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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LE CHILI

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, les rapports présentés par le Chili sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le rapport a été présenté par la Secrétaire exécutive du Conseil national de l'enfance, Mme María Estela Ortiz Rojas, qui a notamment déclaré que pendant la période concernée, son pays avait déposé les instruments de ratification du troisième protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de plaintes individuelles, ce qui porte à 18 le nombre d'États l'ayant ratifié. Elle a ensuite attiré l'attention sur les réformes structurelles en cours au Chili, notamment depuis les dernières élections présidentielles de 2014, et en dépit de 8 catastrophes naturelles en huit mois. Dans ce contexte, elle a souligné l'importance de la mise en place d'un système de justice spécialisée pour les conflits au sein de la famille et les infractions commises par des adolescents; d'un système de protection universelle du droit à la santé et de plusieurs garanties de protection du développement de la petite enfance. En outre, la loi d'inclusion scolaire, qui élimine la logique mercantile de l'éducation héritée de la dictature militaire et de sa conception de privatisation des biens publics, entrera en vigueur en mars 2016, a annoncé la chef de la délégation. De son côté, Mme Rosa María Maggi Ducommun, ministre à la Cour suprême, a brièvement décrit la réforme du système judiciaire chilien, dont les nouvelles dispositions constituent, selon elle, «des jalons importants dans la protection des enfants et leur accès à la justice» ainsi que la prise en considération de leur opinion. Elle a aussi mis l'accent sur les progrès réalisés en ce qui concerne la reddition de comptes du personnel de la justice à tous les niveaux.

La délégation était également constituée de la responsable des relations internationales au service national des mineurs; du chef de la division juridique du Ministère de l'intérieur et de la sécurité publique; de la Coordinatrice nationale du système de protection intégrale de l'enfance «Chile Crece Contigo» au Ministère du développement social; du Coordonnateur de l'unité d'inclusion et de participation citoyenne au Ministère de l'éducation; et de plusieurs conseillers. La Directrice de l'Institut national des droits de l'homme était également présente. La délégation a notamment répondu à des questions des membres du Comité sur l'intégration des dispositions de la Convention dans tous les secteurs de la vie affectant les enfants; sur la création du Médiateur pour la protection de l'enfance, sur les disparités sociales et régionales; sur la réforme législative engagée s'agissant notamment de l'adoption, de l'avortement, des châtiments corporels et de la violence en milieu scolaire. La délégation a en outre fourni des informations en réponse aux questions du Comité sur l'application du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, et de celui concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Les membres du Comité chargés de l'examen du rapport du Chili étaient M. Hatem Kotrane et M. Jorge Cardona Llorens. Ils ont salué la ratification par le Chili du troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Ils ont par ailleurs félicité le pays pour «l'architecture antisismique d'avant-garde» qui a permis l'évacuation de la population lors du séisme du 16 septembre dernier, mais se sont enquis du sort des victimes de celui de 2010 qui se trouvent toujours dans des camps. Ils ont notamment appelé le Chili à relever l'âge du mariage à 18 ans; à procéder à l'enregistrement et à l'octroi de la nationalité aux enfants de migrants, indépendamment du statut migratoire de leurs parents; et à veiller à remédier aux discriminations à l'égard des enfants autochtones. Les rapporteurs ont en outre fait part de la vive inquiétude du Comité face à la répression des manifestations estudiantines de 2011-2012, et appelé à des changements à la fois dans le système éducatif et dans les protocoles des forces de police en matière de recours à la force. En conclusion, ils ont rappelé que le Chili représentait aujourd'hui une référence mondiale en matière des droits de l'homme; le Comité reste assuré qu'il continuera dans la voie de l'application de la Convention.

Le Comité adoptera des observations finales sur les rapports présentés par le Chili dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le 2 octobre prochain.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport périodique de Timor Leste (CRC/C/TLS/2-3).


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport périodique du Chili (CRC/C/CHL/4-5 à paraître en français), ainsi que de ses réponses (CRC/C/CHL/Q/4-5/Add.1 à paraître en français) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/CHL/Q/4-5).

MME MARÍA ESTELA ORTIZ ROJAS, Secrétaire exécutive du Conseil national de l'enfance et chef de la délégation, a souligné que la composition de la délégation était le miroir de l'engagement transversal du Chili dans la promotion, la garantie et la protection des droits de l'enfant. Cet engagement est également manifeste par la ratification des principaux instruments internationaux relatifs aux droits des garçons, des filles et des adolescents, notamment le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées. Le Chili vient en outre de déposer les instruments de ratification du troisième protocole facultatif à la Convention, établissant une procédure de plaintes individuelles, portant ainsi à 18 le nombre d'État ayant ratifié ce nouvel instrument.

Depuis l'entrée en vigueur de la Convention, le Chili a mis en place un système de justice spécialisée pour les conflits au sein de la famille et les infractions commises par des adolescents; un système de protection universelle du droit à la santé et diverses garanties de protection du développement de la petite enfance. Une série de réformes structurelles de l'enseignement ont également été entreprises, en 2014, avec l'adoption de la loin d'inclusion scolaire, qui élimine la logique mercantile de l'éducation héritée de la dictature militaire et de sa conception de privatisation des biens publics. Cette loi, qui entre en vigueur en mars 2016, abolit également toute discrimination fondée sur des facteurs socioéconomiques et de rendement des établissements ainsi que la contribution des parents aux frais scolaires.

Mme Ortiz Rojas a ensuite fait valoir les résultats obtenus entre 2006-2015 faisant de son pays l'un des plus avancés en Amérique latine dans le domaine du développement humain: le taux de mortalité a chuté à 7 pour 1000 naissances; l'espérance de vie est passée à 78 ans; l'assistance à l'éducation primaire à 92%; la pauvreté est en chute libre; la malnutrition a été éliminée; et les maladies transmissibles sont maîtrisées. Il n'en reste pas moins que les disparités subsistent, en particulier entre différentes couches sociales. Ces discriminations et exclusions concernent plus particulièrement les peuples autochtones, l'identité du genre, les personnes handicapées, le statut migratoire et l'appartenance ethnique, a précisé la chef de la délégation.

La responsable du Conseil national de l'enfance a aussi mis l'accent sur le taux de prévalence élevée de violence et d'abus contre des mineurs. Ainsi, il ressort d'un sondage de l'UNICEF, en 2012, que 71% des élèves du secondaire ont affirmé avoir subi des violences, dont 25,9% ont fait l'objet d'une grave forme de violence physique de la part de leurs parents. En 2013, le Ministère de l'intérieur a été saisi de plus de 24 mille plaintes pour délits sexuels, dont 74% sur des enfants des deux sexes.

Dans ce contexte, le défi majeur consiste à adapter les politiques publiques et la législation pour promouvoir les droits de l'enfant par le renforcement institutionnel des systèmes de protection. Dans cette optique, le Conseil national de l'enfance a été mis sur pied en 2014, où siègent des représentants des pouvoirs publics, de la société civile et d'organismes observateurs comme l'UNICEF et l'Institut national des droits de l'homme, a précisé Mme Ortiz Rojas. Le Conseil est doté d'un secrétariat exécutif, qu'elle dirige, et de ressources financières et humaines nécessaires à la formulation d'une nouvelle politique nationale et d'un plan d'action. Il est également chargé de l'élaboration des projets de loi qui vont institutionnaliser le Système de garanties des droits de l'enfance. Mme Ortiz Rojas a aussi fait état d'une campagne dans toutes les régions du pays intitulée «J'ai le droit de donner mon avis».

La Secrétaire exécutive a indiqué que la jurisprudence des tribunaux avait intégré le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et qu'un projet de loi prévoit la mise en place d'un défenseur de l'enfant, autre pilier fondamental du Système de garantie des droits de l'enfance.

Embarqué dans un processus de réformes structurelles, le Chili a notamment connu, depuis 2006, la «révolution des pingouins» qui a été le plus grand mouvement social des élèves du secondaire depuis le retour de la démocratie, suivi de celui des étudiants universitaires, en 2011. Ces faits historiques montrent que les adolescents, en tant que sujets sociaux et politiques, ont réussi à attirer l'attention de la société sur la crise de l'éducation au Chili. Les étudiants ont en effet remis en question les institutions en place, qui étaient non inclusives et discriminatoires. Partant, les autorités démocratiques ont eu la capacité de traduire ce sentiment profond en propositions de changement structurel: «les enfants interpellent tout le monde, sans distinctions idéologiques ni religieuses», a affirmé Mme Ortiz Rojas.

MME ROSA MARÍA MAGGI DUCOMMUN, ministre à la Cour suprême, a espéré, pour sa part, que le Comité reconnaîtrait les progrès accomplis par le Chili dans l'application de la Convention. Elle a indiqué que le système judiciaire avait posé des jalons significatifs dans le domaine de protection des enfants dans le système judiciaire, en leur donnant une voix, un accès à la justice, une écoute réelle et une protection mentale et physique. Elle a aussi mis l'accent sur la réforme de la justice chilienne et sur les progrès accomplis en matière dans la reddition de comptes du personnel judiciaire à tous les niveaux. La Cour suprême a ainsi inscrit le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant comme principe incontournable, désormais, dans toute procédure judiciaire impliquant un mineur.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. HATEM KOTRANE, expert du Comité chargé de l'examen du rapport du Chili, a regretté que le président du sénat chilien, qui devait diriger la délégation, n'ait pu se rendre à Genève en raison du tremblement de terre qui a secoué le pays le 16 septembre dernier. Il a salué le fait que les systèmes d'alerte précoce au Chili et une architecture antisismique d'avant-garde aient permis une évacuation de la population à cette occasion, réduisant ainsi le nombre de victimes. Il a cependant demandé quelles étaient les mesures envisagées en vue de régler la situation des familles vivant dans des camps depuis le séisme de 2010. M. Kotrane a salué la ratification par le Chili du troisième protocole facultatif de la Convention, de la Convention 189 de l'Organisation internationale du travail sur les travailleurs domestiques et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

S'agissant des questions qui exigent davantage d'efforts de la part du Chili, M. Kotrane a demandé quels étaient les obstacles qui empêchent le pays de relever à 18 ans l'âge minimum du mariage. D'autre part, la loi fait-elle obligation expresse aux juges d'écouter le point de vue de l'enfant dans toute procédure? L'expert a ensuite soulevé les difficultés dans l'enregistrement des enfants de parents migrants, en particulier illégaux, et de la jouissance de leur droit à la nationalité, s'ils sont nés sur le sol chilien. Tout aussi préoccupantes sont les restrictions imposées aux lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels parmi les enfants ainsi qu'aux enfants autochtones dans l'exercice de leur droit à l'identité.

M. Kotrane a en outre fait part de l'inquiétude profonde du Comité face au fait que les enfants ne sont pas considérés comme sujets de droit par la loi de 2011 sur les associations et la participation des citoyens à la vie publique. Le Comité est tout aussi préoccupé par la répression des manifestations estudiantines de 2011-2012, et appelé à des changements dans le système éducatif et l'utilisation abusive des mesures de détention à leur égard. À cet égard, M. Kotrane a ainsi voulu savoir quelles étaient les mesures envisagées par le Chili en vue de mettre en place, au sein de la police, des protocoles conformes aux normes internationales.

M. JORGE CARDONA LLORENS, expert du Comité également chargé du rapport du Chili, s'est demandé en quoi consisterait la réforme constitutionnelle en ce qui a trait aux enfants et quelle serait la procédure d'adoption des nouveaux textes. Il a posé une série de questions sur les données relatives à l'enfance et aux ressources budgétaires directement consacrées aux droits de l'enfant. Il a aussi traité de l'impact des activités des entreprises privées sur les droits de l'enfant dans tous les domaines de la vie. Le pays dispose-t-il d'une législation spécifique visant à la prévention de violations des droits de l'enfant par ces entreprises?

La société chilienne est une société d'exclusion économique, ethnique et sexuelle, ce qui ne manque pas d'avoir des effets dévastateurs sur les enfants et sur la manière dont ils se perçoivent, a commenté le M. Cardona Llorens. Existe-t-il un projet de loi sur l'identité de genre, s'est-il enquis. De la même façon, les adolescents sont stigmatisés et font l'objet d'un système de contrôle d'identité préventif, ce qui est contraire à la Convention, car un mineur n'est pas tenu d'avoir une carte d'identité, a-t-il conclu.

Parmi les autres membres du Comité, une experte s'est demandée comment le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant était appliqué dans tous les secteurs. Une autre a sollicité des précisions sur les nouvelles structures adoptées en faveur de l'enfant dans le cadre du processus de changement, dans l'éducation plus particulièrement, et sur la coordination entre les ministères de l'éducation et de la santé. Saluant l'expérience chilienne en matière de coopération multisectorielle et interdisciplinaire, elle a aussi voulu savoir comment le plan «Chile crece contigo»(le Chili grandit avec toi) intégrait toutes les composantes sociales. La société civile exécute un ensemble de services spécialisés mais son rôle ne semble pas clair dans le cadre de la réforme en cours. L'experte s'est félicitée, en revanche, des audits fréquents effectués par l'État partie.

Deux membres du Comité se sont enquis du système de surveillance des centres d'accueil des mineurs pour prévenir ou agir en cas de châtiments corporels ou d'abus. Ils se sont inquiétés de fréquentes allégations de cas de torture et de mauvais traitement au Chili. Ils ont invité l'État partie à mener des enquêtes dans tous les milieux où se trouvent des enfants (police, centres de détention des mineurs, manifestations…). Une experte a insisté sur le respect de la proportionnalité de l'usage de la force par les agents de l'État. Le Chili compte-t-il interdire les châtiments corporels dans tous les milieux, y compris au sein de la famille et de la part des tuteurs, a demandé un membre du Comité. Un autre expert a voulu obtenir des détails sur les ressources humaines et financières prévues pour le futur bureau du Médiateur pour les droits de l'enfant. Une experte a demandé si le Chili comptait réduire l'âge minimum pour qu'un enfant puisse connaître son identité.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la situation des enfants dont les mères sont en prison; les enfants de moins de deux ans peuvent y vivre avec leurs mères mais qu'arrive-t-il à ceux qui sont plus grands, a-t-il été demandé? Une experte a souhaité savoir si et comment la législation en vigueur tenait compte de l'intérêt supérieur des enfants dont les parents sont condamnés à une peine de prison. Elle s'est en outre enquise des mesures prises par le Chili pour l'accueil de migrants et de réfugiés, eu égard à la crise migratoire mondiale actuelle.

Les procédures administratives d'enregistrement des enfants de migrants et de réfugiés sont lourdes et bureaucratiques, a fait observer un expert, appelant à ne pas fragiliser davantage ces catégories d'enfants et à faciliter leur accès à la nationalité chilienne, à l'éducation et à la santé. Ce même expert a en outre voulu savoir s'il existait une procédure d'inspection permettant de sanctionner les éventuels employeurs qui exploitent les travailleurs et travailleuses domestiques en abusant d'eux. Des mesures concrètes ont-elles été prises pour limiter le recours à la détention préventive à l'encontre des enfants, a également demandé l'expert?

S'agissant des questions d'éducation, plusieurs membres du Comité ont souhaité en savoir davantage sur la qualité de l'éducation, les financements publics consacrés à l'éducation, l'abandon scolaire des filles enceintes et la lutte contre la discrimination dans différents établissements scolaires, en milieu tant urbain que rural.

Pour ce qui est des questions de santé, un expert a plaidé pour une dépénalisation de l'avortement. Que prévoit le plan national sur les enfants handicapés, a demandé un autre expert?

S'agissant de la mise en œuvre du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, un membre du Comité s'est enquis du sort d'un militaire chilien qui avait commis des abus sexuels alors qu'il était en mission dans le cadre d'une opération de maintien de la paix de l'ONU. Cet expert a plaidé pour une incrimination de toutes les formes d'enrôlement d'enfants dans un conflit armé.

En ce qui concerne le Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, un membre du Comité a affirmé rester sur sa faim eu égard au manque d'informations relevant directement du Protocole figurant dans le rapport présenté au titre de cet instrument par le Chili.

Les membres du Comité se sont inquiétés de cas d'abus et de viols dans les centres d'accueil pour mineurs. Évoquant par ailleurs les cas d'abus sexuels commis par des prêtres, ils ont exigé des enquêtes, ainsi que des sanctions contre les auteurs de ces abus et des réparations pour les victimes.

S'intéressant au Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, un expert a prié la délégation d'expliquer la raison pour laquelle dans l'aviation, les jeunes sont recrutés dès 17 ans au lieu de 18 ans.

Une experte s'est enquise des campagnes menées en matière de prévention de la pneumonie, du paludisme, de l'obésité et de maladies transmissibles chez l'enfant. Elle a en outre recommandé de que les jeunes filles enceintes ne soient pas séparées de leur famille. Notant une augmentation de l'alcoolisme et de la toxicomanie chez les jeunes, cette experte a voulu savoir si des enquêtes permettant de disposer de chiffres précis ont été effectuées sur ces questions. Existe-t-il une loi fixant l'âge de la consommation de boissons alcoolisées, a-t-elle demandé? Elle s'est en outre enquise des mesures et actions prises en faveur des enfants infectés par le VIH/sida ou souffrant de la tuberculose?

Le Chili envisage-t-il de mettre en œuvre une politique spéciale de prévention du suicide, alors que ce phénomène atteint une ampleur alarmante au regard des chiffres disponibles, a-t-il en outre été demandé?

Une experte a fait observer que les lois actuellement en vigueur ne couvraient pas tous les cas de figure en matière d'adoption.

Plusieurs experts ont constaté que les enfants autochtones faisaient l'objet au Chili de discriminations multiples et ont demandé au pays de remédier à cette situation, notamment en ce qui concerne les violences à l'égard de ces enfants et leur droit de recevoir une éducation dans leur langue maternelle.

Réponses de la délégation

La délégation a attiré l'attention sur le Plan national 2010-2015 sur les droits de l'enfant, qui a fait suite au Plan national pour l'enfant 2006-2010 et. Ce Plan s'inscrit dans une politique intégrale relative aux droits de l'enfant qui vise à protéger tous les mineurs de moins de 18 ans qui résident sur l'ensemble du territoire national, a-t-elle précisé.

Cela concerne aussi les enfants migrants, qui sont eux aussi titulaires de ces mêmes droits, a insisté la délégation, avant de souligner que la société avait une responsabilité conjointe face aux droits de l'enfant. Elle a par la suite précisé que le Gouvernement chilien avait révisé les lois relatives aux migrations dans le but de revitaliser les initiatives en faveur des migrants et de leurs enfants. Le séjour au Chili de tous les enfants inscrits dans un établissement scolaire reconnu par l'État a été régularisé, a indiqué la délégation. Des mesures ont également été prises pour faciliter l'accès à la santé des personnes se trouvant en situation irrégulière, des femmes enceintes et des enfants migrants de moins de 18 ans. La vulnérabilité des réfugiés est un sujet auquel la population chilienne est très sensible, a assuré la délégation; cela a conduit le Gouvernement à établir une procédure de régularisation de leur statut à titre humanitaire et à prévoir une aide financière et une aide à l'apprentissage de la langue en faveur de ces personnes. Il y a dix jours, à l'occasion de la visite du Directeur général de l'Organisation internationale des migrations (OIM), il a été convenu d'envisager l'installation dans le pays d'un certain nombre de familles réfugiées syriennes. Cette initiative s'inspire de l'expérience fructueuse de l'accueil de réfugiés palestiniens il y a quelques années, qui a été suivi de leur naturalisation au fil du temps, après consultation des communautés d'accueil, a précisé la délégation.

Le changement culturel demeure un défi majeur pour une société telle que la société chilienne, qui est caractérisée par la diversité et où le secteur conservateur est très présent, a poursuivi la délégation. Le pays est en train de passer d'une focalisation extrême sur l'économie libérale à un renforcement des droits de l'homme, a-t-elle indiqué.

Le Ministère du développement social sera l'autorité suprême chargée de la mise en œuvre de la législation visant à garantir les droits de l'enfant, a expliqué la délégation, après avoir reconnu que l'adoption de divers textes de loi majeurs concernant les droits de l'enfant accusait un certain retard. Le Ministère de la justice veillera, quant à lui, à l'application des droits des mineurs dans l'administration de la justice, a ajouté la délégation. Elle a en outre attiré l'attention sur un certain nombre d'organes chargés des droits de l'enfant qui ont été créés, citant notamment le Conseil de consultation des enfants et des adolescents. Les propositions émanant des enfants sont reflétées dans les programmes de politique sociale, a ajouté la délégation. De son côté, le Parlement a tenu une dizaine de réunions consacrées aux droits de l'enfant, a-t-elle indiqué; il a ainsi décidé de suspendre la loi relative à l'adoption afin de la mettre en conformité avec la Convention.

La délégation a par ailleurs assuré que le Médiateur pour les droits de l'enfant serait indépendant et bénéficierait des moyens nécessaires à la réalisation de son mandat. Les discussions sont en cours sur la manière d'intégrer harmonieusement cette nouvelle institution dans la structure institutionnelle existante, a précisé la délégation.

Les juges ont l'obligation de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, a d'autre part assuré la délégation. Les auditions d'enfants dans les procédures judiciaires les concernant sont obligatoires et se tiennent dans des salles spéciales des tribunaux de la famille dans une atmosphère qui incite à la confiance, a-t-elle en outre souligné, précisant que de telles salles existaient dans 25 tribunaux du pays et que l'idéal serait de parvenir à en avoir 80. Des brochures et des contes illustrés ont été publiés pour expliquer à l'enfant la situation dans laquelle il se trouve (dans un contexte judiciaire), a poursuivi la délégation. L'académie judiciaire, quant à elle, dispense un cours sur le droit international et sur les dispositions de la Convention afin de bien préparer tous les acteurs des procédures judiciaires à appliquer efficacement les dispositions de cet instrument, y compris en ce qui concerne l'intérêt supérieur de l'enfant. En août dernier, le sixième séminaire international sur les délits sexuels a permis de former des dizaines de juges sur les droits des enfants impliqués dans ces types de procès, a fait valoir la délégation.

S'agissant des questions relatives à l'enregistrement des naissances et à la nationalité, la délégation a indiqué que selon la loi en vigueur, toute personne devait être enregistrée à sa naissance par le biais d'une procédure simple, indépendamment du statut migratoire de l'enfant ou de ses parents.

En coopération avec les organisations de la société civile, une nouvelle loi sur les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres a été soumise au Parlement en vue de reconnaître leur identité et leur orientation sexuelle ainsi que leur égalité de droits.

En 2014, 12 076 plaintes ont été reçues pour violation des droits de l'enfant, y compris les mauvais traitements à leur encontre, a indiqué la délégation chilienne.

La pauvreté a un visage d'enfant, a déclaré la délégation; c'est pour cette raison que l'État a entrepris d'appréhender la pauvreté en insistant sur l'amélioration de l'accès à l'éducation et sur l'investissement durable dans le capital humain et en se fondant sur de nouveaux critères associés, par exemple, à la santé et à l'espérance de vie. L'objectif majeur du programme «Le Chili grandit avec toi» est d'accompagner l'enfant dans tous les cycles de vie, en identifiant les facteurs de risque et en synchronisant les actions de tous les acteurs impliqués dans le développement de l'enfance.

Un plan national d'action sur les droits de l'homme et l'entreprise est en cours de rédaction, a poursuivi la délégation, soulignant que le Chili était le deuxième pays d'Amérique latine qui travaille sur ce sujet. Depuis 2010, a ajouté la délégation, le Chili a renforcé ses institutions avec la création d'un Ministère de l'environnement, d'un service sur la durabilité et d'un conseil de la responsabilité sociale pour le développement durable. Dans le cas de l'industrie forestière, l'État a créé un conseil-cadre chargé d'améliorer la production et d'éviter la pollution atmosphérique, grave facteur de maladies respiratoires et vasculaires touchant les enfants.

La loi sur la violence en milieu scolaire traite toutes les formes de violence, y compris le harcèlement, a indiqué la délégation. Elle a rendu compte des mesures prises afin de sensibiliser le corps enseignant, citant notamment la publication et la distribution d'un certain nombre de brochures et de support didactiques contre la violence. Une autre loi, promulguée en avril 2015, oblige les établissements scolaires à dispenser une formation spécialisée sur les mauvais traitements.

Les parents ont le pouvoir de corriger leurs enfants, mais sans que cela ne prenne la forme de mauvais traitements ou d'abus physiques et mentaux, a d'autre part souligné la délégation. Elle a fait état d'un amendement à la loi sur les châtiments corporels qui vise à alourdir les peines dans le cas de délits de ce type commis contre des enfants et contre des personnes vulnérables.

Après avoir rappelé que le Chili était un État laïc, la délégation a indiqué que la législation chilienne prévoyait la possibilité d'appliquer des circonstances aggravantes aux prêtres coupables d'abus sexuels sur des enfants dont ils avaient la responsabilité.

D'autre part, le délit de torture est imprescriptible, conformément aux normes internationales, a fait valoir la délégation. Elle a en outre indiqué qu'ont été prononcées des sentences contre des agents de police dont les agissements dans des communautés autochtones avaient été condamnables. Par ailleurs, trois fonctionnaires de police ont été jugés suite aux exactions qu'ils avaient commises lors des manifestations estudiantines.

Évoquant la problématique du placement d'enfant en soins de substitution, la délégation a indiqué que la politique de désinstitutionalisation avait été renforcée par la mise en place d'un système ambulatoire de promotion éducative et d'une politique d'interventions psycho-familiales. Ainsi, plus de 28 000 enfants ont été pris en charge par des unités de sensibilisation focalisée. En 2014, le programme des familles d'accueil a été restructuré et a reçu des fonds appropriés en vue d'interventions dans toutes les régions du pays.

Des enquêtes et des rencontres citoyennes ont été organisées dans tout le pays pour répertorier les besoins des enfants handicapés à tous les niveaux, a poursuivi la délégation, avant de préciser qu'avait été menée cette année la deuxième Étude nationale sur les personnes handicapées, dont les résultats préliminaires seront disponibles en décembre prochain.

La délégation a ensuite souligné que les modalités d'application de la loi sur la stérilisation étaient encore plus restrictives lorsqu'il s'agit d'une personne vulnérable. La délégation a par ailleurs fait valoir le programme d'assistance à la maternité qui a été mis en place en faveur des 13 000 adolescentes enceintes enregistrées dans le pays, tandis que des efforts sont déployés en vue de leur permettre de poursuivre leurs études à domicile ou de réintégrer l'école le plus tôt possible, avec des aides pour la garde de leur enfant. Le 31 janvier 2015, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi autorisant l'avortement – à condition qu'il intervienne avant certains délais de gestation – dans des cas spécifiques, à savoir en cas de danger pour la mère ou l'enfant à naître et en cas de viol.

La stratégie de santé appliquée par les autorités chiliennes comporte un volet relatif à la prévention et au traitement de l'obésité chez l'enfant. Une campagne publicitaire dans les médias encourage à la lutte contre la malnutrition et à une alimentation plus saine. Une loi vise aussi à contrôler la publicité pour des aliments considérés comme peu sains pour les enfants.

Le principe d'interculturalité a été intégré dans la Loi générale sur l'éducation, de sorte que les langues autochtones sont enseignées dans les écoles, a d'autre part indiqué la délégation. L'histoire, les cultures et la vision des peuples autochtones sont désormais enseignées dans tout le pays afin de mieux faire comprendre que la diversité de la population chilienne, qui est plurielle. Le budget alloué à l'instance nationale pour le développement des autochtones a considérablement augmenté entre 2009 et 2013, a fait valoir la délégation.

Le Bureau intersectoriel sur les questions de l'emploi a évalué à 219 997 le nombre d'enfants qui travaillent au Chili, dont 10 000 légalement. Les enfants âgés de plus de 15 ans peuvent travailler avec l'assentiment des parents dans des conditions salubres et ne peuvent effectuer des travaux dangereux.

D'ici 2025, le Chili nourrit l'ambition de ne plus avoir d'enfants vivant dans la rue. Un programme de proximité est en cours dans les grandes villes et sera élargi à toutes les régions en 2016, a précisé la délégation. Un bureau pour la population vivant dans la rue a mené des évaluations qui ont permis l'élaboration de programmes s'adressant à cette situation spécifique.

Les délits décrits dans le Protocole facultatif sur la vente d'enfants sont pénalisés par la législation chilienne. La traite des personnes et le trafic des migrants sont lourdement sanctionnés, tout comme la traite des personnes aux fins d'esclavage, avec des circonstances aggravantes lorsque la victime est mineure. Des modifications importantes ont été introduites dans la loi sur la pornographie et sanctionnent les auteurs d'exploitation pédopornographique et le matériel sur support électronique, même si celui-ci provient de l'étranger.

Concernant la formation des juges pour mineurs, la délégation a déclaré que ceux-ci devaient avoir obtenu un diplôme spécialisé dans le droit de la famille. Il existe aussi une spécialisation spécifique dans la responsabilité pénale des adolescents. Les juges des tribunaux pénaux chargés d'affaires impliquant des mineurs doivent être formés en criminologie et à la Convention relative aux droits de l'enfant.

La durée moyenne de la détention préventive s'agissant d'adolescents de 15 à 18 ans est de 80 jours, a souligné la délégation, qui a précisé que les juges effectuaient des inspections régulières et des entretiens avec les enfants concernés. Les mineurs ont le droit de solliciter un entretien avec le juge à tout moment. Une visite plus approfondie est conduite deux fois par an dans les centres de privation de liberté, suivie d'un rapport. Un registre unique et intégré de tous les jeunes détenus dans ces centres est obligatoire et doit consigner, entre autres, les mesures de protection prises en faveur des enfants après le jugement. En 2015, dans le cadre d'une visite d'inspection, 9 plaintes pour mauvais traitements ont été transmises par de jeunes détenus, suivies de 4 réponses des centres de privation de liberté concernés. Ces plaintes font l'objet d'enquêtes du Service national pour les mineurs (SENAME).

Les jeunes inscrits dans les écoles de formation militaire ont au moins 18 ans. Il n'est pas possible de recruter un jeune de moins de 18 ans dans l'armée même en cas de conflit armé, a assuré la délégation.

En réponse à une question des experts sur une affaire concernant des allégations d'abus sexuels par un militaire chilien dans le cadre d'une opération de maintien de la paix de l'ONU, la délégation a indiqué que les autorités chiliennes attendaient une réponse du département des opérations de maintien de la paix de l'ONU.

Toutes les formes d'exploitation ou abus sexuels sont interdites et, partant du principe de tolérance zéro à ce sujet, la nationalité chilienne a été retirée à un prêtre étranger (irlandais) incriminé dans une affaire d'abus sexuels répétés sur une fillette. Un autre prêtre, chilien, qui avait abusé d'enfants, a été privé de son sacerdoce.

La délégation a ensuite fourni des informations sur les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie chez les adolescents. Des tests sur l'utilisation de drogues sont effectués en milieu scolaire. Par ailleurs, des équipes mobiles veillent à la sensibilisation dans les quartiers et dans les zones rurales en offrant des conseils et une orientation pour le traitement et la réadaptation.

S'agissant de la lutte contre le VIH/sida, la délégation a indiqué qu'avec le programme national en place, le Chili pourrait bientôt devenir le deuxième pays d'Amérique à avoir éliminé la transmission verticale mère-enfant. Elle a toutefois regretté que le pays ne puisse encore avoir accès à des médicaments rétroviraux génériques à faible coût. Sur dix infections quotidiennes au Chili, 7 ont lieu à Santiago, la capitale, et sont principalement transmises entre hommes.

La délégation a souligné que l'avortement thérapeutique était un sujet controversé dans le pays, réitérant qu'il n'était permis que dans les cas spécifiques mentionnés précédemment.

Conclusions

M. Cardona Llorens, a relevé que le Chili était «en marche et au travail» en vue de l'amélioration de la situation de l'enfant et de l'adolescent. Pour cela, il faudrait que le pays mette effectivement en œuvre tous les programmes et les lois promulguées ou en voie de l'être. L'expert a souligné que le Chili étant une référence mondiale en matière des droits de l'homme, le Comité restait assuré qu'il continuerait dans la voie de l'application de la Convention.

La délégation s'est félicitée du soutien manifesté par le Comité à l'égard du Chili et réaffirmé la conviction de l'État chilien qu'il ne saurait y avoir de développement sans accorder une attention prioritaire à l'enfant. La tâche est ardue pourtant car les responsables politiques en général ne perçoivent pas l'importance de placer l'enfant, dès le plus jeune âge, au cœur du développement socioéconomique du pays. Sans le soutien de la société civile, il n'aurait pas été possible d'arriver aux résultats actuels, a-t-elle affirmé, ajoutant que certaines questions comme les lois sur l'adoption ou l'avortement ou la question des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres ne faisaient pas l'unanimité. L'enfant et l'adolescent vont faire l'objet d'une politique spécifique avec un budget adéquat, a assuré la délégation. Elle a aussi souligné qu'aucun enfant ne devait être séparé de ses parents sauf si sa vie est en danger, attirant l'attention sur un projet de loi sur cette question actuellement à l'examen.

Le Président du Comité, M. Beyam Dawit Mezmur, a résumé qu'en dépit des difficultés et des catastrophes naturelles, l'État partie prend à cœur la promotion et la protection des droits de l'enfant.


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