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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui les rapports présentés par la République tchèque sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport a été présenté par Mme Andrea Baršová, Directrice du département des droits de l'homme au Bureau du Gouvernement de la République tchèque. Elle a indiqué que l'une des innovations les plus importantes de ces dernières années a été l'adoption en 2009 de la loi réprimant la discrimination. La République tchèque suit une politique spécifique en faveur de l'égalité hommes-femmes en définissant tous les ans un certain nombre de priorités à cet égard en s'appuyant sur les recommandations du Conseil de l'égalité des chances. La lutte contre le racisme et l'extrémisme demeure, par ailleurs, l'une des grandes priorités gouvernementales, l'un des grands défis touchant à l'intégration de la minorité rom. Dans les domaines économique et social, la priorité est accordée à la lutte contre la pauvreté. En matière d'éducation, une attention particulière est portée aux élèves ayant des besoins spécifiques – handicapés, pauvres, enfants roms. Les minorités linguistiques disposent d'établissements scolaires dans leurs langues, a aussi indiqué Mme Baršová.

La délégation tchèque était également composée de représentants des ministères de l'éducation, du travail et des affaires sociales, de l'intérieur, de la santé, de la justice et du développement régional, ainsi que de Mme Kateřina Sequensová, Représentante permanente de la République tchèque à Genève. La délégation a répondu à des questions des membres du Comité portant en particulier sur le droit à un logement décent, les retombées des mesures d'austérité, la parité des sexes en matière de salaire et d'emploi, ou encore le statut des minorités, les Roms en particulier. Elle a notamment indiqué que les magistrats et les forces de l'ordre bénéficiaient d'une formation aux droits de l'homme. Les écoliers y sont aussi sensibilisés dans le cadre de l'instruction civique. Si la promotion de l'égalité des sexes est l'une des priorités du Gouvernement, celui-ci n'envisage toutefois pas de prendre des mesures de discrimination positive. Sur le plan social, la délégation a estimé que les mesures d'austérité consécutives à la crise économique n'avaient eu que peu de retombées visibles à ce stade sur le bien-être de la population, le Gouvernement ayant veillé à en amortir les effets sur les plus modestes. La République tchèque estime avoir une politique favorisant l'épanouissement des minorités et la préservation de leur langue tout en reconnaissant que les mesures prises en faveur des Roms tardaient à produire tous leurs effets.

L'experte chargée de l'examen du rapport de la République tchèque, Mme Jun Cong, a notamment porté son attention sur les conséquences des mesures d'austérité qui ont été prises par le pays, l'adoption de mesures en faveur de l'intégration des minorités, la lutte contre l'extrémisme et les crimes à caractère raciste. Plusieurs membres du Comité se sont félicités de l'importante représentation féminine au sein de la délégation. Ils ont toutefois relevé une ségrégation professionnelle et appelé à une meilleure promotion du principe «à travail égal, salaire égal». Il a aussi été questions de la protection des Roms et autres minorités, de la situation du chômage.

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 23 mai prochain.


Lundi 12 mai, à 10 heures, le Comité doit auditionner des organisations non gouvernementales sur les pays dont les rapports seront examinés la semaine prochaine: Ouzbékistan, El Salvador et Serbie.


Présentation du rapport

Présentant le rapport périodique de la République tchèque (E/C.12/CZE/2), Mme ANDREA BARŠOVÁ, Directrice du département des droits de l'homme au Bureau du Gouvernement de la République tchèque, a indiqué que l'une des innovations les plus importantes de ces dernières années aura été l'adoption en 2009 de la loi réprimant la discrimination. Celle-ci vise à renforcer la protection contre toute discrimination dans les principaux domaines de la vie sociale – emploi, protection sociale, santé, logement et éducation. En tant qu'institution nationale chargée de promouvoir l'égalité, le Médiateur fournit une assistance aux victimes, mène des recherches et diffuse des informations sur les questions relatives à la discrimination, en particulier au travers de recommandations destinées au grand public.

Par ailleurs, la République tchèque suit une politique spécifique en faveur de l'égalité hommes-femmes en définissant tous les ans un certain nombre de priorités à cet égard. Le Conseil de l'égalité des chances pour les femmes et les hommes - placé sous l'autorité du Gouvernement et comprenant en particulier des représentants de la société civile et des universitaires – est étroitement associé à la définition et au suivi de ces mesures. Le nouveau gouvernement se penche essentiellement à l'heure actuelle sur les meilleurs moyens de réconcilier vie professionnelle et vie de famille des femmes et des hommes, tout en veillant à accroître le nombre de femmes dans les postes à responsabilité et à éliminer les disparités salariales, et en prenant des mesures de lutte contre la violence domestique. Des campagnes de sensibilisation contre les préjugés de genre et la violence domestique sont prévues dans un proche avenir.

La lutte contre le racisme et l'extrémisme demeure l'une des grandes priorités de la République tchèque. L'un des grands chantiers concerne l'intégration de la minorité rom. La Stratégie décidée à cette fin pour la période 2010-2013 est en cours de révision en vue de la prolonger jusqu'en 2020. Quant à la Stratégie 2011-2015 de lutte contre l'exclusion sociale, elle est centrée elle-même sur l'intégration de la minorité rom et d'autres personnes menacées d'exclusion sociale dans tous les domaines de la vie sociale.

La République tchèque se soucie aussi de maintenir la qualité de son système de protection des droits de l'homme. Le mandat du Médiateur a été peu à peu élargi, puisqu'il prend désormais en compte des domaines de compétence tels que l'égalité et la non-discrimination, ainsi que la protection des étrangers en rétention ou devant être expulsés. À cet égard, il est investi de la plupart des compétences reconnues à une institution nationale des droits de l'homme appliquant les Principes de Paris. Son mandat est en cours de révision, l'objectif étant effectivement d'en faire une institution nationale des droits de l'homme digne de ce nom. Mme Baršová a précisé que le Commissaire aux droits de l'homme avait été élevé au rang de ministre.

Dans les domaines économiques et sociaux, l'objectif central est l'inclusion de chaque citoyen. C'est l'objet de la Stratégie d'inclusion sociale 2014-2020 qui vise à lutter contre la pauvreté avec l'aide des fonds structurels européens. Par ailleurs, une stratégie nationale intitulée «Le droit à l'enfance» a été lancée en 2012. Les personnes âgées font l'objet d'un Plan national d'action en faveur d'un «vieillissement positif» qui court jusqu'en 2017. Un Plan national relatif à l'égalité des opportunités pour les personnes handicapées, qui concerne la période 2011-2014, est centré sur les mesures d'accessibilité. Il est en cours d'actualisation pour 2015. Le Gouvernement a en outre adopté une politique visant à réduire le nombre de sans-abris d'ici 2020.

La République tchèque a aussi pour priorité d'assurer un accès égal à un système d'éducation de qualité, base essentielle du développement futur du pays, a déclaré Mme Baršová. Une attention particulière est portée aux élèves ayant des besoins spécifiques – enfants handicapés ou issus de milieux défavorisés tels que les enfants roms. Des mesures ont été prises afin de réduire la forte proportion d'enfants roms dans les établissements scolaires spécialisés, ce qui s'inscrit dans la nouvelle approche visant à mieux intégrer ces enfants dans la société. Le placement dans des institutions spécialisées doit désormais être temporaire; à cet égard, les statistiques montrent que la proportion d'enfants roms dans les institutions spécialisées est en diminution.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME JUN CONG, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, a demandé quelle était la position du Gouvernement quant à l'éventualité d'adhérer au Protocole facultatif. Elle a demandé des précisions sur les mesures d'austérité qui ont été prises par le pays et sur leurs retombées. Elle a également souhaité avoir des précisions sur les mesures d'intégration des minorités, ainsi que celles prises pour lutter contre l'extrémisme et les crimes à caractère raciste. Mme Cong a aussi évoqué une étude récente réalisée en République tchèque concernant les liens entre poursuites pénales et ethnicité, demandant à la délégation des précisions sur ses conclusions.

Un autre membre du Comité a relevé que, selon la Constitution de 2002, les dispositions des traités internationaux ont la primauté sur la législation nationale, mais a demandé dans quelle mesure les tribunaux tchèques tenaient compte des dispositions du Pacte. Un autre expert a souhaité savoir si les droits consacrés dans le Pacte étaient parfois susceptibles de contrevenir à la législation nationale. Y a-t-il eu des cas de conflits entre cet instrument et la législation interne, ce qui aurait pu impliquer une révision du ou des textes de loi concernés.

Un expert a évoqué l'obligation de coopération internationale stipulée par le Pacte, soulignant que la République tchèque ne contribuait qu'à hauteur de 0,1% en matière d'aide publique au développement, alors que l'Union européenne a demandé à ses membres que le chiffre de 0,33% soit atteint l'an prochain, soit la moitié des 0,7% recommandés au plan international.

Un expert a ensuite demandé si la République tchèque avait l'intention de revoir le statut du Médiateur afin d'en faire une institution nationale des droits de l'homme respectueuse des Principes de Paris. Une experte a demandé dans quel sens irait la révision du mandat Médiateur. Une autre a demandé dans quelle mesure les recommandations du Médiateur étaient suivies par les autorités, ajoutant que l'on observe dans divers pays que les positions prises par le médiateur «ne conviennent pas» aux autorités. Elle s'est par ailleurs étonnée que les statistiques tchèques ne fassent pas état de cas de harcèlement sexuel.

Des membres du Comité se sont félicités de l'importante représentation féminine au sein de la délégation. Une experte a toutefois évoqué une ségrégation professionnelle «horizontale et verticale», estimant nécessaire de lutter à la fois contre les stéréotypes et de promouvoir le principe «à travail égal, salaire égal». Se disant envieuse de la possibilité pour les femmes tchèques de prendre un congé maternité de six mois, elle a toutefois souhaité savoir si les hommes étaient encouragés à s'occuper des enfants.

Un membre du Comité s'est félicité de la législation tchèque contre la discrimination, demandant toutefois si celle-ci était conforme au Pacte en étant la plus large possible. Il a demandé si des sanctions sont prévues en cas de violation, car l'existence d'une loi n'a de sens que si elle est sanctionnée par des conséquences. Il a aussi demandé ce qu'il en était de la protection des Roms. Il a aussi demandé à avoir des précisions sur le rôle du conseil représentatif des minorités. Il a enfin demandé si les programmes d'enseignement prévoyaient une éducation aux droits de l'homme, inspirée des principes des Nations Unies, et plus précisément du Pacte lui-même. L'expert a demandé ce qui justifiait le fait que l'institution nationale ne s'alignait pas sur l'ensemble des Principes de Paris, alors que des pays moins développés que la République tchèque l'ont fait. L'adoption de la totalité de ces Principes constituerait un bon exemple à suivre, a-t-il ajouté.

La République tchèque envisage-t-elle d'inclure les questions relatives à l'identité sexuelle dans la loi sur la discrimination.

Un membre du Comité a demandé à la délégation de fournir des exemples s'agissant de la protection de la sécurité et de l'hygiène au travail. Un autre expert a relevé un taux d'emploi très faible chez les femmes de 50 ans. Il a souhaité savoir si les mesures d'austérité avaient des incidences sur le taux d'emploi et si d'autres raisons expliquaient cette situation.

S'agissant de la situation du chômage en République tchèque, une experte s'est interrogée sur la flexibilisation accrue qui se généralise dans le monde, souvent en mettant en avant l'idée de «flexi-sécurité» dont les résultats ne sont pas probants, bien au contraire, selon elle. Elle a aussi demandé ce qu'il en était de l'indexation des revenus sur le coût de la vie.

Plus de 200 000 femmes et 80 000 hommes travaillent à temps partiel : s'agit-il d'un choix librement consenti ou obligé, comme c'est trop souvent le cas, a demandé une autre experte.

La question de l'accès à un logement décent a également été soulevée. Face au problème des sans-abri, un expert a demandé ce qu'il en était de la politique gouvernementale en matière de logements sociaux, le Comité ayant déjà fait part de sa préoccupation à ce sujet en 2002. Les incitations publiques visaient en effet en priorité le secteur privé. Il a aussi demandé pour quelles raisons il avait fallu tant de temps à la République tchèque pour mettre en place un système de logements sociaux.

Un expert a demandé quel bilan était tiré des mesures prises afin d'enrayer ou au moins de limiter le fléau de la violence domestique. Les victimes renonçant bien souvent à dénoncer les faits à la police ou à la justice, il a demandé si des campagnes de sensibilisation avaient été menées. Il s'est étonné de la légèreté des peines infligées dans des cas de violence domestique, se demandant si cela ne revenait pas à inciter les auteurs à récidiver.

Les migrants ne bénéficiant pas des soins de santé gratuits, une experte a souligné qu'ils ne pouvaient souscrire une assurance privée, en raison de leur coût excessif et ayant la réputation d'offrir une couverture insuffisante. Elle a demandé comment était assurée la couverture santé de la population au sens large.

Un membre du Comité a relevé que les minorités nationales peuvent obtenir une éducation dans leur langue; il a voulu savoir si cette scolarisation se fait dans des écoles séparées, ce qui pourrait apparaître comme une forme de ségrégation, ou bien dans les mêmes établissements que la majorité de la population. Un expert s'est étonné que la minorité vietnamienne soit supérieure à la minorité rom, s'interrogeant sur ce qui expliquait cette importance numérique en provenance d'un pays aussi lointain.

Une experte a regretté que les enfants handicapés soient scolarisés séparément, ce qui favorise la ségrégation de fait et un niveau d'instruction de moins bonne qualité. Le Gouvernement a-t-il l'intention d'interdire la ségrégation dans l'éducation sur la base du handicap? Une autre experte a souligné la nécessité de fixer des objectifs annuels pour parvenir à une inclusion véritable. Une autre a constaté le retard considérable pris par le pays dans ce domaine, ce qui donne à penser que la République tchèque demeure au fond favorable au maintien de ces écoles spécialisées.

L'intégration dans la société des enfants roms n'est guère facilitée par leur scolarisation bien souvent séparée. Un expert a demandé si des efforts avaient été faits pour régler la surreprésentation des enfants roms dans les établissements spécialisés et si de tels établissements sont en voie d'être supprimés. Il a souligné que l'on pouvait favoriser l'intégration par l'école, tout comme le service militaire par exemple joue un rôle de cohésion sociale entre citoyens issus de diverses régions.

Un expert s'est inquiété de la consommation particulièrement élevé d'alcool et de tabac en République tchèque, en particulier chez les jeunes.

Un autre membre du Comité a souligné la nécessité d'encourager une plus grande féminisation dans le secteur de la recherche scientifique.

Dans une question de suivi, une experte a rappelé que dans l'espace soviétique, des quotas avaient été imposés en faveur des femmes par les régimes communistes, ce qui manifestement ne joue pas en faveur de mesures de discrimination positive aujourd'hui, la population ayant pu avoir le sentiment que l'obtention de certains postes à l'époque avait peu à voir avec les qualités professionnelles de ses titulaires. Elle a néanmoins suggéré que des mesures temporaires pouvaient être souhaitables pour favoriser la parité.

S'agissant des stéréotypes de genre et des campagnes à leur encontre, une experte a souhaité savoir si l'on avait évalué leur efficacité.

Suite à certaines réponses fournies par la délégation, des membres du Comité ont émis des doutes sur le qualificatif de minime appliqué aux retombées des mesures d'austérité, soulignant que les données macro-économiques pouvaient être trompeuses en ce qui concerne les groupes vulnérables.

Un expert s'est aussi interrogé sur l'efficacité des mesures en faveur des jeunes. Un autre expert a demandé à quelle échéance les autorités espéraient pouvoir porter le salaire minimum à 40% du salaire médian.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions posées par les membres du Comité, Mme Baršová a d'emblée indiqué que le nouveau gouvernement élu au début de l'année tient à faire en sorte, en dépit de l'austérité, que les droits économiques sociaux et culturels demeurent prioritaires dans ses politiques.

S'agissant de la prise en compte des dispositions du Pacte, la délégation a souligné que l'article 10 de la Constitution tchèque stipule la prise en compte des instruments internationaux. En cas de conflit avec la législation locale, ce sont les traités internationaux qui ont prééminence. Bien que l'on veille à harmoniser la législation, des incohérences peuvent néanmoins apparaître et ce sont alors les tribunaux qui doivent trancher. Il est ainsi arrivé que des tribunaux tchèques invalident des textes de loi incompatibles avec les traités signés. La délégation a en outre fait valoir que la jurisprudence montrait une prise en compte du droit au logement par les tribunaux.

En ce qui concerne le Médiateur, cette institution a été créée en 1999, son domaine de compétence ayant eu tendance s'élargir année après année. Il est envisagé à l'heure actuelle de lui donner autorité sur l'application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. La mutation de cette instance en institution nationale des droits de l'homme est un processus plus technique que politique, selon la délégation, car le Médiateur est totalement indépendant et a autorité sur toute question relative à la défense des droits de l'homme. Les administrations ont le devoir de coopérer avec lui, et les autorités publiques doivent respecter ses recommandations. Il est certain que son autorité n'est pas aussi forte face au secteur privé, a-t-elle reconnu, ce qui ne l'empêche pas d'émettre des recommandations à son endroit et à ouvrir des enquêtes en cas d'abus présumé et de plainte. La délégation a précisé que le Médiateur avait aussi des échanges avec des avocats qui fournissent une assistance juridique à des victimes de discrimination. Enfin le Médiateur peut aussi organiser des audiences publiques afin de faire connaître ses avis au plus grand nombre. La délégation a souligné par ailleurs l'importance d'une Charte des droits fondamentaux, texte fondamental de référence.

En matière de discrimination, tous les domaines sont couverts, de l'accès à l'emploi à l'orientation sexuelle, en passant par le droit au logement, celui des personnes handicapées en particulier.

À la question de savoir pour quelles raisons la République tchèque, à l'instar d'autres pays, se montrait incapable d'intégrer la minorité rom, la délégation a indiqué que le pays lancera prochainement des campagnes d'informations, particulièrement en direction de certains jeunes dans les régions les plus touchées par la pauvreté et le chômage. Il s'agit d'une question très complexe, a reconnu Mme Baršová, reconnaissant que l'on n'avait pas toutes les réponses qui expliqueraient l'origine du problème, a-t-elle ajouté. Pourquoi les Roms sont-ils toujours les boucs-émissaires, par exemple? On est confronté à des siècles de discrimination, des siècles de tentative de les assimiler, a-t-elle rappelé. La majorité des Roms de Bohême-Moravie ont été exterminés pendant l'occupation nazie, a-t-elle expliqué. Le pays compte aujourd'hui 200 000 Roms, la plupart originaires de Slovaquie. Un bilan des mesures prises est nécessaire afin de comprendre pour quelles raisons elles n'ont pas été plus efficaces, a reconnu la délégation, qui a rappelé que des mesures étaient aussi prises au niveau européen.

Le Conseil des minorités est présidé par un membre du Gouvernement, a poursuivi la délégation. Ce Conseil représente 14 communautés, dont les Roms, et se réunit plusieurs fois par an. Le soutien aux langues minoritaires fait partie de ses prérogatives. Dernièrement, des représentants des communautés vietnamienne et biélorusse ont été intégrés au Conseil.

S'agissant de la lutte contre l'extrémisme, des poursuites ont été intentés avec succès contre les groupuscules néonazis, qui ont été considérablement affaiblis. Le Parti des travailleurs, une formation d'extrême droite, a été dissous par la justice en 2010. Un incendie volontaire ayant visé une famille rom à Vitkov en 2009 a fait l'objet d'une enquête qui a abouti, ses auteurs ayant été sanctionnés et les victimes indemnisées. Les crimes racistes constituent une circonstance aggravante, a précisé la délégation.

En ce qui concerne l'aide publique au développement fournie par la République tchèque, elle s'élève à 0,12% du PNB, a indiqué la délégation, qui a reconnu que cette proportion n'augmentait pas aussi vite qu'il serait souhaitable. La politique dans ce domaine a été revue, afin de rendre cette aide plus efficace, mieux ciblée et plus stratégique. L'Agence de développement tchèque créée en 2010 veille à surveiller l'utilisation des fonds. Parmi ses priorités, elle soutient le renforcement de la bonne gouvernance, l'émergence de sociétés civiles solides et le soutien au droit à l'éducation.

L'égalité des sexes est optimale dans le domaine de la justice, a fait valoir la délégation, les femmes y étant même majoritaires. D'une manière générale, les femmes sont bien représentées dans la fonction publique mais trop peu à des postes à responsabilité. La question de la définition de quotas est posée mais la délégation a admis une certaine réticence de la société à cet égard. L'un des obstacles à une meilleure représentation féminine est la faible participation des femmes au niveau politique, illustrée par le moindre nombre de candidatures aux élections par exemple. Une experte ayant suggéré que des mesures temporaires pouvaient être souhaitables pour favoriser la parité, la délégation a répondu qu'une politique de quotas devrait aller de pair avec la prise en compte des qualifications, le professionnalisme devant être le principal critère.

L'éducation aux droits de l'homme fait partie de l'éducation civique à l'école primaire et secondaire, a précisé la délégation. Parmi les campagnes de sensibilisation prévues en direction de la population, l'une d'entre elles concernera les comportements discriminatoires et haineux, ainsi que la violence sexiste. Les magistrats, mais aussi les policiers, ont une formation aux droits de l'homme. Les juges bénéficient en outre de sessions de formation permanente au cours de leur carrière.

Quant aux mesures d'austérité, elles semblent avoir eu une faible incidence sur le taux de pauvreté qui est resté quasiment stable à un peu plus de 15%. Les allocations diverses versées par l'État ont été mieux ciblées afin d'aller en priorité vers les familles se situant au-dessous du seuil de pauvreté. On a aussi réduit les prestations en direction des familles les plus aisées. Les retraites sont pour leur part indexées sur le coût de la vie. Répondant d'autres questions sur les conséquences des mesures d'austérité, Mme Baršová a souligné qu'il ne s'agissait pas de questions auxquelles il est facile de répondre. Les mesures d'austérité ont été mises en place en 2011 et 2012, ce qui signifie qu'il est effectivement un peu tôt pour en mesurer les retombées à long terme. De même est-il difficile de connaître les retombées des mesures prises contre le chômage des jeunes. Le problème principal est effectivement dû à la faiblesse, voire l'absence de création d'emplois, ce qui fait tomber une population croissante dans le filet de la protection sociale.

Le droit du travail a été amendé en faveur d'une plus grande flexibilité, sans toutefois toucher aux garanties et protections de base. Si le salaire minimum n'a pas été augmenté depuis 2007, des exemptions d'impôts ont permis de maintenir le niveau de vie des plus bas salaires. Une négociation a eu lieu par ailleurs avec les partenaires sociaux sur le niveau du salaire minimum. Face à l'augmentation du chômage des jeunes, un phénomène touchant pratiquement toute l'Union européenne, les possibilités de faire des stages ont été favorisées. S'agissant de la sécurité au travail, la réglementation est très stricte. Historiquement, cette question s'inscrit dans les préoccupations des pouvoirs publics tchèques.

Le principe d'égalité de traitement pour un même emploi est inscrit à l'article 28 de la Charte des droits et libertés fondamentales. Cela ne signifie toutefois pas qu'il n'y ait pas de différences entre hommes et femmes. Cet écart, évalué à 21%, est évalué régulièrement par les statistiques aussi bien européennes que tchèques. Il pose la question des stéréotypes envers les femmes et il implique une meilleure sensibilisation du public. Une grande campagne nationale a été lancée pour promouvoir à la fois la question de l'égalité, la conciliation des vies privée et professionnelle, ainsi que le problème de la violence domestique.

Une experte ayant demandé si les travailleurs immigrés pouvaient adhérer à un syndicat, la délégation a indiqué que les travailleurs migrants avaient légalement le droit d'adhérer à un syndicat, ce qui ne répond toutefois pas à la question de savoir s'ils le faisaient effectivement et s'ils militaient au sein de ces organisations, a-t-elle reconnu.

Mme Baršová a reconnu par ailleurs que les campagnes en faveur du partage des tâches au sein de la famille n'avaient évidemment pas d'effets spectaculaires et encore moins automatiques dans les changements d'attitude. Ainsi, lorsqu'il s'agit de savoir qui doit rester à la maison pour s'occuper des enfants, il est clair que c'est bien plus souvent la femme que l'homme, a fortiori lorsque le salaire de celle-ci est plus faible.

La violence domestique est un problème grave dont on n'a pris conscience que relativement récemment, a encore reconnu la chef de délégation. Des résultats ont néanmoins été obtenus dans ce domaine grâce à la prise de conscience au sein de la société quant à l'ampleur d'un phénomène qui concerne une femme dans neuf cas sur dix; dans huit cas sur dix, les enfants sont témoins de cette violence. Des centres d'intervention ont été mis en place dans chacune des régions du pays afin de pouvoir porter assistance à la personne violentée. Dans les pires des cas, les victimes sont hébergées dans des refuges ou placées dans des lieux dont le conjoint ignore la localisation. La République tchèque envisage de signer la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Pour ce qui regarde le droit au logement et les évictions, la délégation a indiqué que l'expulsion peut être justifiée en cas de non-paiement du loyer avec répétition. En ce qui concerne les logements sociaux, le nouveau gouvernement s'est engagé à proposer une nouvelle loi définissant mieux en particulier les cas les plus urgents de relogement. On estime qu'environ 100 000 personnes occupent des logements précaires en République tchèque.

Répondant à une question sur les personnes souffrant de maladies mentales, la délégation a expliqué qu'une réforme psychiatrique était en cours en vue d'une désinstitutionalisation des soins. Le taux de suicide est en hausse tout en restant beaucoup plus faible que par le passé. Il est passé de 1300 cas à 1600 cas l'an passé – contre 2600 cas dans les années 1970. Il s'agit d'un phénomène historiquement élevé dans toute l'Europe centrale.

S'agissant de l'immigration, phénomène nouveau pour la République tchèque puisque les gens avaient plutôt tendance à quitter le pays sous le communisme, le pourcentage d'étrangers est aujourd'hui d'environ 4% de la population. S'agissant de la communauté vietnamienne, sa présence remonte au régime communiste. Celle-ci s'est très bien adaptée à l'évolution géopolitique du pays. Elle est très bien intégrée et est généralement prospère. Son nombre approche les 30 000 individus pour ceux qui ont obtenu la citoyenneté ou le statut de résident permanent. Ils ont longtemps été observateurs au sein du Conseil des minorités avant d'y être admis de plein droit à leur demande. Les nouvelles générations sont très bien intégrées et parlent tchèque.

Le Conseil des minorités, qui en réunit 14 groupes, découle de la loi de 2001 sur les minorités nationales. Chacune d'entre elles dispose d'des ou deux représentants, en fonction du nombre, et de la langue parlée. Le rom, le polonais et le slovaque sont les trois principales langues minoritaires. L'octroi des subventions, pour la presse notamment, fait partie des sujets débattus au sein du Conseil. Celui-ci est présidé par le Ministre des droits de l'homme, qui doit rendre compte de la situation des minorités au Gouvernement. Selon la délégation, les écoles des minorités sont considérées comme performantes. Elle a cité le cas des établissements pour la minorité polonaise situés à proximité de la frontière avec ce pays. La création d'une école dépend de la demande de la population concernée. Ainsi, il n'y a pas eu de demandes de la part de la communauté slovaque.

Le nombre de grossesses précoces est faible – quelques centaines seulement -, à l'inverse de ce qui prévalait sous l'ancien régime.

S'il faut être résident permanent pour pouvoir bénéficier de l'assurance-maladie, aucun patient, quel que soit son statut, ne risque de se heurter à un refus de soins lorsqu'il se présente aux urgences d'un hôpital. Une experte ayant souligné que les assurances privées pouvaient refuser de signer des contrats avec des personnes considérées, parfois à tort, comme insolvables - comme dans le cas de ce couple avec un bébé prématuré qui a dû payer 30 000 euros en frais d'hospitalisation - la délégation a reconnu que le problème pouvait se poser pour des étrangers et elle s'est engagée à enquêter sur le cas cité par l'experte.

En ce qui concerne l'éducation, on est convaincu en République tchèque de la nécessité de favoriser l'inclusivité. Les enseignants doivent être convaincus que chaque élève peut réussir, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Les enfants doivent pouvoir aller dans les écoles du choix des parents. Cela reste malheureusement théorique car toutes les écoles ne sont pas équipées pour recevoir tout type d'élève, quel que soit son handicap éventuel. Les conditions pour un apprentissage individualisé adapté à chaque élève – qu'il soit handicapé, dans la moyenne générale ou même surdoué - ne sont pas réunies. Le pays compte quelque 70 écoles dites inclusives qui ont des critères élevés d'évaluation. Ce type d'établissement a été mis en place, avec le soutien de l'Union européenne et de diverses fondations. Les mentalités vont devoir changer si l'on veut parvenir à un système authentiquement inclusif en généralisant ces expériences pilotes, a expliqué la délégation, qui fixe cette mutation à l'horizon 2020. Il s'agit au bout du compte de réduire les inégalités dans l'éducation. Le budget nécessaire a été fixé à un milliard d'euros.

En ce qui concerne la participation des femmes dans la recherche scientifique, le problème s'explique par des pesanteurs culturelles, alors que 60% des étudiants sont en fait des étudiantes et que 40% des doctorants sont des femmes. Mais le nombre de femmes dans les filières scientifiques et techniques est faible. Le nombre de professeurs femmes à l'université n'est que de 14% et de 20% pour les assistants. En conséquence de quoi, le pourcentage de femmes chercheurs est faible, ce qui est un sujet de préoccupation. Celles-ci se sont plaintes auprès du Médiateur du fonctionnement de l'octroi des bourses, à la suite de quoi les critères ont été modifiés.

Conclusions

MME BARŠOVÁ a remercié les membres du Comité, qui ont posé des questions claires et parfaitement ciblées, ce qui a facilité les réponses à apporter. La délégation est consciente de n'avoir pu parfois répondre de façon suffisamment précise. Ses membres vont s'efforcer d'améliorer la précision des réponses dans le prochain rapport périodique, sans faire d'impasse sur certaines dispositions du Pacte.

La rapporteuse pour la République tchèque, MME CONG, s'est félicitée de l'attitude de la délégation qui a répondu avec beaucoup de soin aux questions.

Le Président du Comité, M. ZDZISŁAW KĘDZIA, a remercié au nom du Comité la délégation pour son ouverture et son attitude, se félicitant de la précision des réponses apportées. Le Comité ne souhaite pas entendre les États lui dire que tout va bien, mais l'exercice doit aussi permettre de pointer les problèmes, car tout le monde peut tirer parti de l'exercice.


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ESC14/011F