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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DES ÉTATS-UNIS

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné hier après-midi et ce matin le rapport présenté par les États-Unis sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Le rapport des États-Unis a été présenté par M. Keith Harper, ambassadeur auprès du Conseil des droits de l'homme, qui a affirmé que son pays avait accompli de grands progrès vers l'élimination de la discrimination raciale, comme en témoigne de façon remarquable la direction politique actuelle du pays; il y a trente ans, l'idée d'avoir un président afro-américain n'aurait pas semblé possible. M. Harper s'est dit fier d'être le premier amérindien à représenter son pays au Conseil des droits de l'homme. Ont aussi pris la parole dans le cadre de la présentation des différents volets du rapport: Mme Paula Schriefer, Vice-Secrétaire adjointe au bureau des organisations internationales au Département d'État; Mme Loretta Lynch, Procureur du district oriental de New York; M. Mark Kappelhoff, Vice-Procureur général adjoint à la division des droits civils au Département de la justice; Mme Catherine Lhamon, du Bureau des droits civils au Département de l'éducation; M. Dustin McDaniel, ministre de la justice de l'Arkansas; et M. William Bell, maire de Birmingham (Alabama).

L'imposante délégation des États-Unis était également composée de hauts fonctionnaires des Départements d'État, de la justice, de la santé, de l'éducation, du travail, de l'intérieur, de la sécurité intérieure, du logement et du développement urbain, ainsi que de l'Agence de protection de l'environnement. Elle a répondu aux questions des membres du Comité, indiquant notamment que des efforts importants de diffusion de la Convention et de formation étaient menés par le gouvernement fédéral en direction des États et des collectivités locales. Un groupe de travail sur l'égalité a été constitué par l'administration pour améliorer la coordination sur les questions de discrimination raciale. Les autorités utilisent tous les outils à leur disposition pour lutter notamment contre toute discrimination en matière de droit de vote, là où elles se produisent, en particulier au Texas et en Caroline du Nord. Par ailleurs, les affrontements se déroulant actuellement dans une ville du Missouri à la suite de la mort d'une jeune Noir tué par un policier ont été mentionnés, la délégation précisant qu'une enquête avait été ouverte non seulement sur le cas lui-même mais aussi sur la problématique qu'il posait en matière de droits civiques.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des États-Unis, M. Noureddine Amir, a souligné que depuis l'élection du Président Barack Obama, le pays avait accompli des efforts louables en faveur de l'égalité raciale. Pourtant, la discrimination raciale perdure. Le rapporteur a fait part de sa préoccupation face à l'absence de progrès depuis la présentation du précédent rapport, s'agissant en particulier de la question de la définition de la discrimination raciale dans la loi. Il s'est inquiété de la décision de la Cour suprême confirmant les résultats du référendum de 2006 dans le Michigan, qui limite la discrimination positive dans la fonction publique et l'éducation. Le rapporteur a aussi exprimé sa préoccupation quant à l'absence de restrictions juridiques s'agissant des discours de haine. Il s'est en outre inquiété des obstacles dressés par certains États pour l'inscription électorale des personnes appartenant à des minorités. Il s'est par contre félicité des mesures prises pour accroître la diversité et à éliminer la discrimination dans les établissements scolaires. M. Amir s'est également félicité des efforts menés pour relever les défis rencontrés par les Amérindiens, notamment la tenue de conférences sous l'égide du Président Obama avec plus de 350 chefs de tribu. Il a enfin relevé que malgré l'engagement du Président de fermer le centre de détention de Guantánamo Bay, des étrangers continuaient d'y être détenus sans jugement. D'autres membres du Comité se sont notamment alarmés des disparités considérables dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la justice et de l'accès à l'emploi.

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 29 août prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Pérou (CERD/C/PER/18-21).


Présentation du rapport

Présentant le rapport des États-Unis (CERD/C/USA/7-9), M. KEITH HARPER, ambassadeur auprès du Conseil des droits de l'homme, a déclaré que son pays était une démocratie dynamique, multiraciale, multiethnique et multiculturelle au sein de laquelle les individus sont protégés de la discrimination fondée sur la race, la couleur de peau et l'origine nationale en vertu de la Constitution, des lois fédérales, ainsi que des Constitutions et lois des États fédérés et d'autres paliers de gouvernement. Les États-Unis ont accompli de grands progrès vers l'élimination de la discrimination raciale, a poursuivi le chef de la délégation, comme en témoigne de façon remarquable la direction politique actuelle du pays; il y a trente ans, l'idée d'avoir un président afro-américain n'aurait pas semblé possible, alors que c'est aujourd'hui la réalité. M. Harper a aussi souligné que le Ministre de la justice était lui aussi afro-américain. Trois des cinq derniers Secrétaires d'État étaient des femmes, tandis que deux des quatre derniers étaient afro-américains. L'un des juges de la Cour suprême et une femme d'origine hispanique, Sonia Sotomayor.

M. Harper a ajouté qu'appartenant lui-même à la nation cherokee de l'Oklahoma, il s'est dit fier d'être le premier Amérindien à être représentant de son pays auprès du Conseil des droits de l'homme. Il a félicité au passage M. José Francisco Cali Tzay, en tant que premier président autochtone d'un organe onusien des droits de l'homme. Si, aux États-Unis, les progrès sont visibles au plus haut niveau de l'État, il reste néanmoins beaucoup à faire, a-t-il reconnu.

MME PAULA SCHRIEFER, Vice-Secrétaire adjointe au bureau des organisations internationales du Département d'État (ministère des affaires étrangères), a indiqué que sa délégation comptait des représentants de neuf agences du gouvernement fédéral, ainsi que deux représentants des États fédérés et collectivités locales. La délégation donnera des indications sur les efforts du Gouvernement pour éliminer la discrimination raciale et les disparités auxquelles sont confrontées les minorités ethniques aux États-Unis. Ces dernières années, sous la direction dynamique de la Maison-Blanche, le Département d'État a collaboré étroitement avec de nombreuses agences fédérales pour renforcer l'importance des engagements pris en matière de droits de l'homme, y compris ceux stipulés par la Convention. Mme Schriefer a mentionné l'un des mécanismes mis en place à cette fin, le Groupe de travail sur l'égalité, coprésidé par les Départements d'État et de la justice. Depuis la présentation de leur dernier rapport en 2008, les autorités ont accru leurs efforts de communication et de coordination entre partenaires du gouvernement fédéral avec les autorités fédérées, locales, tribales et territoriales. Les liens avec la société civile ont aussi été renforcés dans le cadre d'échanges et de consultations régulières, notamment pour l'élaboration du présent rapport.

MME LORETTA LYNCH, Procureur du district oriental de New York, a expliqué que le Département de la justice avait progressé dans la réforme du système de justice pénale, l'objectif n'étant pas seulement de poursuivre les criminels mais aussi d'éradiquer les racines de la criminalité, tout en s'efforçant de réinsérer ceux qui ont payé leur dette envers la société. Certes, il reste beaucoup à faire, a-t-elle reconnu, puisque les prisons américaines sont peuplées d'environ 2,2 millions de détenus, dont un nombre disproportionné de personnes de couleur. En août dernier, le Ministre de la justice, Eric Holder, a annoncé une initiative intitulée «Smart on Crime» qui vise à ce que les peines soient proportionnées à la gravité du délit en matière de trafic de drogue. Il s'agit de reconnaître que ce n'est pas la lourdeur de la peine qui contribue nécessairement à la réduction de la criminalité. Ainsi, sont mis en place des programmes alternatifs à la prison pour les cas qui répondent à certains critères. De même veille-t-on à ce que des effets collatéraux d'un internement en institution ne viennent pas contrecarrer la réintégration dans la société. Le Ministre de la justice a ainsi appelé les États à faire de même, en veillant notamment à rétablir les droits civiques de ceux qui ont purgé leur peine. Le Ministre a en outre créé un groupe de travail sur les disparités raciales afin de définir des politiques susceptibles d'en finir avec ce fléau.

M. MARK KAPPELHOFF, Vice-Procureur général adjoint à la division des droits civils au Département de la justice, a rappelé que le mois dernier avait été célébré le cinquantième anniversaire de la loi sur les droits civils de 1964, texte qui a mis un terme à la ségrégation légale. Si le pays a accompli de grands progrès en cinq décennies, il n'est toutefois pas arrivé au bout de son effort, a-t-il expliqué. Le droit de vote est l'une des «promesses» les plus fondamentales de la démocratie américaine, a-t-il rappelé. Alors que la loi de 1965 sur le droit de vote a été l'un des outils les plus efficaces pour concrétiser cette «promesse» M. Kappelhoff a rappelé que la Cour suprême l'avait invalidée récemment en partie. Les autorités usent actuellement de tous les outils juridiques disponibles pour contrecarrer au plus vite les juridictions entravant l'égalité d'accès au droit de vote. À titre d'exemple, la Division des droits civils conteste actuellement des lois électorales discriminatoires de la Caroline du Nord et du Texas. Le Ministre Holder veille pour sa part à ce que les Amérindiens et les autochtones de l'Alaska aient accès aux bureaux de vote.

La même Division des droits civils poursuit par ailleurs le travail de «démantèlement» de la discrimination raciale à l'école. Elle doit gérer dans le même temps un grand nombre de plaintes pour discrimination dans l'emploi et le logement. Cela nous rappelle, a ajouté M. Kappelhoff, qu'en dépit de la fin de la ségrégation juridique, le combat doit continuer pour en finir avec l'iniquité. Il a par ailleurs indiqué que, ces cinq dernières années, des poursuites ont été intentées pour comportement répréhensible contre 337 policiers. Des mesures sont prises pour améliorer les conditions d'incarcération, en réglementant plus rigoureusement le placement à l'isolement. D'autre part, le Département de la justice intente des poursuites contre les auteurs de crimes haineux, ce qui a permis la condamnation de 160 individus pour de tels actes, soit une augmentation de près 50% sur cinq ans.

MME CATHERINE LHAMON du Bureau des droits civils au Département de l'éducation, a indiqué que l'égalité raciale était l'une des missions clés de son ministère. Pour ce faire, celui-ci fait appliquer vigoureusement les textes de la loi fédérale sur les droits civils à tous les niveaux du système éducatif. Mme Lhamon a cité des exemples d'interventions fructueuses à Los Angeles et à Cleveland. Elle a précisé que le Département de l'éducation fournissait des directives aux établissements afin que ceux-ci respectent la diversité raciale, afin aussi qu'ils veillent à détecter et à stopper les cas de harcèlement envers des élèves à cause de leur race, leur couleur de peau ou leur origine. Elle a cité le Secrétaire à l'éducation, Arne Duncan, qui a déclaré que «le seul moyen de parvenir à l'égalité dans la société était d'atteindre l'égalité dans la salle de classe»

M. DUSTIN MCDANIEL, ministre de la justice (Attorney General) de l'Arkansas, a fait part, au nom des gouverneurs et de ses homologues américains, de sa fierté pour les résultats obtenus dans la mise en œuvre des objectifs de la Convention, même s'il reste beaucoup à accomplir. Les ministres de la justice des États et du gouvernement fédéral travaillent main dans la main pour garantir des opportunités économiques et éducatives pour tous sur un pied d'égalité et pour combattre toutes les formes de discrimination raciale. Un accord historique a été récemment trouvé pour assurer un accès non-discriminatoire au logement, conformément aux dispositions de la Convention. M. McDaniel a indiqué par ailleurs quelles mesures avaient été prises, en accord avec les banques, pour atténuer les conséquences de la crise consécutive à l'effondrement du marché du logement qui a vu quatre millions de foyers américains perdre leur toit. Ainsi ont été interdits les prêts à très court terme, offerts par des usuriers principalement à des membres de minorités, à des anciens combattants et à des personnes âgées. Le ministre a indiqué être en discussion avec le tout nouveau Bureau pour la protection financière du consommateur dans le but de créer une norme nationale visant à réglementer sévèrement les activités de ces prêteurs-prédateurs profitant de l'indigence de pauvres gens.

Par ailleurs, des enquêtes ont été ouvertes par 24 ministres de la justice sur les pratiques douteuses de certains établissements scolaires privés. Certains d'entre eux sont plus soucieux en effet de faire des profits que d'offrir une instruction de qualité. Ils appâtent des jeunes appartenant à des minorités qui se retrouvent endettés et sans emploi à l'issue de leur parcours scolaire, a-t-il expliqué. Par ailleurs, des actions sont intentées par des tribunaux fédéraux pour mettre un terme à la ségrégation dans le système scolaire.

M. WILLIAM BELL, maire de Birmingham (Alabama), rappelant que sa ville avait été, y a cinquante ans, un exemple typique de la ségrégation sévissant dans le Sud des États-Unis, a déclaré qu'elle était aujourd'hui un exemple éclatant du fait que le changement était possible. Birmingham est l'illustration de ce que l'on peut faire avec le soutien des administrés lorsque ceux-ci s'unissent dans le même but. Il a cité certains des programmes mis en œuvre, notamment en matière de formation aux droits de l'homme dans les établissements scolaires, ainsi qu'à l'université.

Examen du rapport

Question et observations des membres du Comité

M. NOUREDDINE AMIR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des États-Unis, a souligné que les États-Unis étaient l'une des sociétés les plus multiraciales et les plus multiethniques de la planète. Depuis l'élection du Président Barack Obama en 2008, le pays a accompli des efforts louables en faveur de l'égalité raciale. Pourtant, ainsi que le reconnaît lui-même l'État partie dans son rapport, la marche vers l'égalité est semée d'embûches et la discrimination raciale perdure. M. Amir s'est félicité de la présence aujourd'hui des organisations non gouvernementales, qui ont apporté leurs témoignages au Comité et qui illustrent le fait que les États-Unis ont une société civile dynamique avec laquelle les autorités doivent continuer d'entretenir le dialogue.

Le rapporteur a fait part de sa préoccupation face à l'absence de progrès depuis la présentation du précédent rapport, s'agissant en particulier de la question de la définition de la discrimination raciale dans la loi. Ainsi, pour prouver qu'il y a discrimination raciale faut-il aussi apporter la preuve qu'il y a eu intention d'exercer une discrimination. Quel recours ont les victimes de discrimination indirecte? L'État partie envisage-t-il d'adopter une législation globale au niveau fédéral qui viserait à prohiber la discrimination dans tous les domaines? En outre, M. Amir a demandé quelles protections étaient prévues contre la discrimination en dehors des domaines couverts par la loi tels que l'emploi, la vente ou l'achat de propriétés, l'admission dans les établissements scolaires privés. Compte tenu de la nature fédérale des États-Unis, se pose la question du respect de la Convention à tous les niveaux de pouvoir, du fédéral au local en passant par celui des États, les autorités fédérales étant responsables de leurs engagements en dernier ressort. Le Comité demeure préoccupé par l'absence de mécanismes effectifs assurant une démarche coordonnée en faveur de la mise en œuvre de la Convention. Le rapporteur a rappelé qu'en 2010, lors de l'Examen périodique des États-Unis par le Conseil des droits de l'homme, le pays avait accepté la recommandation en faveur de la création d'une institution nationale des droits de l'homme. Où en est-on de cet engagement, a-t-il demandé.

M. Amir a ensuite abordé la question des «mesures spéciales» d'«action affirmative» qui se traduit en français par l'expression «discrimination positive». Il a demandé à la délégation d'expliciter les implications de la décision de la Cour suprême d'octobre 2013 qui a confirmé les résultats du référendum de 2006 dans le Michigan amendant la Constitution de cet État afin de limiter la discrimination positive dans la fonction publique et l'éducation. Il a fait part de sa préoccupation face à des décisions allant dans le même sens dans le domaine de l'éducation dans huit États dont le Michigan, ce qui a provoqué une diminution des inscriptions d'élèves appartenant à des minorités.

Le rapporteur a abordé la question de l'absence de restrictions juridiques s'agissant des discours de haine et rappelé les réserves de l'État partie au sujet des articles 4 et 7 de la Convention à cet égard. Il a appelé le pays à revoir sa position concernant les libertés de parole et d'association. Il a demandé quel bilan les États-Unis tiraient des mesures prises visant à contrecarrer les appels à la violence. A-t-on constaté une diminution ou au contraire une augmentation des discours de haine raciste depuis le rapport de 2008?

Évoquant les questions de discrimination envers les minorités nationales ou ethniques, particulièrement du point de vue judiciaire, M. Amir a fait part de sa préoccupation face à la persistance des disparités raciales à tous les niveaux du système de justice pénale. Tout en se félicitant des mesures prises en faveur de l'imposition de peines moins sévères pour les délits mineurs en matière de trafic de drogue, il constate que le problème des disparités raciales se pose toujours avec presque autant d'acuité. À la suite des engagements pour y remédier pris dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, la délégation peut-elle dresser un bilan des mesures prises afin d'en finir avec de telles disparités? Le rapporteur a notamment relevé que le traitement judiciaire inéquitable des jeunes appartenant à des minorités continuait à se poser, particulièrement lorsque des mineurs sont poursuivis et incarcérés comme des adultes, certains étant emprisonnés à vie sans possibilité de libération conditionnelle. Quelles mesures sont-elles prises pour inciter les États à réformer leur législation lorsque celle-ci permet de traduire en justice des jeunes mineurs en tant qu'adultes? La délégation dispose-t-elle de statistiques sur le nombre de jeunes incarcérés dans des prisons pour adultes et le temps qu'ils ont passé à l'isolement?

Passant aux disparités raciales dans le domaine éducatif, le rapporteur s'est félicité des mesures prises pour y remédier visant à accroître la diversité et à éliminer la discrimination dans les établissements scolaires. Il s'est notamment félicité de la création de la Commission équité et excellence par le Département de la justice en 2011, souhaitant savoir si ses recommandations avaient été retenues.

S'agissant du droit de vote, le rapporteur a fait part de sa préoccupation face aux obstacles qu'ont mis certains États pour l'inscription des individus appartenant à des minorités. Que fait l'État partie face à ces restrictions? Une autre préoccupation concerne le profilage racial, M. Amir citant la politique dite de «stop-and-frisk» permettant à la police de fouiller toute personne lui semblant suspecte. De même est-il possible d'arrêter et de fouiller sans motif précis toute personne se trouvant à moins de cent milles (160 km) des frontières nationales. Il a aussi cité la surveillance exercée sur certaines minorités, les musulmans en premier lieu, par le FBI et la police new-yorkaise. Si le profilage racial ou ethnique ne figure pas dans la pratique officielle, comme l'assure l'État partie, il n'en demeure pas moins que de nombreuses exceptions le permettent en vertu de la protection de la sécurité nationale, a-t-il constaté. Il a demandé si des statistiques sont disponibles quant à la prévalence de ces pratiques afin de pouvoir sanctionner les abus en matière de profilage racial, ainsi que les États-Unis s'y sont engagés lors de leur examen périodique. Dans le même fil, M. Amir s'est inquiété des nombreuses informations faisant état de comportements abusifs et de l'usage excessif de la force par les forces de l'ordre, particulièrement envers les personnes d'origine hispanique ou afro-américaine, ainsi qu'envers les sans-papiers franchissant la frontière à partir du Mexique. Certains sont parfois tués sans que des enquêtes sérieuses soient menées et, a fortiori, sans que des dédommagements soient accordés aux proches. Existe-t-il des statistiques dans ce domaine?

Le rapporteur a exprimé sa préoccupation face au niveau élevé de violence par armes à feu et l'impact disproportionné de ce phénomène au sein des minorités. Alors que les Afro-Américains représentent 13% de la population, ils constituent la moitié des victimes d'homicides, les meurtres étant commis à 82% par arme à feu. Les hommes afro-américains ont sept fois plus de risques d'être tués que leurs compatriotes blancs. Cette situation, sans doute due à des facteurs divers tels que les préjugés raciaux inconscients, s'explique aussi par la prolifération des lois «Stand Your Ground» (défendez votre territoire), ainsi que par l'existence de quartiers à majorité noire dévastés par le chômage. La délégation peut-elle s'exprimer sur les causes de cette violence par arme à feu, ainsi que sur les mesures concrètes visant à réformer les lois de contrôle des armes?

Par ailleurs, le rapporteur s'est inquiété de la situation des demandeurs d'asile, indiquant que le traitement de leur demande avait exigé 111 jours en moyenne l'an dernier, alors que la loi fédérale fixe cette durée à dix jours au maximum. Quelles mesures sont-elles prises pour remédier à cette situation? En outre, M. Amir a souligné qu'en l'absence de réforme des lois sur l'immigration, plus de deux millions d'étrangers ont été expulsés depuis l'arrivée à la Maison Blanche du Président Obama, soit plus que sous aucun de ses prédécesseurs. Nombre de ces expulsions se font en outre de manière expéditive sans possibilité d'être entendu par un juge.

Le rapporteur s'est ensuite félicité des efforts menés par les États-Unis visant à relever les défis rencontrés par les Amérindiens, notamment la tenue de conférences sous l'égide du Président Obama avec plus de 350 chefs de tribu. Il a toutefois demandé quelles initiatives étaient prises face au taux élevé de suicide, au chômage, à la très forte prévalence de la violence contre les femmes. Qu'en est-il des expropriations des terres ancestrales, du recueil du consentement informé des populations pour les activités économiques susceptibles de les affecter et de la violation des traités signés entre les nations indiennes et le gouvernement américain? Il s'est aussi inquiété du grand nombre de tribus non reconnues par les autorités et de la lourdeur des procédures pour y parvenir.

Enfin, M. Amir a relevé que malgré l'engagement du Président Obama de fermer le centre de détention de Guantánamo Bay, engagement renouvelé lors de l'Examen périodique universel des États-Unis en 2008 devant le Conseil des droits de l'homme, des étrangers continuaient d'y être détenus sans jugement. La délégation peut-elle expliquer l'absence de progrès à cet égard?

Parmi les autres membres du Comité, un expert a rappelé le principe d'égalité devant la loi en constatant qu'une proportion notable des 140 condamnés à mort reconnus finalement innocents, étaient des Noirs, certains ayant passé jusqu'à 30 ans derrière les barreaux. Et si en 2008, 42% des condamnés à la peine capitale était noirs, cela peut être considéré comme un «progrès» relatif puisqu'ils représentaient 50% des condamnés à mort en 2001. Il a aussi rappelé la forte proportion de détenus non-blancs en prison, ce que l'État partie reconnaît lui-même. Le même expert a mentionné le meurtre de Trayvon Davis, tué simplement à cause de sa couleur de peau par un individu titulaire d'un port d'arme. Il a exprimé l'espoir que la délégation américaine fournisse des éléments concrets sur les efforts menés pour inverser ces tendances néfastes. Il a fait part de sa surprise par ailleurs face aux informations fournies par les organisations non gouvernementales concernant le nombre d'enfants au travail. Il a souligné par ailleurs le rôle essentiel joué par les États-Unis dans la définition des actions à prévoir dans le cadre de la Décennie des personnes d'ascendance africaine qui débute en 2015.

Un autre membre du Comité s'est inquiété du fait que la Convention ne soit pas connue dans de nombreuses régions des États-Unis. Il a pointé du doigt un manque de coordination dans les efforts et le fait que les actions impulsées par les autorités ne concernaient pas tous les États.

Un expert a mentionné lui aussi le sort des détenus de Guantánamo Bay, demandant quels efforts avaient été faits pour leur assurer le droit à l'habeas corpus.

Une experte s'est dite alarmée par l'incidence des crimes haineux qui, dans plus de deux cas sur trois, visent des personnes de couleur. Elle a aussi fait part de sa préoccupation face à la criminalisation du franchissement illégal de la frontière. Pourquoi est-ce devenu une infraction pénale? Les Américains ont-ils oublié d'où ils venaient, a-t-elle demandé. Si les critères actuels avaient été appliqués il y a un siècle, nombre d'Irlandais n'auraient pas dépassé Ellis Island, a-t-elle observé en indiquant qu'elle était elle-même de nationalité irlandaise et qu'elle pouvait constater à leur patronyme que plusieurs membres de la délégation appartenaient à la diaspora irlandaise. Elle a rappelé que dans le cadre de l'Examen périodique universel, les États-Unis s'étaient engagés à agir pour améliorer la situation des travailleurs migrants. Elle a mentionné la situation dramatique de certaines femmes migrantes qui doivent surmonter jusqu'à trois handicaps susceptibles d'être facteurs de discrimination, en tant que migrantes, femmes et autochtones.

Un membre du Comité s'est inquiété d'informations faisant état des limitations imposées à l'admission d'étudiants d'origine asiatique dans certaines universités américaines, non pas sur la base de leurs performances, qui sont bonnes, mais en raison de ce que certains considèrent comme leur trop grand nombre. Il est bien connu par ailleurs que les États-Unis se plaisent à jouer le rôle de gendarme du monde en matière de droits de l'homme, en oubliant de faire le bilan de leur propre situation intérieure, a-t-il observé. Certes, les États-Unis ont accompli des progrès en matière d'élimination de la discrimination raciale, la meilleure preuve en étant l'élection d'un président d'origine africaine. Pour autant, de graves violations se perpétuent, a-t-il constaté. Ce pays qui ne cesse de parler des droits de l'homme n'a pas établi de mécanisme, conforme aux Principes de Paris, veillant à s'assurer du respect des droits de l'homme. Cette lacune n'est pas à la hauteur d'une grande puissance. L'expert a exprimé l'espoir que les États-Unis fassent davantage d'efforts en ce sens afin de se montrer digne de la confiance de la communauté internationale.

Un autre expert a tenu à souligner qu'il ne s'agissait pas pour les experts du Comité d'être particulièrement sévère avec les États-Unis: les questions posées sont plutôt à la mesure de la taille et de la complexité du pays. D'ailleurs, l'importance et la composition de la délégation illustre les progrès accomplis en matière de diminution de la discrimination raciale. Pour l'expert, nombre de questions soulevées relèvent davantage de problèmes sociaux que du racisme proprement dit, la pauvreté constituant le pire des cas de discrimination. Il s'est interrogé par ailleurs sur la terminologie employée dans le rapport. Ainsi, les termes «Noir» et «Afro-Américain» sont tour à tour utilisés, l'intervenant se demandant si l'État partie voyait une différence entre les deux. De même, peut-on s'interroger sur la différence entre «Hispanique» et «Latino» et sur le fait que les Blancs se qualifient de «caucasiens» comme s'ils étaient originaires de Géorgie ou d'Arménie, a-t-il ajouté avec une pointe d'ironie.

Un autre expert, qui s'est félicité de la franchise de la délégation, s'est étonné que certaines pratiques des États, jugées inconstitutionnelles, perdurent néanmoins comme si de rien n'était.

Une experte a relevé que le Comité était concerné par 20% des 228 recommandations faites aux États-Unis lors de l'Examen périodique universel par le Conseil des droits de l'homme. Elle s'est étonné que ceux-ci n'aient pas ratifié un certain nombre de traités internationaux dont les pactes relatifs aux droits des femmes, au droit de l'enfant et aux droits économiques sociaux et culturels. Elle a déploré que les organisations de la société civile défendant les droits des femmes n'aient pas d'autre choix que de témoigner devant le Comité, alors qu'elles devraient avoir accès au Comité pour l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes. Cela ne fait pas honneur à l'Amérique, a-t-elle souligné. Il arrive qu'il faille forcer la main aux parlementaires pour faire avancer les choses, a-t-elle suggéré, déplorant l'absence de sénateurs ou de représentants du Congrès. Il est temps que les États-Unis créent leur institution nationale des droits de l'homme, a-t-elle estimé. Celle-ci manque aux travaux du Comité, étant potentiellement un intermédiaire fiable entre les ONG et l'État partie. Elle a souligné qu'un territoire non autonome comme les Îles Vierges américaines disposait d'une institution des droits de l'homme, l'intervenante rappelant que deux autres territoires non autonomes étaient administrés par les États-Unis (Guam et Samoa américaine). Elle a d'ailleurs estimé que le rapport aurait dû comporter un chapitre sur ces territoires, en vertu des dispositions de la Convention. Un membre du Comité a lui aussi évoqué le processus de décolonisation en prenant l'exemple des effets collatéraux de l'indépendance de son pays, l'île Maurice, et le démembrement auquel son accession avait donné lieu, l'archipel de Chagos étant de fait confié à l'armée des États-Unis après que toute sa population eut été déportée avec la complicité active du colonisateur britannique. Les habitants originaires de Chagos sont fondés à estimer avoir été victimes d'un cas patent de discrimination et de spoliation.

Après avoir rappelé qu'historiquement, la naissance de la Convention relevait de l'illégalité de l'apartheid affirmée par les Nations Unies, une experte a noté que lorsque les États avaient adopté un certain nombre de conventions, c'était avec la conviction que l'on pouvait changer les choses afin de les améliorer. Mais, bien souvent, la question se pose de savoir si la loi est véritablement porteuse de transformations fondamentales. Elle a cité le problème de l'incarcération des Afro-Américains pour trafic de stupéfiants: est-ce la bonne solution alors que l'on estime que 1,7 million d'enfants subissent l'emprisonnement de leurs parents. Ne peut-on envisager d'alternative à l'incarcération compte tenu des conséquences néfastes pour les enfants? L'experte a aussi cité le cas des passages illégaux de frontières par les migrants, ceux-ci étant alors traités comme des criminels. Ne conviendrait-il pas d'adopter une approche civile plutôt que pénale à ce sujet? Elle a aussi évoqué le sort d'une vingtaine de militants des droits civils toujours emprisonnés, la majorité étant afro-américains et hispaniques.

Un autre membre du Comité, qui a rappelé que les États-Unis font figure de modèle dans une grande partie du monde, s'est interrogé sur la valeur juridique des traités signés en cas de contradiction avec la Constitution. Il a déploré que le pays ne compte pas de plan national pour mettre en œuvre la Convention. Il serait bon de créer un institut national qui veillerait à l'application d'un tel plan national éventuel. Relevant les «témoignages poignants» apportés par la société civile, il a demandé quel était l'avis du gouvernement fédéral sur la perception de la société civile selon laquelle elle vit dans une société en souffrance. Le même expert a aussi fait allusion au cas du centre de détention de Guantánamo, demandant comment les États-Unis comptaient enrayer cette pratique permettant de soustraire des détenus à l'application des conventions internationales. Il a évoqué le sort des migrants en provenance d'Amérique centrale, dont de nombreux enfants, mentionnant la découverte récente d'une fosse commune à proximité de la frontière qui contiendrait de nombreux corps. Il a enfin soulevé la question des conditions de vie souvent déplorables des autochtones.

Une experte s'est inquiétée du rôle des États fédérés et souligné l'importance d'une institution nationale des droits de l'homme dont la création permettrait au Comité d'avoir une vue générale de la situation des droits de l'homme aux États-Unis et de ne pas crouler sous une avalanche de documents apportés par la société civile. Elle a cité par ailleurs les cas de stérilisation forcée de femmes détenues appartenant à des minorités, souhaitant que le pays présente des statistiques à ce sujet. S'agissant des autochtones, elle a demandé si les autorités fédérales se souciaient des retombées environnementales de l'exploitation de ressources situées sur leur territoire. Elle s'est félicitée par ailleurs de l'introduction de peines alternatives à l'incarcération pour les délits mineurs de trafic de stupéfiants, comme cela est le cas dans l'État de New York, souhaitant que d'autres États imitent cet exemple. Évoquant le problème des armes à feu, elle a constaté que le meurtrier de Trayvon Martin était en liberté, doutant qu'il en irait de même si le meurtrier avait été la victime.

Enfin, un autre expert a demandé quels mécanismes concrets d'application de la Convention étaient prévus en direction des États fédérés et des collectivités locales. Existe-t-il un système de surveillance de la politique de révocation de la citoyenneté? S'agissant enfin du racisme sur Internet, il a estimé nécessaire de trouver une solution pour que les victimes de discours de haine dans le monde soient protégées de ces messages dont les auteurs agissent depuis le havre que constituent pour eux les États-Unis.

Réponses de la délégation

La délégation américaine, qui a d'abord noté que certaines des questions posées n'étaient pas directement liées aux obligations des États-Unis en vertu de la Convention, a assuré que le pays était pleinement engagé à appliquer ses obligations en matière de droits de l'homme. Étant donné la nature du système fédéral, une telle mise en œuvre est un véritable effort collectif impliquant les autorités fédérales, fédérées, locales, tribales et territoriales. Bien que les États-Unis ne disposent pas d'une institution nationale des droits de l'homme, des protections complémentaires multiples et des mécanismes existent pour renforcer le respect des droits de l'homme. Au niveau fédéral par exemple, la Maison blanche chapeaute une commission politique interagences chargée des droits de l'homme qui surveille la mise en œuvre des obligations du pays, ainsi que ses engagements pris lors de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme.

Le Groupe de travail sur l'égalité constitue un autre effort par l'administration pour améliorer la coordination sur les questions de discrimination raciale. Cette instance incite les agences fédérales à collaborer sur ces questions, à partager leurs bonnes pratiques. Elle sert aussi de plateforme de liaison avec la société civile avec laquelle les échanges sont permanents. En outre, les agences fédérales suivent la situation au niveau local afin de s'assurer que les décisions prises à ce niveau respectent la Convention. C'est par ce biais que le Département de la justice a contesté des lois texanes et de la Caroline du Nord affectant le droit de vote. De nombreuses agences fédérales fournissent des informations, des formations et des fonds aux niveaux étatique et local consacrées aux protections garanties par la convention. Ainsi, par exemple, en ce moment même, la Commission chargée de l'égalité des chances en matière d'emploi tient sa conférence annuelle avec les collectivités locales qui comprend une séance spéciale sur les obligations des États-Unis en matière de droits de l'homme. Elle a confirmé que les traités ratifiés avaient prééminence même s'ils ne sont pas directement applicables dans les tribunaux pour des raisons techniques. En l'espèce, les obligations de la Convention sont respectées.

En réponse à une question sur les obligations des entreprises américaines en matière de respect des droits des autochtones, la délégation a assuré que les autorités veillent étroitement à leur imputabilité.

S'agissant de la situation à Guantánamo Bay, la délégation a expliqué qu'un comité passe en revue les cas de chaque détenu en prenant aussi en compte leur état de santé. Il a été décidé que quatre d'entre eux ne devaient plus être détenus, la délégation précisant que cette décision est étrangère à leur origine ou à leur race.

S'agissant des discours haineux, rien n'empêche les autorités d'agir. Le coût de réprimer la liberté d'expression dépasse le bénéfice que l'on entend en retirer en réprimant les discours haineux. La Constitution autorise la poursuite de menaces sur Internet par exemple. Une loi récente permet de poursuivre les crimes de haine. Depuis 1990, des statistiques sont tenues au sujet de ces crimes.

Pour ce qui concerne les événements actuels dans le Missouri qui ont donné lieu à mort d'un homme, événement qui a déclenché un accès de violences, la délégation a précisé qu'une enquête avait été ouverte non seulement sur le cas lui-même mais aussi sur l'aspect droits civils du problème. Quant au cas Trayvon Martin, l'enquête se poursuit au niveau fédéral. La délégation a également précisé qu'une réforme de la police avait été entreprise.

S'agissant du droit de vote, les autorités utilisent tous les outils existants dans le droit fédéral pour lutter contre toute forme de discrimination en matière de droit de vote, en particulier au Texas et en Caroline du Nord. Les lois restrictives en matière de droit de vote au Wisconsin et en Ohio sont elles aussi contestées.

Quant aux mauvais comportements de la police, les agents fautifs peuvent être poursuivis au pénal comme au civil. Des actions ont été intentées à l'encontre de 300 d'entre eux ces cinq dernières années.

La délégation, qui a souligné que le profilage racial était un outil inefficace, a assuré que les initiatives locales en ce sens faisaient l'objet d'une attention particulière pour les supprimer. Cette question englobe aussi la question de la surveillance de certaines communautés dont celles-ci s'estiment victimes depuis le 11 septembre 2001. Elle a assuré qu'aucune surveillance de cette nature n'était en vigueur. Des contacts ont lieu avec les représentants de ces communautés pour les rassurer à cet égard.

Quant à la question du traitement inéquitable devant la justice, s'agissant en particulier des Afro-Américains dans les affaires de stupéfiants, un processus de réforme est en cours. Par ailleurs, des efforts sont menés pour que les parents incarcérés puissent préserver leurs liens avec leurs enfants. S'agissant de la peine de mort, le Département de la justice a fait un effort considérable pour que toutes les voies de recours puissent être empruntées. S'agissant des mineurs, les cas où ils peuvent être traités comme des adultes sont très rares.

La question du port d'armes pose la question d'une nouvelle législation, qui fait l'objet d'un large débat aux États-Unis, a rappelé la délégation.

La question des migrants sans papiers est une question très difficile puisqu'elle relève à la fois d'une question de sécurité nationale et de droits de l'homme. La délégation a assuré que les migrants interpellés bénéficiaient de toutes les garanties juridiques nécessaires pour faire valoir leurs droits. Des listes d'avocats leur sont fournies ainsi que des informations sur les voies de recours dont ils disposent. Un problème humanitaire particulier se pose face aux enfants non-accompagnés, dont le nombre en provenance d'Amérique centrale est en forte augmentation. Des juristes, des interprètes ont été mis à la disposition des autorités et des campagnes sont organisées dans les pays d'origine pour inciter les candidats à l'émigration à renoncer à leur projet.

S'agissant de la détention de demandeurs d'asile, une attention particulière est accordée afin de s'assurer qu'ils bénéficient d'un traitement humain. La durée moyenne de rétention est de 47 jours avant qu'une décision soit prise quant à leur demande. Des ordres stricts sont donnés pour éviter toute violence aux frontières et des enquêtes sont ouvertes lorsque c'est le cas. Trente-deux cas ont été répertoriés.

La délégation a reconnu que des membres des minorités avaient plus de risques d'être victimes des expulsions (7% de risques en plus) à la suite de l'effondrement du marché immobilier. S'agissant du logement, la délégation a indiqué par ailleurs que des poursuites étaient intentées contre les sociétés ayant accordé des prêts frauduleux assimilables aux subprimes.

Plusieurs exemples ont été donnés sur les initiatives prises dans le domaine de l'éducation afin d'en finir avec la ségrégation. Un budget de plusieurs millions de dollars vise à faire connaître les meilleures pratiques, ainsi qu'à permettre une meilleure formation des enseignants. Le gouvernement actuel soutient activement les mesures en faveur de la diversité raciale dans les établissements scolaires et universitaires. Des décisions de l'administration précédente, qui n'allaient pas en ce sens, ont été annulées à cette fin. Quant aux fermetures d'écoles, à Chicago notamment, des enquêtes ont été ouvertes par les autorités fédérales pour déterminer si elles concernaient en fait des cas de discrimination.

S'agissant du rejet de la politique de discrimination positive par huit États, des contacts ont été pris avec leurs autorités pour trouver une solution à cet égard.

L'ambassadeur Harper a évoqué pour sa part la souveraineté tribale qui permet aux tribus amérindiennes de prendre les décisions fondamentales qui les concernent. C'est le Département de l'intérieur qui est chargé du processus de reconnaissance du statut de tribu qui est effectivement complexe et qui manque par ailleurs de transparence. S'agissant de la violence à l'égard des femmes, les autochtones en étant plus souvent victimes que les autres Américaines, il s'avère que dans la majorité des cas les auteurs des faits n'appartiennent pas à leur communauté. Les États-Unis ont donné la compétence juridique à ce sujet aux autorités tribales, ce qui est probablement unique au monde, a estimé la délégation. Une représentante du Bureau des affaires indiennes a noté que le Président Obama avait été le seul chef de la Maison Blanche à rencontrer les leaders tribaux. La délégation a aussi expliqué que les tribus ont compétence pour décider de la garde des enfants, lorsque cela est nécessaire. Il a en outre été mis un terme aux adoptions forcées et à l'acculturation subséquente d'enfants autochtones.

Pour ce qui concerne la préservation et la restitution des terres ancestrales, l'administration actuelle a pris des initiatives en ce sens, plus de 80 millions de dollars y ayant été consacrés pour une superficie totale de quelque 250 000 acres. Les réserves sont protégées ainsi que les droits de pêche. La question du consentement préalable informé est respectée, l'exemple étant donné au plus niveau par le Président Obama et les contacts qu'il entretien avec les chefs tribaux.

Pour ce qui a trait à la santé, un plan d'action national a été lancé pour réduire les disparités raciales et ethniques à cet égard. Un partenariat national pour y mettre un terme a ainsi été lancé. La loi sur la santé abordable permet d'améliorer en particulier celle des femmes, y compris la détection des cas de violence à l'encontre des femmes. Des plans de prévention du suicide, fléau affectant particulièrement les Amérindiens, ont été lancés. La santé mentale fait partie elle aussi des priorités; elle est couverte par la loi sur la santé abordable. Cette loi donne accès aux soins à quelque 50 millions d'Américains. C'est la première loi qui prenne en compte les problèmes de disparité en matière de santé. L'accès à la santé pour les populations migrantes est aussi une préoccupation, a assuré la délégation, même si un délai de cinq ans est nécessaire pour avoir accès à l'institution Medicaid. Les États ont néanmoins la possibilité d'offrir des services de santé pour ceux qui sont arrivés plus récemment sur le territoire. Des données ventilées sont enregistrées pour tenir compte des disparités raciales.

Le maire de Birmingham (Alabama), M. William Bell, a donné l'exemple de sa ville où un programme de recherche vise à identifier les obstacles aux soins de santé. Un programme de retour à l'emploi pour les ex-détenus a aussi été mis sur pied.

L'interdiction du travail des enfants se heurte au fait qu'il s'agit bien souvent d'une exigence des agriculteurs, certains estimant qu'il s'agissait d'une formation professionnelle pour les jeunes. Les travaux agricoles dangereux, notamment du fait de l'usage de pesticides, sont interdits pour les enfants de moins de six ans.

D'une manière générale, le droit du travail s'applique à tous, y compris les travailleurs migrants.

Un représentant de l'Agence de protection de l'environnement a indiqué que les autorités avaient redoublé d'efforts pour assurer la protection des minorités et des autochtones. S'agissant de l'extraction d'uranium, toutes les mesures sont prises pour protéger le milieu, en particulier sur le plan de la protection de la nappe phréatique.

Quant à la ratification de traités internationaux auxquels les États-Unis ne sont pas encore partie, la délégation a rappelé qu'elle exigeait une majorité des deux-tiers au Sénat, celle-ci étant très difficile à atteindre.

Conclusions

M. JOSÉ FRANCISCO CALI TZAY, Président du Comité a invité la délégation à transmettre par écrit les réponses qu'elle n'a pas eu le temps de fournir, tout en relevant qu'un grand nombre de réponses avaient pu être apportées bien que le temps ait manqué. Il a souhaité avoir la position des États-Unis sur quelques autres questions, sur le fait notamment que le vagabondage soit passible de poursuites, ou sur la possibilité pour les Amérindiens du Canada de faire valoir sous certaines conditions leur droit à la citoyenneté américaine. Il aussi mentionné les retombées du changement climatique, en Alaska notamment, où la fonte du pergélisol menace le mode de vie des autochtones.

M. NOUREDDINE AMIR, rapporteur du Comité pour les États-Unis, a remercié la délégation pour la précision et la concision des réponses apportées. Il a qualifié le dialogue de constructif et intelligent. Il s'agit d'emprunter en commun un chemin pour l'abolition de toutes les discriminations, a-t-il dit, en invoquant le nom de Martin Luther King.

M. HARPER, Représentant permanent des États-Unis auprès du Conseil des droits de l'homme, s'est félicité de la richesse du dialogue et déploré le manque de temps pour faire le tour des questions posées. Il a dit son impatience de recevoir les observations finales du Comité.


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CERD14/020F