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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR L'INDE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, les rapports présentés par l'Inde sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et de ses deux Protocoles facultatifs: sur les enfants et les conflits armés et sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

M. Shankar Aggarwal, Secrétaire du Ministère des femmes et du développement de l'enfant de l'Inde, a souligné d'emblée que l'Inde abrite 20% de la population infantile mondiale. La Commission nationale pour la protection des droits de l'enfant a été créée en 2007 et, en 2013, une nouvelle politique nationale pour les enfants a été adoptée par le Gouvernement, selon une approche basée sur les droits et non plus une approche orientée vers le bien-être. Une ligne téléphonique d'urgence gratuite est en outre spécialement destinée aux enfants ayant besoin de soins et de protection. La loi sur le droit des enfants à une éducation gratuite et obligatoire est entrée en vigueur en avril 2010 et prévoit 8 années d'éducation élémentaire gratuite et obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 14 ans. M. Aggarwal a également indiqué la loi prévoit une peine d'emprisonnement à vie dans les cas de délits impliquant la traite d'enfants. Il a aussi insisté sur le fait que l'Inde n'est confrontée à aucune situation de conflit armé international ou non international et n'est donc pas confronté au phénomène des enfants impliqués dans les conflits armés.

La délégation indienne était également composée du Représentant permanent de l'Inde auprès des Nations Unies à Genève, M. Dilip Sinha, et d'autres fonctionnaires du Ministère des affaires extérieures, ainsi que de représentants du Ministère des femmes et du développement de l'enfant, du Ministère de la santé et de la protection familiale, du Ministère de l'intérieur, du Ministère du développement des ressources humaines et du Ministère du travail. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la définition de l'enfant; du travail des enfants; de la hiérarchie des normes et de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne; des questions de discrimination; de la prise en compte de l'opinion de l'enfant; de l'enregistrement des naissances; de la liberté de conscience et de religion; des enfants non accompagnés ayant besoin d'assistance; des violences sexuelles contre les enfants; des enfants handicapés; des questions de santé et d'éducation; des enfants réfugiés et requérants d'asile; ou encore de l'administration de la justice pour mineurs. Des réponses ont également été fournies aux questions soulevées par les experts au sujet de l'implication d'enfants dans les conflits armés ainsi que de la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Le rapporteur du Comité pour l'examen des rapports de l'Inde, M. Gastaud, a déploré que l'Inde maintienne la réserve qu'elle a émise à l'égard de l'article 32 de la Convention relatif au travail des enfants. Dans le domaine pénal, la structure fédérale de l'Inde fait obstacle à ce que certaines dispositions de la Convention soient dûment appliquées dans l'ensemble États fédérés – en tout cas au même rythme dans tous. Il a d'autre part déploré que le pays ne dispose pas d0une loi globale ou d'un code sur les droits de l'enfant. La discrimination reste une préoccupation en Inde, notamment pour ce qui a trait aux intouchables, aux communautés tribales, aux minorités religieuses ou encore aux personnes handicapées, a ajouté le rapporteur, soulignant que le problème est encore plus grave pour ce qui concerne les fillettes.

Le Comité rendra publiques à la fin des travaux, le 13 juin prochain, des observations finales sur chacun des rapports examinés en cours de session.


Lors de sa prochaine réunion publique, jeudi matin à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Indonésie (CRC/C/IDN/3-4)


Présentation des rapports de l'Inde

Présentant les rapports de l'Inde en vertu de la Convention et de ses deux premiers Protocoles facultatifs (CRC/C/IND/3-4, CRC/C/OPSC/IND/1 et CRC/OPAC/C/IND/1), M. SHANKAR AGGARWAL, Secrétaire du Ministère des femmes et du développement de l'enfant de l'Inde, a rappelé que son pays, qui compte quelque 1,2 milliard d'habitants, est profondément pluriel, c'est-à-dire multi-ethnique, multilingue, et multireligieux. Il a ajouté qu'avec 472 millions d'enfants, l'Inde abrite 20% de la population infantile mondiale. Bien que la diversité soit une force, il n'en demeure pas moins que la diversité socio-économique, culturelle voire géographique ne va pas sans poser des défis pour les décideurs politiques. L'Inde, plus grande démocratie du monde, est dotée d'une structure fédérale au sein de laquelle les gouvernements provinciaux jouissent d'une large autonomie. Le Gouvernement fédéral suit un programme de croissance inclusive pour le développement, en tenant compte de l'hétérogénéité du pays et sans jamais perdre de vue l'intérêt supérieur de l'enfant, a-t-il indiqué.

M. Aggarwal a ensuite indiqué qu'en 2007, la Commission nationale pour la protection des droits de l'enfant a été mise en place pour assurer que tout enfant dans le pays ait accès à l'ensemble de ses droits. Des commissions similaires ont été mises en place dans chacun des États et territoires indiens, à l'exception de deux territoires de l'Union. En avril 2013, une nouvelle Politique nationale pour les enfants a été adoptée par le Gouvernement, laquelle suit une approche basée sur les droits et non plus une approche orientée vers le bien-être comme c'était le cas pour la précédente politique nationale, qui datait de 1974.

Une loi a été adoptée en 2013 sur la sécurité alimentaire, une initiative historique qui vise à assurer la sécurité alimentaire et nutritive à un certain nombre de foyers éligibles dûment identifiés, avec des dispositions spécifiques à l'intention des enfants, et dont bénéficient les deux tiers des habitants du pays, soit 75% de la population rurale et 50% de la population urbaine.

Le nouveau schéma révisé pour le développement intégré de l'enfant, adopté en 2012, porte une attention particulière aux enfants de moins de trois ans ainsi qu'aux mères enceintes et allaitantes, entre autres, a poursuivi M. Aggarwal. Il a également attiré l'attention sur le nouveau programme lancé par le Gouvernement pour répondre aux besoins de santé des adolescents et qui couvre les domaines de la santé mentale, de la nutrition, de l'abus de stupéfiants, de la violence fondée sur le sexe et des maladies non transmissibles. M. Aggarwal a aussi indiqué que le Gouvernement indien avait créé, en mai 2012, un département distinct pour les affaires relatives au handicap, au sein du Ministère de la justice sociale.

En 2012 également, une loi relative à la protection des enfants contre les délits sexuels été adoptée, M. Aggarwal soulignant que cette loi est neutre du point de vue sexospécifique. La loi inverse la charge de la preuve en la reportant sur l'accusé dans les cas de délits graves.

S'agissant du Protocole sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. Aggarwal a notamment indiqué que le récent amendement apporté à la loi pénale (2013) définit la traite et prévoit une peine d'emprisonnement à vie dans les cas de délits impliquant la traite d'enfants. En outre, quelque 225 unités intégrées de lutte contre la traite de personnes ont été mises en place à travers le pays et un groupe de travail sur la traite de personnes a été mis sur pied avec les pays voisins afin de traiter des aspects transfrontières de ce problème.

Pour ce qui concerne le Protocole sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, M. Aggarwal a insisté sur le fait que l'Inde n'est confrontée à aucune situation de conflit armé international ou non international. Seuls quelques rares incidents de violence perpétrée par des éléments contestataires, incluant des extrémistes de gauche, sont traités de manière appropriée par les gouvernements étatiques. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures de protection et de bien-être pour le développement et la protection des enfants affectés par une telle violence, a assuré M. Aggarwal.

Le chef de la délégation indienne a par ailleurs souligné que son gouvernement était en train d'œuvrer à un réexamen – en vue d'un amendement – de la loi de 2000 sur la protection et les soins associés à la justice juvénile, notamment pour traiter des crimes de haine commis par des jeunes âgés de 16 à 18 ans. Depuis la dernière comparution de l'Inde devant le Comité, des organes statutaires chargés de l'application effective de la loi sur la justice juvénile ont été mis sur pied dans la quasi-totalité des districts du pays, a-t-il fait valoir. Des unités spéciales de police juvénile ont été créées dans 28 États et territoires de l'Union, a-t-il notamment indiqué.

Le chef de la délégation a souligné que l'Inde avait mis en place une ligne téléphonique d'urgence gratuite et spécialement destinée aux enfants, qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour les enfants ayant besoin de soins et de protection. Cette ligne a reçu plus de 38 millions d'appels entre mars 2013 et mars 2014.

M. Aggarwal a fait valoir que la loi sur le droit des enfants à une éducation gratuite et obligatoire était entrée en vigueur en avril 2010; elle prévoit 8 années d'éducation élémentaire gratuite et obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 14 ans. Cette loi a permis de réduire considérablement les écarts entre les sexes et les écarts sociaux qui existaient, en particulier au niveau du primaire, a-t-il fait valoir.

Examen du rapport au titre de la Convention

Questions et observations des membres du Comité

M. BERNARD GASTAUD, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Inde, a relevé que les enfants représentent 40% de la population indienne: c'est dire l'importance que revêt le dialogue avec le Comité. M. Gastaud a déploré que l'Inde maintienne la réserve qu'elle a émise à l'égard de l'article 32 de la Convention, sur le travail des enfants, et s'est enquis des raisons de ce maintien. Le rapporteur s'est également enquis de la place de la Convention dans la hiérarchie des normes juridiques en Inde. Peut-elle être directement invoquée devant les tribunaux? L'Inde envisage-t-elle la ratification du troisième Protocole à la Convention, qui prévoit une procédure de plaintes individuelles?

Dans le domaine pénal, la structure fédérale de l'Inde fait obstacle à ce que certaines dispositions de la Convention soient dûment appliquées dans l'ensemble États fédérés – en tout cas au même rythme dans tous, a poursuivi M. Gastaud. Il a d'autre part déploré l'inexistence d'une loi globale ou d'un code sur les droits de l'enfant.

Le rapporteur s'est en outre inquiété de l'insuffisance, qualitative et quantitative, de personnels aux fins de l'application de la Convention.

M. Gastaud s'est enquis de l'indépendance de la Commission nationale pour la protection des droits de l'enfant et a voulu savoir quelle part du budget le Gouvernement avait l'intention de consacrer à la mise en œuvre des droits de l'enfant.

La collecte des données pose un réel problème, a par ailleurs fait observer M. Gastaud, qui a constaté que le pays ne compte pas d'organe centralisé à cette fin.

Le rapporteur a demandé à la délégation si les droits de l'enfant faisaient l'objet d'un enseignement dans les écoles primaires et secondaires.

Si l'Inde dispose, notamment, d'une loi sur la reconnaissance des droits forestiers des tribus, le rapporteur a relevé qu'un grand projet - le projet POSCO - a suscité beaucoup d'émotion dans le pays, car il s'agit de l'implantation d'une unité sidérurgique qui menace de déplacement plus de 20 000 personnes.

Au regard de la variété des âges minima fixés par les différentes lois selon qu'il s'agisse de tel ou tel domaine (mariage, emploi, justice des mineurs), M. Gastaud a demandé si l'Inde envisage d'harmoniser sa législation à cet égard afin qu'elle soit conforme à l'article premier de la Convention.

La discrimination reste une préoccupation en Inde, notamment pour ce qui a trait aux Intouchables, aux communautés tribales, aux minorités religieuses ou encore aux personnes handicapées, a poursuivi le rapporteur. Des mesures ont certes été prises pour pallier ce problème, mais les résultats demeurent très limités car ces mesures ne sont pas toujours coordonnées, ni même adéquates. Le problème est encore plus grave pour ce qui concerne les fillettes, a souligné M. Gastaud.

Si la liberté d'expression semble globalement respectée, son principe n'est inscrit dans aucune norme législative, a par ailleurs fait observer M. Gastaud. Quant à la liberté de pensée, de conscience et de religion, elle n'est pas partout respectée, en particulier pour les enfants de groupes minoritaires, ajouté le rapporteur.

Parmi les membres du Comité qui ont pris la parole, une experte a fait part de son inquiétude face à l'ampleur que semblent avoir pris les abus sexuels contre les fillettes.

Il semblerait en outre que 60 à 70% des enfants qui vont à l'école soient victimes de châtiments corporels, a déclaré l'experte. Une autre a déploré l'insuffisance des efforts déployés pour prévenir et combattre les châtiments corporels, y compris au sein des familles; trop souvent, les enfants craignent leurs parents, a notamment souligné l'experte. En outre, de trop nombreux enfants vivent dans la rue, a-t-elle poursuivi.

Pour ce qui est des soins de substitution, l'experte a voulu savoir quelles mesures concrètes ont été prises depuis l'adoption en 2013 d'une nouvelle politique dans ce domaine.

Des préoccupations ont également été exprimées au sujet du suivi des enfants abandonnés dans les «boîtes à bébés»; en effet, nombre de ces enfants semblent ensuite disparaître. D'autres préoccupations portaient l'ampleur de la pratique des mères porteuses alors qu'il semble exister en Inde de véritables «usines à bébés» où des femmes pauvres portent des enfants pour des familles riches.

Une experte s'est enquise des mesures prises pour assurer un accueil adéquat des enfants handicapés à l'école. Cette même experte a fait part de ses préoccupations concernant la mortalité infantile, y compris au regard des disparités existantes en la matière entre États de l'Union indienne.

Un expert a soulevé la question de la corruption, y compris dans le domaine de l'éducation, qui connaîtrait un phénomène d'«enseignants fantômes». Il semble que les établissements scolaires publics enregistrent des résultats bien moindres que ceux du secteur privé, a d'autre part souligné l'expert, qui a déploré les faibles investissements réalisés par l'Inde dans le secteur de l'éducation – surtout eu égard au PIB du pays.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions sur la définition de l'enfant, la délégation a expliqué que l'âge limite fixé par la loi dépend des objectifs juridiques et sociaux visés par chaque loi dans le domaine considéré. Ainsi, l'âge minimum d'admission à l'emploi est fixé à 14 ans et l'âge minimum du mariage est de 18 ans pour les filles et de 21 ans pour les garçons.

S'agissant du travail des enfants, la délégation a indiqué qu'en vertu de la loi de 1986, l'emploi des enfants dans des travaux dangereux est interdit. Un projet d'amendement à cette loi a néanmoins été présenté au Parlement en décembre 2012 qui vise à interdire l'emploi des enfants de moins de 14 ans, ce qui correspond à l'âge de la fin de la scolarité obligatoire; ce projet envisage aussi d'interdire l'emploi des mineurs de moins de 18 ans dans l'industrie minière et dans les travaux dangereux. Le projet de loi prévoit en outre un alourdissement des peines encourues pour violation de la loi. Il devrait être adopté lors de la prochaine session parlementaire, a précisé la délégation.

En ce qui concerne la hiérarchie des normes et la place de la Convention dans l'ordre juridique interne, l'Inde a adopté une démarche dualiste, ce qui signifie que les traités ne sont pas automatiquement intégrés dans la législation interne. La délégation a ajouté que nombre de lois permettent de mettre en œuvre les dispositions de la Convention et qu'il n'a donc pas été jugé nécessaire d'adopter une loi globale sur les droits de l'enfant. En cas de conflit entre une disposition conventionnelle et une disposition de la législation interne, c'est la loi nationale qui prime, mais avant d'adhérer à un traité, l'Inde veille à ce qu'il n'existe aucun conflit entre ces deux sources de droit, a expliqué la délégation. Il y a quelques années, il est apparu qu'il était impossible de parvenir à un code de l'enfant uniforme compte tenu du nombre et de la diversité des parties prenantes. Aussi, c'est au travers d'amendements apportés aux diverses lois déjà existantes que le pays œuvre au perfectionnement de sa législation relative aux enfants. En 2013, l'Inde s'est dotée d'une politique générale sur l'enfance.

S'agissant du troisième Protocole facultatif à la Convention, qui met en place une procédure de plaintes individuelles, auquel l'Inde n'est pas partie, la délégation a fait valoir que tout individu peut déjà accéder aux tribunaux et à la Cour suprême s'il considère que ses droits ont été violés. Les enfants eux-mêmes peuvent saisir directement les tribunaux ou la Commission nationale pour la protection des droits de l'enfant ou tout autre organisme de protection des droits de l'homme, a précisé la délégation.

En ce qui concerne la lutte contre la discrimination, la délégation a souligné que la Constitution ne tolère aucune discrimination, quelle qu'en soit la raison. Toute infraction aux dispositions constitutionnelles entraîne le déploiement de «sanctions musclées», a-t-elle précisé. Elle a attiré l'attention sur le système de protection des castes et des laissés-pour-compte qui a été mis en place dans 21 États de l'Union. Des tribunaux spécifiquement destinés à traiter ce type d'affaires ont été mis ne place dans 31 États et territoires de l'Union et un certain nombre de tribunaux spéciaux ont également été mis en place pour engager des procédures accélérées dans ces affaires. Les données disponibles révèlent qu'environ un quart des crimes commis concernent des membres des castes et des laissés-pour-compte, a-t-elle précisé. La lutte contre la discrimination est un processus qui s'appuie notamment sur des organes comme la Commission des castes et tribus répertoriées ou la Commission des minorités.

Interrogée sur la lutte contre la discrimination à l'encontre des fillettes, la délégation a notamment fait état des mesures prises en vue d'améliorer l'alimentation des adolescentes âgées de plus de 11 ans. Les autorités ont mis en œuvre un programme alimentaire visant à remédier aux problèmes d'anémie touchant de nombreux adolescents en Inde.

La loi en vigueur en Inde prévoit que chaque enfant puisse exprimer son point de vue librement à tous les niveaux de la procédure de justice pour mineurs, d'autre part indiqué la délégation.

En ce qui concerne l'enregistrement des naissances, régi par une loi datant de 1969 et amendée en 2012 pour y intégrer notamment l'enregistrement des mariages, la délégation a indiqué que depuis 2003, de réels progrès ont été engrangés en la matière. Aujourd'hui, 83,6% des enfants qui naissent en Inde sont enregistrés; en 2006, ce taux avait même atteint 90% voire 100% dans certains États. Dans les institutions, ce taux dépasse les 93%, a précisé la délégation. Pour parvenir à un enregistrement universel, des registres ont été ouverts dans les hôpitaux et dans les centres de santé communautaires.

La liberté de conscience et de religion est prévue dans la Constitution indienne, a souligné la délégation, avant d'indiquer ne pas avoir connaissance de cas où des enfants se seraient plaints d'avoir dû adopter la religion de leurs parents. La législation en vigueur interdit aux enfants de changer de religion avant l'âge de 18 ans, tout comme il leur est interdit de se marier avant cet âge, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est des enfants non accompagnés, c'est à un comité spécial qu'il incombe de décider si l'enfant doit être placé dans une institution ou s'il doit être placé dans une famille ou auprès de toute autre personne chargée d'en prendre soin, a indiqué la délégation. La loi de 2000 sur la protection et la prise en charge de l'enfant prévoit la mise en place d'un certain nombre de structures statutaires: au niveau des États, ce sont les comités de protection et de bien-être de l'enfance et les tribunaux pour mineurs. Il convient de distinguer deux catégories d'enfants dans ces contextes: ceux qui ont besoin d'assistance et ceux qui sont en conflit avec la loi – ces derniers relevant du Conseil de la justice pour mineurs. Les enfants non accompagnés, c'est-à-dire abandonnés ou délaissés, doivent être présentés devant le comité de protection et de bien-être de l'enfance, lequel détermine si cet enfant peut être réintégré dans son foyer familial sans qu'aucune menace ne pèse sur lui. Il existe deux types d'établissements d'accueil pour les enfants non accompagnés ayant besoin d'assistance: ceux pour les courts séjours, qui accueillent les enfants dont les parents sont censés être retrouvés dans un délai relativement court, et ceux pour les longs séjours, a précisé la délégation. Il n'en demeure pas moins que la priorité est accordée au placement hors institution par le biais de programmes de parrainage, c'est-à-dire d'accueil non institutionnel des enfants, a indiqué la délégation.

La loi sur la justice pour mineurs de 2006 demande au Gouvernement de désigner dans chaque district des institutions qui seront spécifiquement chargées des adoptions, a d'autre part indiqué la délégation. Des lignes directrices relatives à l'adoption ont été approuvées en 2011 qui concernent les enfants abandonnés, orphelins et délaissés par leurs parents, a-t-elle ajouté.

La sécurité sur Internet aux fins de la protection de l'enfant constitue une priorité pour le Gouvernement indien, a assuré la délégation. La législation prévoit notamment le délit de harcèlement via Internet et des mesures ont été prises pour lutter contre la pornographie mettant en scène des enfants.

Pour ce qui est des violences sexuelles dont sont victimes les enfants, la délégation a indiqué qu'une étude a été menée en 2007 qui a révélé que près de la moitié des enfants indiens ont été confrontés à une forme ou une autre de violence sexuelle. Une loi contre les abus sexuels a été adoptée en 2012 afin de protéger les enfants à cet égard. Cette loi définit l'enfant comme toute personne âgée de moins de 18 ans. La charge de la preuve dans les cas de crime grave a été inversée et le non-signalement de tels cas a également été incriminé, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne les châtiments corporels, la délégation, après avoir souligné que ce problème concerne tous les pays, a assuré que s'est engagé en Inde un nouveau type de relation entre enseignants et élèves. Quoi qu'il en soit, la loi de 2009 qui énonce le droit de l'enfant à l'éducation gratuite et obligatoire prévoit un certain nombre de dispositions interdisant spécifiquement les châtiments corporels. La délégation a admis que la législation restait faible pour ce qui est de l'interdiction des châtiments corporels dans les cadres non scolaires; c'est pourquoi des amendements législatifs sont prévus qui devraient sanctionner le fait de faire subir intentionnellement à un enfant des blessures ou toute action susceptible de laisser des séquelles psychologiques.

Le bureau du registre des infractions pénales publie chaque année un rapport dont certaines rubriques rendent compte des délits commis à l'encontre des enfants, a d'autre part indiqué la délégation. La délégation a aussi attiré l'attention sur le portail internet baptisé TrackCHILD qui a été mis en place et dont l'objectif est de retrouver les enfants portés disparus.

Évoquant la question des mères porteuses, la délégation a fait état d'un projet de loi sur la procréation assistée qui envisage d'offrir un cadre juridique pour la gestation pour autrui, afin d'éviter le mauvais usage de ces pratiques. Selon ce projet de loi, une femme ne pourra être mère porteuse à plus de deux reprises, a-t-elle notamment indiqué.

S'agissant des enfants handicapés, la délégation a rappelé que l'Inde a accédé à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. La Constitution indienne prévoit que les enfants puissent se développer dans des conditions d'entière liberté, exempte de toute exploitation, a-t-elle souligné. Un département ministériel spécifique dispose de ressources précisément orientées vers l'aide aux enfants handicapés, a-t-elle précisé, avant d'attirer l'attention sur les modules de formation mis en place par les autorités à l'intention des personnels œuvrant auprès de ces enfants.

Le dépistage précoce des handicaps est privilégié par les autorités indiennes, a indiqué la délégation, précisant que plusieurs milliers d'équipes mobiles ont été créées à cette fin. En 2013, plus de 44 millions d'enfants ont fait l'objet d'un tel dépistage.

En vertu de la législation en vigueur depuis 2009, le droit à l'éducation gratuite et obligatoire est garanti pour tous les enfants pour une durée de huit années – y compris, bien entendu, pour les enfants handicapés. La législation insiste sur la nécessité pour les établissements scolaires de prendre les dispositions nécessaires pour assurer l'accueil des enfants handicapés, a souligné la délégation. Un projet de loi sur le handicap est en cours d'examen qui prévoit de traiter de toutes les questions soulevées par cette problématique selon une approche fondée sur les droits, a en outre indiqué la délégation. Les autorités allouent 3000 roupies par enfant handicapé pour veiller à ce que chacun d'entre eux soit dûment intégré à l'école, a-t-elle insisté.

S'agissant des questions de santé, et plus particulièrement de la mortalité infantile, la délégation a fait part de l'approche fondée sur le «cycle de la vie» adoptée par les autorités indiennes en matière sanitaire et qui, désormais, attache la plus grande importance à la qualité de vie des enfants. Le Gouvernement s'efforce donc de prendre des mesures afin de diagnostiquer le plus précocement possible tout retard de développement chez l'enfant, a-t-elle souligné. La délégation a rappelé que le taux de mortalité infantile en Inde avait été ramené à 52 pour mille. Selon les dernières données disponibles, quelque 78% des accouchements se font désormais à l'hôpital.

La délégation a ensuite attiré l'attention sur le succès enregistré par l'Inde en matière d'éradication de la poliomyélite, le pays ayant récemment été déclaré totalement exempt de cette maladie. Les prochains objectifs de l'Inde portent sur les maladies non transmissibles; ainsi, le tétanos néonatal, qui est en net recul, figure au nombre de ces objectifs.

La délégation a assuré que 40% des nouveau-nés bénéficient d'un allaitement maternel exclusif. Les autorités espèrent accroître ce taux grâce aux campagnes d'information mises en place à cette fin, a-t-elle précisé.

La délégation a indiqué que la question des réfugiés et requérants d'asile relève de la loi nationale sur la citoyenneté, la naturalisation et les étrangers. L'Inde a adopté et respecte le principe de non-refoulement et de rapatriement volontaire, a-t-elle précisé. Des visas à long terme et des permis de travail sont accordés aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié et le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) apporte une aide juridique aux réfugiés éligibles souhaitant acquérir la citoyenneté indienne. Au total, l'Inde compte environ 180 000 enfants réfugiés, parmi lesquels 109 000 Tibétains et plus de 60 000 Sri-Lankais, a précisé la délégation.

L'Inde n'a pas adhéré à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés ni à son Protocole de 1967, car ces instruments ne couvrent pas, selon elle, la situation de grands pays en développement exposés aux flux massifs de réfugiés venus de pays tiers, a expliqué la délégation.

L'Inde accueille de nombreux réfugiés provenant du Pakistan et de l'Afghanistan; elle s'efforce de trouver des solutions durables pour ces personnes – notamment pour ce qui est des réfugiés afghans – et l'une de ces solutions durables consiste à assurer le retour en toute sécurité de ces personnes dans leur pays d'origine.

S'agissant de l'administration de la justice pour mineurs, la délégation a assuré que le Gouvernement indien n'avait absolument pas l'intention d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale. Elle a néanmoins insisté sur la nécessité de revoir les dispositions juridiques régissant les crimes – parfois odieux, tels que le viol en bande – perpétrés par des jeunes âgés de 16 à 18 ans.

Des inquiétudes ont été exprimées au sujet des quelque 8 millions d'enfants qui ne vont pas à l'école. La délégation a fait valoir que le taux d'abandon scolaire (enfants de 6 à 14 ans) a sensiblement diminué en Inde depuis l'adoption de la loi de 2009 sur la scolarité obligatoire et gratuite, passant de 9,1% en 2010 à 5,6% en 2013.

Une experte s'étant inquiétée d'informations faisant état d'un nombre de 33 millions de jeunes filles mineures qui seraient mariées, la délégation a rendu compte des condamnations prononcées contre ces pratiques de mariage précoce. L'âge moyen du mariage est de 17,1 ans pour les garçons et les filles confondus, a précisé la délégation.

Examen du rapport sur l'implication d'enfants dans les conflits armés

Questions et observations des membres du Comité

M. GEHAD MADI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Inde au titre du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, s'est enquis du statut de cet instrument dans le droit interne indien. Il a exprimé l'espoir que l'Inde lèvera la déclaration qu'elle a faite au sujet de ce Protocole et envisagera donc d'élever à 18 ans l'âge de recrutement volontaire dans l'armée. Il s'est en outre inquiété de ce que la détermination de l'âge des recrues se fonde sur la seule déclaration de la personne recrutée.

La législation indienne interdit-elle et pénalise-t-elle l'enrôlement d'enfants de moins de 18 ans, a poursuivi le rapporteur? Qu'en est-il de l'âge minimum d'enrôlement dans les forces de police et autres comités de défense des villages dans les différents États de l'Union, a-t-il demandé?

De nombreuses informations font état de groupes armés dans diverses parties du pays, notamment au Cachemire; or ces groupes recruteraient des mineurs de moins de 18 ans, s'est en outre inquiété M. Madi. Aussi, a-t-il demandé à l'Inde d'envisager d'adopter une législation interne qui pénalise très strictement l'enrôlement d'enfant dans des groupes armés, même non étatiques.

M. Madi a par ailleurs souhaité en savoir davantage au sujet de la procédure d'extradition. Ila aussi voulu savoir si l'Inde dispose d'une loi claire interdisant l'exportation d'armes vers des pays où des enfants sont enrôlés.

Une autre experte a également mentionné des informations selon lesquelles des enfants auraient été recrutés par des forces non gouvernementales, et a demandé si la délégation disposait de données au sujet de ces enfants. L'experte s'est par ailleurs inquiétée d'informations faisant état de nombreux enfants ayant disparu. Elle a également déploré que certains enfants ayant été enrôlés de force dans des groupes armés semblent avoir été arrêtés pour avoir été impliqués dans des opérations armées.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que l'âge minimum de recrutement par l'Académie militaire est de 16 ans et demi. La formation dans cette Académie dure trois ans, de sorte qu'au moment de leur recrutement dans l'armée, les jeunes recrues ont au moins 19 ans et demi. Pour s'inscrire dans une école militaire, le mineur doit obtenir le consentement de ses parents ou tuteur, a ajouté la délégation. L'âge de recrutement dans les «forces paramilitaires centrales» - y compris la police – est d'au moins 18 ans, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le Gouvernement indien a eu connaissance d'informations émanant de plusieurs organisations non gouvernementales et organes de presse selon lesquelles des extrémistes d'extrême gauche auraient recruté des enfants âgés de 6 à 12 ans. Les activités de ces groupes étant clandestines par nature, il est difficile pour les autorités de contrôler ces informations, a expliqué la délégation. Au Jammu-et-Cachemire et dans le Nord-Est, il y a des cas connus de recrutement d'enfants par des groupes armés, a poursuivi la délégation.

Aucun enfant de moins de 18 ans n'a été arrêté en vertu de la loi de sécurité publique en vigueur au Jammu-et-Cachemire, a d'autre part assuré la délégation.

La délégation a affirmé que lorsqu'un acteur non étatique entreprend d'utiliser un enfant, c'est en général pour l'employer comme bouclier humain.

En vertu du code pénal indien, un délit commis par un ressortissant indien à l'étranger est punissable en vertu du droit indien, a par ailleurs indiqué la délégation.

Examen du rapport sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Questions et observations des membres du Comité

MME HIRANTHI WIJEMANNE, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport présenté par l'Inde au titre du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a demandé à la délégation si elle était en mesure de confirmer ou d'infirmer les informations selon lesquelles l'Inde serait un pays de source, de destination et de transit pour la traite de personnes. Les garçons font-ils, eux aussi, comme le laissent entendre certaines informations, l'objet de traite à des fins d'exploitation par le travail.

Mme Wijemanne a salué la loi de 2013 relative aux crimes sexuels perpétrés contre les femmes et les fillettes. Néanmoins, des informations laissent apparaître que la plupart des crimes sexuels sont commis par des personnes dites de confiance, a-t-elle fait observer. Dans ce contexte, qu'en est-il de la possibilité pour l'enfant de porter plainte lorsque la personne qui a commis le crime est une «personne de confiance»?

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet des mesures préventives envisagées par l'Inde aux fins du respect des dispositions du Protocole.

Réponses de la délégation

Des dispositions spécifiques du code pénal couvrent les délits relevant du Protocole facultatif. La loi pénale a été amendée en 2013 pour adapter la législation indienne aux dispositions du Protocole, a-t-elle insisté.

En 2008, 49 enfants ont été vendus, soit un chiffre moindre que celui de l'année précédente pour ce même crime. La délégation a souligné que de tels actes sont punis par de très lourdes peines en vertu du code pénal indien.

Des liens ont pu être établis entre les enfants portés disparus et le phénomène de la traite, a par ailleurs affirmé la délégation. Elle a attiré l'attention sur les quelque 225 unités de lutte contre la traite qui ont été mises en place dans de nombreux districts du pays et qui ont participé à plus de mille opérations ayant permis de libérer plus de 3000 enfants qui étaient exploités à des fins sexuelles ou de travail.

La pauvreté étant incontestablement une cause majeure de vulnérabilité face aux pratiques relevant du Protocole, le Gouvernement a pris un grand nombre de mesures de lutte contre la pauvreté, telles que des mesures en faveur de la nutrition ou encore la loi de garantie d'emploi rural, a fait valoir la délégation.

Dans chaque district du pays, un tribunal spécial a été mis sur pied, chargé de juger les crimes sexuels commis à l'encontre des enfants, a en outre indiqué la délégation.

Conclusions

M. BENYAM DAWIT MEZMUR, Vice-Président du Comité, a salué l'engagement du Gouvernement de l'Inde et a estimé que le pays peut relever les défis auxquels il est confronté. Certains points qui ont été soulevés durant l'examen des rapports indiens sont structurels; il y a très peu de domaines pour lesquels le Comité est «profondément préoccupé» s'agissant de l'Inde, en dehors de celui ayant trait à la discrimination, des tribus et castes et des filles appartenant à ces groupes, a souligné M. Mezmur. Parmi les autres domaines pour lesquels le Comité est «préoccupé», le Vice-Président a évoqué les soins de substitution et la question des mères porteuses. La mise en œuvre – ou exécution – est incontestablement le mot clef qu'il convient de retenir à l'issue de ce dialogue; il faut que l'Inde se concentre sur la mise en œuvre, a déclaré l'expert.


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