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LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES EXAMINE LE RAPPORT DE L'UKRAINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par l'Ukraine sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le rapport a été présenté par le premier Vice-Ministre de la politique sociale de l'Ukraine, M. Vasyl Shevchenko, qui a notamment fait valoir que plusieurs textes importants ont été adoptés pour améliorer la situation des handicapés en termes d'indépendance, d'intégration sociale et de pleine participation à la vie de la société et a déclaré que l'Ukraine estime ainsi «disposer des instruments nécessaires pour faire face à la situation». Toutefois, les événements survenus dans le pays ces deux dernières années, l'annexion illégale de la Crimée et le conflit armé dans l'Est du pays, ont eu des conséquences extrêmement néfastes tels les exodes de populations et l'augmentation du nombre d'handicapés du fait de la guerre. Une loi a été adoptée en faveur de ces déplacés temporaires en octobre dernier afin de reconnaître leur situation et de leur verser des allocations. Le représentant du Président de l'Ukraine pour les personnes handicapées, M. Valeriy Sushkevich, a souligné qu'en raison de la guerre, plus de 300 000 personnes handicapées étaient privées de pratiquement tous les droits figurant dans la Convention, mais a fait valoir que l'État ukrainien continuait de verser les retraites et les allocations d'invalidité à 800 000 retraités sur 1,2 million vivant dans les zones de conflit. Le Gouvernement a été contraint de réduire les ressources prévues pour les programmes sociaux et les nombreux textes adoptés en faveur des droits des personnes handicapées ne peuvent entrer en vigueur pour le moment. Le représentant a reconnu une absence de volonté politique dans ce domaine et une insuffisante sensibilisation de la population à ces questions.

Un rapport parallèle a été présenté par le chef du Secrétariat du Commissaire parlementaire aux droits de l'homme, M. Bogdan Kryklyvenko, qui a ajouté que le principal problème rencontré dans la promotion des droits des personnes handicapées résultait du fait que «la volonté des autorités à mettre en œuvre les dispositions de la Convention demeure en grande partie de nature déclarative» et que la mutation visant à passer d'une approche médicale du handicap à une approche basée sur les droits de l'homme était incomplète. Les événements en Crimée et dans l'Est de l'Ukraine constituent un facteur négatif supplémentaire. La majorité des personnes handicapées en Ukraine sont contraintes de vivre dans la pauvreté, sans recevoir ni attention ni soutien de la société et de l'État.

La délégation du pays, également composée de M. Yuri Klymenko, Représentant permanent de l'Ukraine à Genève, et d'une représentante du Ministère de la santé, a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la définition du handicap, des problèmes d'accessibilité, des réponses apportées aux plaintes déposées auprès du Médiateur, sur la maltraitance - des enfants en particulier -, ou encore sur les séquelles de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport ukrainien, Mme Safak Pavey, s'est félicitée de l'adoption du Plan national d'action pour la mise en œuvre de la Convention, de la création et de la nomination du poste de Commissaire du Président pour les droits des personnes handicapées, ainsi que de la création d'un mécanisme auprès du Médiateur pour le suivi de la Convention. Elle a fait part de sa très grande préoccupation face à la ségrégation dont souffrent les enfants handicapés, le placement systématique en institution, ainsi que par les abandons d'enfants dans les zones de conflit. Un autre membre du Comité faisant office de corapporteur, M. Jonas Ruskus, a regretté une médicalisation systématique du handicap en Ukraine, ainsi qu'une interprétation discriminatoire et dépassée de l'invalidité héritée de l'ère soviétique. Il a noté que la terminologie en vigueur en Ukraine qui qualifie les personnes handicapées d'«invalides» ou de «personnes aux capacités limitées» n'était pas conforme à la Convention.

Le Comité rendra publiques à la fin de ses travaux, le 4 septembre prochain, ses observations finales sur chacun des rapports examinés au cours de la session.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport initial du Gabon (CRPD/C/GAB/1), qui se poursuivra demain matin.


Présentation du rapport de l'Ukraine

Le Comité est saisi du rapport initial de l'Ukraine (CRPD/C/UKR/1), ainsi que de ses réponses (CRPD/C/UKR/Q/1/Add.1, à paraître en français) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRPD/C/UKR/Q/1).

M. VASYL SHEVCHENKO, premier Vice-Ministre de la politique sociale de l'Ukraine, a assuré que son pays accordait une grande importance à ses obligations en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Ainsi, en 2012, il adopté par décret un Plan d'action pour la mise en œuvre de la Convention, qui court jusqu'en 2020. L'Ukraine a aussi participé activement à la mise en œuvre du Plan d'action du Conseil de l'Europe (2006-2015) visant à promouvoir les droits et la pleine participation des personnes handicapées dans la société. Depuis la soumission du rapport au Comité en 2012, le Parlement et le Gouvernement ont en outre adopté un certain nombre de textes importants visant à améliorer la situation des handicapés s'agissant de leur indépendance, de leur intégration sociale et de leur pleine participation à la vie de la société. Ces textes établissent les principes relatifs à la prévention et à la lutte contre la discrimination à l'égard des personnes handicapées.

Des directives techniques ont été édictées en vue de faciliter l'accessibilité aux lieux d'habitation et l'adaptation d'appartements réservés aux handicapés. Des procédures ont été mises en place pour l'évacuation des personnes confrontées à des situations d'urgence, y compris les personnes handicapées. Afin de promouvoir le droit à l'éducation, les critères relatifs à l'instruction primaire pour les enfants ayant des besoins éducatifs particuliers ont été adoptés en 2013. À cette fin, de nouveaux programmes pour les établissements secondaires spécialisés ont été approuvés en 2014. Grâce aux mesures prises afin d'assurer une éducation intégrée et inclusive, le nombre d'élèves handicapés dans les établissements secondaires augmente de 10% par an.

En outre, une nouvelle allocation a été créée pour les parents élevant un enfant handicapé, alors que, précédemment, le seul droit qui leur était reconnu était de prendre un congé sans solde. Entre 2012 et 2014, les huit plus importantes institutions de réadaptation pour les enfants handicapés ont été équipées de moyens techniques de rééducation modernes.

À ce stade, l'Ukraine estime disposer des instruments juridiques nécessaires pour faire face à la situation, en termes de textes de loi, de décrets présidentiels et de résolutions gouvernementales. Leur mise en œuvre est assurée, contrôlée et suivie par les autorités centrales responsables.

Toutefois, les événements survenus dans le pays ces deux dernières années ont fortement affecté la situation sur les plans politique, économique, social et culturel, a souligné le chef de la délégation ukrainienne. Plusieurs millions de personnes ont été victimes de l'annexion illégale de la Crimée et du conflit armé dans l'est du pays qui ont déclenché un exode de populations, a rappelé M. Shevchenko, soulignant qu'une proportion importante de ces personnes déplacées sont handicapées. Une loi a été adoptée en faveur de ces déplacés temporaires en octobre dernier afin de reconnaître leur situation. Il s'agissait de pouvoir assurer qu'elles continuaient de percevoir les allocations auxquelles elles avaient droit, les pensions de retraite notamment. Il s'agissait aussi de les aider à se reloger. Les personnes handicapées reçoivent une allocation d'un montant supérieur de 7% à celui des autres personnes déplacées. Les hommes mobilisés pour défendre le pays, ceux qui ont été blessés, et qui demeureront handicapés pour certains d'entre eux, se sont vu allouer des allocations spécifiques, notamment en matière de soins de santé. Pour relever ces défis, il a été fait appel à l'assistance de plusieurs États amis et institutions internationales dont le Programme des Nations Unies pour le développement.

M. VALERIY SUSHKEVYCH, Représentant du Président de l'Ukraine pour les personnes handicapées, a souligné que le rapport de son pays ne reflétait pas la situation actuelle car il a été soumis avant la situation de guerre qui a eu pour conséquence que plus de 300 000 personnes handicapées sont aujourd'hui privées de pratiquement tous les droits figurant dans la Convention. Concrètement, la perte de leurs droits est illustrée par la perte de leur logement, pouvant aller jusqu'à la perte de leur droit à la vie, le plus précieux des droits de l'homme. M. Sushkevych a ajouté que l'on ne sait rien de leur sort et que l'on ignore combien d'entre elles sont toujours en vie. Il conviendrait aussi de mentionner les milliers de personnes blessées pour leur engagement dans l'armée des justes.

L'État ukrainien ne peut garantir les droits de ces personnes. Il s'est dit fier néanmoins que l'État continue de verser les retraites et les allocations d'invalidité à 800 000 retraités sur 1,2 million vivant dans les zones de conflit. Mais s'il s'efforce de résoudre les problèmes, ceux-ci sont d'une telle ampleur que l'État n'est pas en mesure de garantir les droits et de répondre aux besoins des personnes déplacées en raison d'une insuffisance de ressources. Le rapport ne propose pas de solution à cet égard.

Quant aux personnes handicapées qui ne vivent pas en zone de guerre, elles ont tout de même été touchées par le conflit en raison de la détérioration de la situation économique du pays due à la guerre. Le Gouvernement a été contraint de couper dans les programmes sociaux et il n'a pu revaloriser les pensions et allocations autant qu'il aurait fallu. Et si un grand nombre de textes ont été adoptés en faveur des droits des personnes handicapées et de leur sécurité sociale, ceux-ci n'entrent pas en vigueur pour l'instant, a reconnu M. Sushkevych.

Le représentant du Président ukrainien a aussi admis une absence de volonté et d'intérêt politique en faveur des droits des personnes handicapées, une attitude qui concerne tant les autorités qu'une population elle-même trop peu sensibilisée à ces questions. Il a toutefois souligné l'avancée que représente la nomination par le chef de l'État d'un Commissaire du Président pour l'institution des droits des personnes handicapées.

M. BOGDAN KRYKLYVENKO, chef du Secrétariat du Commissaire parlementaire aux droits de l'homme, a présenté le rapport parallèle du Commissaire relatif à la mise en œuvre de la Convention, qui est basé sur les résultats du suivi assuré, ces trois dernières années, par le Médiateur de l'Ukraine et par les organisations non gouvernementales.

L'an dernier, le Médiateur a reçu plus de 4000 plaintes concernant des violations des droits des personnes handicapées. Plusieurs cas graves sont soulevés au quotidien et, selon M. Kryklyvenko, le principal problème résulte du fait que la volonté des autorités à mettre en œuvre les dispositions de la Convention demeure en grande partie de nature déclarative. S'agissant de l'harmonisation de la législation, en dépit de quelques progrès, les textes dans ce domaine doivent être améliorés. En outre le passage d'une approche médicale du handicap à une approche basée sur les droits de l'homme n'a pas été complètement réalisé.

Les événements en Crimée et dans l'est de l'Ukraine constituent un facteur négatif supplémentaire qui est apparu l'an dernier. Malheureusement, l'État n'était prêt ni sur le plan économique, ni sur le plan organisationnel à faire face à une agression militaire pour prendre les mesures adéquates qui auraient permis de secourir, d'évacuer et de loger les personnes déplacées. On estime que depuis le début du conflit, plus de 1,5 million de personnes ont été déplacées, dont 80 000 étaient handicapées. Quelque 320 000 personnes handicapées, dont 20 000 enfants, vivaient dans les zones de guerre de Donetsk et Lougansk. La question de l'évacuation des personnes qui le souhaitent est compliquée par le manque de locaux dans les zones sûres, ainsi que par la complexité du processus de décision résultant des problèmes d'autorité et de financement. À l'heure actuelle, aucune autorité de l'exécutif ne dispose d'informations fiables sur le nombre de personnes handicapées demeurant dans les zones où règne l'insécurité et qui auraient besoin d'une aide d'urgence.

Malgré des demandes répétées du Commissaire, dès le déclenchement des événements dans l'Est, le Gouvernement a refusé de rechercher une solution globale pour organiser un transfert des personnes handicapées vers les régions sûres du pays, a affirmé M. Kryklyvenko. En conséquence de quoi, le nombre d'handicapés est en augmentation et le pays doit faire face à de nouveaux défis en matière de réadaptation physique et psychologique des personnes affectées par le conflit.

Le représentant du Commissaire parlementaire aux droits de l'homme a par ailleurs dénoncé les conditions de détention en prison, faisant état de nombreux cas de torture et de mauvais traitements envers des personnes handicapées, comme cela a pu être constaté lors de visites de représentants du Médiateur effectuées l'an dernier. M. Kryklyvenko a aussi dénoncé le fait que les personnes handicapées ne pouvaient intenter par elles-mêmes d'action en justice pour réclamer le rétablissement de leurs droits, en contradiction avec la Convention européenne des droits de l'homme. Il a aussi relevé le manque d'accessibilité des tribunaux et un accès insuffisant à l'information.

Quant aux insuffisances de financement du secteur de la santé, il a des conséquences négatives non seulement pour les personnes handicapées mais pour la population dans son ensemble. Par ailleurs, il est très difficile pour un handicapé d'avoir accès à des prêts bancaires, les banques considérant la plupart du temps cette catégorie de la population comme insolvable, à quoi s'ajoute l'inaccessibilité des agences bancaires et des distributeurs automatiques d'argent, pour les personnes handicapées. Il en va d'ailleurs de même des établissements d'enseignement, malgré la reconnaissance du droit à l'éducation des personnes handicapées. L'accès à l'emploi demeure très difficile lui aussi, alors même que la loi prévoit des quotas d'embauche de travailleurs handicapés. Les employeurs ne sont guère intéressés, a commenté M. Kryklyvenko.

La situation actuelle fait que les personnes handicapées sont généralement contraintes de vivre dans la pauvreté, sans recevoir attention ni soutien de la société et de l'État. C'est à celui-ci de faire les efforts nécessaires et de remplir ses obligations si l'on veut que les personnes handicapées aient la possibilité de devenir membres de plein droit de la société ukrainienne.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME SAFAK PAVEY, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Ukraine, a présenté ses condoléances pour les vies sacrifiées et sa plus profonde sympathie pour les personnes handicapées, déplacées et affectées par le conflit dans l'est du pays. Elle s'est félicitée de l'adoption du Plan national d'action pour la mise en œuvre de la Convention 2011-2020, de la création et de la nomination du Commissaire du Président pour les droits des personnes handicapées, ainsi que de la création d'un mécanisme auprès du Médiateur pour le suivi de la Convention. Elle s'est félicitée de l'étroite coopération des organisations non gouvernementales avec le Comité.

La rapporteuse a noté que les données du rapport étaient lacunaires en ce qui concerne l'inclusion des femmes et des filles en situation de handicap, ainsi que concernant leur protection, s'agissant en particulier de la lutte contre la discrimination et la violence contre les femmes. L'Ukraine entend-elle y remédier? Mme Pavey a aussi fait part de sa très grande préoccupation face à la ségrégation dont souffrent les enfants handicapés, le placement systématique en institution, ainsi que par les abandons d'enfants dans les zones de conflit. Le Gouvernement envisage-t-il des mesures pour y remédier?

La rapporteuse a dit comprendre le très grave défi sur le plan humanitaire auquel le pays fait face, alors que la guerre ne fait qu'accroître le nombre d'handicapés. Toutefois, une culture ancrée de bénévolat au sein de la société, ainsi que l'assistance des organisations spécialisées pourraient permettre de surmonter ces défis si l'État y met aussi du sien. Elle a souhaité savoir ce que celui-ci prévoyait de faire à cet égard.

M. JONAS RUSKUS, corapporteur pour l'examen du rapport de l'Ukraine, a exprimé sa sympathie et sa solidarité, en tant que citoyen lituanien, envers le peuple ukrainien qui défend son aspiration à vivre dans une démocratie fondée sur les droits de l'homme. Il s'est félicité que l'Ukraine ait adopté un certain nombre de programmes fondamentaux visant à mettre en œuvre la Convention. Il note toutefois de nombreuses lacunes liées à cette mise en œuvre, dont certaines de caractère systémique. En second lieu, le pays est confronté à des défis terribles d'atteinte au droit à la vie, le conflit dans l'Est rendant la situation des personnes handicapées encore plus vulnérable.

M. Ruskus a rappelé que la définition du handicap et les obligations générales inscrites dans la Convention constituaient les pierres angulaires de la mise en œuvre en œuvre des droits. Il a souligné la «médicalisation extrême» de la question de la définition du handicap en Ukraine, ainsi que l'interprétation discriminatoire et dépassée de l'invalidité héritée de l'ère soviétique. Tout cela est profondément enraciné dans la réglementation, dans les attitudes des professionnels, ainsi que dans la société, et en conséquence légalement et largement pratiqué, a relevé le corapporteur. Concrètement, les personnes médicalement étiquetées comme invalides sont exclues de la communauté et victimes de discrimination. Il a noté que la terminologie en vigueur en Ukraine qui qualifie les personnes handicapées d'«invalides» ou de «personnes aux capacités limitées» n'était pas conforme à la Convention.

Les parents dont l'enfant est jugé invalide ou handicapé sont soumis à une forte pression de la part des professionnels afin qu'ils le placent en institution, sur la base de la conviction qu'«il n'a aucun avenir».

En outre, il n'existe pas de mécanisme d'évaluation de la personne et du besoin de soutenir son développement. Il n'existe pas d'instruments d'évaluation des barrières sociales et des moyens d'y remédier en favorisant une plus grande participation des personnes handicapées dans la société. De nombreux services sont inaccessibles en raison de la faiblesse de l'allocation mensuelle d'invalidité qui n'est que de 1000 hryvnias, soit l'équivalent de 40 euros.

Les services sociaux de qualité dépendent en fait des organisations de personnes handicapées qui comblent les manques des pouvoirs publics. Le Comité souhaiterait que la délégation lui précise quel est le niveau d'engagement politique de l'État en faveur des droits des personnes handicapées. Envisage-t-on de passer du modèle discriminatoire du handicap à celui basé sur les droits sociaux et humains? Le Gouvernement envisage-t-il d'en finir avec une structure d'évaluation du handicap extrêmement bureaucratique, voire corrompue, pour créer un système d'expertise compétent, transparent et responsable axé sur une approche «droits de l'homme», a enfin demandé M. Ruskus.

Plusieurs autres membres du Comité ont souligné le caractère problématique de définir les personnes handicapées comme des «invalides». Ils ont qualifié d'alarmante la situation des femmes handicapées en Ukraine. La discrimination à l'égard des personnes bisexuelles et transsexuelles, gays ou lesbiennes handicapées est également source de préoccupation.

En ce qui concerne les normes d'accessibilité, comment le Gouvernement sanctionne-t-il ceux qui ne s'y conforment pas? Si les membres du Comité en fauteuil roulant se rendaient en Ukraine, disposeraient-ils de services de soutien à l'aéroport, dans les hôtels et les édifices gouvernementaux?

Un expert a demandé à quelles suites avaient été données aux 4000 plaintes déposées auprès du Médiateur. Un membre du Comité a jugé préoccupant le nombre élevé d'abandon d'enfants handicapés et les conditions de vie difficiles dans les orphelinats.

Un membre du Comité a mentionné une étude d'une organisation internationale sur les enfants en institution en Ukraine, qui énumère des violations graves des droits de l'homme - trafic d'organes, sévices sexuels, notamment. L'Ukraine prévoit-elle d'ouvrir des enquêtes sur ces violations? Des sanctions ont-elles été appliquées?

Bien qu'il soit évident que l'on doive opérer des réductions budgétaires drastiques dans un pays en guerre, on peut néanmoins se demander si celles-ci n'ont pas frappé de manière disproportionnée les personnes handicapées, a demandé un membre du Comité.

Un expert s'est enquis de la reconnaissance juridique du braille et du langage des signes. Il a aussi souhaité savoir comment les organes de radiodiffusion pourraient être plus accessibles aux personnes handicapées. Une question a été posée sur la ratification du Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

La délégation a aussi été interrogée sur la situation des personnes touchées par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Les experts ont également demandé si l'éducation inclusive faisait partie des programmes de formation des enseignants.

La Présidente du Comité, Mme María Soledad Cisternas Reyes, a exprimé sa préoccupation à propos de la violence et de l'abus des personnes handicapées détenues dans des établissements, qui pourrait être équivalents à un traitement cruel et dégradant. Elle a rappelé que le Comité contre la torture avait recommandé à l'Ukraine de renforcer son mécanisme national de prévention.

Réponses de la délégation

La délégation a assuré que le Gouvernement ukrainien faisait le maximum pour changer la situation des personnes handicapées.

S'agissant de la scolarisation des enfants handicapés, la délégation a indiqué que leur nombre était passé de près de 46 000 en 2013 à près de 59 000 cette année.

La délégation a assuré que la transition d'une approche strictement médicale à une définition sociale du handicap avait débuté avec la ratification de la Convention. En conséquence, des modifications ont été introduites en ce qui concerne un grand nombre de lois et règlements. S'agissant de l'utilisation du terme «invalidité», la délégation a attiré l'attention sur le fait que la traduction du rapport était basée sur la version russe de la Convention qui utilise le mot «invalide» en russe.

Il existe 141 établissements de réadaptation en Ukraine qui fournissent un ensemble de services destinés aux enfants connaissant des problèmes de développement, ainsi qu'à leurs familles. Ces centres collaborent avec les établissements d'enseignement. Les conditions sont donc mûres désormais pour inclure les enfants handicapés dans l'enseignement ordinaire.

Beaucoup a été fait en termes de sensibilisation du public, notamment à l'occasion de la célébration de la journée internationale des personnes handicapées et de l'organisation d'un festival pour les personnes handicapées. Selon la délégation, la presque totalité de la population a regardé les Jeux paralympiques.

La délégation a aussi indiqué qu'en prévision du championnat de football Euro 2012, les rues, les transports publics, ainsi que les stades et les aéroports avaient subi des aménagements afin d'être accessibles aux personnes handicapées.

Le conflit en Ukraine n'est pas un conflit interne et la communauté internationale en est parfaitement consciente. Kiev reçoit un soutien des institutions des Nations Unies pour aider à protéger les personnes handicapées dans les territoires occupés et dans les zones en conflit.

Les coupes dans les programmes sociaux ont entraîné une diminution de fait des pensions d'invalidité du fait qu'elles n'ont pas été réévaluées et, par conséquent, elles ont diminué de fait en raison de l'inflation.

Un projet de loi est en discussion pour faire de la discrimination sur la base du handicap un délit. La Constitution sera également amendée en ce sens. La délégation a reconnu néanmoins des lacunes dans la mise en œuvre systématique de tous les aspects de la Convention. Toutefois, cela est en partie compensé par l'influence croissante de la société civile, qui a un impact positif sur la politique de l'État s'agissant des questions liées au handicap.

En ce qui concerne la question de la stérilisation de personnes handicapées, la délégation a souligné qu'un consentement était requis, soit de la personne concernée, soit d'un tuteur dans le cas d'une personne incapable de donner son consentement. Cette loi doit faire l'objet d'une nouvelle évaluation.

Si le braille est encore peu utilisé, des projets sont en cours, avec l'aide de la Banque mondiale, pour y remédier, a déclaré la délégation.

S'agissant des mesures prises pour protéger la population de la guerre, des bombardements en particulier, le Conseil de sécurité de l'Ukraine a pris des décisions en matière de reconstruction, de réhabilitation et de rénovation des abris et de divers locaux. L'aménagement de ces bâtiments doit suivre les normes fixées par l'État, y compris sur le handicap. Les abris existants ont été construits pendant la période soviétique et ne sont guère accessibles aux handicapés.

Répondant à des questions sur la situation des personnes déplacées, la délégation a indiqué que les deux tiers d'entre elles n'étaient pas en mesure de travailler, soit parce qu'il s'agit de retraités (60% des cas), soit de personnes handicapées (4,5%) soit d'enfants (11,5%).

Un des principaux problèmes qui empêchent l'Ukraine d'évaluer correctement la situation des personnes handicapées est le manque de statistiques, a poursuivi la délégation. Elle manque ainsi de statistiques concernant certains groupes d'handicapés - personnes ayant une déficience visuelle, femmes victimes de violences, notamment. Une base de données décentralisée a été mise en place qui a collecté toutes les statistiques disponibles sur les handicapés recueillies par plusieurs ministères. Des fonds ont été alloués pour compléter cette base de données et inclure des informations sur la vie des personnes handicapées, tels que l'accessibilité, l'éducation et l'accès à la justice.

Des mesures visant à prévenir l'institutionnalisation ont été instaurées, incluant un soutien financier pour les aidants de personnes handicapées souffrant de troubles mentaux graves. Des logements-foyers ont été créés en Ukraine occidentale dans lesquels des personnes handicapées peuvent vivre de manière semi-indépendante.

Les quotas pour l'emploi de personnes handicapées sont obligatoires, tant dans le secteur privé que public, a assuré la délégation.

En matière de justice criminelle, l'invalidité n'est pas considérée comme une circonstance atténuante. Des psychologues examinent la capacité de la personne à comprendre les conséquences de son acte. En janvier 2015, un total de 2329 personnes handicapées étaient incarcérées. Elles sont détenues dans des établissements où la réadaptation et les services médicaux sont disponibles. L'accessibilité y a été améliorée, notamment par l'installation de rampes. Par ailleurs, des fonds ont été décidés afin d'améliorer l'accessibilité des tribunaux. Afin de respecter les droits des personnes handicapées placées dans des centres de détention, y compris les prisons, les hôpitaux psychiatriques et les foyers de soins, des groupes de surveillance ont été mis en place il y a deux ans pour surveiller la conformité avec les obligations en matière de droits de l'homme.

Les statistiques sur la violence domestique montrent que la violence contre les femmes handicapées représente 0,3% du total. Les victimes ont accès aux services de l'État en faveur des victimes de violence domestique.

La loi sur la langue des signes, qui a été adoptée en 2015, reconnaît la langue des signes comme moyen officiel de communication. L'accès à l'information pour les personnes ayant une déficience visuelle n'est pas suffisant. L'Ukraine n'a pas encore signé le Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. La question de la ratification est actuellement analysée par le Ministère des affaires étrangères, le Parlement et le Gouvernement. Tout indique qu'il sera signé et ratifié.

S'agissant des conséquences humaines de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la délégation a indiqué que toutes les personnes touchées par l'accident relevaient de la compétence du Ministère des affaires sociales qui fournit un certain nombre de prestations à leur intention.

En raison de la situation dans l'est du pays, l'Organisation mondiale de la santé a mis en place un programme dans les zones adjacentes en créant un réseau de points de premiers secours mobiles pour prodiguer les premiers soins et des services médicaux et infirmiers.

Conclusions

M. SUSHKEVYCH, Représentant du Président pour les personnes handicapées, a rappelé le fardeau écrasant que faisait porter sur le pays le conflit qu'il subissait, ce qui ne peut qu'avoir des conséquences néfastes sur la population et les personnes handicapées en particulier.

M. SHEVCHENKO a souligné l'importance du dialogue avec le Comité, qui aidera l'Ukraine à mettre en œuvre une politique efficace en faveur des personnes handicapées. Il contribuera à promouvoir la protection de leurs droits politiques, civils, sociaux et éducatifs. Le chef de la délégation a assuré que son gouvernement continuerait de mener une politique cohérente visant à promouvoir l'égalité des chances pour les personnes handicapées. L'Ukraine fera le maximum pour mettre en œuvre toutes les recommandations du Comité afin d'harmoniser sa législation et sa pratique avec les normes internationales en matière de handicap.

Le corapporteur pour l'Ukraine, M. RUSKUS, a appelé le Gouvernement ukrainien à soutenir les organisations de la société civile, notamment celles qui apportent leur assistance aux personnes handicapées.

La rapporteuse pour l'Ukraine, MME PAVEY, s'est félicitée de la bonne volonté montrée par la délégation afin de répondre à toutes questions des membres du Comité. Celui-ci est bien conscient de l'épreuve que connaît le pays en raison du conflit actuel. Le Comité exprime sa solidarité avec la population ukrainienne et les personnes handicapées du pays.


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CRPD15/016F