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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE DES RAPPORTS DE MADAGASCAR SUR LA VENTE D'ENFANTS ET SUR LES ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, les rapports initiaux présentés par Madagascar sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui portent respectivement sur les enfants dans les conflits armés et sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Mme Noëline Ramanantenasoa, Garde des sceaux et Ministre de la justice de Madagascar, a notamment attiré l'attention sur les lois visant à lutter contre le tourisme sexuel et la traite des personnes; elle a précisé que le client des enfants prostitués était pénalement sanctionné par la loi sans qu'il soit besoin de rechercher s'il y a ou non exploitation. La loi prévoit également la mise en jeu de la responsabilité pénale des parents. S'agissant du mariage forcé, Mme Ramanantenasoa a reconnu qu'il n'était pas rare que «la famille impose le mariage pour se débarrasser de leur fille mineure déscolarisée à cause de la pauvreté ou pour des motifs d'ordre culturel». Elle a aussi reconnu que la persistance des contraintes d'ordre culturel et coutumier, ainsi que le manque de moyens humains et financiers constituent des obstacles pour lutter efficacement contre la vente d'enfants, la prostitution et la pornographie, d'où «la nécessité d'intensifier la coopération et les campagnes de sensibilisation».

S'agissant de l'implication d'enfants dans les conflits armés, la ministre a indiqué que bien que son pays n'ait pas connu de guerre, à titre de prévention, l'enrôlement d'enfants est sanctionné par les travaux forcés à perpétuité. Madagascar dispose d'une école militaire dans laquelle le programme, qui est conforme au programme d'enseignement général, exclut le maniement des armes et l'exercice de combat et de tir. Les élèves de cette école n'ont pas le statut d'enfants soldats et ne sont pas obligés de poursuivre une carrière militaire.

La délégation de Madagascar était également composée de M. Modeste Randrianantenaina, premier Président de la Cour suprême, ainsi que de hauts fonctionnaires du Ministère de la population, de la protection sociale et de la promotion de la femme, des Ministères de la justice, de la santé publique, des affaires étrangères et de l'éducation nationale. Elle a répondu à certaines des questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du hiatus entre la législation et la réalité vécue par les enfants malgaches. Le problème de l'abandon scolaire, voire de la non-scolarisation d'enfants, le fléau de la prostitution des mineurs et le phénomène du tourisme sexuel ont fait l'objet de nombreuses questions, la délégation reconnaissant le défi que cela représentait malgré les mesures prises pour endiguer ces fléaux.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. Hatem Kotrane, a constaté que «la prostitution enfantine dans les voyages et le tourisme étaient sans conteste les formes d'exploitation sexuelle prépondérantes à Madagascar». Et bien que la loi interdise et punisse la prostitution des mineurs, celle-ci «se pratique aux yeux de tous». Il a déploré l'absence d'un plan national complet en dépit de politiques nombreuses de protection et de plans d'action sectoriels, même s'il existe un Plan national d'action de lutte contre la traite des êtres humains. M. Kotrane a constaté, par ailleurs, qu'il n'existait au niveau national aucun organe gouvernemental chargé de coordonner l'ensemble des politiques, lois et programmes relatifs aux droits de l'enfant. Par ailleurs, le Comité est particulièrement préoccupé de constater que 20% des enfants ne sont pas enregistrés à la naissance, ce qui fait courir un grand risque de devenir victime de la vente, de la prostitution ou de la pornographie.

Pour sa part, M. Bernard Gastaud, rapporteur pour l'examen du rapport de Madagascar sur le Protocole facultatif sur l'implication des enfants dans les conflits armés, a affirmé qu'un effort important restait à fournir pour faire connaître le protocole auprès de la population, tout en se félicitant de sa traduction en langue malgache. Il a constaté par ailleurs lui aussi le taux déficient d'enregistrement des naissances, ce qui est problématique en matière de recrutement d'enfants soldats. Il s'est interrogé sur les jeunes engagés volontaires et a demandé quel était le statut des enfants qui peuvent entrer à l'École militaire dès 15 ans.

Le Comité adoptera des observations finales sur les rapports présentés par Madagascar dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le 2 octobre prochain.


Demain, le Comité entamera l'examen de rapports présentés par Cuba sur les deux Protocoles facultatifs (CRC/C/OPSC/CUB/1 et CRC/C/OPAC/CUB/1).


Présentation des rapports de Madagascar

Le Comité est saisi des rapport initiaux de Madagascar sur les deux Protocoles facultatifs (CRC/C/OPSC/MDG/1 et CRC/C/OPAC/MDG/1), ainsi que de ses réponses (CRC/C/OPSC/MDG/Q/1/Add.1 et CRC/C/OPAC/MDG/Q/1/Add.1) aux listes de points à traiter que lui a adressées le Comité (CRC/C/OPSC/MDG/Q/1 et CRC/C/OPAC/MDG/Q/1).

MME NOËLINE RAMANANTENASOA, Garde des sceaux et Ministre de la justice de Madagascar, a annoncé d'emblée que «des progrès en matière de promotion et la protection des droits de l'homme, incluant ceux des enfants, avaient été réalisés».

S'agissant du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, la ministre a notamment mentionné les lois adoptées pour la lutte contre le tourisme sexuel et la traite des personnes, soulignant qu'il s'agissait d'inclure toutes les formes d'exploitation constitutives de traite, notamment le travail domestique ou à la mendicité d'autrui, l'esclavage moderne, le mariage forcé, le trafic d'organes ou l'adoption illégale. La ministre a précisé les peines et les amendes encourues. Elle a précisé que le client des enfants prostitués était pénalement sanctionné par la loi sans qu'il soit besoin de rechercher s'il y a ou non exploitation. La loi prévoit également la mise en jeu de la responsabilité pénale des parents, ainsi que la lutte contre la pédopornographie informatique.

En ce qui concerne la question du mariage forcé, Mme Ramanantenasoa a reconnu qu'il n'était pas rare que «la famille impose le mariage pour se débarrasser de leur fille mineure déscolarisée à cause de la pauvreté ou pour des motifs d'ordre culturel»: «La sanction pénale se veut dissuasive pour mettre fin à ce phénomène». Par ailleurs, un Comité national de lutte contre le travail des enfants pilote des actions de prévention, de retrait et d'accompagnement des enfants victimes de l'exploitation sexuelle à des fins commerciales. L'an dernier, avec l'appui du Bureau international du travail (BIT) et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le ministère du tourisme a adopté un code de conduite à l'intention notamment des opérateurs touristiques.

Sur le plan institutionnel, Madagascar a mis en place en 2014 sa Commission nationale indépendante des droits de l'homme dont les statuts sont conformes aux principes de Paris. Un Comité national de protection de l'enfant est pour sa part chargé de l'orientation de la politique et des programmes nationaux ainsi que de la coordination des actions. A aussi été mis en place une structure interministérielle sous la forme d'un Bureau national de lutte contre la traite des êtres humains avec inclusion de la société civile. Et en partenariat avec l'Organisation internationale pour la migration (OIM) et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), un plan national de lutte contre la traite des personnes a été validé en 2014. Pour faciliter l'accès à la justice, un centre d'accueil des enfants victimes a été créé dans un hôpital de la capitale, Antananarivo. Une ligne verte d'appel gratuit, le 147, a aussi été mise en service. La Garde des sceaux a mentionné par ailleurs l'existence d'un pool d'avocats, des cliniques juridiques et des bureaux d'assistance judiciaire.

Outre la longue crise politique dont le pays n'est sorti qu'à la fin 2013 avec les élections présidentielles et législatives, le pays a subi le passage de deux cyclones dévastateurs, des événements qui l'ont empêché de réaliser pleinement les droits des enfants dans le domaine des services sociaux de base, d'éducation et de santé. «Par ailleurs, a aussi reconnu Mme Ramanantenasoa, la persistance des contraintes d'ordre culturel et coutumier, ainsi que le manque de moyens humains et financiers constituent des obstacles pour lutter efficacement contre la vente d'enfants, la prostitution et la pornographie», d'où «la nécessité d'intensifier la coopération et les campagnes de sensibilisation».

Pour améliorer les choses, elle a précisé qu'un «plan d'opérationnalisation» des recommandations de l'Examen périodique universel et des organes conventionnels, dont le Comité des droits de l'enfant, avait été finalisé. En vue de la réalisation des défis auxquels elle fait face, «Madagascar sollicite l'appui de la communauté internationale en termes de renforcement des capacités et d'assistance technique».

S'agissant du Protocole facultatif relatif à l'implication d'enfants dans les conflits armés, la ministre a rappelé que son pays n'avait pas connu de guerre. Toutefois, à titre de prévention, la sanction pénale de l'enrôlement des enfants est la peine de travaux forcés à perpétuité depuis l'abolition de la peine de mort. Madagascar dispose d'une école militaire dans laquelle le programme, qui est conforme au programme d'enseignement général, exclut le maniement des armes et l'exercice de combat et de tir. Les élèves de cette école n'ont pas le statut d'enfants soldats et ne sont pas obligés de poursuivre une carrière militaire.

S'agissant de la prévention de recrutement des jeunes par des organisations criminelles armées opérant dans le vol massif des bovidés (les «Dahalo»), le Plan national de développement de Madagascar relève le défi de combattre la pauvreté et le chômage par la création d'emplois et la rétention des enfants à l'école le plus longtemps possible, a-t-elle expliqué.

En conclusion, Mme Ramanantenasoa a assuré que «l'opérationnalisation de la Commission nationale indépendante des droits de l'homme allait permettre de résoudre les problèmes posés par la violation des dispositions des deux Protocoles facultatifs» car en cas de violation, la Commission est habilitée à effectuer des enquêtes et saisir les autorités compétentes.

Examen des rapports sur les deux Protocoles facultatifs

Questions et observations des membres du Comité

M. HATEM KOTRANE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Madagascar sur la vente d'enfants, a constaté que malgré le fait que ce pays «sortait de cinq années d'impasse politique», Madagascar avait néanmoins fait beaucoup d'efforts en vue d'aligner sa législation sur la Convention et son Protocole facultatif. Mais bien que le cadre soit quasiment aligné sur les dispositions du Protocole, «la réalité est toute autre», ce que reconnaît au demeurant le rapport de Madagascar, notamment quant au fait que la non-scolarisation ou la déscolarisation précoce favorisent la prostitution enfantine. Ainsi, les préoccupations exprimées par le Comité dans ses précédentes observations finales de 2012 restent d'actualité. M. Kotrane a aussi cité la Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants, la prostitution et la pornographie impliquant des enfants, Mme Najat Maalla M'jid, selon laquelle «l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales sous toutes ses formes est une réalité criante tendant à se généraliser, à se développer et malheureusement à se banaliser». Il est ainsi clair, selon lui, que «la prostitution enfantine dans les voyages et le tourisme sont sans conteste les formes d'exploitation sexuelle prépondérantes à Madagascar». Bien que la loi interdise et punisse la prostitution des mineurs, celle-ci «se pratique aux yeux de tous».

S'agissant des mesures prises par les autorités, le Rapporteur a déploré l'absence d'un plan national complet en dépit de politiques nombreuses de protection et de plans d'action sectoriels, et même s'il existe un Plan national d'action de lutte contre la traite des êtres humains. «Le Comité est préoccupé par l'absence d'une politique nationale globale sur les enfants intégrant toutes les politiques et stratégies sectorielles». Madagascar envisage-t-il d'élaborer un tel plan d'action national en prévoyant les ressources humaines et financières suffisantes ?

M. Kotrane a constaté, par ailleurs, qu' il n'existait aucun organe gouvernemental chargé de coordonner l'ensemble des politiques, lois et programmes relatifs aux droits de l'enfant, même si deux comités de coordination ont été mis en place, l'un pour lutter contre le travail des mineurs, l'autre étant le Comité national de protection de l'enfance. Il a souhaité savoir de quels moyens ce dernier disposait. Par ailleurs, si une Charte pour la lutte contre les violences et l'exploitation sexuelle à l'encontre des enfants a bien été signée par le Premier Ministre, celle-ci n'a connu aucune application concrète. Quant aux ONG œuvrant contre le tourisme sexuel, elles sont souvent freinées par un manque de moyens. L'État envisage-t-il d'y remédier? Quelles mesures envisage-t-il pour faire connaître les dispositions du Protocole facultatif?

Par ailleurs, le Comité est particulièrement préoccupé de constater qu'un enfant sur cinq n'est pas enregistré à la naissance, en raison notamment de l'ignorance de la population rurale de l'importance de la possession d'un acte d'état-civil. Cela fait courir un grand risque de devenir victime de la vente, de la prostitution ou de la pornographie. L'État compte-t-il lancer des campagnes incitant à enregistrer les nouveau-nés ?

Le rapporteur a en outre posé une série de questions sur la nécessité de compléter l'arsenal juridique malgache afin de couvrir tous les cas de vente ou de traite prévus par le Protocole et aussi afin d'établir la compétence extraterritoriale des juridictions malgaches pour toutes les infractions, notamment celles liées à la pornographie mettant en scène des enfants. Il a aussi souhaité savoir ce qu'il advenait en cas d'absence de traité d'extradition, Madagascar n'ayant conclu de tels accords qu'avec les Comores et la France.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a déploré une absence de statistiques harmonisées, standardisées et désagrégées. Elle a déploré une diminution des budgets concernant les jeunes depuis 2009. Le budget du Ministère de la santé, par exemple, a été réduit de 40%. Le Gouvernement prévoit-il de sauvegarder les dépenses en faveur des enfants? Une autre experte a demandé des précisions sur les mesures de protection prises en faveur des enfants et des adolescents. Elle a ainsi souhaité savoir à qui les enfants devaient s'adresser pour dénoncer une situation: un mécanisme spécifique existe-t-il pour ce faire? Les services juridiques sont-ils suffisants? Elle a rappelé que les enfants avaient aussi besoin d'un soutien psychologique. Des mesures sont-elles prises pour permettre leur réintégration dans la famille. Elle a demandé des précisions sur le «numéro vert» que peuvent appeler les victimes.

Une autre experte a abordé la question de l'adoption et demandé où en était l'autorité centrale régissant cette question. Lors de la présentation du dernier rapport de Madagascar en 2012, celle-ci était en effet déficiente.

Le Président du Comité, M. Benyam Dawit Mezmur, s'est enfin inquiété des informations faisant état d'une augmentation des cas de prostitution, de jeunes garçons en particulier. En ce qui concerne le tourisme sexuel, les autorités axent-elles plus spécifiquement leur action sur les villes côtières ou portuaires?

M. BERNARD GASTAUD, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Madagascar sur l'implication des enfants dans les conflits armés, a souhaité avoir des précisions sur le rôle de la société civile dans l'élaboration du rapport. Il a affirmé qu'un effort important restait à fournir pour faire connaître le protocole auprès de la population, se félicitant de sa traduction en langue malgache. Il a constaté par ailleurs lui aussi le taux déficient d'enregistrement des naissances, ce qui est problématique en matière de recrutement d'enfants soldats. Il s'est interrogé sur les jeunes engagés volontaires et a demandé quel était le statut des enfants qui peuvent entrer à l'École militaire dès 15 ans.

Il n'existe pas de disposition adéquate s'agissant du recrutement d'enfants dans des groupes armés, a-t-il ajouté. Il a noté l'existence d'un groupe armé qui semble être plus un gang de malfaiteurs qu'une organisation politique. Or, celui-ci recrute des mineurs et il est combattu par les autorités.

Parmi les autres questions posées par d'autres membres du Comité, l'un d'entre eux a demandé quel mécanisme avait été mis en place pour réadapter les enfants ayant appartenu au groupe armé et s'étant rendus. Existe-t-il une politique visant à les inciter à se rendre? Une experte a constaté que les élèves de l'école militaire ne pouvaient semble-t-il pas la quitter sans autorisation de la hiérarchie et que les démissionnaires éventuels devaient rembourser les frais de scolarité.

Réponses de la délégation sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Les deux Protocoles facultatifs sont en cours de traduction en langue malgache, afin d'informer non seulement la population mais aussi les professionnels concernés. Des mesures ont été prises pour assurer la formation et la sensibilisation des principaux acteurs. La délégation a par la suite ajouté qu'outre la traduction en langue nationale, la question de la diffusion des Protocoles facultatifs auprès du grand public relevait des organisations de la société civile et des médias.

Mme Ramanantenasoa a reconnu qu'après la crise, tous les ministères avaient subi une diminution de budget. Toutefois, des efforts ont été faits en matière de réinsertion scolaire: quelque 300 000 jeunes ont aussi pu être rescolarisés, avec l'appui de l'UNESCO, de l'UNICEF et de l'Union européenne. Le but est de réintégrer 800 000 enfants d'ici 2019. Des efforts en faveur notamment du ministère de l'éducation nationale sont aussi entrepris afin d'éviter l'abandon scolaire avant qu'il ne se produise.

Quelque 700 réseaux de protection des enfants couvrent les districts, les régions et les communes, 200 étant véritablement opérationnels. Ceux-ci réfèrent les cas aux autorités compétentes. Un pool d'avocats, qui a des antennes en région, se charge gratuitement de la défense des enfants victimes. Ces réseaux renvoient les cas aux autorités compétentes et permettent de collecter des données. Un numéro vert permet d'entrer en contact avec la police, ainsi qu'avec des travailleurs sociaux.

Madagascar estime avoir progressé sur les problèmes relatifs à l'adoption. Il a dressé un bilan de la situation afin de vérifier qu'elle était l'application de la loi. Des conventions bilatérales sont conclues avec les pays concernés. L'autorité centrale a été placée sous l'autorité directe du ministre de la population. Auparavant, la vente n'était pas réellement sanctionnée par la loi, ce qui n'est plus le cas depuis 2014, des sanctions adéquates ayant été instaurées.

En réponse au nombre très faible de cas de poursuites en justice soulevé par le rapporteur, la délégation a indiqué que l'informatisation des tribunaux était en cours et que le nombre de cas dénoncés était en augmentation. Une sensibilisation est faite, non seulement auprès des personnels concernés mais aussi auprès de la population au sens large, pour informer la population sur le fait que l'absence de dénonciation constitue une infraction pénale. Par ailleurs, un projet de loi est en cours d'élaboration pour permettre l'extradition et l'entraide judiciaire.

Les plans nationaux de protection de l'enfance s'inscrivent dans la politique nationale de protection sociale. Ces plans sont en cours d'élaboration. En juin de cette année, une grande campagne de rescolarisation a été lancée qui a encore permis de scolariser plus de 43 000 élèves jusqu'à présent. Les droits d'inscription au primaire ont été supprimés. Des cantines scolaires sont créées dans les zones défavorisées afin d'inciter les familles à envoyer leurs enfants à l'école. Des enseignants sont recrutés par l'État, alors que jusqu'à présent ils ne percevaient pas un salaire proprement dit mais une indemnité versée par les associations de parents d'élèves, en particulier dans les régions reculées. Les enseignants sont formés aux droits de l'enfant, a assuré la délégation.

Le rapporteur pour l'examen de Madagascar ayant observé que le mariage des enfants était extrêmement courant et socialement bien accepté, la délégation a affirmé que c'était désormais à un juge d'autoriser ou non un mariage précoce, sa décision devant être motivée. Si la loi a prévu une sanction pénale, il reste maintenant à mener une grande campagne de sensibilisation afin que celle-ci soit acceptée et respectée, la délégation reconnaissant la prévalence du phénomène. Elle a reconnu par ailleurs l'existence de véritables «marchés» de vente de femmes à des fins de prostitution qui peuvent inclure des jeunes filles à marier. Elle a toutefois indiqué que des descentes de police avaient lieu désormais «pour y mettre bon ordre».

S'agissant plus spécifiquement de l'existence présumée de réseaux de traite de jeunes femmes en direction du Moyen-Orient, la délégation a répondu qu'à l'origine cela avait pris la forme d'offres de postes de travail à l'étranger. Les autorités ont tenté d'y mettre un terme en ne délivrant plus les documents nécessaires, en raison des abus constatés. Toutefois, l'obligation d'obtenir du gouvernement malgache un permis de travail pour se rendre à l'étranger est contournée, de jeunes mineures parvenant à obtenir des faux papiers et se rendant dans un pays voisin comme Maurice où elles transitent avant de gagner des pays où elles espèrent s'employer comme domestiques. Un bureau national de lutte contre la traite vient tout juste d'être créé et est en cours de mise en place.

La délégation a reconnu que la prostitution était en augmentation, de plus en plus d'hommes s'y livrant en particulier. Elle ne dispose pas d'informations sur des cas éventuels de jeunes garçons. Pour ce qui a trait au ciblage géographique du tourisme sexuel, des codes de conduite sont imposés et des actions de sensibilisation sont menées dans les villes de la côte.

S'agissant du suivi des enfants adoptés, les parents adoptifs doivent envoyer deux rapports la première année, puis un rapport par an jusqu'à la majorité de l'enfant concerné.

L'État s'est engagé en faveur de la lutte contre la corruption au plus niveau, en la personne du chef de l'État. Par ailleurs, un Bureau indépendant a été mis sur pied contre ce fléau.

Protocole facultatif sur l'implication des enfants dans les conflits armés

En réponse à des questions relatives à l'amnistie de fait dont ont bénéficié les voleurs de bétail, ou «dahalo», Mme Ramanantenasoa a indiqué qu'après leur reddition, ceux-ci avaient été désarmés. À la demande des élus et chefs traditionnels, il a été décidé de ne pas poursuivre les suspects en justice. Ils ont fait l'objet de suivi et d'accompagnement pour leur réinsertion sociale. Avec l'appui du Programme des Nations Unies pour le développement, ils ont bénéficié de semences et de matériel agricole, ainsi que les paysans des zones concernées. Il s'est notamment agi d'alléger la charge de ces derniers qui ont été priés de leur faire une place. En 2013-2014, était en effet apparue une nouvelle forme de criminalité sous la forme d'attaques à main armée perpétrées par des groupes composés de 200 à 300 voleurs de bovins qui auraient subtilisé entre cinq cents et un millier de têtes. Des opérations avec implication des chefs traditionnels ont été menées, 6000 «dahalo» ayant déposé les armes et s'étant engagés publiquement à ne pas récidiver. Il n'a pas été procédé au recensement des enfants qui auraient été éventuellement impliqués. Le but était de ramener la paix et de faire cesser les affrontements entre paysans et voleurs de bétail. Il n'était donc pas question de faire échouer l'opération en ouvrant des enquêtes.

S'agissant des questions relatives à l'enseignement de l'École militaire, la délégation a assuré que celle-ci offrait un cursus général, avec des éléments relatifs à la carrière militaire à laquelle les élèves se destinent éventuellement. Il ne s'agit en aucun cas d'une formation militaire et il n'y a pas de pénalité si les élèves quittent l'école à la fin de leur scolarité normale et qu'ils ne postulent pas à l'Académie militaire. Il n'existe pas, par ailleurs, de risque d'enrôlement de mineurs dans l'armée car un certificat de naissance est nécessaire, l'âge de recrutement étant de dix-huit ans révolus. En l'absence de certificat, un médecin référent est consulté pour déterminer l'âge du postulant. Par ailleurs, au terme du service militaire, tout enrôlement se fait sur la base du volontariat.

En matière judiciaire, la loi reconnaît la présomption de minorité lorsque l'on n'est pas en mesure de déterminer l'âge d'un mineur soupçonné d'avoir commis un délit. Le problème qui se pose aux autorités à cet égard est dû au fait que les bandes criminelles recrutent de plus en plus fréquemment des mineurs en les convainquant qu'ils ne seront pas poursuivis en tant qu'adultes en cas d'interpellation et que les peines encourues sont légères.

Pour ce qui concerne des demandes d'extradition de la part de pays avec lesquels n'existent pas de convention, il faut que l'infraction présumée soit passible de poursuites aussi bien dans le pays demandeur qu'à Madagascar.

La participation de la société civile à la rédaction du rapport se fait par les biais de cinq ou six représentants qui fournissent au comité de rédaction les informations de terrain dont les organisations non gouvernementales disposent.

La délégation n'a pas écarté l'idée de créer un organe de coordination de toutes les actions de promotion et la protection des droits de l'homme, tout en excluant qu'une institution spécifique aux deux protocoles puisse être envisagée.

Conclusions

M. KOTRANE a déclaré qu'il était clair que Madagascar avait largement harmonisé sa législation avec les dispositions du Protocole facultatif sur la vente d'enfants. Toutefois, cette législation doit être mieux adaptée à la vente des enfants plutôt que simplement à la traite. Il a précisé que le Comité insisterait dans ses recommandations pour que l'État s'attaque concrètement aux fléaux de la vente et de la prostitution, particulièrement dans les secteurs du tourisme et du commerce. Tout n'est pas dans la loi, a-t-il ajouté, en soulignant l'importance de mener des campagnes de sensibilisation. Cela implique d'affecter des ressources et de faire des efforts de coordination des politiques. Le rapporteur a souligné enfin l'importance de la question de la rescolarisation.

M. GASTAUD a dit avoir pris bonne note, des efforts accomplis, des actions en cours et des projets à venir par Madagascar pour se conformer aux dispositions du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés. Il a émis l'espoir que le dialogue de ce jour aiderait Madagascar à mettre en œuvre toutes les exigences et toutes les dispositions du Protocole facultatif.

MME RAMANANTENASOA s'est dite très touchée par ces paroles d'encouragement et a estimé qu'elles incitaient son gouvernement à renforcer davantage les efforts pour la promotion et la protection des droits de l'homme et plus particulièrement ceux des enfants concernés par les deux Protocoles facultatifs.

En conclusion, le Président du Comité, M. BENYAM DAWIT MEZMUR, a incité les autorités d'Antananarivo à ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications que peu de pays d'Afrique ont ratifié, Madagascar pouvant servir d'exemple à cet égard. Il s'est félicité de l'esprit dans lequel ce dialogue s'est déroulé.


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CRC15/042F