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LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES OUVRE LES TRAVAUX DE SA QUATORZIÈME SESSION

Compte rendu de séance
Il tient un débat avec des institutions internationales et des organisations de la société civile

Le Comité des droits des personnes handicapées a ouvert ce matin les travaux de sa quatorzième session, qui se tient Palais Wilson à Genève jusqu'au 4 septembre au Palais Wilson à Genève.

Les experts ont adopté l'ordre du jour de la session (CRPD/C/14/1 à paraître en français), dans lequel figure un programme de travail provisoire et qui prévoit l'examen des rapports de six pays - Kenya, Ukraine, Gabon, Maurice, Brésil et Qatar – ainsi que celui de l'Union européenne. Le Comité a ensuite entendu l'Envoyé spécial du Secrétaire général sur le handicap et l'accessibilité, M. Lenin Voltaire Moreno Garcés, ainsi que des institutions internationales et organisations de la société civile.

Le Comité a été informé des activités menées depuis sa précédente session par M. James Heenan, du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, qui a notamment souligné que la ratification de la Convention se poursuivait «à un rythme impressionnant». Il a aussi indiqué que les présidents des organes conventionnels venaient d'adopter des lignes directrices contre l'intimidation et les représailles contre les personnes qui coopèrent avec les organes conventionnels. M. Heenan a par ailleurs fait observer que la huitième conférence des États parties à la Convention qui s'est tenue en juin à New York avait qualifié d'impérative l'intégration du handicap dans le programme de développement économique et social pour 2030.

M. Lenin Moreno, Envoyé spécial du Secrétaire général sur le handicap et l'accessibilité, a souligné que, si les handicapés avaient été les grands absents des objectifs du Millénaire pour le développement en 2000, il n'en serait pas de même pour celui qui sera adopté en septembre à New York. M. Zhang Guozhong, du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, a rappelé l'importance d'un développement inclusif pour les personnes handicapées.

Pour sa part, la représentante du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a déploré l'absence flagrante de statistiques fiables sur l'éducation des enfants handicapés, soulignant la nécessité d'y remédier, indiquant que l'UNICEF avait édité un guide à ce sujet. L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a rendu compte des progrès accomplis depuis l'adoption en 2013 du Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. L'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes) s'est félicitée du projet d'observation générale du Comité sur l'article de la Convention relatif aux femmes handicapées.

La plupart des organisations non gouvernementales ont qualifié de succès historique la reconnaissance de la participation des personnes handicapées en tant qu'acteurs du développement durable. Elles ont par contre attiré l'attention sur l'absence de statistiques et de savoir-faire, tant des autorités que des organisations humanitaires et sur les conséquences sur les personnes handicapées, laissées à leur sort. Le Comité de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme a pris la parole, ainsi que les organisations suivantes: International Disability Alliance, Fédération mondiale des sourds, Réseau mondial des usagers et survivants à la psychiatrie, Réseau européen des usagers et survivants à la psychiatrie, Forum européen des personnes handicapées, European Network of Independent Living, Autistic Minority International, International Development Disability Consortium, Disability Council International, Handicap International et Human Rights Watch (HRW).


La prochaine réunion publique du Comité aura lieu mardi après-midi avec l'examen du rapport initial du Kenya (CRPD/C/KEN/1), qui se poursuivra mercredi matin.


Aperçu des débats

M. JAMES HEENAN, Chef de la Section des groupes cibles de la Division des traités de droits de l'homme du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a souligné qu'avec 157 États-parties, la ratification de la Convention se poursuivait «à un rythme impressionnant», les quatre derniers à l'avoir fait étant chronologiquement le Kazakhstan, Madagascar, Trinité-et-Tobago et la Gambie. Par ailleurs, 87 pays sont devenus parties au Protocole facultatif à la Convention, la Turquie et la Gambie étant les deux derniers en date.

M. Heenan a attiré l'attention sur les résultats de la vingt-septième réunion annuelle des présidents des organes conventionnels qui s'est tenue à San José du Costa Rica au mois de juin dernier. Il a souligné l'importance de l'adoption des lignes directrices contre l'intimidation et les représailles contre les personnes qui coopèrent avec les Comités; ces lignes directrices harmonisent la réponse que pourront apporter les Comités lorsqu'ils ont connaissance de telles représailles. En outre, le Haut-Commissariat se félicite de l'appel lancé par le chef de la diplomatie costaricienne aux institutions académiques afin que celles-ci se penchent sur les meilleurs moyens de renforcer le système des organes conventionnels. Il a émis l'espoir que des propositions novatrices résulteraient de cette réflexion.

M. Heenan a donné un bref compte-rendu de la huitième conférence des États parties à la Convention qui s'est tenue en juin à New York et au cours de laquelle l'intégration du handicap a été qualifiée d'impérative dans le programme de développement économique et social pour 2030. Il a souligné que le projet de déclaration qui sera adopté par les chefs d'État et de gouvernement en septembre à New York mentionnait en particulier l'importance de l'accessibilité, notamment dans les transports et les espaces verts et soulignait l'importance de disposer de statistiques fiables. Il a aussi souligné que le Forum social du Conseil des droits de l'homme s'intéresserait, lors de sa réunion de 2016, aux droits des personnes handicapées. Il a enfin indiqué que le Haut-Commissariat préparait une étude thématique sur les urgences humanitaires et les situations de risques.

MME MARÍA SOLEDAD CISTERNAS REYES, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, a indiqué pour sa part que le Comité avait mené une réflexion sur l'organisation d'un forum sur le lien entre droits de l'homme et développement social. Le Comité a par ailleurs participé activement à la huitième conférence des États parties et la Président a fait valoir que le Comité recevrait pour la première fois, le 24 août prochain, le Président de la Conférence des États parties.

Rappelant la proportion importante de personnes handicapées au sein des classes pauvres des pays en développement, la Présidente a évoqué les Objectifs de développement durable pour l'après 2015, soulignant que les indicateurs économiques devaient être liés aux droits de l'homme. Il n'est plus possible, a-t-elle affirmé, que ces indicateurs se réfèrent uniquement aux chiffres de la croissance et au produit intérieur brut.

S'agissant du rythme de travail du Comité, la productivité du Comité est passée de l'examen de 2,1 rapports par semaine à 2,3, l'objectif d'être en mesure de pouvoir en examiner 2,5 semblant à portée de main. L'examen des rapports dans le cadre de deux réunions parallèles, lors de futures sessions, devrait permettre d'atteindre ce résultat.

La réflexion sur l'éducation des personnes handicapées et le projet d'observation générale sur les femmes et les filles handicapées se poursuivent, a encore indiqué Mme Cisternas Reyes, qui a souligné que ce bilan consacrait la légitimité du Comité. Elle s'est dite attachée à la recherche du consensus entre les experts, soulignant qu'il était essentiel de maintenir de bonnes relations de travail.

M. LENIN MORENO, Envoyé spécial du Secrétaire général sur le handicap et l'accessibilité, a souligné qu'il n'était pas nécessaire de disposer de statistiques pour savoir que les personnes handicapées figuraient parmi les plus pauvres des plus pauvres et des plus oubliés des oubliés. Il a déploré que les personnes handicapées aient été les grands absents du programme des objectifs du Millénaire pour le développement en 2000, tout en se félicitant qu'il en irait différemment pour le programme de l'après-2015. Il est important qu'une référence explicite soit faite aux besoins des personnes handicapées. L'Envoyé spécial a proposé au Comité d'élaborer une feuille de route qui pourrait servir de recommandation aux États, qui doivent lancer des politiques nationales prévoyant la mise en place d'indicateurs permettant de s'assurer que les mesures annoncées sont bien suivies d'effets.

M. Moreno a noté que cette session était la dernière avant le prochain sommet humanitaire d'Istanbul, le handicap constituant un sujet «transversal» des thèmes qui seront abordés à cette occasion. En outre, la troisième conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III) à Quito (Équateur) ne peut ignorer la question de l'accessibilité lorsque l'on aborde un tel sujet.

M. ZHANG GUOZHONG (Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies) a rappelé l'importance d'un développement inclusif pour les personnes handicapées. Le Département œuvre à l'élaboration d'indicateurs pour les futurs objectifs qui seront adoptés le 27 septembre prochain à New York, un travail qui se fait en concertation avec les organisations de la société civile, notamment celles représentant les personnes handicapées. Sept sessions de formation ont été organisées en faveur des pays d'Afrique en 2013-2014. La Journée internationale des personnes handicapées mettra particulièrement l'accent sur les prochains objectifs de développement. La Conférence Habitat III constituera pour sa part une bonne occasion d'inclure la question du handicap, a-t-il estimé.

MME NICOLETTE MOODIE (Fonds des Nations Unies pour l'enfance) a indiqué que l'UNICEF avait élaboré un guide pour les ministères de l'éducation sur la collecte de données relatives aux enfants handicapés et l'accessibilité des écoles. Elle a souligné en effet l'absence flagrante de statistiques fiables sur l'éducation des enfants handicapés.

MME MICHELE WOODS (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle- OMPI) a rendu compte des progrès accomplis depuis l'adoption en 2013 du Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. Cet instrument a été signé par 80 pays dès l'année de son adoption. Le processus de ratification, bien que plus long que prévu, devrait permettre une entrée en vigueur du Traité l'an prochain, une fois qu'il aura été ratifié par vingt pays. Cet instrument est en effet d'une grande importance pour les quelque 285 millions de personnes aveugles ou déficients visuels dans le monde, 90% d'entre elles vivant dans des pays en développement. MME MONICA HALIL, également de l'OMPI, a évoqué pour sa part le rôle du consortium des livres accessibles - l'ABC selon son acronyme anglais -, qui fournit une assistance technique et des formations au Bangladesh, à l'Inde, au Népal et à Sri Lanka.

L'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes a fait parvenir au Comité un message dans lequel elle se félicite du projet d'observation générale du Comité sur l'article de la Convention relatif aux femmes handicapées. Les priorités d'ONU-Femmes sur ces questions touchent au respect, à la protection et à l'application des droits des femmes et filles handicapées, a-t-il été précisé.

Le Comité de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme, a souligné que ces institutions avaient un rôle unique dans la mise en œuvre des instruments internationaux. La Convention elle-même reconnaît l'importance du rôle joué par les institutions nationales des droits de l'homme. Les observations générales du Comité soulignent d'ailleurs l'importance que les États mettent en place des institutions nationales des droits de l'homme respectueuses des Principes de Paris. Le Comité de coordination se félicite de la décision du Comité de mettre en place des lignes directrices visant à favoriser la coopération entre les institutions nationales et le Comité. En octobre, le Comité de coordination tiendra à Mexico une Conférence sur le renforcement des droits de l'homme dans le contexte de la réalisation des objectifs de développement.

L'International Disability Alliance (IDA) a qualifié de succès historique la reconnaissance du droit et de la participation des personnes handicapées en tant qu'acteurs du développement durable dont les objectifs doivent être adoptés en septembre. Il a toutefois déploré un recul dans le projet final de texte sur l'engagement en faveur de la prévention et le traitement des maladies non transmissibles – s'agissant notamment des désordres en matière de comportement et de développement, ainsi que des désordre d'ordre neurologique. Le texte souligne qu'il s'agit d'un défi majeur en matière de développement durable. L'IDA a souligné l'importance de demeurer vigilants contre toute atteinte aux dispositions de la Convention.

La Fédération mondiale des sourds a mentionné la tenue il y a deux semaines du dix-septième congrès mondial de son organisation qui s'est tenu à Istanbul, réunissant plus de 1300 participants originaires de 97 pays. Ce congrès a souligné l'importance des personnes sourdes à la diversité de l'humanité, celle-ci apportant une contribution essentielle dans les domaines culturel et linguistique.

Le Réseau mondial des usagers et survivants à la psychiatrie a souligné l'importance d'abolir l'internement forcé et les traitements psychiatriques non consentis. L'organisation a tenu un colloque thématique le 19 août consacré à la violence contre les femmes et les filles handicapées. Elle a souligné que les organisations psychiatriques ne sauraient s'exprimer au nom des personnes handicapées. Celles-ci représentent les intérêts d'une profession puissante, a observé le représentant. Il s'est par ailleurs félicité que le Groupe de travail sur la détention arbitraire ait adopté à sa dernière session des principes et lignes directrices sur les recours et procédures s'agissant de la pratique de la détention judiciaire.

Le Réseau européen des usagers et survivants à la psychiatrie a fait part de sa profonde préoccupation face à la situation des personnes ayant des handicaps psychosociaux en Europe. À ce jour, aucun des États parties à la Convention n'a aboli les interventions psychiatriques forcées autorisées par la loi. Elle a appelé le Comité, lors du prochain examen de l'Union européenne, à s'assurer que celle-ci veille à la mise en œuvre effective de la Convention.

Le Forum européen des personnes handicapées a dénoncé les nombreuses atteintes aux droits des personnes handicapées, notamment en matière d'emploi. Il attend avec intérêt les recommandations du Comité au sujet de la responsabilité partagée des États membres de l'Union européenne - et de l'Union européenne en tant que telle - sur la jouissance des droits de l'homme pour les personnes handicapées.

L'European Network of Independent Living (ENIL) s'est inquiété du détournement des notions de vie indépendante, de désinstitutionalisation, d'assistance personnelle, de services communautaires, d'inclusion qui se concrétisent par des mesures ne respectant pas la Convention.

Autistic Minority International a souhaité alerter le Comité sur l'utilisation de termes discutables dans le projet de déclaration du programme de développement pour l'après-2015. Les États membres sont tombés d'accord par consensus pour ajouter à la dernière minute des termes visant à prévenir l'autisme et d'autres soi-disant désordres du développement, sous couvert de la prévention et du traitement des «maladies non-transmissibles». Ainsi, les États membres de l'ONU sont unanimes à estimer que le développement durable du monde dépend de l'élimination des personnes handicapées, a condamné le représentant de cette ONG.

L'International Development Disability Consortium (IDDC) a appelé le Comité à inclure les objectifs de développement durable dans la contribution des rapports de pays, ainsi que dans ses recommandations.

Disability Council International a souligné l'importance des observations générales du Comité qui constituent une source essentielle pour les organisations de la société civile. Elles sont utiles pour préciser le contenu de la Convention. Cette organisation estime qu'une observation générale relative aux loisirs serait la bienvenue, compte tenu des plaintes que l'ONG reçoit en ce qui concerne par exemple le manque d'accessibilité des hôtels pour les personnes handicapées.

Handicap International a rappelé que le Secrétaire général des Nations Unies avait souligné la nécessité de changements radicaux dans l'action humanitaire si l'on entend répondre aux défis considérables auquel le monde fera face dans l'avenir. En octobre prochain, aura lieu une consultation internationale visant à faire la synthèse des travaux préparatoires au Sommet humanitaire mondial d'Istanbul en mai 2016, auxquels a participé Handicap International aux côtés d'autres ONG qui ont organisé des consultations auprès des handicapés partout dans le monde. Les réponses montrent qu'en dépit d'efforts réels, on est confronté à de grands défis pour que l'assistance humanitaire soit réellement inclusive. Le Sommet d'Istanbul doit entraîner un réel changement dans les politiques liées au handicap, et le Comité est invité à agir pour que la réunion d'Istanbul soit réellement inclusive.

Human Rights Watch (HRW) a souligné l'importance de reconnaître les défis et les vulnérabilités uniques des personnes handicapées. Il a rappelé que celles-ci étaient particulièrement vulnérables dans les situations de risques et de crises humanitaires dues à la guerre, aux catastrophes naturelles, notamment. Bien souvent, face aux défis multiples auxquels elles sont confrontées, face aussi à leurs priorités et à leurs limitations en matière de financement, les organisations humanitaires sont incapables de répondre aux défis spécifiques des personnes handicapées, manquant aussi du savoir-faire et de la capacité de les assister.


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CRPD15/014F