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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT D'EL SALVADOR

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui le rapport présenté par El Salvador sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport d'El Salvador a été présenté par sa Représentante permanente auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, Mme Victoria Marina Velásquez de Avilés. Elle a souligné l'importance que le nouveau gouvernement attache au respect des droits de l'homme, un engagement illustré par la reconnaissance des victimes des graves violations commises pendant la guerre civile et la décision de prendre des mesures de réparation. Par ailleurs, la politique d'économie et d'austérité lancée l'an dernier a veillé à ne pas porter atteinte aux programmes sociaux. La représentante a aussi attiré l'attention sur les mesures prises pour lutter contre la discrimination à l'égard de la femme. Elle a par ailleurs fait valoir que le Ministère du travail avait lancé une politique de discrimination positive en faveur des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres dans les institutions publiques. Elle a aussi souligné qu'El Salvador reconnaît désormais les populations autochtones qui vivent sur son territoire. En matière de lutte contre la corruption, divers mécanismes ont été mis en place dans toutes les administrations publiques. La représentante salvadorienne a indiqué par ailleurs que les résultats de la politique sociale et l'effet redistributif des réformes entreprises avaient contribué à la diminution de la pauvreté dans le pays.

La délégation salvadorienne, entièrement féminine, était également composée de Mme Ana Guadalupe Medina, magistrat au Tribunal électoral suprême, et de Mme Paula Patricia Velásquez Centeno, procureur général adjoint de la République. Elle a répondu à des questions des membres du Comité portant notamment sur la gravité des phénomènes de violence dans la société salvadorienne et sur l'interdiction totale de l'avortement. La délégation a reconnu que la violence était ancrée très profondément dans la société, mais attiré l'attention sur la trêve qui a pu être conclue avec les maras, ces bandes de jeunes délinquants urbains. L'interdiction de l'avortement depuis 1999 soulève des débats passionnés dans le pays; la délégation a reconnu qu'il s'agissait d'un recul du droit des femmes. Le pays a par ailleurs une forte volonté de lutter contre la corruption, la délégation rappelant notamment qu'un ancien président de la République avait été condamné.

M. Mikel Mancisidor, membre du Comité chargé de l'examen du rapport d'El Salvador, a constaté que la pauvreté avait diminué en dépit d'une politique d'austérité, tout en s'interrogeant sur l'impact des réformes engagées. Il s'est également intéressé au statut des populations autochtones, récemment reconnues par l'État, mais s'est demandé si tout était fait pour respecter le principe de la propriété collective de la terre. Il s'est également interrogé sur l'impact des efforts menés pour combattre la corruption et a dit sa préoccupation s'agissant des ressources insuffisantes dont dispose le Médiateur.

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 23 mai prochain.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport périodique de la Serbie (E/C.12/SRB/2)

Présentation du rapport

Présentant le rapport d'El Salvador (E/C.12/SLV/3-5), MME VICTORIA MARINA VELÁSQUEZ DE AVILÉS, Représentante permanente d'El Salvador auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a indiqué que ce document était le fruit du travail d'une équipe interinstitutionnelle coordonnée par le Ministère des affaires étrangères à laquelle ont participé 38 institutions nationales. Elle a regretté qu'aucun ministre n'ait pu faire le déplacement de Genève, le pays étant dans un processus de transition gouvernementale à la suite des élections du 9 mars dernier qui ont vu la victoire du Front Farabundo Martí de libération nationale.

Une des dimensions fondamentales impulsées par le nouveau Gouvernement est le respect des droits de l'homme, illustré par la reconnaissance des droits des victimes des graves violations commises pendant la guerre et la décision de prendre des mesures de réparation. Bien que cette obligation figurait dès l'origine dans les Accords de paix, elle n'avait pas été mise en œuvre par les gouvernements précédents. Mme Velásquez de Avilés a indiqué par ailleurs que son pays avait reçu six rapporteurs spéciaux de l'ONU depuis 2009, une invitation ouverte étant adressée à l'ensemble des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Un processus de consultation nationale a été lancé sur la question de l'adhésion et de la ratification de divers traités auxquels El Salvador n'est pas partie.

La représentante salvadorienne a souligné que l'État reconnaît l'existence des populations autochtones sur son territoire et a attiré l'attention sur la Direction nationale des peuples autochtones et de la diversité culturelle, qui a notamment défini une politique publique en faveur des populations autochtones.

En matière de lutte contre la corruption, l'État a mis en œuvre dans toutes les administrations publiques divers mécanismes visant à prévenir, combattre et réduire ce phénomène. Par ailleurs, la politique d'économies et d'austérité lancée l'an dernier a veillé à ne pas affecter les programmes sociaux ciblant les populations les plus vulnérables. Mme Velásquez de Avilés a aussi indiqué qu'une Direction de la diversité sexuelle a été mise en place au sein du Secrétariat de l'inclusion sociale et que le Ministère du travail avait mis en place un programme de discrimination positive en faveur des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres dans les institutions publiques. Il s'agissait d'une revendication de la société civile.

Pour ce qui concerne les personnes handicapées, le cadre juridique salvadorien établit l'égalité en matière d'éducation et d'emploi et toute entreprise comme toute administration doit respecter la proportion d'un handicapé pour 25 employés ou fonctionnaires. Depuis 2010, une politique nationale d'éducation inclusive a été mise en œuvre qui permet la scolarisation d'enfants handicapés dans les établissements ordinaires.

S'agissant de la lutte contre la violence à l'égard des femmes, le chef de la délégation a souligné qu'une loi spéciale contre la violence reconnaît tous les types de violences et s'accompagne de programmes de sensibilisation de la population.

En matière de parité, la loi de 2013 régissant les partis, ainsi que la réforme du code électoral, prévoient un quota d'au moins 30% de femmes. Des normes juridiques réglementent le travail domestique dans le cadre de la Politique nationale de la femme. Il est concrétisé par un Plan national d'égalité et d'équité. La représentante a aussi attiré l'attention sur le Régime spécial de la santé et de la maternité pour les travailleurs et travailleuses des services domestiques qui concernait plus de 2500 personnes à la fin 2013, dont plus de 90% de femmes. Des mesures ont aussi été prises en faveur de l'accès à la sécurité sociale des travailleuses du secteur informel.

La loi de développement et de protection sociale adoptée le mois dernier par l'Assemblée nationale crée un Système national de développement, de protection et d'inclusion sociale qui comprendra un sous-système de protection sociale universelle. Dans le cadre de la réforme de la santé, le Ministère de la santé a lancé un Programme national contre le VIH/sida comprenant l'accès aux traitements antirétroviraux.

La représentante salvadorienne a par ailleurs fait valoir que son Gouvernement s'était attelé à l'élimination du travail des enfants dans le cadre d'un programme spécifique d'éradication qui repose sur le renforcement du niveau de vie des familles. À ce stade, 65 000 foyers bénéficient de ce programme. Il a aussi mis en place un Conseil national contre la traite des personnes qui peut s'appuyer sur la politique nationale adoptée dans ce domaine. Par ailleurs, El Salvador est actif dans la Coalition régionale regroupant les États d'Amérique centrale et le Mexique.

Mme Velásquez de Avilés a indiqué que les résultats de la politique sociale et l'effet redistributif des réformes entreprises avaient contribué à la diminution de la pauvreté. Le pourcentage de foyers pauvres est ainsi passé de 40 à 34% entre 2011 et 2012, une diminution qu'elle a qualifiée d'historique, compte tenu du contexte économique et des catastrophes naturelles ayant frappé la région. En chiffres absolus, cela signifie que 300 000 Salvadoriens sont sortis de la pauvreté depuis 2008.

La représentante a aussi indiqué que le Gouvernement avait pris des mesures en faveur de l'accès au logement. Pour sa part, la réforme de la santé en cours vise à offrir à terme une couverture universelle, avec une attention particulière portée à la santé maternelle. Enfin, en matière d'éducation, l'État a entrepris des actions importantes au travers d'un Plan social éducatif intitulé «Vamos a la Escuela» («allons à l'école»), qui vise à lutter contre le décrochage et à améliorer la qualité de l'enseignement. Enfin, le Gouvernement est attaché à voir sa jeunesse rester au pays et a pris des mesures pour inciter ceux qui sont partis à rentrer. Les jeunes doivent avoir d'autres choix que celui de l'émigration, a souligné Mme Velásquez de Avilés.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. MIKEL MANCISIDOR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport d'El Salvador, a demandé au pays de présenter son rapport dans les temps et non pas sous la forme combinée de deux documents comme c'est le cas aujourd'hui. Il a déploré que les réponses aux questions du Comité soient arrivées très tardivement, il y dix jours seulement, ce qui ne permet pas à tous les experts d'en prendre connaissance et de travailler sur un pied d'égalité du fait que le document n'ait pu être traduit.

Le rapporteur a constaté que la pauvreté avait diminué en dépit d'une politique d'austérité. Il a souhaité de plus amples précisions sur les réformes engagées. Il a aussi voulu savoir dans quelle mesure les institutions salvadoriennes, les tribunaux en particulier, avaient connaissance des dispositions du Pacte et s'il est directement applicable au cours des procès. M. Mancisidor a dit sa préoccupation s'agissant des ressources insuffisantes dont dispose le Médiateur, de la brièveté des mandats des titulaires qui se sont succédés et du manque de clarté de la procédure d'accréditation. Il a demandé des précisions sur le processus de réforme actuel qui implique des amendements constitutionnels, notamment s'agissant des échéances prévues pour voter ces textes. Le rapporteur s'est particulièrement intéressé dans ce cadre à la reconnaissance des peuples autochtones, notamment à la reconnaissance de la propriété collective de la terre qui est une question fondamentale.

En ce qui concerne les efforts menés dans la lutte contre la corruption, le rapporteur a demandé à la délégation de fournir des exemples de cas de poursuites en justice, le rapport faisant état de seulement deux affaires. Observant que c'était la première fois que le Comité recevait une délégation à 100% féminine, il s'est dit convaincu que la question de la condition de la femme pourrait sans doute être abordée de manière particulièrement ouverte.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a rappelé que les précédentes observations finales du Comité au sujet d'El Salvador faisaient état de l'incertitude s'agissant de la population autochtone du fait de l'absence de recensement. Il s'est félicité toutefois que celles-ci jouissent désormais d'une reconnaissance officielle.

L'expert a noté l'importance du nombre de migrants salvadoriens, certaines estimations affirmant qu'un Salvadorien sur trois vivrait à l'étranger, et a souligné les risques que court cette population en matière de traite des personnes.

Évoquant le traité de libre-échange avec les États-Unis, l'expert a demandé si les droits économiques, sociaux et culturels avaient été suffisamment pris en compte lors de la négociation.

Une experte a demandé quelle avait été la participation de la société civile dans la rédaction du rapport, ainsi que dans la mise en œuvre des politiques dans les domaines économique et social.

Tout en estimant que le pays avait progressé dans l'intégration des personnes handicapées, elle a observé que le droit à un logement adéquat n'était toutefois pas pris en compte pour ces personnes, alors qu'il est essentiel. Un membre du Comité a demandé quel était le taux d'emploi des handicapés dans la fonction publique. Un autre a demandé si la règle d'un handicapé pour 25 travailleurs était vraiment respectée; la modicité de l'amende infligée en cas de contravention ne serait guère dissuasive.

Pour ce qui a trait à la violence faite aux femmes et de la politique du Salvador contre ce fléau, elle a demandé si des résultats avaient été obtenus et si le pays était confronté à des obstacles à cet égard.

Plusieurs membres du Comité ont exprimé leur préoccupation s'agissant de la violence dans la société salvadorienne. Un membre du Comité a notamment relevé le phénomène des maras - bandes organisées de jeunes délinquants - qui a une incidence particulièrement négative sur la société salvadorienne, les données disponibles indiquant que 60 000 jeunes faisaient partie de ces groupes violents. Il a relevé la trêve inspirée par les autorités qui semble avoir entraîné une diminution sensible de la violence, mais a demandé de plus amples renseignements sur la politique menée dans ce domaine. Un autre expert a demandé si l'importance de la criminalité dans le pays s'expliquait par la pauvreté et le chômage.

Un membre du Comité s'est étonné du processus de nomination des membres d'institutions telles que le Conseil national de la magistrature, qui doit être sanctionnée par l'Assemblée nationale, ce qui pourrait porter atteinte à l'indépendance des magistrats. S'agissant de la lutte contre la corruption, il a observé que les poursuites contre les seconds couteaux avaient généralement peu d'effets si on ne touchait pas aux gros bonnets.

Un autre expert a demandé si l'impact des politiques socio-économiques d'austérité a été mesuré. Alors que le pays jouit d'une croissance relativement forte, les accords avec les institutions financières internationales ne doivent pas nuire aux droits économiques, sociaux et culturels, a rappelé un autre membre du Comité. Comment le salaire minimum est-il calculé, est-il suffisant pour vivre et est-il révisé périodiquement? Un expert a souhaité avoir des précisions sur le taux de chômage, des jeunes notamment, et s'est intéressé au secteur informel, demandant quelles mesures concrètes avaient été prises pour le régulariser.

Un autre expert a demandé quelle était la réglementation en matière de droit de grève, ayant le sentiment qu'il était sévèrement encadré. Où en est la mise en place d'un système universel d'assurance-maladie, a aussi demandé un expert. Quel est le taux de couverture des personnes âgées?

En conclusion de cette première série de questions, le rapporteur a demandé comment était envisagée la révision du salaire minimum, celle-ci devant prendre en compte le pouvoir d'achat. Il a aussi demandé si le salaire minimum actuel permettait des conditions de vie décente et respectait les dispositions du Pacte. Quel est son rôle réel dans un pays où existe un fort secteur informel. Pourquoi le salaire minimum est-il basé sur des considérations macro-économiques?

Dans le cadre d'une nouvelle série de questions, un expert a demandé à la délégation de préciser le contenu de la réforme fiscale engagée par le pays, ayant bien noté qu'elle avait eu des effets redistributifs. S'agissant des poursuites pour corruption, il a insisté sur le fait que seules deux inculpations ont été prononcées. Il a aussi noté que le droit de grève apparaissait davantage théorique que réel puisque tout mouvement de grève est considéré, la plupart du temps, comme illégal.

S'agissant de la question du salaire minimum, une experte a souhaité savoir si le Gouvernement avait entériné les recommandations du Conseil national des salaires. Elle a souligné qu'il semblerait plus cohérent d'avoir un salaire minimum unique qui ne dépende pas du secteur d'activité.

Plusieurs experts ont abordé la question de l'interdiction de l'avortement, qui en El Salvador ne souffre aucune exception. Un membre du Comité, relevant le grand nombre de décès de femmes en couches et de jeunes filles qui avortent, a demandé s'il existait des programmes relatifs à la santé sexuelle. Il a constaté un recul important en matière de droit à l'avortement en Amérique latine, alors que tend à s'imposer l'idée que la vie commence dès la conception. Une experte a constaté que le plus grand nombre de poursuites contre des femmes ayant avorté concernait des personnes pauvres, avec des condamnations extrêmement lourdes pouvant aller jusqu'à 30 ans de réclusion. Cette interdiction d'avorter est particulièrement grave dans les cas d'agressions sexuelles. Elle met en danger la santé des femmes, contraintes d'avorter dans des conditions inadaptées, sans parler de celles qui préfèrent se suicider. Une autre experte a estimé que l'avortement était sans doute le problème le plus préoccupant s'agissant d'El Salvador et a voulu savoir ce qui explique une position aussi intransigeante et s'il s'agit de raisons religieuses. Les femmes de milieux aisés avortent-elles à l'étranger? Sont-elles poursuivies en cas de dénonciation, notamment par le personnel médical, comme cela arrive parfois pour des jeunes femmes pauvres? Une experte a demandé par ailleurs si les écoles publiques assuraient des cours d'éducation sexuelle. Des femmes meurent à cause d'une politique erronée, a estimé une autre experte.

L'experte a par ailleurs demandé quelles mesures sont prises en faveur du million de familles monoparentales que compte le pays. Elle a aussi souhaité savoir si des campagnes de sensibilisation s'adressaient aux hommes, dans une société salvadorienne demeurée extrêmement patriarcale.

Un membre du Comité a demandé si des mesures avaient été prises face à la pénurie de logements, 60% des familles à faible revenu ne disposant pas de titres de propriété, se trouvant de ce fait vulnérables aux expulsions. Celles-ci se font sans aucun préavis et sans qu'aucune solution de relogement ne soit proposée. Le Gouvernement envisage-t-il d'adopter une législation sur les expulsions conformes aux normes internationales? Par ailleurs, existe-t-il un phénomène de sans-abri en El Salvador? Un expert a abordé le problème de l'enregistrement des naissances qui subsiste dans les campagnes. Un autre a demandé si le plan national de lutte contre la pauvreté visait à diminuer à la fois la pauvreté extrême et la pauvreté relative, les autorités distinguant clairement les deux. Une experte a demandé si les parents pouvaient prendre un congé lorsqu'un enfant est malade.

La malnutrition affecterait 20% des enfants de moins de cinq ans, a constaté un autre expert qui a estimé qu'il fallait agir face à ce phénomène grave. Les membres du Comité souhaitent aussi avoir des statistiques sur le nombre d'enfants des rues, soulignant que, pour faire face à un problème, il fallait en connaître l'ampleur. De même, le travail des enfants demeure un problème, un expert constatant qu'El Salvador n'avait pas adhéré aux conventions régulant l'âge minimal d'entrée dans la vie active.

Une experte a constaté un fort taux d'abandon scolaire dans les campagnes, particulièrement chez les filles, ainsi que chez les peuples autochtones, alors que l'enseignement est théoriquement obligatoire dans le pays.

Pour ce qui des peuples autochtones, si la reconnaissance représente un pas en avant, c'est une mesure insuffisante, a estimé un membre du Comité. Dans la vision cosmique de ces peuples, la place de la terre est centrale, a rappelé l'expert, qui a souligné qu'El Salvador devait progresser non pas vers la reconnaissance de titres privés de propriété mais en faveur des droits collectifs de ces peuples en tant que peuples premiers titulaires de ces terres. L'organisation d'un recensement paraît particulièrement cruciale à cet égard, a ajouté l'expert, qui a contesté la pertinence d'une auto-identification sur la base de la couleur de la peau dans les questions posées lors des recensements passés.

Réponses de la délégation

La Représentante permanente d'El Salvador a souligné que l'institution du Médiateur avait été créée dans le cadre des accords de paix. Son rôle a été mal compris au départ, les fonctionnaires ne comprenant pas comment un dignitaire pouvait critiquer le gouvernement. Son mandat n'étant que de trois ans, il est envisagé de le prolonger de deux ans. Elle a reconnu le problème que représente l'insuffisance des ressources qui lui sont accordées, ce qui s'explique notamment par le fait que les responsables considéraient ses interventions avec méfiance par le passé. Mais il est question d'augmenter son budget, a assuré la délégation. Lors de son premier mandat, le Médiateur a dû créer une infrastructure, les pouvoirs publics de l'époque n'étant pas conscientes de l'ampleur de la tâche que cela représentait. En dépit des résistances, de l'armée et de certains fonctionnaires en particulier, le Médiateur est parvenu à faire ouvrir les archives s'agissant des violations passées des droits de l'homme. Il doit s'appuyer sur la société civile qui est son alliée naturelle. Mme Velásquez de Avilés a reconnu que la qualité des candidats à ce poste pouvait éventuellement être problématique. Elle a aussi reconnu que plus un médiateur était actif, plus les tentations étaient fortes de lui couper les vivres.

S'agissant de la reconnaissance des peuples autochtones, il incombera à l'Assemblée nationale de ratifier l'amendement constitutionnel en ce sens. Le recensement de la population n'a pu être effectué jusqu'à présent par manque de moyens, El Salvador n'ayant pas obtenu de soutien des bailleurs internationaux pour ce faire jusqu'à présent.

Un Conseil national de sécurité alimentaire a été créé sous l'égide du Ministère de la santé, l'accès à l'eau étant inclus dans son mandat, a précisé la délégation.

Les salaires minima sont revus tous les trois ans en tenant compte du coût de la vie et afin d'assurer un niveau de vie digne, il ne s'agit pas de définir un salaire de survie. Il existe plusieurs salaires minima en fonction du secteur d'activité.

S'agissant de la lutte contre la corruption, la Représentante permanente a rappelé qu'un ancien président de la République avait été condamné pour faits de corruption, et a mentionné citant d'autres affaires impliquant des ministres, ainsi que l'ancien directeur général de la poste. Un ancien chef de l'État est aussi recherché par Interpol. Elle a souligné que l'État salvadorien se devait désormais de montrer l'exemple quel que soit le niveau de responsabilité des personnes éventuellement mises en cause. Si l'on veut exiger que le commun des mortels réponde de ses actes, il doit en aller de même pour les représentants, y compris les plus élevés, du pays.

La Cour suprême est désormais indépendante, contrairement à ce qui prévalait par le passé où c'était le chef de l'État qui nommait ses membres. Si l'administration de la justice n'est pas encore parfaite, il y a une volonté de garantir son indépendance.

El Salvador est déterminé par ailleurs à lever ses réserves à la Convention relative aux personnes handicapées. S'agissant de l'embauche de personnes handicapées, les employeurs préfèrent généralement payer une amende plutôt que de donner la possibilité à un être humain de se réaliser par le travail, a déclaré Mme Velásquez de Avilés. Des organisations de la société civile demandent une augmentation des amendes infligées.

La délégation a précisé par ailleurs que le Pacte pouvait être invoqué directement devant les juridictions salvadoriennes.

Dans le cadre de la lutte contre la traite, un manuel a été publié afin notamment de permettre de déceler les victimes. Les efforts sont coordonnés avec le Mexique pour fournir un appui aux migrants. Cette traite, qui est liée au crime organisé, implique de mener des enquêtes approfondies.

Les investissements dans le système de protection sociale dépassent les 200 millions de dollars par an. Il s'agit d'un investissement colossal pour le pays, qui vise à mettre en place un socle de protection sociale. La politique de l'État en la matière est ainsi institutionnalisée. La couverture minimale des retraites concerne près de 30 000 personnes. Quant au chômage, il se situe autour de 6%, 10% pour les jeunes.

La violence est ancrée très profondément dans la société salvadorienne, a reconnu la délégation. Lors de mise en œuvre de la trêve proposée par les autorités pour réduire la violence, il a été fait appel à l'Église pour plaider en faveur d'une réduction durable du phénomène; ses bons offices ont enregistré un certain succès. L'idée est de conclure un pacte social et résoudre les problèmes d'une société sortant d'un long conflit. Ce processus ne doit exclure personne, a-t-elle dit, en particulier les jeunes; éviter qu'ils s'enrôlent dans des bandes est l'une des grandes priorités désormais.

L'absence de filets de sécurité sociale est le principal obstacle à la jouissance des droits de l'homme, a par ailleurs observé la délégation.

Le droit de grève est soumis à des conditions préalables en vue de favoriser la concertation avant toute cessation du travail. En cas d'échec des négociations aboutissant au dépôt d'un préavis de grève, les employeurs peuvent introduire un recours qui est généralement accepté par les tribunaux, a reconnu la délégation qui a constaté que les débrayages légaux étaient, de ce fait, fort rares. Elle a par la suite souligné qu'il est rare que les employeurs aillent jusqu'à porter l'affaire devant les tribunaux pour empêcher leurs employés de faire grève, préférant plutôt négocier avec eux dans ce cas. El Salvador coopère avec l'Organisation internationale du travail pour ce qui concerne la mise en œuvre du droit du travail.

Traditionnellement, la violence domestique est considérée comme une question d'ordre privé en Amérique centrale. Aujourd'hui, les femmes sont incitées à porter plainte pour des faits de violence, ce qui ne signifie naturellement pas que toutes les victimes le fassent. Des mécanismes de suivi ont été mis en place par l'État pour veiller à l'application de la loi. Les victimes bénéficient d'une aide, psychologique notamment. Mme Velásquez de Avilés a affirmé que le nombre de plaintes était en hausse. Les autorités comptent aussi, à terme, sur l'effet dissuasif de la loi, celle-ci étant relativement récente.

Mme Velásquez de Avilés a indiqué qu'un accord avait été conclu entre le Ministère de la santé et les municipalités pour que n'existent plus de cas de non inscription à l'état-civil, en dépit des lacunes datant de la guerre civile, de par l'inexistence ou la destruction de nombreux registres dans cette période. Trois jours de congé sont accordés lors d'une naissance, le congé parental ou de maternité étant d'une vingtaine de jours.

On estime à 272 le nombre d'enfants des rues à San Salvador, a indiqué la délégation.

L'abandon scolaire étant élevé, en particulier au sein des populations autochtones, la réforme de l'éducation vise à rendre l'école plus attractive. L'enseignement de la langue autochtone náhuat-pipil vient d'être décidé, un dictionnaire devant être publié avec le soutien du Secrétariat à la culture.

L'avortement, interdit depuis 1999, est un sujet très difficile qui soulève des débats passionnés dans le pays, a reconnu la délégation. Les organisations féminines luttent pour que le pays revienne sur cette interdiction car il est clair que le nombre d'avortements clandestins est élevé. La peine encourue est de quatre à huit ans de prison. Les médecins pratiquant des avortements sont poursuivis et sanctionnés eux aussi, y compris en cas de non- dénonciation d'une patiente ayant subi une interruption volontaire de grossesse. La délégation a reconnu un recul de la loi, dans la mesure où des circonstances exceptionnelles autorisaient l'avortement par le passé. Elle a toutefois précisé que, depuis 2007, il n'y a eu que huit condamnations pour avortement, chiffre qui ne reflète pas le nombre d'instructions en justice. Dans la grande majorité des cas, en effet, la procédure aboutit à une relaxe ou à un acquittement par manque de preuves. Quant aux cas d'avortements à l'étranger, le code pénal ne prévoit rien dans ce cas de figure, ce qui implique que les femmes y recourant ne sont pas poursuivies.

Les programmes de lutte contre la pauvreté comprennent des attributions de lopins de terre, a par ailleurs fait valoir la délégation.

L'émigration concerne principalement des hommes; elle contribue notamment au fait que 60% des foyers salvadoriens sont monoparentaux, avec des femmes seules chefs de famille.

Un réseau de centres de santé communautaires a été créé, permettant de couvrir des zones rurales qui étaient privées de toute possibilité de soins. La réforme du régime fiscal a permis d'augmenter les budgets au profit de l'éducation et de la santé en premier lieu. Par ailleurs, il n'a pas été possible d'établir avec certitude la cause d'une forte prévalence de maladies du rein en El Salvador, bien que l'on soupçonne l'utilisation de pesticides dans les zones d'agriculture intensive de culture du maïs. Le problème concerne aussi d'autres pays d'Amérique centrale.

Conclusions

MME VELÁSQUEZ DE AVILÉS a rappelé qu'El Salvador était très peuplé –plus de 6 millions d'habitants pour une petite superficie de 20 000 km2 –, ce qui explique un certain nombre de problèmes. Il existe néanmoins une volonté politique très forte d'améliorer la situation. La représentante d'El Salvador a observé qu'un tel volontarisme pouvait se heurter à des résistances, notamment lorsque l'on prévoit d'augmenter les impôts. Elle a estimé que l'examen devant le Comité ne pouvait que faire progresser son pays. Sans vouloir justifier les carences constatées, il ne faut pas perdre de vue la pauvreté d'un pays confronté lui aussi à la crise mondiale. La délégation d'El Salvador avait la volonté de ne pas dissimuler les problèmes. Le pays a été confronté à la guerre et aux catastrophes naturelles, il a aujourd'hui une forte aspiration démocratique. Il faut que chacun puisse rester sur sa terre et ne pas la quitter, poussé par la nécessité.

M. RENATO ZERBINI RIBEIRO LEAO, Vice-Président du Comité, s'est félicité de l'esprit d'ouverture de la délégation et du fait qu'elle ait souligné le fait que le pays plaçait l'être humain au cœur de son action.

M. MIKEL MANCISIDOR, rapporteur du Comité, s'est dit conscient des efforts du pays en faveur de la lutte contre la pauvreté et du respect des droits économiques, sociaux et culturels. Il demeure néanmoins évident que des problèmes très graves subsistent sur lesquels il convient de porter la plus grande attention.


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ESC14/014F