Aller au contenu principal

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DU ROYAUME-UNI SUR LA LUTTE CONTRE L'EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport du Royaume-Uni sur la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui concerne la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

M. John O'Brien, Director of Safeguarding au Ministère de l'intérieur du Royaume-Uni (Home Office), a assuré que son gouvernement accordait un rang prioritaire au domaine couvert par le Protocole. Il a précisé que le Protocole ne s'applique pas encore aux territoires d'outre-mer et aux dépendances de la Couronne. Les abus contre les enfants sont inacceptables et il convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que ces infractions révoltantes ne soient plus dissimulées. Les enfants qui sont victimes d'exploitation sexuelle ou autre ne doivent pas être considérés comme coupables de prostitution mais comme des victimes; les enfants ne sauraient donner leur assentiment à leur exploitation, a insisté M. O'Brien. Le représentant britannique a indiqué que les autorités britanniques avaient l'intention de présenter un projet de loi sur l'esclavage moderne afin d'éliminer cette pratique et de sanctionner les responsables.

La délégation britannique, également composée d'autres représentants du Home Office, s'est notamment attachée à fournir des réponses aux questions des membres du Comité s'agissant des notions de traite et de vente d'enfants et du nouveau projet de loi sur l'esclavage moderne qui doit regrouper dans un même texte l'ensemble des délits couverts par le Protocole et aggraver les peines encourues. Elle a aussi renseigné le Comité sur la législation applicable en matière de mariages forcés; les questions d'extradition; la situation dans les territoires d'outre-mer; ou encore de la responsabilité pénale des entreprises s'agissant par exemple du travail des enfants.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, Mme Renate Winter, a souligné la complexité de la situation sur le plan juridique du fait des différences entre les législations en vigueur dans les différentes parties du Royaume. Il est pour le Comité difficile de comprendre pourquoi le Protocole ne s'applique pas dans les territoires d'outre-mer, a ajouté Mme Winter. Plusieurs membres du Comité se sont en outre inquiétés de lacunes dans la législation existante s'agissant de la protection accordée aux enfants âgés de 16 à 18 ans.

Le Comité rendra publiques à la fin des travaux, le 13 juin prochain, des observations finales sur les rapports examinés en cours de session.


Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen des rapports qui seront présentés par l'Inde en vertu de la Convention et de ses deux premiers Protocoles facultatifs (CRC/C/IND/3-4, CRC/C/OPSC/IND/1 et CRC/OPAC/C/IND/1). Le dialogue avec la délégation de l'Inde se poursuivra jusqu'à mardi soir.


Présentation du rapport du Royaume-Uni

Présentant le rapport du Royaume-Uni au titre Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/GBR/1), M. JOHN O'BRIEN, Director of Safeguardingau Ministère de l'intérieur du Royaume-Uni (Home Office), a souligné que le domaine couvert par ce Protocole constituait une priorité absolue pour son gouvernement. Il a précisé que durant ce dialogue, la délégation ne serait pas à même de fournir des réponses sur les territoires d'outre-mer et les dépendances de la Couronne, auxquels le Protocole ne s'applique pas encore.

Les abus contre les enfants sont inacceptables et il convient de prendre toutes les mesures pour assurer que ces infractions révoltantes ne soient plus dissimulées, a déclaré le chef de délégation. Les enfants qui sont victimes d'exploitation sexuelle ou autres ne doivent pas être considérés comme coupables de prostitution mais comme des victimes; les enfants ne sauraient donner leur assentiment à leur exploitation, a insisté M. O'Brien.

De nouvelles orientations ont été adoptées à l'intention de la police et des procureurs, a poursuivi M. O'Brien. Les autorités britanniques ont aussi l'intention de présenter un projet de loi sur l'esclavage moderne afin d'éliminer cette pratique et de sanctionner les responsables. Elles comptent en outre revoir tous les éléments du système pénal afin d'améliorer la protection des victimes et de renforcer les enquêtes sur les infractions sexuelles à l'encontre des enfants. Le Gouvernement est également très attaché à la protection des victimes et des témoins, a-t-il ajouté.

S'agissant des abus contre les enfants par le biais d'Internet, M. O'Brien a notamment indiqué que les autorités britanniques concernées travaillent auprès des entreprises œuvrant dans ce secteur en vue de renforcer la lutte contre les images pédopornographiques.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME RENATE WINTER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, a félicité le Royaume-Uni pour la présentation de ce rapport initial. La situation semble complexe s'agissant des aspects juridiques de ces questions en raison des différences entre les législations en vigueur dans les différentes parties du Royaume. Il est difficile pour le Comité de comprendre pourquoi le Protocole ne s'applique pas dans les territoires d'outre-mer, a ajouté Mme Winter.

Un autre membre du Comité a reconnu que le Royaume-Uni a pris de nombreuses mesures qui constituent des avancées dans la réalisation des droits prévus par le Protocole, même si des préoccupations demeurent s'agissant de la mise en œuvre de ses dispositions. Il a notamment demandé si le pays envisage de mettre en place un mécanisme global de collecte et d'analyse d'informations ayant trait à tous les domaines couverts par le Protocole et dans tous les territoires se trouvant sous la juridiction du Royaume-Uni, notamment s'agissant de la situation des enfants sans papiers, non accompagnés ou mendiants. Il s'est également enquis de données ventilées sur les enfants victimes de violations du Protocole.

Cet expert a également insisté sur l'importance qu'il y a à ériger en délit autonome la vente, la traite, la prostitution impliquant des enfants et toute autre forme d'exploitation. Il s'est en outre enquis de l'intention du Royaume-Uni de renforcer la diffusion du Protocole auprès de toutes les catégories de la population. Comment faire pour autonomiser les enfants et faire en sorte qu'ils puissent défendre eux-mêmes leurs droits, notamment en matière sexuelle, a demandé l'expert? Il s'est enquis des mesures prévues pour renforcer la formation multidisciplinaire à l'intention de tous les personnels impliqués dans l'action en faveur des enfants à la lumière du Protocole. Serait-il possible, sur la base du rapport Davies, de modifier la loi sur les violences sexuelles de 2003, afin de tenir compte des infractions extraterritoriales, a aussi demandé l'expert?

Une autre experte s'est indignée qu'une jeune fille de 16 ans victime de viol collectif ait été «bombardée» de questions par les avocats des accusés pendant une semaine jusqu'à ce qu'elle s'effondre; comment se fait-il qu'un juge autorise cela?

Il ne semble y avoir aucune disposition concernant spécifiquement les enfants dans la législation relative à la traite. En outre, la loi semble lacunaire pour ce qui est des mineurs âgés de 16 à 18 ans, ont relevé des membres du Comité. Une experte a demandé si le trafic d'organes et le travail forcé sont pris en compte par la législation.

Cette experte s'est en outre inquiétée de la situation d'enfants sacrifiés dans des rituels vaudous, cette pratique étant répandue en Afrique et dans les Caraïbes; elle a voulu savoir quels contrôles sont prévus aux frontières du Royaume-Uni afin de prévenir ce type de pratiques. Qu'en est-il de l'assistance juridique à disposition des enfants? L'experte a en outre plaidé en faveur d'une uniformisation des lois relatives à l'extradition au sein des différentes entités composant le Royaume-Uni.

Le fait de soumettre un enfant au travail forcé est-il qualifié de vente d'enfants et puni en tant que telle au Royaume-Uni, a souhaité savoir un expert?

Au regard du tableau figurant au paragraphe 27 du rapport initial, qui présente le nombre de personnes reconnues coupables, ventilé par type d'infractions à caractère sexuel, un expert a demandé des précisions sur la définition de l'enfant au Royaume-Uni. Un autre s'est enquis des mesures de protection spéciale prévues pour les enfants âgés de 16 à 18 ans, notamment pour éviter que ces enfants ne «tombent entre les griffes de la mafia».

La traite d'enfants ne semble pas être considérée comme un délit en tant que tel mais seulement considérée comme une circonstance aggravante si la victime est un enfant, s'est pour sa part inquiétée une experte.

Des préoccupations ont également été exprimées au sujet de la vulnérabilité des enfants résidant dans des bed and breakfast, une forme de placement d'enfants.

Une experte a souhaité savoir si un tuteur était nommé pour tout enfant non accompagné arrivant au Royaume-Uni.

Un membre du Comité a salué comme un excellent exemple de coopération internationale dans le cadre d'Interpol, l'affaire célèbre ayant permis l'arrestation de pédophiles dans différents pays, y compris au Royaume-Uni. Il a demandé souhaité en savoir davantage au sujet de cette affaire.

Un expert a souhaité connaître la position du Royaume-Uni s'agissant de la tendance croissante, à travers le monde, à reconnaître la responsabilité pénale – et non plus seulement civile – des personnes morales, c'est-à-dire des entreprises.

À qui incombe la charge de la preuve du non-consentement dans un cas d'exploitation sexuelle, a demandé un expert, après qu'une experte eut souligné qu'en droit international, l'idée de consentement d'un mineur à son exploitation sexuelle ne saurait être recevable?

Réponses de la délégation

La délégation a reconnu que la notion de vente dans le Protocole est plus large que celle de traite. Néanmoins, le Royaume-Uni pense que la combinaison de législations dont s'est doté le pays est très complète; ainsi, si la législation ne renvoie pas nécessairement à la vente – un concept mal compris par les organes du parquet et la police – la traite est considérée comme le fait d'arranger ou faciliter le transfert d'une personne – vers le Royaume-Uni ou à partir du pays – à des fins d'exploitation sexuelle ou autre, y compris la vente d'organes. L'article 71 de la loi sur la justice de 2001 interdit l'esclavage tel que défini dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, a par ailleurs souligné la délégation.

S'agissant de la définition de l'enfant, la loi sur les infractions sexuelles est suffisamment large; l'exploitation sexuelle d'un enfant est absolument illégale quel que soit l'âge de l'enfant. Enfant s'entend de personnes jusqu'à 18 ans révolus, même si des plafonds différents sont retenus pour les peines encourues, qui sont fonction de l'âge.

En vertu de la législation actuellement en vigueur au Royaume-Uni, un délit est commis lorsqu'une personne utilise une autre personne pour obtenir des bénéfices ou des avantages alors que cette autre personne a été choisie en raison de sa vulnérabilité, ce qui renvoie bien entendu, entre autres, à l'âge. Dans un tel contexte, une personne considérée comme vulnérable ne saurait être réputée consentir à des activités telles que celles interdites par le Protocole, a souligné la délégation.

Il n'est pas prévu à ce stade que la législation contienne de délit particulier sur l'exploitation sexuelle des enfants, a indiqué la délégation. Elle a toutefois précisé que la vulnérabilité particulière des enfants est mentionnée dans la formation dispensée aux personnels concernés. La mention de l'âge n'a pas été retenue dans la législation car le Royaume-Uni ne souhaite pas que la justice soit saisie de la question de déterminer si une personne a 17 ou 18 ans, par exemple, a par ailleurs expliqué la délégation.

La vente d'enfants est un délit très grave; le projet de loi sur l'esclavage moderne qui sera prochainement présenté au Parlement entend alourdir la peine maximale encourue pour esclavage, laquelle pourra aller jusqu'à l'emprisonnement à vie, a indiqué la délégation. Elle a ajouté qu'un haut-commissaire sur l'esclavage serait mis en place. La délégation a expliqué qu'en rassemblant tous les délits couverts par le Protocole dans une même loi sur l'esclavage, le Royaume-Uni entend faciliter le travail des autorités concernées.

Une nouvelle définition du délit de mariage forcé entrera en vigueur prochainement, a par ailleurs indiqué la délégation.

La loi sur l'extradition de 2003 permet d'extrader vers un État tiers toute personne condamnée et encourant une peine d'au moins un an, a indiqué la délégation.

Interpelée sur les mesures prises à l'égard des ressortissants britanniques commettant des infractions contre des enfants à l'étranger, la délégation a indiqué que la National Crime Agency (NCA), entre autres, mène des enquêtes à l'étranger. Le commandement du Centre pour la sécurité sur Internet et la lutte contre l'exploitation des enfants (CEOP) a également des relations avec l'étranger, ainsi qu'avec Interpol et Europol.

En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, la délégation a souligné que les autorités du Royaume-Uni n'ont de cesse d'encourager ces territoires à déclarer que les traités des Nations Unies les concernent et s'appliquent à eux. Mais cela ne peut être le cas qu'à partir du moment où ces territoires sont prêts à appliquer les traités, ce qui n'est pas aisé pour eux, eu égard aux ressources limitées dont ils disposent à cette fin. Il convient de rappeler que ces territoires ont la capacité autonome de légiférer au niveau local, a ajouté la délégation. Il revient à ces territoires eux-mêmes de demander au Royaume-Uni de leur étendre l'application des traités.

La délégation a fait part de l'intention des autorités britanniques de veiller à ce que soient généralisée la pratique des enregistrements d'interrogatoires d'enfants afin de faire en sorte que les jeunes victimes ne soient pas obligées de revivre plusieurs fois leur calvaire en apportant leur témoignage à plusieurs reprises.

S'agissant de la responsabilité pénale des personnes morales, la délégation a indiqué que les dispositions législatives prévoient qu'une amende peut être infligée à une entreprise; elle peut en outre être astreinte à diffuser un avis indiquant qu'elle a été condamnée.

La délégation a indiqué qu'elle répondrait ultérieurement par écrit à la question qui lui a été adressée s'agissant des enfants hébergés dans des bed and breakfast, ainsi qu'à celle relative aux mesures prises pour prévenir et combattre le tourisme sexuel.

Conclusions

M. WANDERLINO NOGUEIRA NETO, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, a salué le dialogue constructif qui s'est noué entre le Comité et la délégation britannique et a invité cette dernière à assurer les enfants du Royaume-Uni que le Comité restera toujours alerte face à leur situation afin de promouvoir leur participation active à la société ainsi que leur dignité et leurs libertés essentielles.

Le fait de soumettre un enfant au travail forcé, par exemple, constitue, au sens du Protocole, une vente d'enfant, a tenu à souligner un membre du Comité, ajoutant que dans ce cas, il n'y a pas nécessairement transfert de l'enfant. Les mariages forcés, dans bien des cas, correspondent à des cas de vente d'enfants et il est donc important de disposer de critères spécifiques pour la vente et pour la traite, a insisté une autre experte.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRC14/008F