Aller au contenu principal

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE DES RAPPORTS DE CUBA SUR LA VENTE D'ENFANTS ET SUR LES ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, les rapports initiaux présentés par Cuba sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui portent respectivement sur les enfants dans les conflits armés et sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Les rapports ont été présentés par la Ministre cubaine de la justice, Mme María Esther Reus, qui a expliqué que son pays était entré dans une ère de mutations profondes. Les acquis de Cuba en matière d'assistance sociale, d'accès gratuit aux services de santé et d'éducation, l'accès universel à la culture, au sport et au divertissement, placent le pays à l'avant-garde dans le monde. L'État consacre plus de la moitié du budget à ces domaines. Il n'y a pas d'enfants des rues à Cuba, aucun n'est exploité économiquement et le travail des enfants est inconnu. Il n'existe pas non plus de tourisme sexuel, la volonté du pays étant de promouvoir un «tourisme de paix, sain et familial». Par ailleurs, Cuba a ratifié en 2007 le Protocole facultatif relatif aux enfants dans les conflits armés, bien qu'il ne connaisse ni conflit sur son territoire, ni groupes armés non-étatiques, en raison de la grande stabilité et de la sécurité qui caractérisent sa société. Aucun mineur n'est contraint d'intégrer le service actif des forces armées et en aucune circonstance les jeunes ne sont initiés à l'usage d'armes à feu, pas même ceux étudiant dans les centres de formation à vocation militaire.

L'importante délégation cubaine était également composée de hauts fonctionnaires des Ministères des affaires étrangères, des forces armées révolutionnaires, de l'intérieur et de la justice, ainsi que de représentants du parquet général et d'une universitaire, Mme Yamila González Ferrer, avocate et professeur à l'Université de La Havane. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la nécessité d'harmoniser la législation cubaine avec la Convention. Elle a aussi répondu aux questions relatives au statut légal de la prostitution en expliquant que si le proxénétisme était passible de poursuites, la prostituée elle-même était considérée comme une victime et non pas comme une délinquante. S'agissant du Protocole relatif aux enfants dans les conflits armés, la délégation a apporté des précisions sur le service militaire obligatoire et sur la possibilité qui offerte d'effectuer son service avant 18 ans. Par ailleurs, elle a décrit les mesures prises pour faire connaître la Convention et ses Protocoles auprès du public. Elle a indiqué enfin que Cuba n'envisageait pas de ratifier à ce stade le troisième Protocole facultatif relatif à une procédure de plainte, le mécanisme en vigueur dans le pays donnant pleine satisfaction.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport sur la vente d'enfants, M. Peter Guran, s'est félicité des progrès enregistrés par Cuba, tout en s'inquiétant de possibles effets indésirables de l'ouverture du pays, car si l'ouverture est globalement positive, une activité telle que celle du tourisme comporte certains risques de dérives, notamment en matière de prostitution de mineurs. Il a demandé si les autorités prévoyaient de prendre en compte un code de conduite éthique des professionnels du tourisme; il apparaît en effet que des activités liées à la prostitution ont lieu dans les hôtels et sur les plages de Cuba. Pour sa part, le rapporteur du Comité pour l'implication d'enfants dans les conflits armés a demandé s'il était prévu d'amender la législation afin de faire en sorte que tout mineur de moins de 18 ans, quelle que soit sa situation, ne puisse participer à des hostilités.


Le Comité se réunira à huis clos à compter de demain pour rédiger ses observations finales sur l'ensemble des rapports examinés au cours de la session, dont celui de Cuba. La prochaine réunion publique se tiendra vendredi après-midi, à l'occasion de la clôture de la session.


Présentation des rapports de Cuba

Le Comité est saisi des rapport initiaux de Cuba sur la vente d'enfants, la prostitution d'enfants et la pornographie impliquant des enfants (CRC/C/OPSC/CUB/1), sur le Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/CUB/1), ainsi que de ses réponses sur ces deux instruments (CRC/C/OPSC/CUB/Q/1/Add.1 et CRC/C/OPAC/CUB/Q/1/Add.1) aux listes de points à traiter que lui a adressées le Comité (CRC/C/OPSC/CUB/Q/1 et CRC/C/OPAC/CUB/Q/1).

MME MARÍA ESTHER REUS, Ministre de la justice de Cuba, a indiqué que les rapports de son pays étaient le fruit d'un processus intensif de consultations ayant impliqué de nombreuses institutions, y compris des organisations de la société civile ainsi que des associations d'enfants et d'adolescents, qui ont procédé à une évaluation attentive et critique de l'application des deux Protocoles dans le pays. Elle a assuré que sa délégation se présentait devant le Comité avec la certitude d'avoir œuvré de manière intensive en faveur des jeunes garçons et filles de Cuba. Elle a dit pouvoir garantir, en toute certitude, que rien ne saurait détourner la Révolution cubaine des justes principes qu'elle défend. Elle a souligné que son pays avait été l'un des premiers à ratifier la Convention des droits de l'enfant. Quelques années plus tard, La Havane a dirigé les négociations ayant permis d'élaborer le deuxième Protocole facultatif.

Depuis la dernière fois que Cuba s'est présentée devant le Comité, en 2011, le pays est entré dans une ère de mutations profondes, sur les plans socio-économique et juridique, qui ont entraîné une révolution législative, sociale et institutionnelle dans le pays. En 2013, le Premier Vice-Président du Conseil d'État et des ministres est devenu l'autorité de coordination et de supervision de la protection de l'enfance. Il a fait approuver le Plan d'action national pour l'enfant, l'adolescent et sa famille pour l'exercice 2015-2020 qui a bénéficié lors de son élaboration des conseils du bureau de La Havane du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Le Directeur exécutif du Fonds, Anthony Lake, qui s'est rendu dans l'île en mars dernier, a pu constater l'engagement du pays.

Mme Reus a annoncé que Cuba avait déposé hier à l'Organisation internationale du travail (OIT) l'instrument de ratification de la Convention 182 sur les pires formes de travail des enfants, ce qui fait de lui désormais un État-partie aux huit instruments fondamentaux de cette organisation.

Par ailleurs, Cuba a ratifié en 2007 le Protocole facultatif relatif aux enfants dans les conflits armés, bien qu'il ne connaisse ni conflit sur son territoire, ni groupes armés non-étatiques, en raison de la grande stabilité et sécurité régissant sa société, a souligné la ministre. Aucun mineur n'est contraint d'intégrer le service actif des forces armées et en aucune circonstance les jeunes ne sont initiés à l'usage d'armes à feu, pas même ceux étudiant dans les centres de formation à vocation militaire.

S'agissant des questions relatives à l'exploitation sexuelle, des actions sont menées et des mesures de prévention sont prises. En lien avec la prévention, les acquis en matière d'assistance sociale, d'accès gratuit aux services de santé et d'éducation, l'accès universel à la culture, au sport et au divertissement, placent Cuba à l'avant-garde dans le monde. Mme Reus a précisé que plus de la moitié du budget de l'État était en faveur de ces activités. Et selon la Banque mondiale, Cuba dispose du meilleur système éducatif au monde. Avec un pourcentage d'environ 13% de son produit intérieur brut, elle est le pays qui investit le plus dans l'éducation.

Cuba a été le premier pays reconnu par l'Organisation mondiale de la santé pour avoir éliminé la transmission de la mère à l'enfant du VIH/sida et de la syphilis. Il n'y a pas d'enfants des rues à Cuba, aucun n'est exploité économiquement et le travail des enfants est inconnu. Il n'existe pas non plus de tourisme sexuel, la volonté étant de promouvoir un «tourisme de paix, sain et familial». Il s'agit d'un tourisme récréatif, culturel et de détente, un tourisme sans casino, ni jeux, ni drogue, ni délits. Les contrats des voyagistes sont réglementés, les agences de voyage devant avertir les voyageurs sur la sévérité de la législation locale, au point où l'on peut parler d'une politique de «tolérance zéro» envers les attitudes et comportements dégradants à l'égard des mineurs.

Des efforts multiples sont déployés pour restreindre l'accès des sites Internet qui font la promotion de ces conduites ou qui affichent des images pornographiques ou obscènes, en relation en particulier avec des enfants. Tous ces progrès ont été accomplis en dépit du blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis depuis plus de cinq décennies, ce qui constitue une violation flagrante des droits humains, y compris ceux de l'enfant. Ce blocus, qui est rejeté par la communauté internationale, doit être levé sans retard, a conclu la ministre.

Examen des rapports

Questions et observations sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

M. PETER GURAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, a assuré que le Comité était bien conscient des avancées de Cuba dans divers domaines dont celui de l'éducation. Toutefois, les changements en cours pourraient constituer entraîner des effets adverses dans l'avenir. Si l'ouverture du pays est positive en soi, une activité telle que celle du tourisme comporte certains périls. Il a souhaité avoir la position de la délégation face aux observations finales du Comité à la suite de l'examen de 2011. Ainsi, l'harmonisation de la législation avec la Convention reste à faire. Le code de la famille, qui remonte à 1975, n'a pas été amendé. Tout en disant sa satisfaction du lancement du Plan d'action 2015-2020, il a demandé si celui-ci prenait en compte les observations du Comité. Il a affirmé qu'à la lumière de nombreuses informations, trop souvent les victimes de pornographie et d'exploitation sexuelle sont placés dans des centres de rééducation sans que l'on perçoive quelles perspectives leur sont offertes après cette étape. Le gouvernement prévoit-il de prendre en compte le code de conduite éthique des professionnels du tourisme, code qui a démontré son utilité ailleurs dans le monde. Il apparaît en effet que des activités liées à la prostitution ont lieu dans les hôtels et sur les plages de Cuba.

Par ailleurs, la principale préoccupation du Comité tient au fait que si les enfants de moins de 16 ans sont traités comme des mineurs, les choses sont moins claires entre 16 et 18 ans. Quel est l'âge réel de la majorité? Il existe en effet un problème de conformité avec la Convention sur la définition des enfants, sur le statut flou du jeune entre 16 et 18 ans.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a demandé quels obstacles semblaient empêcher la diffusion du Protocole. Il semble y avoir des préjugés éthiques, sociaux ou juridiques par rapport aux enfants ou adolescents victimes d'abus de la part des représentants de la santé ou de l'éducation. Un autre expert a félicité Cuba pour les progrès réalisés, notamment la ratification de la Convention 182 de l'OIT. Il a émis l'espoir que celle-ci serait transposée dans le droit interne de l'île. Il a toutefois indiqué lui aussi que l'ouverture du pays et la normalisation des relations avec les États-Unis était à la fois facteur d'un grand espoir et de pesantes inquiétudes. Déjà en 2011, le Comité avait fait part de ses préoccupations sur le secteur touristique. Celui-ci connaît un secteur informel avec les chambres d'hôtes, a-t-il noté, soulignant le leurre que peut constituer l'attrait de l'argent facile. Un plan national est-il envisagé, le même expert soulignant la nécessité de bonnes statistiques pour ce faire. Des mesures de protection renforcées sont-elles envisagées pour les adolescents âgés de 16 à 18 ans, que ce soit en matière de prostitution que de consommation de stupéfiants?

Une experte a fait part de sa préoccupation au sujet des lacunes du mécanisme de recours, celui-ci devant être indépendant et conforme aux Principes de Paris. Par ailleurs, si Cuba est renommé pour l'excellence de son système de protection sociale, celui-ci est menacé par la crise économique. Une autre experte s'est interrogée sur les mesures de prévention dans l'industrie touristique. Le code de conduite est-il utilisé et accepté? Elle a demandé comment fonctionnait la ligne téléphonique d'urgence gratuite pour les enfants victimes de crimes ou menacés. Des travailleurs sociaux sont-ils au bout du fil ?

Une autre experte a demandé comment les abus sexuels étaient considérés sur le plan culturel. Il semble en effet y avoir une loi du silence. Est-il difficile, voire impossible, pour un enfant d'aborder la question avec un enseignant? Qu'en est-il de l'homosexualité? Les mineurs homosexuels ne sont-ils pas plus à risque d'exploitation sexuelle que les autres? Une experte, originaire d'Amérique latine, a souligné les progrès accomplis par Cuba, soulignant que ce pays était une référence dans cette région du monde. Elle a demandé comment était traité le problème de la grossesse des adolescentes et quelles étaient les mesures de sensibilisation et de prévention, dans les écoles en particulier.

Un expert a rappelé que le Protocole facultatif exigeait des États d'harmoniser totalement leur législation avec ses dispositions. Il a cité les cas du travail forcé, ou de l'adoption contre rémunération demandant si la législation cubaine les assimilait à la vente d'enfant. Par ailleurs, la détention de matériel pornographique est-elle passible de poursuites? Enfin, plusieurs questions ont été posées sur les plaintes en justice et le fait que celles-ci semblaient rarement aboutir.

Une experte a demandé si la prostitution était un délit uniquement si elle implique des mineurs, cette activité ne semblant pas passible de poursuites pour les personnes majeures. Une loi interdit-elle, par ailleurs, l'entrée dans le pays d'étrangers ayant été condamnés pour un délit sexuel envers des enfants?

Questions et observations sur l'implication des enfants dans les conflits armés

M. WANDERLINO NOGUEIRA NETO, rapporteur du Comité pour le rapport de Cuba, a demandé s'il était prévu d'amender la législation afin de faire en sorte que tout mineur de moins de 18 ans, quelle que soit sa situation, ne puisse participer à des hostilités. Il a souhaité savoir si des programmes de formation et de sensibilisation existaient pour populariser le Protocole. Le rapporteur a enfin demandé s'il était envisageable de revoir l'âge du mariage, ainsi que celui de la responsabilité pénale, afin que les mineurs ne soit soient pas jugés comme des adultes et que soient établis une justice spécifique pour mineurs.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a demandé quels efforts concrets avaient été entrepris pour assurer une large diffusion du Protocole. A-t-on prévu des versions accessibles pour les enfants? Un autre a posé une question sur les différents âges légaux régissant le recensement et le service militaire, qui vont de 16 à 18 ans à Cuba. Par ailleurs, quelle protection spécifique est accordée aux enfants en cas de mobilisation générale? Le même expert a demandé des précisions sur le fonctionnement et l'enseignement prodigué par l'école militaire Camilo Cienfuegos. Le Protocole est-il directement invocable devant les tribunaux, a demandé un expert qui a souhaité que, le cas échéant, la délégation cite des cas. Par ailleurs, Cuba envisage-t-il de ratifier le Troisième Protocole facultatif à la Convention?

Une experte, qui a rappelé que Cuba engageait de nombreuses activités de solidarité internationale dans plusieurs pays du monde, a demandé si les coopérants cubains étaient sensibilisés au Protocole pour pouvoir affronter des situations de toute nature. Un membre du Comité a demandé si Cuba envisageait de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Un expert a demandé si la législation cubaine pouvait avoir à connaître de faits commis en dehors de son territoire en matière d'enrôlement de mineurs et quelles étaient les sanctions encourues. Il a donné l'exemple hypothétique d'un étranger qui aurait recruté un jeune Cubain pour combattre dans un pays tiers. Sur quelle base, peut-il être traduit en justice? Un autre expert s'est interrogé sur la formation militaire dont bénéficieraient des jeunes venus des camps de réfugiés de Tindouf, en Algérie, originaires du Sahara occidental. Le Président du Comité a demandé si l'objection de conscience était reconnue à Cuba. Une experte a enfin souhaité savoir si Cuba avait une politique de lutte contre la consommation du tabac, compte tenu de l'importance que représente la production de cigares dans ce pays.

Réponses de la délégation sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

En introduction, Mme Reus a indiqué l'existence d'un plan législatif 2013-2017 prévoyant notamment la réforme du code pénal et la prise en compte de nouvelles normes dans le droit interne. Ainsi, en l'espace d'une année, 279 normes ont été élaborées. Le processus législatif est une tâche complexe impliquant de larges consultations avec la population, comme cela a été le cas avec le code du travail par exemple. Il implique aussi un processus de dissémination et de sensibilisation. Cuba se prépare depuis de nombreuses années, notamment sur les questions de prévention. Il est prévu en particulier d'élaborer un nouveau code de la famille, a-t-il été précisé. Le Gouvernement a lancé plusieurs programmes popularisation du Protocole, en direction des familles et des professionnels du droit.

Le Vice-Président de la République est chargé de réfléchir à la création d'une institution nationale indépendante des droits de l'homme. À l'heure actuelle, Cuba dispose d'un système efficace de réception des plaintes, selon la délégation. Toute personne peut revendiquer ses droits et les faire valoir en justice.

S'agissant des recommandations du Comité à la suite du dialogue de 2011, la délégation a indiqué que le Plan d'action national pour l'enfance prévoyait la participation des enfants et des adolescents. L'objectif est de garantir qu'une activité touristique saine se tienne à Cuba. L'image de la destination cubaine est contrôlée par le ministère du tourisme. Il s'agir de donner l'image d'un tourisme paisible, sain et sûr. Cuba est en conformité avec le code mondial d'éthique du tourisme dont il applique les normes. Des campagnes sont conduites contre la publicité mensongère, notamment en direction du secteur hôtelier. Le secteur privé, qui est régenté par les mêmes règles, est passible de poursuites en cas d'écarts avec la loi. La Fédération des femmes cubaines s'appuie sur des travailleurs sociaux qui effectuent un travail de prévention. Il existe des centres d'accueil pour les femmes et pour les mineurs en détresse.

La délégation a énuméré les mesures et stratégies entreprises, mentionnant plus particulièrement un Plan d'action sanitaire 2012-2018, ainsi qu'un programme courant jusqu'en 2017 prévoyant l'accueil en clinique des adolescentes et un Programme national d'éducation et de santé sexuel 2015-2018. De grands efforts sont ainsi entrepris en matière de sensibilisation de la population et les résultats sont probants.

Des mécanismes permettent d'identifier les éventuels cas d'adoption illégale. L'enregistrement est fait dès la naissance, souvent avant même la sortie de la maternité. Le code pénal prévoit des peines de prison en cas de transfert d'un enfant à une autre personne en l'échange d'une compensation.

Bien que Cuba ait conclu une vingtaine de conventions d'extradition, les autorités estiment préférable que les coupables soient jugés par la justice cubaine, même lorsqu'il s'agit d'étrangers, plutôt que de les extrader. La délégation a affirmé avoir établi une bonne coopération avec les rapporteurs spéciaux à la suite de la ratification de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale, dite «Convention de Palerme» et ses Protocoles sur la traite et les migrants. Le code pénal prend en compte les normes édictées par ces instruments, particulièrement en ce qui concerne la protection des mineurs. La délégation a cité plusieurs condamnations et elle a affirmé que les autorités étaient très vigilantes sur ces questions, parlant d'une politique de tolérance zéro».

Quant à la pornographie mettant en scène des enfants, la distribution et le téléchargement de données contraires à la morale sociale sont interdits. Cuba a signé des textes de l'OIT faisant référence à la protection de l'enfance. Les fournisseurs d'accès à Internet veillent rigoureusement au respect de la loi, a-t-elle assuré.

S'agissant de l'absence apparente de protection légale des jeunes de 16 à 18 ans, la délégation a répondu que la loi ne fixait pas d'âge concernant la victime. Le délit de corruption de mineur est défini pour les personnes qui exploitent un mineur de moins de 16 ans. Pour les cas de traite, la loi sanctionne la personne s'étant rendue coupable de ce crime, quel que soit l'âge de la victime. Toutefois, la délégation a assuré que Cuba prévoyait de se mettre à terme en conformité avec tous les instruments qu'il a ratifiés.

S'agissant des plaintes déposées et de celles aboutissant à des jugements, le nombre de cas d'abus sexuels est demeuré infime. Pour 2012, par exemple, le nombre de cas représentait 0,09% des quelque 2,2 millions de mineurs, ce qui indique qu'il ne s'agit pas d'un problème grave pour le pays. Dans huit cas sur dix, les victimes étaient des jeunes filles. Un total de 268 suspects ont été poursuivis, les procès aboutissant à 266 condamnations.

Une ligne téléphonique gratuite est mise à la disposition de tout citoyen qui peut ainsi entrer en contact avec des magistrats et si nécessaire avec des psychologues: plus de 78.000 personnes ont reçu une réponse. Il y a eu très peu d'appels concernant des enfants. Par ailleurs, plus de 13.000 plaintes sont arrivées par écrit, dont un certain nombre venant d'enfants.

En réponse à la question touchant à l'austérité budgétaire, s'il est vrai que le pays est confronté à des difficultés, le gouvernement n'a pas touché aux prestations sociales, ni au secteur de l'éducation car il s'agit de priorités pour l'État.

Cuba a entrepris de perfectionner la tenue de ses statistiques. Il travaille à la mise en place d'une base de données. Le recueil de données est une question épineuse et complexe, y compris pour les pays développés, a rappelé la délégation, tout en assurant qu'il s'agissait d'une question prioritaire pour le gouvernement.

Les prostituées sont considérées avant tout comme des victimes, a souligné la délégation et les autorités veillent à ne pas permettre l'apparition d'espaces propices aux activités de sexe tarifé. Car si le proxénétisme est un délit, la prostitution n'en constitue pas un, raison pour laquelle elle n'est pas passible pour autant de poursuite en soit dans la mesure où la prostituée est considérée comme une victime. En revanche, toute activité de proxénétisme est un délit. Le principe fondamental de la société étant la prévention, on considère que les personnes qui tombent dans cette activité sont d'abord des victimes des personnes exploitant la prostitution.

L'homophobie fait l'objet d'une campagne de sensibilisation en faveur de la libre orientation sexuelle. On est passé de la simple tolérance au respect envers les personnes homosexuelles, a expliqué la délégation. Des journées sont organisées contre l'homophobie, avec des débats, voire des spectacles de danse, mais pas de «Gay Pride» (défilé de la fierté homosexuelle) similaire à ce qui se fait ailleurs. L'objectif est d'élargir le débat sur la question de l'orientation sexuelle. Peu à peu, l'homosexualité apparaît comme une chose normale dans la société, a-t-elle assuré.

En réponse aux questions relatives aux mesures de réparation et de réhabilitation des victimes, la délégation a expliqué que, lorsqu'un mineur est identifié comme victime, un diagnostic est établi afin de choisir les meilleurs moyens de le réinsérer socialement, en concertation avec la famille lorsque cela est possible. Des «écoles de formation intégrale» ont été créées destinées aux cas où toutes les autres alternatives ont été épuisées. Elles proposent un processus de supervision et d'aide, a expliqué la délégation qui a affirmé que cette initiative avait suscité l'intérêt de l'UNICEF en particulier.

Réponses de la délégation sur le protocole facultatif sur l'implication des enfants dans les conflits armés

La délégation a précisé que le service militaire, d'une durée normale de deux ans, était obligatoire à compter de 18 ans révolus. Le recensement des jeunes est prévu dès 16 ans afin que les autorités puissent programmer leur incorporation deux ans plus tard. Il est possible de devancer l'appel dès 17 ans, avec le consentement des parents, ce qui permet d'accomplir un service d'un an seulement, au lieu de deux, et ainsi de pouvoir entamer des études à 18 ans. Cette possibilité est utilisée par environ 10% des jeunes. Par ailleurs, l'âge de la responsabilité pénale est de 16 ans.

Malgré la réserve formulée au sujet de certaines dispositions du Protocole, Cuba estime que celui-ci est entièrement respecté s'agissant de la possibilité d'incorporation dès 17 ans. Par conséquent, le pays n'estime pas nécessaire de lever cette réserve. S'agissant de l'objection de conscience, il existe des solutions alternatives au service militaire, sous forme d'activités civiles, pour les citoyens qui refusent de porter des armes, du fait de leurs croyances religieuses ou personnelles.

Il y a de nombreux étudiants étrangers à Cuba, y compris des Sahraouis comme cela a été mentionné par un expert, mais aucun d'entre eux ne suit de formation militaire, contrairement à certaines affirmations.

S'agissant de l'adhésion éventuelle au troisième Protocole facultatif, qui établit une procédure de plaintes, la délégation a précisé que Cuba avait toujours privilégié les mécanismes nationaux. «Nous préférons notre système national de traitement des plaintes car nous pensons qu'il est efficace», a expliqué un membre de la délégation. Quant à la question de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Cuba ne l'envisage pas à l'heure actuelle, tout en étant favorable à un système de justice internationale indépendant et non politisé. Il note que la Cour pénale internationale est régentée par le Conseil de sécurité, un organe qui n'est guère représentatif en raison de sa composition. À ce stade, Cuba ne prévoit donc pas de ratifier cet instrument.

La délégation a énuméré par ailleurs les activités menées, dans les écoles notamment, en faveur de la sensibilisation des jeunes aux droits humains fondamentaux. Par ailleurs, les médecins envoyés à l'étranger reçoivent une formation à cet égard.

Le Conseil d'État peut décider que face à des circonstances exceptionnelles, en cas de mobilisation générale par exemple, des décisions tout aussi exceptionnelles pourraient être prises. Tout en veillant à ce que les jeunes ne puissent actuellement participer à un conflit, les autorités pourraient, de manière hypothétique aujourd'hui, être amenées à prendre des mesures d'exception telles que l'enrôlement de jeunes de moins de 18 ans.

Les écoles militaires «Camilo Cienfuegos» sont régies par le Ministère de l'éducation. Ce sont des centres de formation professionnelle pour les jeunes souhaitant s'engager dans la carrière militaire. Toutefois, le statut de ces écoles est civil et les élèves n'y suivent aucune formation militaire. Ils n'y apprennent pas le maniement des armes.

L'enrôlement de mineurs est passible de sanctions pénales. La question posée de l'enrôlement de jeunes Cubains par des étrangers est un cas tout à fait hypothétique que Cuba n'a pas eu à connaître à ce jour. Les étrangers commettant un délit à Cuba sont jugés en vertu de la législation locale.

Quant à l'organisation des Brigades de protection et de défense, elles sont liées à la défense civile. En aucun cas il ne s'agirait pour elles de participer à un conflit armé. Elles sont composées de réservistes et ne recrutent pas de mineurs.

Près de cent pour cent des enfants cubains naissant à l'hôpital, ce qui a permis de créer un système d'enregistrement des naissances quasiment automatique dès la maternité. Sinon, l'enregistrement se fait dans les trois jours après la sortie de l'hôpital. Cuba ne connaît donc pas de problème de non-enregistrement des mineurs.

S'agissant du tabagisme, question posée par une experte qui n'a pas de rapport direct avec le Protocole, la délégation a confirmé que la vente de tous les produits dérivés du tabac est interdite aux mineurs. Il est interdit de fumer dans toutes les institutions de santé publique, ainsi que dans les établissements scolaires.

Conclusions

M. GURAN, rapporteur du Protocole sur la vente d'enfants, a qualifié le dialogue de très fécond, non seulement pour le Comité mais aussi pour toutes les personnes concernées à Cuba. Il a fait allusion aux risques à venir dans ce domaine avec l'ouverture de Cuba vers l'extérieur, notant que cet examen ne pouvait qu'être utile à cet égard.

M. NOGUEIRA NETO, rapporteur du Protocole sur les enfants dans les conflits armés, a souhaité que Cuba puisse connaître une transition pacifique. Le monde attend une bonne surprise à cet égard, alors que l'on assiste à une recrudescence de fléaux divers, dont celui du terrorisme. La présentation de Cuba a permis d'en finir avec certains mythes relatifs à Cuba, a-t-il estimé.

MME REUS, Ministre de la justice de Cuba, a dit sa conviction que le Comité avait pu constater la forte volonté politique du Gouvernement cubain, avec l'aide des organisations de la société civile, pour que les enfants puissent continuer de vivre dans une société où ils ne sont pas exploités. Cuba continuera d'élaborer son système socialiste favorable à une meilleure qualité de vie. Il continuera de collaborer avec les Nations Unies et ses institutions, l'UNICEF notamment.

Le Président du Comité, M. BENYAM DAWIT MEZMUR, a exprimé l'espoir que Cuba explorerait les pistes que lui avait indiqué le Comité. Il a aussi dit espérer que Cuba ratifie le troisième Protocole à la Convention relatif à une procédure de plainte.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRC15/043F