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LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES EXAMINE LE RAPPORT DU KENYA

Compte rendu de séance

Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Kenya sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le rapport a été présenté par le Procureur général de la République du Kenya, M. Githu Muigai, qui a notamment rappelé que le Parlement de Nairobi avait été parmi les premiers à ratifier la Convention en 2008. Il a souligné que les questions relatives au handicap étaient de plus en plus souvent prises en compte de manière dans les lois et politiques du pays. Une loi de 2015 sur les personnes handicapées vise à harmoniser la législation et à élaborer un cadre législatif global visant à protéger et à promouvoir les droits et la dignité des personnes handicapées. Le chef de la délégation a aussi fait valoir que 5% des emplois dans la fonction publique étaient réservés aux personnes handicapées. Il est en outre prévu que 30% des contrats publics soient réservés aux personnes handicapées, aux jeunes et aux femmes. Le Fonds national de développement pour les personnes handicapées a été abondé à hauteur de l'équivalent de 18 millions de dollars afin de fournir le matériel permettant d'améliorer la mobilité et l'accessibilité des personnes handicapées. La langue des signes et le braille sont encouragées. Enfin, la Constitution stipule que 5% des sièges des organes électifs ou pourvus par nomination doivent être occupés par des personnes handicapées, un objectif qui reste à atteindre dans la réalité, a reconnu la délégation.

Une représentante de la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya a pour sa part souhaité que le Gouvernement s'engage sur un calendrier précis pour assurer l'harmonisation de la législation kenyane avec les dispositions de la Convention. La Commission demande par ailleurs que la stérilisation forcée de femmes handicapées ne soit plus tolérée. Elle a aussi souligné que les services publics et les transports demeuraient pour la plupart inaccessibles aux personnes handicapées.

Outre M. Muigai, l'imposante délégation du Kenya était composée du président du Conseil d'administration du Conseil national des personnes handicapées, et de représentants du département de la justice auprès du Bureau du Procureur général, du Ministère de la santé, du Ministère de l'éducation, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du travail, de la sécurité sociale et des services et de membres de la Commission nationale des biens fonciers et de la Commission nationale sur le genre et la parité. En outre, vingt-cinq parlementaires figuraient parmi la délégation. Celle-ci a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des problèmes d'accessibilité, des efforts insuffisants en faveur de l'égalité des sexes, plus particulièrement chez les handicapés, ou de l'accès à l'éducation et à la justice.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport, M. Martin Babu Mwesigwa, s'est félicité de la prise en compte du handicap dans la législation sur l'emploi, par des mesures incitatives. Il a déploré toutefois l'absence de mécanisme de supervision de l'application de la Convention. Il a aussi relevé l'absence d'un mécanisme de concertation entre les autorités et les représentants des personnes handicapées. En outre, la plupart des budgets et des pouvoirs de mise en œuvre ayant été dévolus aux collectivités locales, il conviendrait de les encourager à aligner leur législation sur les engagements internationaux souscrits par Nairobi. Par ailleurs, la plupart des institutions académiques n'utilisent pas ou ne développent pas l'usage de la langue des signes, a déploré le rapporteur.

Le Comité rendra publiques à la fin de ses travaux, le 4 septembre prochain, ses observations finales sur chacun des rapports examinés au cours de la session.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport initial de l'Ukraine (CRPD/C/UKR/1), qui se poursuivra demain matin.


Présentation du rapport du Kenya

Le Comité est saisi du rapport initial du Kenya (CRPD/C/KEN/1), ainsi que de ses réponses (CRPD/C/KEN/Q/1/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRPD/C/KEN/Q/1).

M. GITHU MUIGAI, Procureur général de la République du Kenya, a rappelé que son pays avait été parmi les premiers à ratifier la Convention en 2008 après avoir participé activement à son élaboration. La Convention trouve sa pleine expression dans la Constitution kenyane, celle-ci épousant d'importantes valeurs nationales telles que la non-discrimination, l'inclusion, la participation et la dignité. Le Procureur général a souligné que les questions relatives au handicap étaient prises en compte de manière croissante dans les lois et politiques du pays. Il a cité à cet égard la loi de 2015 en faveur des personnes handicapées qui vise à actualiser la législation et à élaborer un cadre législatif global de protection et de promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées.

Parmi les efforts en cours pour adapter la loi, celle sur la succession prévoit une disposition touchant au droit à l'héritage par les personnes handicapées. La loi de 2015 sur les personnes privées de liberté inclut l'obligation de les traiter humainement. Des mesures ont été prises afin de fixant un quota de 5% des emplois de la fonction publique réservés aux personnes handicapées

Afin de promouvoir leur ascension économique et sociale, et afin d'assurer leur inclusion et l'égalité des chances, il est prévu que 30% des contrats publics soient réservés aux personnes handicapées, aux jeunes et aux femmes. Un budget annuel de 1,2 milliard de dollars est consacré à cet effort. Dans le même temps, un fonds a été créé, le fonds Uwezo (talent en swahili) pour permettre aux personnes handicapées, aux femmes et aux jeunes d'emprunter et de bénéficier de prêts à taux zéro.

Le Fonds national de développement pour les personnes handicapées a été abondé à hauteur de 1,8 milliards de shillings (18 millions de dollars) afin de fournir des aides pour la mobilité et l'accessibilité – chaises roulantes, béquilles, chaussures orthopédiques, appareils auditifs. Ce fonds dispose également de bourses en matière d'assistance à l'éducation. Le Gouvernement a aussi lancé des programmes de subvention à la fois pour les personnes handicapées et pour les orphelins et les enfants vulnérables afin d'aider les ménages à atténuer l'impact de la pauvreté. Les personnes handicapées bénéficient en outre d'exemptions fiscales.

M. Muigai a ajouté qu'un fonds spécial avait été créé pour les personnes atteintes d'albinisme, doté de 300 millions de shillings (trois millions de dollars). Cet argent est destiné à la fois à la sensibilisation de la population et à permettre l'achat de crèmes solaires en tant que mesure de prévention du cancer de la peau.

Pour ce qui a trait à l'accessibilité des institutions judiciaires, les tribunaux et bâtiments de justice sont aménagés de manière à permettre d'y accéder en chaise roulante, a fait valoir le Procureur général. En outre, une interprétation en langue des signes doit être fournie si nécessaire. Par ailleurs, le Gouvernement kenyan reconnaît que les femmes, les enfants et les personnes handicapées sont confrontés à un risque accru dans les situations d'urgence humanitaire. Ces catégories sont reconnues comme groupes vulnérables nécessitant une protection spéciale en cas de catastrophe. Un manuel a été édité en ce sens. M. Muigai a par ailleurs rappelé que les mutilations génitales féminines étaient interdites par une loi de 2011 qui prévoit leur éradication; une instance a été mise sur pied à cette fin.

Les services d'enregistrement des naissances et de délivrance de documents d'identité ont été décentralisés afin d'éviter de devoir parcourir de trop grandes distances pour obtenir un certificat de naissance, une carte d'identité ou un passeport, a aussi indiqué le chef de la délégation.

L'éducation de base est gratuite et obligatoire au Kenya. La langue des signes et le braille bénéficient de mesures de promotion et, selon une enquête nationale réalisée en 2008, 67% des personnes handicapées avaient fréquenté l'école primaire, 19% le secondaire. En matière de santé, le plan stratégique 2012-2017 donne la priorité à la prévention du handicap et à la rééducation.

La Constitution stipule que les personnes handicapées se voient réserver 5% des sièges des organes électifs ou pourvus par nomination, un objectif qui sera atteint sans nul doute à terme, selon le Procureur général. A l'heure actuelle, le Sénat compte trois élus handicapés, l'Assemblée nationale neuf, les assemblées locales de comté 79.

Intervention de l'institution nationale des droits de l'homme

MME SHATIKHA CHIVUSIA, membre de la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya, a dit que celle-ci recommandait que le Gouvernement s'engage sur un calendrier en vue de l'harmonisation de la législation avec les dispositions de la Convention. Elle souhaite aussi que soit ratifié le Protocole facultatif. Par ailleurs, une enquête sur la santé génésique a révélé des cas de femmes handicapées stérilisées sans leur accord. L'État doit prendre des mesures pour y mettre un terme. Quant aux services publics et aux transports, il demeure largement inaccessible aux personnes handicapées. La Commission exhorte le Comité à demander à ce que des données ventilées soient compilées sur les personnes handicapées à l'occasion du prochain recensement national. La Commission espère que la politique actuelle visant à tenir pleinement compte des personnes handicapées se poursuivra en s'inspirant des observations finales que lui fera le Comité.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. MARTIN BABU MWESIGWA, rapporteur du Comité, qui a indiqué qu'il était ressortissant d'un pays voisin, l'Ouganda, a félicité le Kenya pour avoir été parmi les premiers à ratifier la Convention. Il a noté qu'avant même cette ratification, ce pays avait déjà adopté une loi-cadre en faveur des personnes handicapées, ce qui prouve son engagement en ce sens. Il s'est félicité de la prise en compte des questions de handicap dans la législation sur l'emploi.

Toutefois, une série de problèmes touche au fait qu'il n'existe pas de mécanisme de supervision de la Convention. La Commission kenyane sur le genre et la parité est censée jouer ce rôle dans ce domaine, mais comme il s'agit d'une instante gouvernementale, il y a un risque de conflit d'intérêt. En outre, le handicap vu uniquement sous l'angle de l'égalité des chances et de l'égalité des sexes n'est pas suffisant. Le rapporteur a aussi relevé l'absence d'un mécanisme de concertation entre les autorités et les représentants des personnes handicapées. Ce processus de consultation doit être systématisé et formalisé, a souligné le rapporteur.

Si les personnes handicapées sont représentées au Parlement, cela ne se fait pas de manière suffisamment transparente, de la part des partis politiques notamment, a estimé le rapporteur. En outre la plupart des budgets et des pouvoirs de mise en œuvre ont été attribués au niveau des collectivités locales qui estiment que la législation internationale est du ressort exclusif des autorités nationales. Il conviendrait d'encourager les autorités des comtés à aligner leur législation sur les engagements internationaux souscrits par l'État kenyan. En outre, le gouvernement n'a pas de plan précis pour recueillir des données et pour les ventiler, ce qui a pour conséquence que la connaissance de l'étendue du handicap est insuffisante.

Des efforts doivent être faits par ailleurs pour promouvoir l'éducation des personnes handicapées du niveau primaire jusqu'à l'université. Par ailleurs la plupart des institutions académiques n'utilisent pas ou ne développent pas l'usage de la langue des signes. Aujourd'hui, les coûts d'interprétation en langue des signes sont principalement supportés par les intéressés.

La question de l'accessibilité pose toujours problème, s'agissant des édifices publics, la majorité des programmes immobilier ne tenant pas compte des besoins des personnes handicapées. Des échéances et des objectifs doivent être fixés dans ce domaine, a encore souligné le rapporteur.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a fait part de sa préoccupation quant à l'absence d'efforts apparents pour réduire les égalités entre hommes et femmes, particulièrement s'agissant des femmes handicapées. Elle a relevé que les enfants handicapés étaient bien souvent rejetés par leur famille. Si les autorités reconnaissent qu'il existe des besoins spécifiques pour les albinos, il conviendrait de savoir si les menaces à leur intégrité physique et à leur vie sont réellement prises en compte.

Un expert a demandé à la délégation de faire état de cas concrets, s'agissant des mesures prises pour remédier aux discriminations, notamment dans le cadre d'action en justice. Il a souhaité savoir s'il existait des formations destinées aux architectes, aux ingénieurs, afin que l'on s'assure d'une mise en pratique des textes de loi promouvant l'accessibilité. Si des personnes handicapées, tels les membres du Comité, se rendraient en visite au Kenya, quelles facilités auraient-elles à partir de leur descente d'avion, pour en sortir, pour accéder à l'aérogare et dans les bâtiments publics? Plusieurs membres du Comité ont fait écho à ces préoccupations en matière d'accessibilité.

Après qu'une experte se soit interrogée sur la concertation avec des enfants handicapés, un autre membre du Comité a demandé si les migrants handicapés bénéficiaient des mêmes services que les citoyens kenyans se trouvant dans la même situation. Il a aussi relevé que la concertation avec les organisations représentatives des personnes handicapées ne se faisait pas de manière structurée. Combien d'interprètes en langage des signes travaillent au Kenya, et ceux-ci ont-ils le niveau suffisant, a-t-il demandé. Le même expert a souhaité savoir s'il existait un programme en matière d'accessibilité, dans les transports en particulier, pour les personnes se déplaçant en fauteuil roulant. S'agissant du rôle de la justice, combien de procès concernant des handicapés ont eu lieu depuis 2007 et à quoi ont-ils abouti? Un autre expert a souhaité connaître le nombre de personnes handicapées ayant invoqué leurs droits en vertu de la Convention depuis 2011.

Plusieurs experts ont abordé la question de l'accès à la justice. Une experte a notamment souligné que l'accès à la justice était entravé pour les jeunes femmes et filles handicapées, leur témoignage étant considéré comme peu crédible. Comment l'État entend-il remédier à ce problème ? Une question a par ailleurs été posée au procureur général, un membre du Comité souhaitant savoir si des formations étaient prodiguées aux fonctionnaires sur la législation nationale relative au handicap.

Un autre expert a constaté que la législation sur la santé mentale n'avait pas été amendée depuis 1960. Le Gouvernement a peu sensibilisé la population à la Convention et dans la plupart des cas les personnes concernées ne sont pas au fait des textes de loi, voire même de l'existence de la Convention. Une experte a relevé que malgré les programmes de sensibilisation, on constate un manque de connaissances persistant était constaté, notamment s'agissant des enfants handicapés.

Un membre du Comité a demandé comment on pouvait appliquer la Convention sans lancer de plan d'action national. Une experte s'est félicitée de l'excellente coopération des organisations non gouvernementales dans l'information du Comité, soulignant l'importance de la contribution des organisations de la société civile auprès de celui-ci. Elle a par ailleurs souhaité savoir si la Convention avait été traduite en swahili.

Un expert a souligné que la pénétration du téléphone mobile étant de 80% dans le pays, cela pouvait permettre une égalité dans les moyens de communication.

Au sujet des mutilations génitales féminines, la Présidente du Comité a constaté que malgré les mesures prises, cette pratique persistait. Il s'agit d'une violation des droits des femmes, des handicapées en particulier, a-t-elle rappelé.

S'agissant de l'article de la Convention relatif aux situations de risque et d'urgence humanitaire, une experte a souhaité savoir ce qui était fait en faveur des personnes handicapées victimes du terrorisme, un fléau dont souffre particulièrement le Kenya. Elle a aussi souhaité connaître les mesures prises par l'État en faveur du consentement libre et éclairé pour les personnes déficientes intellectuelles susceptibles de subir une stérilisation.

Une autre experte a demandé si l'État envisageait de revoir la loi permettant la privation de capacité juridique. Elle a rappelé que la Convention stipulait que les États parties réaffirmaient que les personnes handicapées avaient droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique.

S'agissant des enfants en situation de handicap, s'assure-t-on que leur naissance soit déclarée, y compris les enfants nés dans des camps de réfugiés, et qu'ils puissent ainsi bénéficier de la nationalité kenyane?

En matière de mobilité personnelle, les États parties sont censés prendre des mesures efficaces en ce sens afin de leur assurer la plus grande autonomie possible. Que fait concrètement l'État dans ce domaine? Les technologies de l'information et de la communication sont-elles utilisées pour permettre, par exemple, aux personnes sourdes d'être alertées lors de situations d'urgence, a demandé un expert.

Un autre membre du Comité a demandé si le Kenya avait l'intention de renforcer la Commission nationale des droits de l'homme en y incluant davantage les personnes handicapées.

La Présidente du Comité a demandé comment était garanti un procès en bonne et due forme lorsque des personnes handicapées sont concernées. Par ailleurs, elle a souhaité en savoir plus sur le statut de protection des réfugiés et migrants.

Une experte a fait part de sa préoccupation face à la situation de pauvreté dans laquelle se trouvent la plupart des personnes handicapées, en particulier les celles appartenant aux minorités ethniques et celles vivant dans les zones rurales, les programmes d'aide ne leur parvenant pas nécessairement. Est-il envisagé de rendre ces programmes mieux ciblés? Elle a aussi souhaité savoir si le rôle de la Commission nationale des droits de l'homme et celui de la Commission sur le genre et la parité seraient clarifiés face à leur mandat concernant le handicap.

Un membre du Comité a souhaité savoir si les technologies de l'information et de la communication à destination des aveugles étaient également exemptées de taxes. Il a aussi demandé ce qu'il en était de l'accessibilité des zones touristiques: y a-t-il eu une formation pour les personnels des musées et sites culturels pour accueillir les personnes handicapées comme il conviendrait?

En matière de participation à la vie politique, une experte a souhaité savoir comment les autorités comptaient résoudre la question de l'accessibilité aux bureaux de vote. A-t-on une idée du nombre d'électeurs qui ne sont pas en mesure d'accomplir leur devoir électoral en raison de leur handicap? Un expert a noté que bien qu'il existe des quotas en faveur des handicapés, le fait que le choix des candidats soit du ressort des partis politiques et non pas des organisations d'handicapés n'allait pas nécessairement dans le sens de choix pertinents. Le même expert a aussi souhaité savoir quel était le statut légal du braille. Un autre membre a souhaité savoir quel était le montant des subventions en faveur de la langue des signes.

Un expert a souligné que si les pouvoirs publics avaient adopté une politique volontariste en faveur de l'emploi des personnes handicapées, il fallait éviter que cet effort ne soit entravé par l'inaccessibilité de la plupart des lieux de travail.

Un expert a demandé si le nombre d'interprètes en langue des signes étaient suffisant pour répondre aux besoins. Les enseignants ayant suivi une formation de base en langue des signes ont-ils la possibilité de compléter et d'entretenir celle-ci ? Il Quelles mesures sont-elles prises pour former les enseignants afin qu'ils puissent travailler avec des personnes handicapées ? Cet expert a souhaité savoir si l'on disposait de chiffres sur le nombre d'enfants exclus de toute scolarité.

Une experte a souhaité savoir si des programmes télévisés, autres que les débats au Parlement, étaient interprétés en langue des signes.

Un membre du Comité a demandé si les personnes handicapées étaient seulement aidées pour accéder à l'emploi ou si d'éventuels entrepreneurs souffrant d'un handicap pouvaient bénéficier d'un appui des pouvoirs publics.

Alors que les statistiques les plus récentes remontent à 2007, une experte a demandé quelle méthodologie était suivie en la matière. Elle a demandé comment le Kenya envisageait la prise en compte des handicapés dans les actuels objectifs du Millénaire pour le développement et dans ceux qui seront décidés en septembre à l'ONU pour la période 2015-2030.

Un autre expert a demandé ce qui était envisagé pour renforcer la Commission nationale des droits de l'homme.

La Présidente du Comité a noté que le Kenya accueillait des réfugiés et migrants, le pays affirmant que ceux-ci disposaient de tous les droits reconnus, sous réserve qu'ils disposent des documents nécessaires. Or, il est évident que ce type de document est souvent difficile à obtenir. Le Gouvernement de Nairobi a-t-il une idée du nombre de migrants et réfugiés ne disposant pas des papiers indispensables à la reconnaissance de leurs droits?

Suite aux premières réponses fournies par la délégation, plusieurs membres du Comité ont constaté que plusieurs questions n'avaient pas reçu de réponses ou que celles données manquaient de clarté et on a souhaité que la délégation complète du mieux qu'elle le pouvait les informations dont elle disposait dans ses prochaines réponses.

Réponses de la délégation

Dans des remarques liminaires, le chef de la délégation a déclaré que si l'engagement de l'État était fondamental, le dernier mot revenait à la population et à ses représentants dans la mise en œuvre des décisions. La Constitution kenyane, qui date de 2010, est très progressiste et elle va même plus loin en matière de non-discrimination que ce que stipulent les textes des Nations Unies. Il faut faire la distinction entre ce qui est du ressort du gouvernement – lois, campagnes de sensibilisation – et les comportements susceptibles d'entraîner des pratiques discriminatoires ou pas, a averti M. Muigai. Il revient notamment aux partis politiques de faire en sorte de choisir des personnes handicapées parmi leurs candidats.

En réponse aux questions posées, un membre de la délégation a précisé qu'un projet de loi au Parlement prévoyait la transcription de la Convention en swahili et dans d'autres langues parlées aux Kenya, ainsi qu'en braille.

La loi sur les personnes handicapées privilégie l'accès aux soins de santé des personnes handicapées. Des infirmières sont initiées à la langue des signes. Les enfants de moins de cinq ans ont droit à des soins gratuits. La vaccination est elle aussi gratuite.

S'agissant des efforts menés en matière d'inclusion, la délégation a constaté que cette question était problématique partout dans le monde, particulièrement en Afrique. Un plan d'action et un document-cadre de mise en œuvre comportant des engagements ont été définis, treize objectifs ayant été fixés. Le Conseil national des personnes handicapées veille à la diffusion de l'information. La télévision nationale utilise des interprètes en langue des signes.

Pour ce qui a trait à l'accessibilité qui est prévue dans les textes de loi, un suivi et des vérifications sont impératifs. Il est possible de déposer des recours en justice lorsque la réglementation n'est pas respectée.

En ce qui concerne la consultation des enfants pour les projets de loi qui les concernent, leur participation se fait sous la forme de 47 assemblées qui se réunissent deux fois par an. Une réunion est organisée une fois par an au niveau national, les enfants handicapés devant disposer d'un représentant.

En ce qui concerne les marchés publics, les entreprises sont encouragées à tenir compte du handicap, la délégation reconnaissant que c'est par la pratique que cette politique sera mise en œuvre, le pays ayant encore de grands progrès à accomplir dans ce domaine.

Les mutilations génitales féminines n'ont pas été éradiquées, a reconnu la délégation, soulignant qu'il s'agissait de pratiques ancestrales. Cette difficulté ne signifie pas que le problème ne soit pas pris au sérieux, comme en témoigne la presse kenyane qui débat abondamment de cette question.

La délégation a démenti que des stérilisations des personnes handicapées se fassent avec l'aval des autorités. Lorsque des cas sont portés à leur connaissance, des plaintes sont déposées par le ministère public. La délégation a par la suite reconnu que la loi était imprécise mais a souligné que le code pénal stipulait que toute personne portant atteinte à l'intégrité physique était coupable de crime, ce qui couvre de tels cas.

Pour ce qui a trait à l'albinisme, des mesures spécifiques de protection des personnes concernées ont été prises. La délégation a aussi souligné que la Journée internationale de l'albinisme est célébrée au Kenya le 13 juin.

Si on devait évaluer les performances du pays en faveur du handicap, M. Muigai, qui a précisé avoir été enseignant, donnerait la note de 7,5 sur 10. Il a ajouté que le Kenya souhaitait être connu dans le monde comme un des chefs de file dans le domaine de la lutte contre le handicap.

La délégation a assuré qu'il n'y avait pas de placement forcé en institution, une commission étant chargée de prendre la décision appropriée.

À la question portant sur la formation aux questions liées au handicap à l'intention des fonctionnaires de l'État et des professionnels de la justice, la délégation a assuré que de nombreux programmes étaient en place. Des cours de sensibilisation sont ainsi organisés annuellement à l'intention des fonctionnaires. Il s'agit d'un sujet obligatoire pour tous les étudiants en droit.

La délégation a précisé que trois juges étaient des personnes handicapées. La Constitution reconnaît par ailleurs le droit à un procès en bonne et due forme pour tout justiciable, en réponse à une question en ce sens. La délégation a dit ignorer combien de plaintes en justice avaient été déposées par des personnes handicapées souhaitant faire valoir leurs droits. S'agissant de l'accès à la justice des femmes et des enfants, des guides ont été rédigés dans les langues locales, ainsi qu'en braille. Un programme de décentralisation des services de justice et un système de tribunaux itinérants visent à en faciliter l'accès. Celui-ci est gratuit, d'autant qu'il existe des mécanismes simplifiés pour intenter une action en justice. Il existe aussi une aide juridictionnelle gratuite pour les pauvres et les marginalisés, dont les personnes handicapées.

La délégation a dit qu'il était inexact d'affirmer que les témoignages de personnes handicapées en justice seraient considérés de manière particulière. Le poids accordé à leur témoignage est le même que pour toute autre personne. S'agissant des enfants, et des risques d'influence sur eux, des preuves plus spécifiques sont nécessaires, comme c'est le cas dans la plupart des pays.

Dans les universités publiques, des cours sont dispensés à l'intention des architectes et des ingénieurs sur la question de l'intégration des personnes handicapées. Des programmes de télévision couvrent également ces questions. Le projet de loi de 2015 sur le handicap prévoit que les médias consacrent des créneaux d'information à ces questions, y compris s'agissant des albinos. Ella a par la suite ajouté que la presse joue un rôle important pour sensibiliser le public aux abus contre les personnes handicapées. Par ailleurs, les deux principales chaînes de télévision diffusent des émissions spécifiques à destination des handicapés, outre les débats parlementaires.

En matière de santé, une loi de protection des personnes âgées handicapées a été adoptée cette année. La délégation a rappelé que la discrimination envers les malades du VIH/sida était interdite.

Le Conseil national des handicapés dispose d'un budget destiné à fournir du matériel pour handicapés, y compris dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. Des exonérations d'impôts existent pour les fabricants de ces matériels, tandis que les importations sont exonérées de taxes. La délégation a notamment indiqué que l'Australie avait fourni des chaises roulantes qui ont bénéficié à 900 personnes.

Sur la question des risques en cas de catastrophe, tous les handicapés sont enregistrés, et des instructions, ainsi que des formations, sont données aux forces armées et à la police concernant les procédures de sauvetage.

Quant au nombre d'interprètes en langue des signes, le chiffre n'est pas connu. Toutefois, une centaine de personnes ont été formées l'an dernier, dont deux policiers.

Tous les enfants, y compris naturellement les handicapés, doivent avoir un certificat de naissance. Il est exact qu'un certain nombre de cas d'enfants non déclarés existent, les autorités menant des campagnes de sensibilisation à ce sujet.

Répondant à une question sur l'abandon d'enfants handicapés, la délégation a souligné qu'il s'agissant d'un crime punissable quel que soit le statut ou la condition physique de l'enfant. Le versement d'allocations aux familles pauvres vise notamment à éviter de tels abandons.

En matière de statistiques, on estime que 4,6% de la population, soit environ 1,3 million de Kenyans, sont handicapés, un chiffre qui est considéré toutefois comme sous-estimé.

Les services pour les enfants sourds et aveugles sont très limités au Kenya, a reconnu la délégation.

Pour ce qui a trait de l'accessibilité, les édifices publics et les compagnies de transport sont tenues de se conformer à la loi et de prévoir les aménagements nécessaires.

En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment souligné que les collectivités locales ne pouvaient se soustraire aux obligations internationales auxquelles le pays a souscrit. Il est vrai toutefois qu'il y a sans doute nécessité de sensibiliser les comtés aux conventions internationales.

En matière de scolarité, la délégation a souligné qu'il y a dix ans, seulement 20% des élèves handicapés étaient instruits dans les établissements scolaires classiques, ce chiffre étant aujourd'hui de 75%, 25% seulement étant dans des établissements spécialisés. Un budget spécifique est consacré à l'identification des handicapés afin qu'ils soient scolarisés en fonction de leurs besoins. Les écoles spécialisées ont toutefois un rôle à jouer en tant que centres de ressources pour favoriser une éducation inclusive. Quelque 11 000 enseignants ont été formés au handicap par l'Institut kenyan d'éducation spécialisée. Il n'est pas exclu que des enfants ne soient pas scolarisés, a reconnu la délégation, qui a affirmé que les autorités poursuivraient leur effort afin de les identifier et les réintégrer. Il s'agit d'identifier aussi bien les handicapés de naissance que ceux qui ont pu le devenir à la suite d'un accident.

Des précisions ont été apportées sur les aides fournies à l'accomplissement du devoir électoral. Ainsi, les mal voyants peuvent recevoir à leur demande une assistance dans l'isoloir, celle-ci étant fournie par une personne tenue de respecter le secret du vote.

En matière de statistiques, quelque 300 000 personnes disposent d'une carte d'handicapé, un chiffre qui va en augmentation au fur et à mesure de l'identification et de la diffusion de ce document auprès des intéressés.

La langue des signes fait l'objet d'une formation de six mois, la centaine d'infirmières l'ayant apprise permet de veiller à ce que chaque hôpital du pays dispose d'au moins une personne compétente.

Par ailleurs, le processus de ratification du Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées est en cours. S'agissant de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, il s'agit avant tout de disposer des compétences nécessaires sur le plan juridique pour en mesurer toutes les implications. Si le Kenya a bien l'intention de ratifier ces instruments au plus tôt, cela dépendra avant tout des ressources humaines et des moyens disponibles.

Conclusions

M. MUIGAI a réitéré que son pays demeurait pleinement engagé en faveur de l'exercice des droits des personnes handicapées. Il continuera d'agir concrètement, en œuvrant à la promotion la non-discrimination, et à la participation des personnes handicapées aux processus de développement. Il s'agit de parvenir à une société sans barrières. Toutefois, le pays étant confronté à un certain nombre de problèmes, il souhaite bénéficier de l'expérience des pays ayant surmonté le même type de difficultés.

MME CHIVUSIA a réitéré, au nom de la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya, que le Gouvernement devait fournir des échéanciers précis en matière de décisions prises en faveur des droits personnes handicapées. L'harmonisation des textes avec la Convention doit se poursuivre. Elle a aussi estimé que la Commission devait bénéficier des moyens appropriés à son fonctionnement.

M. MWESIGWA a dit n'avoir aucun doute quant à l'engagement du Gouvernement kenyan en faveur de l'amélioration de la vie des personnes handicapées. Félicitant la délégation, le rapporteur a souligné l'importance que les engagements annoncés soient suivis de mesures concrètes. Il doit y avoir un changement fondamental afin que l'on passe des intentions affichées à la pratique. La mise en œuvre de l'article 33 de la Convention, relatif à l'application et au suivi au niveau national, doit être prioritaire, a-t-il insisté. Il a aussi souligné l'importance de traduire la Convention dans les langues en usage au Kenya.

MME MARÍA SOLEDAD CISTERNAS REYES, Présidente du Comité, a souligné que la franchise de la délégation avait facilité le dialogue. Elle a salué le rôle joué par les organisations de la société civile qui ont aussi apporté une contribution importante aux informations dont dispose le Comité.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRPD15/015F