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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DU GHANA

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné hier après-midi et ce matin la situation au Ghana sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le rapport du Ghana a été présenté par M. Sammie Eddico, Représentant permanent du Ghana auprès des Nations Unies à Genève, qui a expliqué que son pays est partie à presque tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il travaille en outre à la mise en place d'une stratégie migratoire nationale qui devrait être adoptée à la fin de cette année. Le Ghana soutient en outre l'universalisation de la Convention et demande aux parties en conflit en Libye de respecter tous les droits des migrants, notamment ghanéens, pris au piège du conflit qui oppose aujourd'hui des factions armées dans ce pays.

La délégation du Ghana était également composée de M. Prosper Asima, Directeur adjoint du service d'immigration, et de M. Charles Ofoe Kugbluenu, Chef adjoint au Département du travail, ainsi que de membres de la Mission permanente du Ghana auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions des experts du Comité qui ont relevé en particulier des lacunes persistantes en matière de politique migratoire et l'absence de mesures spécifiques en faveur des travailleurs migrants, ainsi que de la diaspora ghanéenne à l'étranger. La délégation a reconnu les lacunes et expliqué que le Gouvernement travaillait à y remédier; il devrait adopter une stratégie nationale à cet égard à la fin de cette année. Le Ghana s'efforce en outre de retenir les jeunes tentés par la migration, au moyen par exemple d'incitations à l'entreprenariat, et encourage le retour volontaire, grâce notamment à des accords signés avec la Suisse et l'Italie.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Ghana, Mme Khadidja Ladjel, a observé que le manque de statistiques fiables et l'absence de politique migratoire claire sont des facteurs qui empêchent une bonne appréciation des efforts que fait le Ghana en matière migratoire. La rapporteuse a toutefois encouragé la délégation dans son engagement en faveur des droits des travailleurs migrants et salué les efforts déployés et la sincérité des réponses fournies. Elle a émis le vœu que le prochain rapport soit plus complet que le présent. Les autres membres du Comité ont notamment constaté que la délégation n'a pas été en mesure de présenter des exemples concrets et étayés démontrant la bonne mise en œuvre de la Convention.


Le Comité tiendra sa prochaine séance publique vendredi, à 15 heures, afin de clore sa présente session, notamment en rendant publiques ses observations finales sur le rapport du Ghana.


Présentation du rapport

Présentant le rapport initial du Ghana (CMW/C/GHA/1 à paraître), M. SAMMIE EDDICO, Représentant permanent du Ghana auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, s'est dit heureux de présenter le rapport de son pays dans le contexte du dixième anniversaire de l'entrée en vigueur de la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il a insisté sur le fait que son pays est partie à presque tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont ceux des Nations Unies, de l'Union africaine et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDAO). Le Ghana réfléchit en outre à la possibilité d'adhérer à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, au protocole de l'Organisation internationale du travail sur le travail forcé et le protocole facultatif à la Convention contre la torture. Le Ghana a également mis en place un Comité interministériel sur la migration dont le but est de mettre sur pied une stratégie migratoire nationale et d'harmoniser et intégrer les politiques de migration au Ghana afin de combler les lacunes existantes dans la gestion des migrations et la protection des droits de tous les migrants dans le pays. Ce projet de texte devrait être prêt à la fin de cette année, avant examen devant le Parlement, a affirmé le représentant.

M. Eddico a ensuite assuré le Comité du soutien de son pays en faveur d'une plus grande universalisation de la Convention. C'est ainsi que le Ghana continuera à promouvoir sa ratification auprès de tous les États membres, industrialisés ou non, notamment au sein du Conseil des droits de l'homme et dans le cadre de son Examen périodique universel. Car le Ghana est d'avis que tous les migrants sont des êtres humains et donc détenteurs de droits, a encore déclaré le représentant. Dans ce contexte, il a appelé les parties en conflit en Libye à respecter tous les droits des migrants ghanéens pris au piège du conflit dans ce pays.

Le chef de la délégation a aussi assuré que gouvernement du Ghana s'est efforcé de fournir des réponses (document à paraître) franches et honnêtes à la liste des questions prioritaires du Comité (CMW/C/GHA/QPR/1), et le Ghana a mis en évidence les progrès réalisés ainsi que les défis auxquels il est confronté. Le Ghana souhaite saisir l'occasion pour demander l'avis du Conseil en vue de renforcer la capacité du Ghana à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME KHEDIDJA LADJEL Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Ghana, s'est félicitée de l'engagement volontaire du Ghana dans le processus d'examen de son rapport initial. En dépit de la présentation tardive de ce rapport, la détermination du Ghana, pays d'origine et de destination de migrants s'est présenté devant le Comité, s'est-elle félicitée. Il faut aussi se féliciter de la ratification par le pays de nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, a-t-elle poursuivi.

Cependant, le Ghana connaît encore des insuffisances pour s'acquitter de ses obligations en matière de droits des migrants, notamment du fait d'une lacune profonde en matière de véritable politique migratoire. Le seul comité interministériel mis en place pour réfléchir à cette politique n'a pas encore fourni de résultats satisfaisants. Le système judicaire ghanéen connaît en outre de vrais lacunes en ce qui concerne les possibilités de recours offertes aux migrants. La situation est encore plus grave s'agissant de la situation des enfants migrants, qui vivent dans la rue ou qui sont victimes de toutes formes d'exploitation, notamment par le travail. De vrais manquements en matière de promotion et de mise en œuvre de la Convention elle-même persistent par ailleurs, a poursuivi la rapporteuse. Le rapport ne donne pas suffisamment d'informations ni de données statistiques suffisantes pour apprécier les réels efforts déployés par le Ghana dans la mise en œuvre de la Convention, notamment au regard de la diaspora ghanéenne dans le monde.

D'autres membres du Comité ont relevé que l'absence de données statistiques empêche une juste appréciation des efforts du Ghana pour la mise en œuvre de la Convention. Ils ont toutefois relevé que le Ghana, bien qu'État partie à la Convention, a expulsé plus de 27 000 migrants entre 2001 et 2007 et que de telles mesures ont continué d'être appliquées après cette date.

Au regard de la forte diaspora ghanéenne, il a également été observé que de nombreux Ghanéens travaillent à l'étranger et occupent des postes de responsabilité. Il y a par exemple davantage de médecins ghanéens au Royaume-Uni que dans leur pays d'origine, a relevé une experte. Dans ce contexte, elle a souhaité savoir si le Ghana dispose d'une stratégie pour le retour de cette diaspora, notamment des médecins, dont le Ghana a besoin. Les experts ont également souhaité savoir s'il existait une stratégie précise pour la gestion des fonds transférés par cette diaspora. Sont-ils orientés vers des secteurs productifs par exemple, a demandé un expert. Par ailleurs, cette diaspora dispose-t-elle de moyens de participation à la vie politique de son pays d'origine, a souhaité savoir un expert.

La situation des candidats à l'émigration vers l'Europe via le désert libyen, ou encore des personnes victimes de la traite a également attiré l'attention des membres du Comité. Si des données fiables font défaut, les experts ont voulu savoir si des mesures de prévention, de protection ou d'accompagnement par les services consulaires sont prévues pour les candidats à l'émigration et si le Gouvernement a pris des mesures de réinsertion des Ghanéens expulsés par d'autres pays.

Les membres du Comité se sont également intéressés au sort des travailleurs migrants vivant au Ghana. Ils ont souhaité avoir des informations en ce qui concerne leur nombre exact, les démarches administratives qui leur sont exigées, les droits dont ils jouissent, en particulier le droit de vote, la protection sociale, ou encore la question de la possibilité pour eux de transférer des fonds vers leur pays d'origine. Les experts ont également porté leur attention sur les questions relatives à la corruption des agents de l'État, à la tolérance religieuse vis-à-vis des migrants ou à la situation des organisations non gouvernementales qui travaillant auprès des migrants.

Réponses de la délégation

La délégation du Ghana a reconnu que la politique migratoire du Ghana connaissait des lacunes, que le pays souhaite combler avec l'aide du Comité. Répondant à la question sur la participation de la diaspora à la vie politique du pays, la délégation a déclaré que la Constitution garantit le droit de vote à tout Ghanéen de plus de 18 ans et qu'une loi renforce le droit de la diaspora à voter, où qu'elle se trouve à l'étranger. Néanmoins, cette possibilité peut être entravée par des questions d'ordre logistiques, notamment pour mettre en œuvre les moyens de vérifier le bon déroulement du vote. Il est notamment impossible de transférer les 230 circonscriptions du Ghana à l'étranger, a illustré la délégation, indiquant qu'il est difficile dans ce contexte de faire participer toute la diaspora aux élections locales. Pour pallier à cette lacune, des mesures ont été adoptées pour permettre aux Ghanéens de l'étranger de voter par procuration. De fait, les Ghanéens de l'étranger ne peuvent pleinement participer qu'aux élections présidentielles. La délégation a également indiqué que le pays reconnaissait la double nationalité, mais exclut les binationaux de certains postes à haute responsabilité, comme les postes ministériels et la présidence.

La délégation a également reconnu qu'il y a davantage de médecins ghanéens à l'étranger que dans leur propre pays. Cela est essentiellement dû à des raisons économiques, car le Ghana reste un pays en développement et ne peut offrir les mêmes salaires qu'au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Cependant, le Ghana forme aujourd'hui davantage de médecins, ouvre des hôpitaux régionaux et offre de meilleures opportunités économiques pour retenir les médecins au Ghana. Cette politique de rétention des Ghanéens chez eux est renforcée par des mécanismes de microcrédits et des formations professionnelles à destination des jeunes et entrepreneurs, notamment dans les régions du nord du pays, afin d'éviter une émigration massive des jeunes Ghanéens. Ces mesures sont accompagnées par une lutte active contre la pauvreté.

Par ailleurs, le Ghana a mis en place, notamment via un Bureau de la diaspora, un mécanisme d'orientation des fonds transférés par la diaspora (estimés à 2,4 milliards de dollars ghanéens) vers des investissements infrastructurels. Ce mécanisme permet une réduction des frais de ces transferts, a précisé la délégation.

S'agissant des migrants au Ghana, la délégation a indiqué que les ressortissants de la CEDEAO qui disposent des autorisations nécessaires, ont le droit de travailler dans le pays et de s'y syndiquer librement. Toute personne travaillant au Ghana bénéficie en outre d'une protection sociale. Cela est garanti par la Constitution, a assuré la délégation. En outre, les travailleurs maliens, par exemple, sont exonérés de droits de douane en ce qui concerne leurs importations dans le pays, a fait valoir un membre de la délégation. Les travailleurs migrants ayant travaillé toute leur vie au Ghana et qui souhaitent y prendre leur retraite reçoivent régulièrement leur pension de retraite, a encore dit la délégation, reconnaissant toutefois que des lacunes subsistent pour ceux qui quittent le Ghana et retournent dans leur pays d'origine. Il existe des accords avec certains pays pour palier ces lacunes, mais d'autres accords sont nécessaires, a aussi reconnu la délégation. Par ailleurs, en tant qu'État laïc, le Ghana pratique la tolérance religieuse et laisse chacun pratiquer sa propre religion.

Répondant aux questions relatives à l'émigration, la délégation a expliqué que le Ghana avait mis en place un programme de sensibilisation aux dangers de l'émigration, notamment grâce à un film documentaire largement diffusé. Le Gouvernement mène en outre une lutte contre la traite des personnes et travaille notamment avec ses partenaires de la sous-région et avec Interpol.

En ce qui concerne les Ghanéens qui rentrent au pays, la délégation a aussi reconnu des lacunes en la matière, notamment en ce qui concerne la réinsertion. Cependant, le Ghana a signé des accords, notamment avec la Suisse et l'Italie, pour encourager les retours volontaires. La délégation a ensuite indiqué qu'au lendemain de la chute de Kadhafi en Libye, le Ghana avait procédé à l'évacuation de ses ressortissants du pays. Mais la plupart y sont retournés par leurs propres moyens. Aujourd'hui, la situation sécuritaire rend toute nouvelle évacuation impossible, a expliqué la délégation.

Répondant à une question sur les agences de recrutement, la délégation a indiqué avoir fermé ou interdit les agences qui se rendaient coupables d'extorsion. Il a également été demandé aux États de destination, en particulier ceux du Golfe, de cesser leur politique de confiscation de passeports et de laisser partir ceux qui le souhaitent.

La délégation ghanéenne est également revenue sur l'absence de statistiques, assurant que le Ghana dispose d'institutions de collecte de données ventilées, même si cela reste insuffisant. Récemment, un guichet unique a été mis en place pour collecter et centraliser toutes ces données. Dans ce contexte, la délégation a contesté le chiffre de 27 000 expulsions de migrants attribué au Gouvernement ghanéen, les qualifiant de chiffres «un peu gonflés», même si le Gouvernement reconnaît avoir procédé à des expulsions de personnes étrangères, notamment des Chinois qui travaillaient de manière irrégulière dans les zones minières.

La corruption des agents de la police des frontières est elle aussi combattue. Ainsi, une unité d'enquête intervient en cas d'allégations graves. Par ailleurs des affiches en anglais et en français aux postes de police des frontières informent les usagers clairement que les transactions illégales et autres pots de vin sont interdits, a notamment expliqué la délégation. Quant aux dispositions relatives à la détention, la loi ghanéenne interdit toute détention au-delà de 48 heures sans présentation devant un juge; cela s'applique à tous les centres de détention, a ajouté la délégation.

Conclusions

La délégation du Ghana s'est félicitée du dialogue constructif qui s'est déroulé ave le Comité. Elle l'a assuré que le Gouvernement œuvre à trouver des réponses à toutes les questions soulevées par le Comité, que ce soit par des mesures législatives, administratives ou pratiques. C'est le but du projet de stratégie nationale migratoire qu'il prépare actuellement avant soumission au Parlement. En attendant, la délégation a assuré avoir donné toutes les réponses de manière la plus sincère possible afin de faciliter le travail du Comité. En tant que pays d'origine, d'accueil et de transit des migrants, le Ghana traite les migrants étrangers de la manière dont il aimerait que l'on traite ses propres ressortissants. C'est pour cela que le Ghana s'engage à l'avenir à fournir tous ses rapports en temps voulu afin que le Comité puisse travailler dans de meilleures conditions.

La rapporteuse pour l'examen du rapport ghanéen, MME LADJEL, a encouragé la délégation dans son engagement en faveur des droits des travailleurs migrants, saluant les efforts déployés et la sincérité des réponses fournies. Le travail est perfectible, mais il doit se poursuivre, a encore dit la rapporteuse, émettant le vœu que le prochain rapport sera plus complet que le présent.


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CMW14/007F