spécial sur le droit à l'eau et à l'assainissement, M. Leo Heller. Ce matin, de nombreuses délégations* sont intervenues pour exposer leurs réalisations ou exprimer leurs préoccupations concernant ces deux thématiques. S'agissant de l'accès à l'eau, il a notamment été souligné que les efforts déployés au niveau national aux fins d'assurer l'accès à l'eau et à l'assainissement devaient s'accompagner d'une coopération internationale dans ce domaine. Pour ce qui est des produits et déchets dangereux, la discussion s'est particulièrement concentrée sur le thème central du rapport de M. Tuncak cette année, à savoir l'accès à l'information concernant ces produits et leur éventuelle dangerosité.


Le Conseil doit poursuivre cet après-midi ses débats interactifs avec les Rapporteurs spéciaux sur les mesures coercitives unilatérales et sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable. Il tiendra auparavant sa réunion biennale sur les mesures coercitives unilatérales.


Déclaration de la Commissaire aux droits de l'homme et à l'action humanitaire de la Mauritanie

MME AICHETOU MINT M'HAIHAM, Commissaire aux droits de l'homme et à l'action humanitaire de la Mauritanie, a expliqué que son pays avait lancé une campagne de sensibilisation pour lutter contre l'esclavage. La loi en vigueur pénalise et sanctionne l'esclavage, notamment en s'attaquant à ses nouvelles formes, a-t-elle souligné. La Mauritanie s'est ainsi mise en conformité avec les pactes internationaux auxquels elle est partie. Par ailleurs, une action résolue est conduite pour éliminer la torture, a poursuivi la Commissaire aux droits de l'homme et à l'action humanitaire. Les barreaux, les associations de juristes et la société civile sont sensibilisés - au travers de la diffusion de documents d'information – aux instruments internationaux auxquels la Mauritanie est partie.

La Mauritanie a mis en œuvre un grand nombre de projets, y compris des microprojets, en direction des groupes vulnérables, afin de lutter contre la pauvreté, le chômage et la violence domestique, a poursuivi la Commissaire. Quant aux nouvelles formes d'esclavage, un sommet a été organisé à un niveau élevé en présence de l'ensemble du corps diplomatique, a-t-elle indiqué. En Mauritanie, la création de syndicats et de partis politiques est encouragée, a poursuivi la Commissaire, avant d'insister sur l'élan démocratique en cours dans le pays. Elle a assuré que la Mauritanie ne comptait plus aucun prisonnier politique.

La Commissaire aux droits de l'homme et à l'action humanitaire a d'autre part indiqué que Nouakchott présenterait son rapport au Conseil des droits de l'homme cet automne dans le cadre de l'Examen périodique universel. Elle a en outre souligné que la Mauritanie avait invité plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil. Mme Mint M'Haïram a assuré que les droits fondamentaux étaient désormais la pierre angulaire de la politique du pays.


Fin des dialogues interactifs sur le droit à l'eau et à l'assainissement et sur les produits et déchets dangereux

Dialogue interactif sur le droit à l'eau et à l'assainissement

L'Espagne, qui a souligné l'importance de l'approche basée sur les droits dans le traitement de la problématique de l'accès à l'eau et à l'assainissement, a interpelé le Rapporteur spécial chargé de cette question pour s'enquérir de sa vision du nouveau programme de développement à l'horizon 2030. Le Chili a indiqué souffrir d'une pénurie en eau, en raison de la sécheresse, et s'est quant à lui dit intéressé de connaître les meilleures pratiques dans ce type de situation. La France, qui depuis 2006 a reconnu le droit à l'eau dans sa législation interne, a indiqué avoir développé une politique de coopération très active et diversifié à travers sa récente Stratégie interministérielle eau et assainissement. Elle a souhaité que le Rapporteur spécial donne son avis sur les moyens de mieux impliquer les acteurs privés dans la garantie effective du droit à l'eau et à l'assainissement.

Le Tadjikistan a attiré l'attention sur ses propres particularités climatiques qui exigent encore plus qu'ailleurs une gestion durable de la ressource en eau. Le pays a indiqué avoir mis en place une politique d'accessibilité de la population à l'ensemble des infrastructures disponibles. Le Kirghizistan a lui aussi insisté sur l'importance du principe d'accessibilité et de l'appliquer au niveau international. Un programme public a été élaboré en 2014 afin de moderniser les installations pour permettre à toute la population d'avoir accès à l'eau potable, a indiqué le pays. La Hongrie a mis en garde contre la crise majeure susceptible d'être provoquée par une augmentation excessive des tarifs de l'eau. Elle a ensuite mis en avant sa politique d'accessibilité qui a permis de réduire de 10% la tarification de l'eau sur son territoire. Le Mali a indiqué que le cadre stratégique dans le secteur de l'eau était marqué sur son territoire par une décentralisation administrative visant à responsabiliser les collectivités locales dans la maîtrise d'ouvrage. Il s'agit aussi d'inciter à la participation des bénéficiaires au financement des infrastructures en privilégiant l'approche par la demande. Les réformes qui se poursuivent dans ce contexte s'inspireront des recommandations du Rapporteur spécial, a indiqué la délégation malienne. Le Maroc a fait valoir que dès le lendemain de son indépendance, il avait promu une politique volontariste et avant-gardiste de gestion de la ressource en eau. Il estime par ailleurs qu'une attention particulière devrait être accordée aux besoins des pays en développement, notamment en termes d'assistance, de transfert du savoir-faire et de renforcement des capacités, afin de les aider à garantir un accès égal et généralisé à l'eau potable. L'Érythrée a assuré qu'elle s'efforçait depuis son indépendance de promouvoir un accès équitable à l'eau potable et à l'assainissement. De ce point de vue, la priorité donnée à l'amélioration de la situation dans les campagnes a permis de couvrir en moyenne 78% de la population. Il reste par conséquent de grands efforts à accomplir, a-t-elle précisé. Le Panama a mis en avant son programme visant à éliminer les latrines publiques tout en améliorant le réseau d'aqueducs et les installations de traitement de l'eau.

La Slovénie a souligné que le financement public devait permettre d'atteindre les groupes les plus marginalisés et défavorisés de la population.

Les Fidji ont indiqué avoir invité le Rapporteur spécial, exprimant l'espoir qu'il se rendrait prochainement dans l'archipel. Elles ont attiré l'attention sur leurs faibles ressources en eau et les pénuries que connaissent certaines des îles de l'archipel. Une solution peut être trouvée avec l'installation de petites unités de désalinisation, comme cela a été fait par le passé dans le cadre de certains programmes d'aide. Les Fidji escomptent que ce sujet sera abordé lors de la Conférence sur le climat COP21 à la fin de l'année.

Plusieurs délégations ont souligné que les efforts déployés au niveau national aux fins d'assurer l'accès à l'eau et à l'assainissement devaient s'accompagner d'une coopération internationale dans ce domaine. La République islamique d'Iran a estimé que sans volonté politique sur le plan international et sans mécanisme de responsabilisation et d'obligation redditionnelle, on ne parviendrait pas à améliorer la situation s'agissant de cette problématique. L'Afrique du Sud a souligné le rôle essentiel de la coopération internationale et de l'assistance dans la perspective des prochains objectifs de développement durable à l'horizon 2030. Le Bangladesh a rappelé que de nombreux États en développement s'échinaient à acquérir un niveau minimal de ressources nécessaires pour assurer la fourniture de base de l'eau et de l'assainissement. La coopération internationale est donc fondamentale, a souligné le pays.

Singapour a indiqué qu'il lui avait fallu trois décennies pour fournir à sa population un accès universel à l'assainissement, alors que moins d'un Singapourien sur deux en bénéficiait lors de l'accession à l'indépendance du territoire en 1965. Singapour partage son expérience et son savoir-faire avec d'autres pays en développement, au travers en particulier de formations dans le cadre de sa politique de coopération..

L'État de Palestine a rappelé que les Conventions de Genève obligent toute puissance occupante à assurer l'approvisionnement en eau des populations et a déclaré que les politiques et pratiques israéliennes dans l'État occupé de Palestine visent à porter systématiquement atteinte à ce principe de base, ajoutant que l'autorité d'occupation a entravé la construction d'infrastructures et leur entretien. La Fédération de Russie a quant à elle demandé à ce que l'on se penche sur le rapport de la mission de l'OSCE en Ukraine. La délégation russe a dénoncé la politique de l'Ukraine dans les territoires de Lougansk et de Donetsk ainsi que sa politique concernant l'approvisionnement de la Crimée en eau via le canal de Crimée du nord. La Géorgie a pour sa part indiqué avoir élaboré une nouvelle loi sur la gestion des ressources hydriques en s'inspirant de la réglementation européenne. Elle a dénoncé le mépris total des normes dans les régions occupées d'Abkhazie et de Tskhinvali.

L'Association américaine des juristes a dénoncé la violation du droit à l'eau et l'assainissement des peuples autochtones dans les régions touchées par des activités minières et a rappelé la nécessité de consulter les populations locales dans de tels contextes. L'ONG a également attiré l'attention sur la destruction des moyens d'accès à l'eau et l'assainissement à Gaza du fait des offensives militaires israéliennes. BADIL a dénoncé le détournement par Israël, Puissance occupante, des ressources hydriques de la Palestine ainsi que la destruction d'installations hydriques palestiniennes en violation du droit international. Du coup, l'accès des Palestiniens à l'eau potable est coûteux et très inférieur aux normes d'accès définies au plan international, a souligné l'ONG. International Lawyers Association a estimé que les services d'accès à l'eau devraient être développés sur la base du principe d'équité et a fait observer qu'en Palestine, les populations étaient contraintes d'acheter de l'eau à la Puissance occupante.

Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture a dénoncé l'agression contre le Yémen perpétrée par la coalition internationale menée par l'Arabie saoudite, attirant l'attention sur les destructions des ressources hydriques et électriques ainsi que sur le blocus qui prive la population d'accès aux médicaments. L'ONG a demandé au Conseil de prendre des mesures sévères contre «l'agresseur saoudien».

Mbororo social and Cultural Development Association a mis l'accent sur la situation catastrophique de l'accès à l'eau potable et à l'assainissement en Inde, affirmant que 90% des groupes de population les plus pauvres n'en bénéficiaient pas et accusant l'Inde de discrimination envers les plus pauvres. Centre for Human rights en peace Advocacy a lui aussi mis l'accent sur les difficultés d'accès à l'eau potable et à l'assainissement de plusieurs minorités en Inde, et en particulier des Dalits.

La Commission arabe des droits de l'homme, dans une déclaration conjointe, a demandé la mise en place d'une «feuille de route» pour réaliser d'ici à 2030 les objectifs de développement durable dans tous les domaines liés à l'eau. La Commission s'est enquise auprès du Rapporteur spécial de la manière dont, selon lui, pourraient s'organiser les efforts au niveau mondial visant à juguler la pénurie des ressources en eau. Villages unis a regretté que l'abordabilité de l'accès à l'eau et à l'assainissement ne soit pas assez étudiée, alors que cet accès permettrait de réaliser nombre d'objectifs de développement durable. Pour l'ONG, l'eau et l'assainissement doivent être une priorité absolue et la coopération de tous les États et autres acteurs intéressés dans ce domaine s'avère indispensable.

Verein Südwind Entwicklungspolitik a mis l'accent sur le coût de l'accès à l'eau dans les zones arides et semi-arides et a dénoncé les conditions illégales de nombreuses sources d'extraction de l'eau en République islamique d'Iran.

Dialogue interactif sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination des produits et déchets dangereux

La question de la publication d'informations fiables et précises par les sociétés produisant des substances et déchets dangereux a été au centre de la majorité des interventions. Le Maroc, qui a souligné l'importance du droit à l'information, a indiqué qu'il aurait souhaité que le rapport de M. Tuncak accorde une attention particulière aux défis que rencontrent les pays en développement, en tenant compte du rôle crucial de l'assistance internationale pour lutter de manière efficace contre les produits et déchets dangereux. La République de Corée a affirmé que l'information permet d'éviter de nombreuses violations de droits de l'homme résultant de l'exposition aux substances dangereuses. Elle a indiqué avoir promulgué en 2013 une loi prévoyant d'évaluer et d'enregistrer les substances chimiques, dans le cadre de la protection de la santé publique. Le Secrétariat de la Convention d'Aarhus de la Commission Économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE-ONU/UNECE) a fait part de sa disponibilité pour réfléchir aux questions relatives à l'accès à l'information concernant les substances et déchets dangereux. L'Équateur a affirmé qu'il en allait de la responsabilité des entreprises de fournir des informations sur les risques et effets des substances qu'elles produisent et utilisent; il incombe ensuite aux États de procéder aux vérifications nécessaires.

La Côte d'Ivoire a souligné que l'accès à l'information ne devrait pas être l'apanage des seuls gouvernements mais aussi celui de l'ensemble des populations, de sorte que le citoyen puisse être informé des risques encourus liés à son travail, à son cadre de vie ou à son environnement. La délégation ivoirienne a en outre souligné que les États devaient faire preuve d'une réelle volonté politique en renforçant leurs législations nationales et en aidant au respect et à l'application effective du cadre normatif international. La France a rappelé que le droit à l'information était crucial dans toute société libre et démocratique. Elle a en outre indiqué être engagée au niveau international dans l'obtention d'informations adéquates et de données scientifiques concernant les divers produits et déchets.

La République islamique d'Iran a indiqué avoir mis en place des critères pour la classification et l'étiquetage des produits chimiques. La Fédération de Russie a assuré prendre en compte le droit à un environnement sûr et a affirmé que sa politique publique visait à protéger des effets potentiellement néfastes de l'industrie chimique en informant le consommateur, en particulier. La Fédération de Russie s'est félicitée de la responsabilité sociale des entreprises russes à cet égard. Djibouti a indiqué que son Ministre de l'environnement avait annoncé récemment, lors d'un sommet régional, le lancement d'une importante campagne de sensibilisation axée sur l'environnement et la santé.

Après avoir rappelé l'héritage de l'ère soviétique Le Kirghizistan a insisté sur l'importance de l'assistance internationale pour faire face à la problématique des produits et déchets dangereux.

Le Chili s'est enquis auprès du Rapporteur spécial des instruments ou mesures qui, selon lui, pourraient être adoptés pour garantir que les pays producteurs de substances ou déchets dangereux, en particulier chimiques, fournissent l'information disponible concernant les effets de ces produits sur la santé et l'environnement et s'engagent à les contrôler. Quant à l'Afrique du sud, elle a indiqué attendre avec intérêt la contribution du Rapporteur spécial au débat et à l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant concernant ces questions. Le Bangladesh a quant à lui fait part de son désaccord avec certaines conclusions et recommandations de M. Tuncak: le pays ne voit pas, en effet, ce qui justifierait que certaines informations ne soient pas divulguées. De l'avis du Bangladesh, le Rapporteur spécial doit veiller à ce que certaines de ses recommandations ne soient pas interprétées ou détournées pour dresser des barrières commerciales non tarifaires.

Le International Committee for the Indians of the Americas - Incomindios Switzerland a rappelé que plus de 15 000 mines d'uranium sont abandonnées aux États-Unis et que 2000 autres sont à ciel ouvert, alors que des milliers de personnes vivent à proximité sans le savoir et sans être informées des conséquences. L'ONG a également dénoncé le manque d'information des populations autochtones, notamment celles qui sont colonisées, quant aux risques des activités minières ou industrielle. International-Lawyers.Org a demandé que soit étudiée la question de la responsabilité des entreprise transnationales gérant des substances toxiques, en vue de la rédaction d'un instrument international juridiquement contraignant sur cette question.

China Society for Human Rights Studies a rappelé qu'il existe en Chine une législation sur la gestion des déchets. L'ONG a expliqué qu'après la catastrophe de Tianjing, des mesures ont été prises afin de garantir le droit à la santé, à l'eau potable et à l'environnement en général. Il a été décidé d'établir un mémorial sur le site et les habitants seront relogés, a ajouté l'ONG, estimant qu'il fallait considérer ces mesures comme un exemple de bonne pratique.

Human Rights Now a accusé le Japon d'ignorer les droits de l'homme à la suite de l'accident de Fukushima de 2011. Ainsi, la compagnie directement concernée par cette catastrophe va prochainement cesser le versement de ses indemnisations, ce qui va obliger de nombreuses personnes à retourner vivre dans des zones contaminées, alors que 40% des zones résidentielles touchées ne sont toujours pas dépolluées. Les procédures spéciales devraient se rendre au Japon pour étudier la situation sur place.

Remarques et conclusions des experts

M. LÉO HELLER, Rapporteur spécial sur le droit à l'eau et à l'assainissement, a rappelé qu'il n'y avait pas de solution universelle à la question de l'accès abordable à l'eau portable et à l'assainissement, qui dépend des pays, des conditions économiques et des lieux, entre autres. Idéalement, il faudrait bien sûr que chaque ménage y ait accès directement, a-t-il ajouté. Le Rapporteur spécial a par ailleurs rappelé que les futurs objectifs de développement durable pour 2030 prévoient un accès universel à l'eau potable et la mise en place d'un système d'assainissement et d'hygiène pour tous, tout en soulignant la nécessité d'en tarifer l'accès en tenant compte des groupes les plus vulnérables, femmes et fillettes notamment. A cette fin, il faudra collecter de nombreuses statistiques et renforcer les mécanismes de surveillance et de suivi, a fait observer M. Heller. Il est essentiel que les États qui, pour assurer l'accès à l'eau et à l'assainissement, ont recours à des prestataires privés recherchant le profit établissent des cadres et cahiers des charges garantissant l'accès aux plus démunis, a ajouté le Rapporteur spécial.

M. Heller a par ailleurs souligné que la coopération internationale était un pilier de la réalisation des objectifs de développement durable. Elle doit aller de pair avec le développement du cadre des droits de l'homme et se faire elle-même dans le cadre d'une approche axée sur les droits de l'homme. L'inclusion de la population dans les prises de décisions aura en outre des effets sur de nombreux autres objectifs, a indiqué le Rapporteur spécial. Les conséquences du changement climatique sur l'accès à l'eau et à l'assainissement devraient être considérées comme une priorité, a poursuivi M. Heller, qui a promis de les intégrer dans son mandat et a annoncé son intention de traiter de cette question dans un prochain rapport.

M. BAŞKUT TUNCAK, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, a rappelé que la question des produits et déchets toxiques et dangereux affecte toutes les populations partout dans le monde. Le droit de disposer des informations relève à la fois des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques – au nombre desquels figure le droit à la vie, a-t-il souligné. M. Tuncak a expliqué qu'il avait dans plusieurs enceintes et réunions insisté sur l'intérêt d'une «approche droits de l'homme» pour combler de nombreuses lacunes, dont précisément le droit à l'information (sur lequel son rapport s'est concentré cette année).

Le Rapporteur spécial a ensuite estimé qu'une des meilleures façons d'éviter le déversement illégal de produits toxiques au large des côtes de certains pays consisterait à trouver des alternatives à ces produits. Il a par ailleurs fait observer que si la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination a été ratifiée par la plupart des États, le Protocole additionnel (dit «Ban Amendment») visant à interdire l'exportation par les États membres de l'OCDE de produits toxiques vers les pays non membres de cette organisation n'était toujours pas entré en vigueur, faute d'un nombre suffisant de ratifications. M. Tuncak a donc demandé aux États qui ne l'ont pas encore fait de ratifier rapidement ce texte.

M. Tuncak a constaté que son mandat chevauchait celui de plusieurs autres procédures spéciales, ce qui explique qu'il collabore avec plusieurs autres titulaires de mandats, comme le Rapporteur spécial sur le droit à la santé et celui sur le droit à l'alimentation, ou encore avec les organes créés en vertu de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a rappelé que, depuis 2011, le champ d'action de son mandat avait été fortement élargi par le Conseil des droits de l'homme, en y incluant le cycle de vie des substances toxiques. Il a par ailleurs souligné que 90% des déchets électroniques étaient traités de manière illégale.

Le Rapporteur spécial a rappelé qu'en vertu du droit international des droits de l'homme, très peu de limites sont imposées au droit à l'information. Il existe beaucoup d'informations sur les produits chimiques, mais peu sur leur gestion optimale dans un contexte industriel, a-t-il fait observer. Il faut établir une coopération internationale par une information réciproque des États sur les produits dangereux, a-t-il indiqué.

En conclusion, le Rapporteur spécial a rappelé que l'information restait très insuffisante, tant pour les travailleurs de l'industrie que pour les consommateurs. Évoquant de nouveau la crise sanitaire mondiale (NDLR: sur laquelle il a attiré l'attention du Conseil hier après-midi, lors de la présentation orale de son rapport), M. Tuncak a notamment signalé que les cancers de la thyroïde avaient fortement augmenté depuis quelques années, notamment chez les enfants, et que des formes de diabète que l'on ne connaissait auparavant que chez les adultes sont apparues aussi chez l'enfant.

Examen des rapports sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable et sur les mesures coercitives unilatérales

Présentation des rapports

M. ALFRED DE ZAYAS, Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, a indiqué que son rapport se penche sur les principaux défis posés par les activités des entreprises et investisseurs internationaux qui interfèrent avec les espaces régaliens des États. Il a constaté l'existence d'un paradoxe: les États sont parties à des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ayant effet immédiat, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; mais ils sont également parties à des accords de coopération ou de libre-échange qui empiètent sur la jouissance de ces droits de l'homme. De l'avis de l'Expert indépendant, ce paradoxe peut être résolu par la mise en œuvre de l'article 103 de la Charte des Nations Unies, qui stipule que le régime international des droits de l'homme l'emporte sur tous les autres traités – ce que la Cour internationale de justice devrait rappeler en émettant un avis consultatif à ce sujet.

M. de Zayas a également estimé que les activités d'investissement des entreprises ne justifient pas la violation des droits de l'homme et que les risques accompagnant ces investissements ne leur donnent pas le droit d'imposer des conditions aux États, d'exiger des garanties de profits, ni même d'intervenir dans les processus législatifs. Il revient aux entreprises d'assumer les risques d'investissements, a insisté l'Expert.

Les mécanismes de règlement arbitral des différends entre États et investisseurs, inscrits dans de nombreux accords commerciaux, ont montré leurs limites et constituent de fait une privatisation de la justice, a poursuivi l'Expert indépendant. Cela est contraire à l'article 14, paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui exige que les conflits soient réglés par des tribunaux indépendants, dans le respect des principe de transparence et d'impartialité, a-t-il souligné. Sur ce sujet, la Cour internationale de justice devrait également émettre un avis et rappeler les obligations découlant de ce Pacte.

La mondialisation ne peut justifier que les investisseurs ou les entreprises internationales se substituent aux États et empiètent sur leurs droits régaliens, a insisté M. de Zayas. Dans ce contexte, il a plaidé pour un réexamen des accords de libre-échange existants, afin de voir en quoi ils violent le droit international relatif aux droits de l'homme. Le Conseil de droits de l'homme devrait envisager de saisir la Cour internationale de justice ou en référer à l'Assemblée générale, a estimé l'Expert indépendant. Les accords qui empiètent sur les prérogatives des États devraient être abrogés, car ils représentent une entrave à l'établissement d'un ordre international démocratique équitable, a-t-il conclu.

Le Conseil est saisi du rapport sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable (A/HRC/30/44).

M. IDRISS JAZAÏRY, Rapporteur spécial sur l'impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l'homme, a remercié les délégations ayant soutenu sa nomination et qui se sont montrées désireuses de collaborer avec son mandat. A celles qui, à l'inverse, ont exprimé leur préoccupation face à sa nomination, il a rappelé que par le passé, elles s'étaient jointes au consensus lorsqu'il s'était présenté à un poste plus exigeant pour diriger une agence spécialisée des Nations Unies (NLDR: M. Jazaïry a été Président du Fonds international de développement agricole – FIDA) – poste auquel il avait même été réélu par la suite par acclamation. M. Jazaïry a dit escompter que la confiance et le soutien reviendront à son endroit, comme cela a été le cas par le passé. Bien que le vote de la résolution 27/21 (portant création du mandat de Rapporteur spécial sur l'impact négatif des mesures coercitives unilatérales) ait donné lieu à des divisions, M. Jazaïry a appelé tous les États membres à s'engager en faveur de la mise en œuvre de cette résolution et à soutenir ses efforts qui viseront à élargir les domaines de consensus.

M. Jazaïry a ensuite défini ce qu'il entendait par «mesures coercitives unilatérales», autrement dit des mesures autres que celles votées par le Conseil de sécurité en vertu de la Charte des Nations Unies. Il a attiré l'attention sur le fait que tous les groupes de pays, qu'ils soient développés ou non, avaient à un moment ou un autre adopté de telles mesures, qui ne sont pas toujours litigieuses. En fait, elles peuvent même être tout à fait appropriées, dans la lutte contre la traite d'êtres humains, la corruption, le terrorisme ou le trafic de stupéfiants, par exemple. Le Rapporteur spécial a fait part de son intention de différencier les mesures globales de celles qui sont ciblées.

M. Jazaïry a ensuite analysé la question des mesures coercitives unilatérales du point de vue des Nations Unies. Leur légalité sous l'angle du droit international doit faire l'objet d'un débat, car elles sont susceptibles de lui porter atteinte et d'affecter la jouissance des droits de l'homme par les classes les plus vulnérables des populations concernées, a-t-il souligné. Il a attiré l'attention sur l'augmentation spectaculaire de ce type de mesures depuis les années 1990, faisant observer qu'il s'agit parfois d'alternatives pacifiques à la guerre et parfois, au contraire, d'actions de nature hostile. Les indicateurs actuels incitent à penser que la tendance à l'augmentation de ce type de mesures n'est pas sur le point de s'inverser. Heureusement, des améliorations qualitatives dans la nature des mesures coercitives unilatérales se sont produites en réponse aux préoccupations soulevées en matière de respect des droits de l'homme, a toutefois relevé M. Jazaïry. En conclusion, il a soulevé un certain nombre de questions concernant la façon dont la communauté internationale pourrait exercer son devoir de protéger dans ce contexte.

Le Conseil des droits de l'homme est saisi du rapport sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme (A/HRC/30/45, disponible en anglais).

Débat interactif sur les mesures coercitives unilatérales

L'Arabie saoudite, au nom du Groupe arabe, a jugé essentiel de mettre un terme aux mesures coercitives unilatérales qui nuisent à de nombreux pas, dont des pays arabes. L'Algérie, au nom du Groupe africain, a estimé que le recours aux embargos et autres mesures coercitives unilatérales est contraire à la Charte des Nations Unies et ne peut que nuire aux droits des populations et au développement à long terme des États visés. Pour le Groupe africain, la communauté internationale doit d'urgence prendre des mesures pour mettre fin aux mesures coercitives unilatérales et privilégier le dialogue constructif, dans le respect de l'égalité souveraine de tous les États

Débat interactif sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable

L'Algérie, au nom du Groupe africain, a estimé qu'un ordre international démocratique et équitable ne pourra être atteint que progressivement; cela passe inévitablement par la réforme d'organes et institutions qui, pour l'heure, créent des inégalités à différents niveaux, y compris en termes de participation. L'Algérie a par ailleurs souligné que les accords de libre-échange devraient répondre à la volonté des peuples.
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*Délégations faites dans le cadre du débat interactif sur le droit à l'eau et à l'assainissement: Espagne; Tajikistan; Kyrgyzstan; Slovenie; République islamique d'Iran; Hongrie; État de Palestine; Fédération de Russie; Chili; Mali; Afrique du Sud; Fiji; Singapour; Maroc; République de Corée; Eriythrée; UNECE; Équateur; Géorgie; Panama; Côte d'ivoire; France; Djibouti; Bangladesh; Association américaine de juristes; International Committee for the Indians of the Americas - Incomindios Switzerland; China Society for Human Rights Studies ; Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture; Human Rights Now; Mbororo Social and Cultural Development Association; Centre for Human Rights and Peace Advocacy; Commission arabe des droits de l'homme, au nom également de ; CIRID (Centre Independent de Recherches et d'Iniatives pour le Dialogue); International-Lawyers.Org; BADIL Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights; Verein Südwind Entwicklungspolitik; et Villages Unis.

*Délégations faites dans le cadre du débat interactif sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux: Maroc, République de Corée, Secrétariat de la Convention d'Aarhus de la Commission Économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE-ONU/UNECE); Équateur; Côte d'Ivoire; France; République islamique d'Iran; Fédération de Russie; Djibouti; Kirghizistan; Chli; Afrique du sud; Bangladesh; Comité international des Indiens d'Amérique; International-Lawyers.Org; et China Society for Human Rights Studies; Human Rights Now.


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HRC15/113F