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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LA QUESTION DES POLITIQUES NATIONALES ET DES DROITS DE L'HOMME

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, une réunion-débat sur la question des politiques nationales et des droits de l'homme afin d'identifier les enjeux, les faits nouveaux et les bonnes pratiques en matière d'intégration des droits fondamentaux dans les programmes nationaux.

M. Gianni Magazzeni, Chef du Service des Amériques, de l'Europe et de l'Asie centrale du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a présenté un rapport préparé pour cette occasion par le Haut-Commissariat sur les possibilités d'offrir des services d'assistance technique et de renforcement des capacités en vue de l'intégration des droits de l'homme dans les politiques nationales.

Des exposés ont été présentés par les panélistes suivants, qui ont également répondu aux questions des délégations: M. Héctor Cárdenas, Ministre et Secrétaire exécutif au Ministère de l'action sociale du Paraguay; M. Pabel Muñoz, Secrétaire national à la planification et au développement de l'Équateur; M. Vitit Muntarbhorn, Professeur de droit thaïlandais et ancien rapporteur spécial du Conseil; M. Giuseppe Nesi, Directeur de la Faculté de droit de l'Université de Trente (Italie); Mme Dalila Aliane, Chargée d'études et de synthèse au Ministère de la solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme, Algérie. La réunion était animée par M. Rytis Paulauskas, Représentant permanent de la Lituanie.

Les panélistes sont tous tombés d'accord sur le fait qu'il ne saurait y avoir de développement sans jouissance des droits de l'homme par tous, y compris par les groupes les plus vulnérables et parmi eux les personnes handicapées. Ils ont présenté les plans et stratégies des droits de l'homme mis en œuvre dans leurs pays respectifs.

Les délégations 1 qui sont intervenues dans le cadre du débat ont elles aussi présenté les grandes lignes de leurs plans et politiques nationales des droits de l'homme, certains soulignant qu'il n'existe pas une recette unique dans ce domaine. Tous ont néanmoins insisté sur le souci d'inclure scrupuleusement dans des politiques les dispositions des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme, ainsi que sur l'importance de la coordination entre les différentes parties prenantes et la participation et la consultation de la société civile dans l'élaboration et la mise en œuvre de ces politiques. Certaines ont également souligné la nécessité d'une approche intégrant la mise en œuvre des recommandations reçues dans le cadre de l'Examen périodique universel ainsi que de la part des organes conventionnels. L'assistance technique et la fourniture de ressources financières suffisantes ont également été évoquées comme des éléments incontournables dans ce domaine. Plusieurs pays ont également attiré l'attention sur l'utilité de l'utilisation de banque de données, de programmes d'information et d'échanges en ligne, ou encore d'efforts visant à la réduction du fossé numérique.

La réunion-débat bénéficiait d'une interprétation en langue des signes.


Le Conseil se penchera, à partir de 15 heures, sur les documents finals issus de l'Examen périodique universel s'agissant de l'Iraq, de Madagascar et de la Slovénie, en vue de leur adoption.


Réunion-débat sur les questions des droits de l'homme et les politiques nationales

Déclaration liminaire et présentation de rapport

M. GIANNI MAGAZZENI, Chef du Service des Amériques, de l'Europe et de l'Asie centrale du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a présenté un rapport du Haut-Commissariat concernant les possibilités d'offrir des services d'assistance technique et de renforcement des capacités en vue de l'intégration des droits de l'homme dans les politiques nationales. Le rapport est centré sur les méthodes et pratiques des États pour appliquer les droits de l'homme. M. Magazzeni a souligné que l'adhésion croissante aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme a augmenté les demandes d'assistance technique adressées au Haut-Commissariat. Les 67 bureaux locaux du Haut-Commissariat ont donc fourni un appui concernant notamment la mise au point de nouveaux indicateurs, l'adoption de politiques sectorielles et la mise en place de mécanismes nationaux relatif aux droits de l'homme. Un grand nombre d'États ont ainsi pu adopter des approches fondées sur les droits de l'homme dans le cadre de leurs mécanismes et politiques nationales. Le rapport présente et identifie donc les meilleures approches et les méthodes qui ont fonctionné. Il présente vingt exemples d'assistance technique, couvrant toutes les régions et un large spectre de thématiques liées aux droits de l'homme.

Selon M. Magazzeni, intégrer les droits de l'homme ne signifie pas seulement reconnaître et intégrer les normes internationales lorsque les politiques et programme sont adoptés. L'objectif est plus ambitieux : il s'agit de les traduire en actes qui changent la vie des gens dans le réel. C'est pour cela que l'appropriation nationale est vitale. Ce sont les gouvernements, les institutions nationales et la société civile qui doivent s'engager et avoir cette volonté. Les exemples fournis par le rapport sont des cas très concrets et devraient être source d'inspiration, a-t-il conclu.

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur les possibilités d'offrir des services d'assistance technique et de renforcement des capacités en vue de l'intégration des droits de l'homme dans les politiques nationales (A/HRC/27/41).

Panélistes

M. HÉCTOR CÁRDENAS, Ministre et Secrétaire exécutif au Ministère de l'action sociale du Paraguay, a expliqué que son pays avait récemment adopté une approche fondée sur les droits, marquée par le renforcement de la participation des personnes en situation de vulnérabilité et de pauvreté. Suite aux recommandations formulées lors de l'Examen périodique universel, le Paraguay a demandé à bénéficier d'une assistance technique internationale. Celle-ci a conduit à de nombreuses réalisations positives. M. Cárdenas a ainsi cité des programmes mis en œuvre dans le département de Caaguazú, considéré comme prioritaire, et visant à renforcer l'inclusion des peuples autochtones, à assurer leur sécurité alimentaire et à promouvoir leur accès aux services sociaux de base. Le ministre a chiffré à environ 20% la part des populations autochtones qui ont pu bénéficier de ce programme, qui comprenait notamment des transferts de fonds. Récemment, les personnes gravement handicapées ont également été incluses dans le programme de transferts monétaires. En outre, un système en ligne a été créé pour surveiller la mise en œuvre des recommandations en matière de droits de l'homme présentées par des organismes internationaux, y compris les organes conventionnels, les procédures spéciales et l'Examen périodique universel.

M. PABEL MUÑOZ, Secrétaire national à la planification et au développement de l'Équateur, a rappelé que l'on ne pouvait parler de développement sans droits de l'homme, comme la Constitution du pays l'énonce. Dans la région latino-américaine, l'Équateur s'efforce de jouer un rôle prépondérant dans la préparation du programme de développement pour l'après 2015. L'Équateur a parié sur un État qui œuvre à la promotion des droits de l'homme de manière égale et indivisible. M. Muñoz rappelé que le «bien-vivre» est le paradigme du développement du pays. Une stratégie a été élaborée pour éradiquer l'extrême pauvreté et garantir une protection sociale durant tout le cycle de la vie. La planification nationale se fonde sur une démarche participative, territoriale, mettant l'accent sur les questions de genre, de mobilité humaine et sur la réduction de la pauvreté, qui a été ramenée en 2014 à 16,5% contre 36,7% en 2007, et la pauvreté extrême à 7,5%, contre 22,55% en 2007. L'écart entre riches et pauvres a diminué plus vite que dans le reste de la région, les 10% les plus riches de la population ayant en 2014 un revenu 22 fois supérieur à ceux des 10% les plus pauvres, contre 42 fois en 2007. Les services de santé ont été améliorés et le nombre des consultations et passé de 16,2 millions en 2007 à près de 43,9 millions en 2014. Pour la première fois dans l'histoire du pays, le taux d'emploi dans le secteur formel dépasse celui du secteur informel, alors que le taux de chômage dans le pays diminue. En outre, le taux d'homicide en Équateur est le plus faible de l'Amérique latine. Tout cela a été obtenu par le biais de stratégie en faveur de l'égalité, a expliqué le ministre, et une meilleure utilisation des ressources.

MME DALILA ALIANE, chargée d'études et de synthèse au Ministère de la solidarité nationale, de la famille et de la commission de la femme de l'Algérie, a mis l'accent sur l'investissement de son pays dans le capital social et sur les mesures prises en faveur des droits de l'homme, et notamment de la promotion des femmes. Ainsi, l'Algérie a atteint un taux de scolarisation de 99%, et de 97,5% chez les femmes, qui représentent 63% des personnes diplômées. Les femmes participent activement à la vie politique, avec 7 ministres femmes, des femmes général d'armée, des présidentes de tribunaux et de nombreux hauts postes dans la fonction publique. L'Algérie tient actuellement le premier rang au sein du monde arabe en ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique, et le 27ème dans le monde. Les femmes se sont vu accorder un rôle essentiel dans la réconciliation nationale. L'Algérie a en outre mis en place un système de microcrédit qui bénéficie largement aux femmes, notamment celles qui souffrent d'un handicap ou encore les anciennes détenues. Par ailleurs, l'Algérie a mis en place un Fond de solidarité nationale chargé de financer les projets visant à sortir de leur exclusion les personnes les plus démunies. Mme Aliane a également mis l'accent sur le rôle actif de plus de 100 000 associations. Rappelant que l'Algérie compte 70% de jeunes, Mme Aliane a expliqué que le Ministère de la jeunesse veillait à mettre en place des stratégies, notamment pour accorder plus de soins à l'enfance ou encore pour lutter contre le travail des enfants.

M. VITIT MUNTARBHORN, Professeur de droit et ancien rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme, a déclaré que dans des contextes moins ouverts, la promotion et la protection des droits de l'homme est difficile mais qu'en règle générale, les droits économiques sociaux et culturels disposent d'un espace plus large. Pour le panéliste, l'essentiel est que tous les programmes nationaux relatifs aux droits de l'homme soient ancrés sur les principes de non- discrimination, avec une participation inclusive des groupes vulnérables, en particulier des femmes, et de l'ensemble de la société civile. Il a recommandé une coopération suivie avec les équipes de pays de l'ONU et la mise en place, le cas échéant, d'un bureau du Haut-Commissariat. Il faut aussi assurer le partage de l'information et l'établissement de réseaux entre les différents protagonistes. Pour sa part, la Thaïlande en est à son troisième plan national sur les droits de l'homme; alors que le premier plan avait souffert d'un manque de coordination, le dernier plan est bien mieux structuré, sous la coordination du Ministère de la justice, qui est aussi chargé de la vérification de la responsabilisation de toutes les parties prenantes à ce plan, qui prévoit notamment la reconnaissance des personnes ayant une orientation sexuelle différente. M. Muntarbhorn a évoqué une innovation progressiste, selon lui, dans le nouveau plan qui encourage à l'adoption d'un moratoire sur l'abolition de la peine de mort. Autre approche novatrice, la reconnaissance de la nécessité de la participation des personnes handicapées. Les rapports au titre de l'Examen périodique universel, des procédures spéciales et des organes conventionnels sont également coordonnés dans le cadre général des politiques nationales en matière des droits de l'homme.

M. GIUSEPPE NESI, Professeur de droit international et Doyen de la Faculté de droit de l'Université de Trente, a souligné que l'assistance internationale dans le domaine des droits de l'homme a favorisé la prise de conscience des États quant à l'importance cruciale d'intégrer la dimension des droits de l'homme dans leurs politiques nationales. Dans ce contexte, il a axé son exposé sur l'expérience du Comité interministériel italien pour les droits de l'homme, établi en 1978 par le Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale à Rome, récemment réformé et revitalisé, qui a renforcé, au cours des dix-huit mois écoulés, son rôle en tant que pilier de la mise en œuvre des politiques nationales des droits axées sur les droits de l'homme. Dix ministères y sont représentés, au même titre que des institutions publiques, y compris les autorités locales. Partant, le Comité interministériel s'est avéré crucial dans la coordination de la réponse à des crises internationales complexes comme la migration forcée et la traite des personnes, tout en veillant au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, le Comité entretient un dialogue constant avec les autorités nationales compétentes afin de vérifier la pleine application des conventions internationales auxquelles l'Italie est partie; et effectue un travail de proximité avec la société civile, et au moyen de la promotion de débats autour des questions relatives aux droits de l'homme. Le flux continu d'information entre le Comité interministériel et les différentes branches de l'État ne manque pas d'avoir des répercussions positives sur la manière dont l'État est perçu au niveau international. Il importe dans ce cadre d'encourager la participation de la société civile pour créer d'autres moyens novateurs d'application des droits de l'homme et de définir la position de l'Italie sur des questions spécifiques.

Débat

L'Algérie, au nom d'un groupe de pays, a estimé que l'intégration des droits de l'homme dans les politiques nationales était une question essentielle. Elle a invité le Haut-Commissariat à poursuivre son assistance technique dans le domaine des droits de l'homme, afin de permettre aux États de réduire l'écart qui existe entre les pratiques nationales et les normes internationales. L'Équateur, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a déclaré qu'il fallait pouvoir intégrer les mesures prises dans les différentes politiques publiques des États. Il encourage le Haut-Commissaire aux droits de l'homme à continuer d'appuyer les États quand ils en ont besoin et le demandent.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, a rappelé le rôle premier des États dans la promotion et la protection des droits de l'homme. Chaque État prépare des politiques nationales à partir d'une structure constitutionnelle qui est la sienne et en fonction de ses propres caractéristiques. Toutefois, la question des ressources est essentielle pour mettre effectivement en œuvre ces politiques nationales. L'assistance technique internationale apportée sur la base d'une demande des États concernés joue un rôle important et peut aider les États à mettre en œuvre leurs obligations internationales. La République islamique d'Iran a rappelé elle aussi la responsabilité première des États en matière de respect et de protection des droits de l'homme. Son gouvernement n'a épargné aucun effort pour fortifier ses politiques dans ce domaine, le représentant citant la «Charte des droits des citoyens» inspirée du droit international et de sa Constitution.

L'Union européenne est convaincue que la promotion et la protection des droits de l'homme peut se faire de manière très efficace dans le cadre de politiques nationales intégrées et se félicite des efforts permanents du Haut-Commissariat en matière d'assistance technique et de renforcement des capacités nationales. Dans sa directive sur la prévention de la traite des êtres humains et la protection des victimes, l'Union européenne tient compte des contributions des différentes entités des Nations Unies, dont le Haut-Commissariat, lequel a fourni des orientations aux États membres faciliter une approche fondée sur les droits de l'homme dans la transposition de cette directive au plan national. Le Haut-Commissariat apporte également une assistance technique à l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières de l'Union (FRONTEX).

Le Portugal a déclaré que l'approche axée sur les droits de l'homme devait devenir prioritaire dans les politiques nationales. Son comité national des droits de l'homme a contribué à sensibiliser tous les ministères aux questions des droits de l'homme, tout en impliquant la société civile qui a apporté des propositions dans ce sens. Le Portugal s'est en outre félicité des mesures prises pour faciliter l'accès aux personnes handicapées de la présente séance du Conseil (traduction en langue des signes et sous-titrage en anglais de la retransmission en vidéo).
Le Pérou a rappelé que les politiques publiques représentaient un pont entre la théorie et la pratique et qu'il avait publié son Deuxième Plan national sur les droits de l'homme ainsi qu'un manuel détaillant les politiques publiques à ce sujet. Il a admis que certains défis persistaient en ce qui concerne les bonnes pratiques. Il a suggéré que cette question soit incluse dans les rapports au titre de l'Examen périodique universel.

L'Inde a fait remarquer qu'il n'existait pas de panacée ni de recette unique dans les politiques nationales. Pour un pays aussi grand et divers que l'Inde, l'inclusion constitue la priorité majeure. Le pays a fait des efforts significatifs pour réduire la brèche numérique. Pour la République de Moldova, l'intégration des normes des droits de l'homme requiert une coordination efficace et une démarche analytique harmonieuse. Elle souligne la nécessité de créer un organisme permanent pour la mise en œuvre des plans nationaux d'action. La Namibie estime quant à elle qu'une approche basée sur les droits est le seul moyen permettant de mettre en place des politiques nationales ainsi qu'un cadre de protection et de promotion des droits de l'homme. De nombreux États faisant face à des défis, elle appelé ceux qui le pouvaient à contribuer généreusement au fonds spécifiques de coopération technique dans le domaine des droits de l'homme.
La Colombie a souligné que la politique des droits de l'homme ne pouvait être un effort isolé et provisoire : il s'agit d'un travail permanent et soutenu dans le temps. Elle a évoqué le processus de Conférence nationale des droits de l'homme et du droit international humanitaire, effort tripartite de l'État colombien, de la société civile et de la communauté internationale afin de formuler une politique publique intégrale participative et inclusive visant à en finir avec la violence politique endémique dans le pays. Le Paraguay a indiqué que l'assistance technique du Haut-Commissariat lui avait permis de renforcer ses capacités institutionnelles dans le domaine des droits de l'homme, la principale innovation étant le système de suivi des recommandations (SIMORE). Ce système consiste en une plate-forme en ligne destiné aux fonctionnaires publics et au public en général et les informant de toutes les recommandations et observations reçues par le Paraguay. Le Bahreïn a souligné que le Haut Comité bahreïni des droits de l'homme avait été créé sur la base de la coopération avec le Haut-Commissariat en vue du développement de mécanismes de prévention de violations des droits de l'homme. Bahreïn a fait en outre fait valoir qu'il attend la visite du Secrétaire général d'Amnesty International.

De nombreuses délégations ont présenté leur propre politique ou plan national d'action en matière de droits de l'homme et son état d'avancement. Le Burkina Faso a dit avoir adopté l'an dernier une politique nationale des droits humains et de la promotion civique dont les trois axes stratégiques sont la promotion et la défense des droits de l'homme, la promotion d'une culture du civisme et de la citoyenneté et un meilleur pilotage des droits de l'homme. Le dispositif de mise en œuvre privilégie quant à lui la prévention des violations des droits de l'homme, le partenariat et la coopération, la communication et l'information, la sensibilisation et l' écoute, et l'orientation des victimes, l'assistance juridique et judiciaire, le renforcement des capacités des acteurs et la mobilisation des ressources. La République du Congo pour sa part a mis en place une Commission nationale des droits de l'homme, un observatoire national des droits de l'homme et maintient un dialogue permanent et «irréversible» avec la société civile. Mais une assistance technique internationale lui est nécessaire pour renforcer ces mécanismes. Le Maroc a insisté sur le cadre participatif dans lequel ont été prises les mesures pour assurer la pleine jouissance des droits de l'homme dans le pays, notamment un plan national et une démarche globale de suivi des recommandations issues des mécanismes des Nations Unies.

Le Venezuela a indiqué qu'en 2014, le Président Nicolas Madura avait créé par décret le Conseil national des droits de l'homme afin de coordonner, d'appuyer et d'impulser les politiques publiques de l'État afin de garantir le libre exercice de tous les droits de l'homme à la population. Le Mexique a mis en avant son Programme national des droits de l'homme 2014-2018 qui a pour axe la mise en œuvre de la réforme de la Constitution faisant obligation à toutes les autorités de promouvoir, respecter, protéger et garantir ces droits.

La Thaïlande a précisé que son plan national en était à sa troisième édition, laquelle inclut des mesures spécifiques pour protéger et promouvoir les droits des populations à risques, tels que les travailleurs sans papier, les personnes atteintes du VIH-sida et celles ayant des orientations sexuelles et des identités de genre différente. L'Indonésie a expliqué que son propre plan d'action national sur les droits de l'homme constituait un socle solide reposant sur des objectifs et des cibles précis et qu'il était assorti d'indicateurs quantifiables, avec le concours de la Commission nationale des droits de l'homme. La Chine a dit avoir inclus la question des droits de l'homme dans le plan de développement économique et social en 2006 et dans la Charte du parti communiste chinois. Ses plans d'action de 2011 et 2012 ont également fait l'objet de mécanisme de suivi et d'évaluation.

Pour la France, «intégrer de manière horizontale les droits de l'homme dans toutes les politiques publiques constitue un objectif que nous devons tous poursuivre». La France a ainsi indiqué qu'elle venait de ratifier le Protocole facultatif au Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels et qu'elle avait entrepris la ratification du Deuxième protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant. La Grèce a indiqué avoir promulgué l'an dernier son premier Plan d'action pour les droits de l'homme qui vise exactement à intégrer une perspective droits de l'homme dans une large gamme de politiques publiques. Ce plan met particulièrement l'accent sur les groupes vulnérables – femmes, enfants, migrants, personnes handicapées. La Fédération de Russie a dit appliquer avec succès une politique nationale en faveur des droits de l'homme qui garantit à tous les citoyens, y compris les peuples autochtones et les personnes handicapées leur pleins droits. Le gouvernement a également adopté un plan pour la famille, afin de renforcer celle-ci dans le contexte des difficultés actuel.

Sur le plan juridique, l'Estonie a indiqué que sa Constitution stipulait qu'en cas de conflit entre une loi interne et un traité international ratifié par elle, c'étaient les dispositions de l'instrument international qui prévalaient. L'Algérie a indiqué que sa Constitution avait consacré le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme une des constantes intangibles de l'État algérien, qui ne pourra en aucun cas faire l'objet de révisions constitutionnelles. La Commission nationale consultative de promotion et la protection des droits de l'homme joue un rôle important en amont et en aval dans le processus décisionnel concernant les droits de l'homme, a-t-elle expliqué.

Parmi les institutions nationales des droits de l'homme, la Commission écossaise des droits de l'homme a apporté des précisions sur les actions effectuées dans le cadre du Plan d'action national des droits de l'homme de l'Écosse. Elle a indiqué que celui-ci favorisait les actions collectives sur une large gamme de questions politiques nationales et a donné comme exemples l'accès à la justice des victimes d'abus pendant leur enfance. Le Conseil national des droits de l'homme du Maroc a déclaré que l'approche droits de l'homme dans les politiques publiques passait nécessairement par le renforcement des cadres juridiques et institutionnels nationaux. C'est pourquoi il demande l'adoption rapide des lois organiques relatives au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire du Maroc et au statut des magistrats, ainsi que l'adoption du projet de loi sur les travailleurs domestiques et celui sur la violence faite aux femmes.

Au titre des organisations non-gouvernementales, le Korea Center for United Nations Human Rights Policy a évoqué le Plan national d'action pour la promotion et la protection des droits de l'homme en République de Corée, estimant que les plans de cette nature, tout en étant des innovations positives en soi, n'offraient toutefois guère de débouchés concrets. Ainsi, la recommandation faite à la République de Corée de ratifier certains traités ou conventions internationales a abouti dans le Plan national à organiser une réflexion.

Le Service international pour les droits de l'homme a déploré que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme soit insuffisamment mise en œuvre au niveau national. L'ONG invite les États à adopter des directives sur les défenseurs des droits de l'homme et les représentants de la société civile, comme l'ont fait des pays tels que la Norvège, la Suisse, l'Irlande, les Pays-Bas et la Finlande. Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc s'est dit préoccupé par l'absence de mécanismes de suivi et de contrôle des systèmes judiciaires et par la persistance de la torture au Bahreïn. Dans ce contexte, comment renforcer l'obligation redditionnelle des États vis-à-vis de leurs responsabilités en matière de droits de l'homme, a demandé le représentant. Verein Südwind Entwicklungspolitik a souhaité savoir comment faire lorsque des États ne changent pas leurs lois ou leurs pratiques qui violent les droits de l'homme.

Réponses des panélistes

M. MAGAZZENI a notamment confirmé que les indicateurs des droits de l'homme sont essentiels dans l'élaboration des normes de droits de l'homme. Le Haut-Commissariat a d'ailleurs mis en place une série d'indicateurs qui servent d'outils méthodologiques à la disposition des États. Si l'assistance technique et l'aide au développement reflètent à la fois les recommandations internationales et celles issues d'organismes régionaux et que l'État concerné met en place ses politiques à la suite d'un processus national largement inclusif, il est plus facile pour le système des Nations Unies d'agir activement pour soutenir les programmes mis en place par le Gouvernement. M. Magazzeni a aussi insisté sur la participation des entités non étatiques, qu'il s'agisse d'institutions nationales de droits de l'homme ou d'organisation non gouvernementales. Il a par la suite insisté auprès des délégations pour souligner que les plans d'action nationaux les plus efficaces étaient ceux auxquels participe la société civile afin de s'assurer que tout ce qui était entrepris l'était dans des délais raisonnables.

M. CÁRDENAS a déclaré que l'intégration d'une perspective de droits de l'homme dans les politiques publiques était une obligation incombant à l'ensemble des secteurs et pouvoirs de l'État, et pas seulement au pouvoir exécutif, ainsi qu'à la société tout entière. Pour mettre en œuvre des droits, il faut avant tout les connaître soit même, a rappelé l'orateur, d'où l'intérêt de la formation tant des fonctionnaires et acteurs des politiques que les titulaires et bénéficiaires de ces droits, lesquels doivent être opposables. Citant le cas du Paraguay, M. Cárdenas a déclaré que les institutions publiques compétentes se chargeaient de mettre en œuvre les orientations.

M. MUÑOZ est revenu sur la question de la transversalité de l'intégration des droits de l'homme dans les politiques nationales. En Équateur, cette intégration est prévue par la Constitution, ce qui permet de briser la vision selon laquelle il n'y aurait pas de liens entre les différents ministères. M. Muñoz a rappelé que l'Équateur avait fait le choix du «bien-vivre». Des indicateurs spécifiques ont été définis pour mesurer ce «bien-vivre», indicateurs qui ont été intégrés aux statistiques nationales.

MME ALIANE a souligné l'importance de l'assistance technique internationale. Elle a ajouté que le présent débat constituait une étape importante pour favoriser le progrès des droits de l'homme dans les États membres et un excellent lieu d'échange. Elle a aussi souligné que les femmes représentaient le groupe vulnérable le plus important, ce qui nécessite qu'on les habilite à occuper non seulement des postes mais des postes à responsabilité, rappelant l'importance de ne pas exclure le groupe numériquement le plus important de la société.

M. MUNTARBHORN a déclaré que la coopération et l'assistance technique présentaient en fait de nombreuses facettes. Il est en revanche difficile de fournir cette assistance en situation de conflit. Il a rappelé que le Haut-Commissariat était doté de deux fonds, celui de la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme et celui qui concerne l'Examen périodique universel. L'accès aux fonds a été ouvert à la société civile en conformité avec l'initiative «Les droits avant tout». Il existe en outre divers fonds basés à New York, dont le Fonds pour la démocratie. Pour M. Muntarbhorn, la coopération Sud-Sud pourrait jouer un rôle important en matière d'assistance technique, de même que la coopération triangulaire, voire quadrangulaire, avec la participation de la société civile ou du secteur privé. Au niveau national, les équipes de pays des Nations Unies peuvent contribuer à l'assistance technique. M. Muntarbhorn a aussi souligné qu'une représentation pluraliste était essentielle, la question de genre étant particulièrement importante. Quant à l'obligation de rendre des comptes, celle-ci est effective uniquement lorsque les systèmes judiciaires nationaux sont fonctionnels. Si ce n'est pas le cas, il faut trouver une alternative, le panéliste citant le cas des tribunaux ad hoc.

M. NESI a mis en lumière le rôle joué par les initiatives de l'Union européenne dans la lutte contre la traite des êtres humains. Par le biais des directives de l'Union européenne, les États membres reçoivent des consignes sur la façon de se comporter dans la lutte contre la traite, qui est un exemple typique de problème ne pouvant pas être réglé autrement que par la coopération internationale. M. Nesi a aussi souligné que dans un monde où les États sont souvent jaloux de leurs prérogatives, il est important de souligner que certains pays comme l'Estonie soutiennent le principe selon lequel le droit international l'emporte sur le droit interne. Elle n'est pas la seule dans ce cas. Les répercussions sont importantes concernant la législation: lorsqu'un État reconnaît la pertinence des droits fondamentaux, sa justice doit aussi les prendre en compte afin qu'ils soient intégrés concrètement dans l'ordre juridique interne.

Le modérateur, M. RYTIS PAULAUSKAS, Représentant permanent de la Lituanie, a conclu la réunion en soulignant que le but n'était pas de présenter une seule esquisse de politiques mais bien plutôt un échange et un partage de bonnes pratiques pour intégrer les droits de l'homme dans les politiques nationales. Les éléments clés, a-t-il résumé, sont la mise en œuvre des recommandations des mécanismes internationaux des droits de l'homme, ainsi que la participation de toutes les parties prenantes à chaque étape de l'élaboration de ces politiques: gouvernement, justice, forces de l'ordre, société civile.

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1 Les délégations suivantes ont participé aux échanges: Équateur (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC), Algérie (au nom d'un groupe de pays), Union européenne, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Paraguay, Bahreïn, Portugal, Inde, Pérou, République de Moldova, Indonésie, Burkina Faso, République islamique d'Iran, France, Estonie, Venezuela, Algérie, Thaïlande, Namibie, Colombie, Mexico, Grèce, Maroc, Chine, Fédération de Russie, Commission écossaise des droits de l'homme, Korea Center for United Nations Human Rights Policy, Service international pour les droits de l'homme, Conseil national des droits de l'homme du Maroc,Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc, et Verein Sudwind Entwicklungspolitik.


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