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LE COMITÉ SUR LES DISPARITIONS FORCÉES OUVRE LES TRAVAUX DE SA NEUVIÈME SESSION EN RÉÉLISANT M. DECAUX À SA PRÉSIDENCE

Compte rendu de séance
Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme souligne que la question des disparitions forcées est vitale pour les droits de l'homme

Le Comité sur les disparitions forcées a ouvert ce matin, au Palais des Nations à Genève, les travaux de sa neuvième session, en réélisant par acclamation M. Emmanuel Decaux à sa présidence et en adoptant son ordre du jour et son programme de travail. Il a également entendu une déclaration du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein, qui a souligné combien la question des disparitions forcées est vitale pour les droits de l'homme.

La Convention puise ses racines dans les pratiques horribles des dictatures des années 1970 et 1980 en Amérique latine mais reste pertinente et urgente aujourd'hui encore, a poursuivi le Haut-Commissaire. En effet, a-t-il rappelé, le rapport annuel du Comité et celui du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires révèlent que des personnes sont portées disparues dans de nombreux pays, toutes régions confondues, avec l'implication directe ou indirecte de l'État. M. Al Hussein a fait observer que dans le paysage complexe des conflits internes actuels mêlant brutalité, criminalité transnationale organisée et crises humanitaires, l'on voit émerger des formes inédites de disparitions forcées, avec de nouveaux types d'acteurs qui ciblent un éventail plus large de victimes. Auparavant, les disparitions étaient caractéristiques d'autocrates qui cherchaient à réprimer et éliminer les opposants politiques, a-t-il rappelé. Or, de nos jours, a-t-il relevé, nous sommes témoins de disparitions en masse dans des États frappés par un conflit interne, comme la Syrie et l'Iraq. Dans d'autres États, les disparitions forcées sont perpétrées au nom de la lutte contre le terrorisme, à travers des pratiques comme la détention au secret, a souligné le Haut-Commissaire, rappelant que rien ne saurait justifier de telles pratiques, contraires à l'article premier de la Convention qui stipule clairement que nul ne doit être soumis à une disparition forcée et qu'aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, ne saurait être invoquée pour justifier une telle pratique. La Convention stipule en outre, en son article 17, que nul ne sera détenu au secret, a ajouté M. Al Hussein.

Le Haut-Commissaire a attiré l'attention sur l'ampleur massive des disparitions forcées aux mains d'acteurs non étatiques. Dans certains cas, a-t-il fait observer, ces acteurs, qui incluent des groupes paramilitaires, des milices et des bandes criminelles organisées, opèrent avec la connivence ou la tolérance de l'État. Toutefois, dans plusieurs conflits parmi les plus brutaux et chaotiques, des abus sont commis par des groupes armés et terroristes, ou par des organisations criminelles, sans la connivence de l'État, et ces abus sont si graves qu'ils doivent être considérés comme équivalant à des disparitions forcées, a affirmé M. Al Hussein. Les acteurs non étatiques peuvent être motivés par le désir d'éliminer la diversité religieuse ou sociale, ou par celui de se saisir des terres et des biens de leurs victimes, a-t-il précisé. Le groupe autoproclamé Daech n'est qu'un exemple de cette tendance, mais il en existe d'autres, a-t-il averti. Il a salué la vision prémonitoire des rédacteurs de la Convention, qui ont mis en relief dans l'article 3 la responsabilité des États parties pour mener des enquêtes sur de tels actes.

Attirant l'attention sur une autre tendance nouvelle, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme a fait observer qu'outre les opposants politiques, les victimes d'aujourd'hui sont constituées de toutes sortes de personnes vulnérables. Ainsi, des civils sont-ils arrêtés et détenus ou pris en otage par diverses forces. Les migrants sont eux aussi extrêmement vulnérables aux disparitions forcées, a ajouté M. Al Hussein, rappelant à cet égard ses multiples appels lancés à la communauté internationale; alors que tous les regards sont dirigés vers la situation dans les Balkans et dans le bassin méditerranéen, il a encouragé à ne pas oublier des situations similaires partout dans le monde, en Asie du sud-est, en Australie, en Amérique latine et dans les Caraïbes, à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, dans la région du Golfe, en Afrique et ailleurs. Trop souvent, a déclaré M. Al Hussein, les migrants sont victimes d'une violence et d'une exploitation indicibles et les refus de permis d'entrée sont appliqués de manière musclée. Les migrants endurent des souffrances indescriptibles et courent le péril de faire l'objet de graves violations des droits de l'homme de la part des autorités des pays où ils tentent d'entrer, a insisté le Haut-Commissaire. Dans de nombreux cas, a-t-il rappelé, ils tombent aussi entre les mains de réseaux de trafiquants, avec leur lot de violence, d'enlèvement et d'extorsion. Le Haut-Commissaire a exhorté les membres du Comité à recourir activement à l'article 16 de la Convention qui stipule qu'aucun État partie ne doit expulser, refouler, remettre, ni extrader une personne vers un autre État s'il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'y être victime d'une disparition forcée.

Ces nouvelles difficultés appellent des stratégies en faveur des victimes des disparitions forcées, dans le strict respect des garanties des traités internationaux, a indiqué M. Al Hussein, saluant la pertinence du Comité qui a tenu deux débats thématiques sur les acteurs non étatiques: le premier sur les disparitions forcées et la traite et le second sur l'impact des disparitions forcées sur les femmes et les enfants. Les victimes se tournent chaque fois davantage vers le Comité pour retrouver leurs proches, entamer des poursuites et faire en sorte que les auteurs soient punis, ainsi que pour « percer le voile de l'impunité » et obtenir des réparations, a fait observer M. Al Hussein. Il s'est félicité qu'en 2015, cinq personnes aient ainsi pu être retrouvées par le truchement du Comité, dont deux étaient décédées et trois ont été découvertes en détention – l'une d'elles ayant été libérée. Le Haut-Commissaire a enfin souligné qu'il fallait à tout prix que les membres du Comité veillent au respect des principes énoncés à l'article 26 de la Convention concernant l'éthique, la compétence, l'indépendance et l'impartialité de leur travail, compte tenu du fait que leur mandat peut sauver des vies et est de nature extrêmement délicate.

Outre M. Decaux, réélu à la présidence du Comité, les autres membres du bureau élu ce matin pour deux ans sont MM. Corcuera Cabezut et Kimio Yokushiji et Mme Suela Jamine, Vice-présidents, et M. Juan José Lopez, Rapporteur. Ce matin, le Comité a par ailleurs entendu ses deux nouveaux membres, Mme Maria Clara Galvis Patiño et M. Daniel Figallo Rivadeneyra, faire la déclaration solennelle prévue à l'article 11 du Règlement intérieur, par laquelle ils s'engagent à exercer leurs devoirs et attributions de membres du Comité « en toute indépendance et objectivité, en tout honneur et dévouement, en parfaite impartialité et en toute conscience ».

Le Comité a par ailleurs observé une minute de silence à la mémoire des victimes des disparitions forcées.


Durant cette neuvième session, qui se tient jusqu'au 18 septembre, le Comité doit examiner les rapports initiaux de l'Iraq et du Monténégro sur les mesures prises par ces deux pays en application de la Convention des Nations pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. L'examen du rapport de l'Iraq débutera cet après-midi à 15 heures.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CED15/009F