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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport de la République centrafricaine sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant le rapport, M. Léopold Ismael Samba, Représentant permanent de la République centrafricaine auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que «c'est dans un contexte national particulier, marqué par une crise multiforme et profonde, où toutes les régions de mon pays ont subi une déstructuration sans précédent, où tous les droits humains ont été massivement violés, en particulier ceux de la femme, et où plus de la moitié de la population a besoin d'assistance humanitaire» que se tient la présente session. Le projet de loi sur la parité homme-femme est en instance de validation par le Gouvernement de transition avant son adoption par le Parlement de transition. Certaines dispositions du code de la famille jugées discriminatoires à l'égard des femmes, ou contradictoires avec certaines conventions ratifiées, ont été corrigées. M. Samba a en outre fait valoir que de nouvelles dispositions du code pénal visent à protéger les femmes contre toutes les formes de violences et que les sanctions à l'encontre de leurs auteurs ont été renforcées. Il a toutefois reconnu qu'en dépit de cet élan national vers l'égalité entre l'homme et la femme, de nombreuses inégalités persistent. Ainsi est-il de l'inégalité de statut et de position dans la société, qui restreint les chances d'éducation de la femme et limite sa capacité à prendre des décisions et à participer à la vie de la communauté. Il a aussi relevé l'impunité des auteurs des crimes et de violences sexuelles en raison de l'absence du corps judiciaire dans certaines localités. Le représentant centrafricain a enfin souligné que la volonté nationale ne peut être effective que si la sécurité et la paix sont garanties; c'est pourquoi l'apport substantiel de la communauté internationale s'avère indispensable.

La délégation centrafricaine, également composée d'une conseillère en matière d'affaires sociales et de genre à la Primature, d'un chargé de mission en matière juridique et du Directeur général de la promotion du genre, a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des viols et autres violences sexuelles; de la situation des femmes et enfants combattants; du confinement chez elles de personnes appartenant à certaines communautés du fait de l'insécurité ambiante; du sort des personnes déplacées; des mesures prises pour lutter contre l'impunité; des rapports entre l'État et les organisations non gouvernementales qui travaillent sur le terrain; du cadre institutionnel de prise en compte des questions de genre; de la mise en conformité de la loi nationale avec les dispositions de la Convention; des pygmées victimes d'esclavage; ou encore des questions de santé et d'éducation.

Les membres du Comité se sont inquiétés de l'ampleur des violences sexuelles en République centrafricaine. Ils ont également relevé le taux très élevé de la pandémie du VIH/sida dans le pays, dont on s'attend qu'il augmentera encore du fait notamment des nombreux viols. Étant donné que certaines sources parlent de nettoyage ethnique en République centrafricaine, il est important de savoir comment les autorités appréhendent leur rôle de protection des personnes déplacées dans le pays, a-t-il en outre été souligné. L'attention a en outre été attirée sur l'impact dévastateur qu'a eu le conflit sur le système éducatif de la République centrafricaine.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant les rapports présentés au cours de la session, qui seront rendues publiques à la clôture des travaux.


La séance de clôture de la présente session du Comité se tiendra le vendredi 18 juillet, à partir de 15 heures.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de la République centrafricaine (CEDAW/C/CAF/1-5), M. LEOPOLD ISMAEL SAMBA, Représentant permanent de la République centrafricaine auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que «c'est dans un contexte national particulier, marqué par une crise multiforme et profonde, où toutes les régions de mon pays ont subi une déstructuration sans précédent, où tous les droits humains ont été massivement violés, en particulier ceux de la femme, et où plus de la moitié de la population a besoin d'assistance humanitaire, que se tient la présente session consacrée à la République centrafricaine».

M. Samba a ensuite rappelé qu'un document de Politique nationale de promotion de l'égalité et de l'équité a été validé en 2005 et son Plan d'Action en 2007. En outre, un Comité sectoriel «genre et réduction de la pauvreté» a été créé en 2008 qui a principalement pour tâche de promouvoir la dimension genre dans toutes les politiques sectorielles, tous les programmes et tous les projets de développement. Par ailleurs, le projet de loi sur la parité homme-femme est en instance de validation par le Gouvernement de transition avant son adoption par le Parlement de transition.

La loi portant code de la famille, adoptée en 1997, a été relue par un comité d'experts sur instruction du Gouvernement et est en cours de validation par les instances compétentes, a poursuivi M. Samba. Dans le cadre de cette relecture, certaines dispositions jugées discriminatoires à l'égard des femmes ou contradictoires avec certaines conventions ratifiées ont été corrigées. De nouvelles dispositions ont été apportées en 2010 au code pénal pour protéger les femmes contre toutes les formes de violences ont été prises et les sanctions à l'encontre de leurs auteurs renforcées.

Aujourd'hui, a poursuivi M. Samba, l'avènement d'une femme à la tête de l'État centrafricain, dans un contexte de grave crise sécuritaire et humanitaire, est un événement inédit qui constitue, sans nul doute, un résultat important en matière de lutte pour l'égalité et l'équité entre les deux composantes de la société. «C'est également le fruit de la volonté du peuple centrafricain et des différents gouvernements de donner à la femme la place qui lui revient de droit dans notre société», a-t-il déclaré. L'actuel Gouvernement de transition comprend pour la première fois dans l'histoire politique du pays quelque 35% de femmes, a-t-il insisté. Quant au Conseil national de transition, il compte 27 femmes parmi ses 135 membres, ce qui représente une proportion de femmes de 20% contre environ 10% dans la précédente législature.

Il convient cependant de reconnaître qu'en dépit de cet élan national vers l'égalité entre l'homme et la femme, de nombreuses inégalités persistent. Ainsi est-il de l'inégalité de statut et de position dans la société, qui restreint les chances d'éducation de la femme et limite sa capacité à prendre des décisions et à participer à la vie de la communauté avec les mêmes chances que l'homme, a précisé le Représentant permanent, avant de reconnaître une «prise en compte encore insuffisante de la dimension genre dans toutes les actions de développement» et une «sous-représentation des femmes dans les instances de prise de décisions à tous les niveaux et dans tous les secteurs». Par ailleurs, a ajouté M. Samba, «l'absence du corps judiciaire dans certaines localités où s'exercent le plus les violences amène les auteurs des crimes et de violences sexuelles à ne pas s'inquiéter». Aussi, a-t-il insisté, de nombreux cas de viols et de violences sexuelles perpétrés sur les femmes et les enfants n'ont pas encore trouvé de réponses appropriées en termes de prise en charge intégrée des survivants. Selon le Bureau des affaires humanitaires (OCHA), plus de 2000 femmes ont été victimes de viols et de violences sexuelles entre décembre 2013 et juin 2014, a rappelé le Représentant permanent. Il a par ailleurs souligné que des femmes, filles et garçons continuent à être associés aux groupes politico-militaires en qualité de combattants, porteurs, esclaves sexuels et peuvent être tués en toute impunité.

La crise qui sévit en ce moment en République centrafricaine a entamé les efforts consentis jusqu'alors par le Gouvernement avec l'appui de la communauté internationale et a exacerbé les violences basées sur le genre ainsi que les inégalités entre les hommes et des femmes, tout comme la discrimination à l'égard de ces dernières, a résumé M. Samba. Face à cette situation, le Gouvernement a envisagé diverses solutions dans sa feuille de route qui définit les actions prioritaires à mettre en œuvre pendant la transition, a-t-il souligné, précisant que les questions de genre et de développement y sont intégrées. Cependant, a-t-il insisté, cette volonté nationale ne peut être effective que si, et seulement si la sécurité et la paix sont garanties. C'est pourquoi l'apport substantiel de la communauté internationale s'avère indispensable, a conclu M. Samba, appelant tous les partenaires au développement à se mobiliser davantage pour accompagner les efforts du Gouvernement visant à réduire les discriminations à l'égard des femmes.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a reconnu que la situation est particulièrement difficile et critique en République centrafricaine et que le pays a besoin d'aide de la part de la communauté internationale. Relevant que, bien que le rapport date de 2012, les informations qui y sont fournies s'arrêtent souvent aux années 2009-2010, l'experte a souligné que des informations mises à jour s'avèreront particulièrement utiles dans nombre de domaines. Elle a ensuite attiré l'attention sur un certain nombre d'informations faisant état pour ce pays d'une absence d'engagement visible en faveur des droits des femmes, d'une prolifération d'armes et d'exactions.

Comment les autorités s'y prennent-elles pour procéder à la réintégration des combattants, a par ailleurs demandé cette même experte? S'agissant de la réconciliation, elle a souhaité savoir si la Commission de réconciliation et la Commission permanente sur le dialogue étaient opérationnelles et s'est enquise de la place des questions de genre dans le mandat de ces deux commissions. Quelles autres institutions participent-elles aux efforts de réconciliation et comment intègrent-elles les questions de genre dans leurs activités, a-t-elle demandé? Des sources laissent entendre que les efforts dans ces domaines seraient en fait limités, a fait observer l'experte. Elle a par ailleurs relevé qu'il n'y a pas de définition explicite de la discrimination dans le droit de la République centrafricaine. Néanmoins, a-t-elle rappelé, la République centrafricaine est un pays de système moniste où les traités internationaux prévalent sur le droit national; dans ce contexte, a fait observer l'experte, pourquoi ne pourrait-on pas tout simplement considérer que la définition de la discrimination fournie par la Convention fait partie du droit national?

Une autre experte s'est inquiétée de la proportion des violences sexuelles en République centrafricaine, à la lumière de nombreux rapports attestant de l'ampleur de ce type de violences dans le pays. Différentes organisations ont identifié le viol et d'autres formes de violences sexuelles comme étant la forme la plus fréquente des violences exercées contre les femmes et les filles, que ce soit de la part des ex-séléka ou des anti-balaka. L'experte s'est ensuite enquise de la situation sanitaire actuelle du pays eu égard aux informations laissant apparaître que 90% des centres de santé ont été détruits. Il y a un taux très élevé de VIH/sida dans le pays et l'on s'attend à ce qu'il augmente encore du fait notamment des nombreux viols perpétrés en République centrafricaine, a insisté l'experte.

Comment la République centrafricaine fait-elle face à l'impunité, ont demandé plusieurs membres du Comité, une experte soulignant que la lutte contre l'impunité reste l'une des priorités pour les autorités de transition. L'attention a été attirée, à cet égard, sur un rapport publié hier par Amnesty International sous le titre: «République centrafricaine: il est temps de rendre des comptes».

Une experte s'est enquise de la situation des personnes déplacées, dont certaines informations affirment que leur nombre atteindrait 900 000, soit près du quart de la population; le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) parle de 650 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays dont 117 000 dans la capitale, a-t-elle précisé. Étant donné que certaines sources parlent de nettoyage ethnique dans ce pays, il est important de savoir comment les autorités appréhendent leur rôle de protection des personnes déplacées à l'intérieur du pays, a souligné cette experte. Elle s'est inquiétée d'informations émanant de certaines sources non gouvernementales selon lesquelles une grande partie de la communauté musulmane serait confinée dans ses foyers, en particulier à Bangui.

Les musulmans constituent un groupe minoritaire en République centrafricaine puisqu'ils ne représentent que 10% de la population, a-t-il été souligné. Dans ce contexte, une experte s'est enquise de la proportion de musulmans parmi les personnes déplacées. Une autre experte s'est enquise des mesures prises par les autorités pour empêcher l'incitation à la haine sectaire.

Une partie des violations des droits des femmes enregistrées en République centrafricaine prennent leur origine dans la législation, dans laquelle persiste un certain nombre de dispositions discriminatoires à l'égard des femmes, a souligné une experte.

Une experte s'est inquiétée de l'existence en République centrafricaine de pratiques préjudiciables – au nombre desquelles figure la polygamie – résultant de stéréotypes sexistes qui s'appuient sur des croyances discriminatoires. Le pays envisage-t-il d'éliminer du code de la famille la notion de suprématie du mari.

Une experte a relevé avec inquiétude l'information fournie par le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires en mai 2010 selon laquelle le code pénal incriminait la sorcellerie. Des mesures sont-elles envisagées pour abroger le délit de sorcellerie du code pénal, a-t-elle demandé?

Une experte a souligné que la traite de personnes s'exerce notamment vers des pays tels que le Cameroun, le Nigéria, le Soudan, la République démocratique du Congo ou encore le Soudan du Sud. La prostitution est illégale en République centrafricaine, mais – contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays africains – les femmes qui se prostituent ne sont pas pénalisées, ce qui est tout à fait louable, a poursuivi cette experte. Néanmoins, qu'en est-il des mesures de prévention de la prostitution prises par les autorités, alors que les veuves sont parfois obligées de se prostituer pour assurer leur survie et celle de leurs enfants, a-t-elle demandé? L'attention a également été attirée sur la forme de traite de personnes que constituent les mariages forcés.

Il serait souhaitable d'instaurer des quotas de sièges réservés aux femmes lors des élections, a estimé une experte.

Une experte a souligné que le Comité est conscient de l'impact dévastateur qu'a eu le conflit sur le système éducatif du pays, alors que des écoles ont été occupées par les forces armées et ont été fermées pendant près de trois mois. De nombreux enseignants ne sont pas retournés ensuite travailler et n'ont d'ailleurs pas perçu leur salaire depuis plusieurs mois, a-t-elle ajouté.

Le rapport sur les sages-femmes publié en 2011 par le FNUAP est particulièrement alarmant s'agissant de la situation qui prévaut en la matière en Afrique subsaharienne, et notamment en République centrafricaine, a fait observer une experte. Le VIH/sida est une cause majeure de mortalité dans le pays, a-t-elle en outre souligné, s'inquiétant d'informations laissant apparaître que la transmission de la maladie de la mère à l'enfant y atteindrait 50%.

Qu'en est-il de la participation de la femme aux prises de décision dans les zones rurales, a demandé un membre du Comité?

Une experte s'est inquiétée de la situation des femmes détenues, eu égard au fait qu'aucune prison ne semble être réellement fonctionnelle dans le pays. Combien de femmes sont-elles actuellement emprisonnées en République centrafricaine et comment les autorités assurent-elles leur sécurité, étant donné que ces femmes sont particulièrement vulnérables, notamment à la violence sexuelle, a demandé l'experte? Elle a ensuite fait part de sa préoccupation face à l'exploitation des enfants pygmées en tant qu'esclaves.

Réponses de la délégation

La délégation a affirmé que la République centrafricaine est «comme un nageur qui ne sait pas nager» et a donc besoin de l'aide du Comité pour savoir quelle est la «meilleure gymnastique» pour pouvoir nager. Aujourd'hui, la République centrafricaine est «un pays qui a besoin d'être refondé», a insisté la délégation.

Dans chaque ministère, se trouve un point focal genre et une stratégie genre et réduction de la pauvreté a été élaborée par le Gouvernement pour orienter tous les acteurs impliqués dans les questions de genre. Aujourd'hui, la République centrafricaine «ne peut rien faire sans l'apport de la communauté internationale», a insisté la délégation.

La délégation a souligné que «l'insécurité a gagné l'ensemble du pays». Pour évaluer la situation actuelle, il faudrait que l'ensemble du pays soit sécurisé, a expliqué la délégation, soulignant qu'à l'intérieur du pays, «il n'y a que les forces internationales qui sillonnent». Aujourd'hui en République centrafricaine, il est difficile de parler de mesures de sécurité dans les villages car le pays est vaste; mais on peut dire qu'avec le conflit, le pays est divisé en deux parties: une partie sud, sud-ouest qui semble connaître une certaine sécurité, avec présence de l'État et d'une population qui a envie de paix; et le centre, l'est, le sud-est et le nord-est où la situation est plus difficile car les groupes armés, notamment les séléka, sont encore là.

Certains parlent de nettoyage ethnique, a relevé le Représentant permanent; «c'est peut-être un grand mot» et il ne pense pas qu'il s'agisse de nettoyage ethnique. «On a failli nous mettre dans la tête que c'est un conflit interreligieux; mais je crois que ça n'en est pas un», a insisté M. Samba. Il faut faire la part des choses et cela demande une étude, alors qu'aujourd'hui, l'évaluation qui est faite sur le terrain est une évaluation rapide, a souligné la délégation. «Cette guerre n'est pas une guerre religieuse; c'est le politique qui a instrumentalisé la religion», a ensuite insisté la délégation. Parfois, ce ne sont pas les anti-balaka ni les ex-séléka qui sont les auteurs des exactions, a-t-elle par ailleurs souligné, affirmant que ce sont alors des jeunes désœuvrés - durement frappés par le chômage qui sévit dans le pays - qui se sont déguisés en anti-balaka ou ex-séléka.

La délégation a aussi souligné qu'il n'y a pas seulement les musulmans qui soient confinés dans leurs quartiers; dans certains quartiers de Bangui, les populations ne peuvent venir chez elles car «chaque déplacement d'un Centrafricain non musulman dans ces quartiers est synonyme de mort».

Les raisons de la crise sont bien connues et procèdent en particulier de la mauvaise gouvernance des administrations précédentes, une minorité s'étant dans ce contexte sentie lésée, a expliqué la délégation. La marginalisation des musulmans est certes une réalité qu'il faut savoir regarder en face, a-t-elle ensuite admis, avant de souligner qu'il faut relativiser cette marginalisation, étant donné que dans ce pays, les principaux acteurs économiques sont les musulmans.

Aujourd'hui, il n'y a pas de discours de haine: la Présidente de transition a au contraire appelé les uns et les autres à davantage de calme, de fraternité, pour ne pas dire de réconciliation, a poursuivi la délégation. Dans les deux camps, subsistent certes des discours de haine, mais ces discours ne peuvent être combattus par les armes: seule une solution politique peut être trouvée, a souligné la délégation, avant d'ajouter qu'en fait, les deux camps sont manipulés. Des politiques veulent instrumentaliser la situation pour des fins qui nous échappent, a déclaré la délégation.

Compte tenu de l'absence de moyens de l'État, les enquêtes concernant les violences sexuelles sont faites par les humanitaires, a par ailleurs indiqué la délégation. Le problème des femmes victimes de violences sexuelles est un problème sérieux et le pays a besoin de l'aide extérieure pour y faire face et notamment pour asseoir les infrastructures de prise en charge des victimes. La délégation en outre a attiré l'attention sur le problème de la LRA (Armée de résistance du Seigneur), qui continue de perpétrer des exactions et des violences sexuelles sur les femmes et les filles.

Interpelée sur la question de l'incorporation de femmes et d'enfants combattants dans les différents groupes opérant dans le pays, la délégation a affirmé que le Gouvernement avait pris des mesures pour que ces personnes soient démobilisées et réinsérées; on peut dire que cela constitue une priorité pour le Gouvernement, a-t-elle ajouté. S'agissant des femmes et enfants combattants, a ensuite précisé la délégation, un effort indéniable a été consenti, avec l'aide de l'UNICEF et d'une ONG italienne, avec la création de trois centres de transit opérationnel accueillant ces personnes.

La délégation a expliqué que les personnes déplacées ont été organisées par sites dans des camps. Elles se sont d'abord placées d'elles-mêmes autour de l'aéroport à Bangui en raison de présence de l'armée française. Les personnes déplacées dans leur propre pays sont par définition des personnes qui n'ont pas franchi de frontières internationales. Pour leur part, les réfugiés échappent à la responsabilité du Gouvernement du pays d'origine, a souligné la délégation.

Au mois de mai dernier, a poursuivi la délégation, le Gouvernement centrafricain a signé une convention avec la Banque mondiale pour engager le processus de prise en charge gratuite de tous les Centrafricains afin de couvrir leurs besoins de santé. Mais il faut d'abord ouvrir des couloirs sanitaires humanitaires sécurisés, ce qui n'est pas évident, a souligné la délégation.

Certaines organisations non gouvernementales sur le terrain ne semble pas tenir compte de l'obligation de rendre des comptes vis-à-vis du Gouvernement centrafricain, a déploré la délégation, avant d'appeler à une collaboration saine, transparente et respectueuse du principe d'alignement (de l'intervention des ONG) sur des priorités nationales définies par le Gouvernement. En effet, a expliqué la délégation, il arrive que certaines ONG – fort heureusement, une ou deux seulement, sur le total de celles présentes dans le pays – insistent pour intervenir à tel ou tel endroit, de telle ou telle manière, alors que le Gouvernement leur indique d'intervenir à un autre endroit ou différemment.

La délégation a indiqué s'opposer à l'idée que pour parvenir à la paix, il faudrait prononcer une amnistie; il faut que les responsables des exactions, en particulier les leaders responsables, aient à rendre des comptes, a-t-elle affirmé. La Présidente de transition a sur ce point été ferme en soulignant que les responsables d'exactions seraient poursuivis et sanctionnés.

La République centrafricaine en est à quatre mois d'arriérés dans le paiement des salaires, les recettes fiscales rentrant actuellement dans les poches des ex-séléka ou des anti-balaka.

Évoquant les réformes législatives entreprises aux fins de la mise en conformité de la loi nationale avec les dispositions de la Convention, la délégation a souligné que le code pénal et le code de procédure pénale ont été révisés car on s'est rendu compte qu'il y subsistait des dispositions dures à l'égard de certaines catégories de la population du pays. On s'est également aperçu que subsistaient dans le code de la famille des dispositions renvoyant à des acquis traditionnels néfastes, notamment pour ce qui est du droit des femmes à la propriété de la terre. Le code électoral a lui aussi été révisé, a ajouté la délégation.

La République centrafricaine a ses us et coutumes et le fait de les pratiquer n'est nullement une violation des droits de l'homme, a souligné la délégation. Elle s'est étonnée que les membres du Comité semblent davantage se préoccuper de violences faites aux femmes que du fait que les femmes meurent en plus grande proportion que les hommes dans le pays. La dot n'est pas un sujet de marchandage ou de corruption et la polygamie est reconnue en République centrafricaine, a insisté la délégation. La priorité en République centrafricaine n'est pas de savoir si les hommes peuvent avoir plusieurs femmes ou quels sont les droits d'héritage des femmes, a-t-elle insisté. Nous ne sommes pas partisans de coutumes telles que l'excision, a ensuite souligné la délégation. La lutte contre ces pratiques traditionnelles néfastes est un combat de longue haleine, a-t-elle ajouté.

En République centrafricaine, le versement de la dot n'est absolument pas obligatoire en vertu de la loi, a par la suite tenu à souligner la délégation. Elle a aussi précisé que «la polygamie est obsolète», en ce sens que nombre d'hommes, au moment du mariage, optent pour la monogamie lorsqu'il leur est demandé s'ils choisissent la monogamie ou la polygamie.

Le code pénal centrafricain condamne tout ce qui porte atteinte aux droits humains des femmes, a assuré la délégation.

Du point de vue cadre institutionnel, la délégation a indiqué qu'aujourd'hui le Département qui s'occupe des questions de genre est intégré au Ministère de la santé. La délégation a rappelé que la République centrafricaine avait, dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, pris l'engagement de mettre en place une institution nationale des droits de l'homme; l'absence, pour l'heure, du comité national des droits de l'homme ne pénalise pas la prise en compte des préoccupations de genre, a-t-elle assuré.

En ce qui concerne la prévention et la lutte contre la traite de personnes, la délégation a attiré l'attention sur la longueur des frontières de la République centrafricaine avec les pays voisins et a notamment indiqué que cette question est abordée dans un cadre de coopération au niveau de la sous-région.

La nationalité ne s'acquiert pas automatiquement, du simple fait que l'on est l'époux ou l'épouse d'un Centrafricain, a souligné la délégation; il y a un délai minimum de séjour dans le pays à satisfaire pour y accéder, notamment afin d'éviter l'abus par des mariages dits de raison, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a expliqué que si les maîtres ont parfois déserté les écoles, c'est notamment en raison de problèmes de sécurité, sans parler du fait qu'ils n'ont parfois pas été payés.

Interpelée quant à l'exploitation des pygmées comme esclaves, la délégation a affirmé que ce constat était valable il y a quelques années, mais a assuré qu'aujourd'hui, les choses sont vécues autrement sur le terrain. Désormais, a-t-elle fait valoir, les enfants pygmées vont à l'école et si l'on demande à un pygmée de travailler, il réclamera un salaire. La République centrafricaine compte aujourd'hui une fille pygmée à l'université, a en outre souligné la délégation.

Pour ce qui est des questions de santé, la délégation a indiqué que pour pallier la carence de sages-femmes dans le pays, ont été formées ce que l'on appelle des infirmières accoucheuses qui interviennent sur le terrain. La délégation a par ailleurs souligné que l'avortement n'a pas été légalisé en République centrafricaine; il n'est autorisé que s'il existe un risque pour la vie de la mère ou en cas de viol ou encore en cas de risque de malformation de l'enfant. L'avortement ne peut être décidé que par un collège de médecins, a ajouté la délégation, avant de préciser que dans le pays, on parle à ce sujet d'«interruption thérapeutique de grossesse». C'est dans la tranche d'âges de 18 à 21 ans que l'on trouve beaucoup de jeunes filles ayant recours à l'avortement, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a rappelé le sentiment des autorités centrafricaines selon lequel la République centrafricaine connaîtra une crise alimentaire sous six mois si la paix et la sécurité ne sont pas restaurées dans le pays.



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CEDAW14/017F