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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA POLOGNE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la Pologne sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport a été présenté par M. Wojciech Węgrzyn, Vice-Ministre polonais de justice, qui a notamment indiqué que la Pologne se trouve au stade final de la ratification des Protocoles de l'ONU et du Conseil de l'Europe sur l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances. En outre, la ratification en 2005 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention a abouti à la mise en place du mécanisme national de prévention dont les fonctions sont assurées par le Médiateur. Du fait de ses obligations internationales, la Pologne a œuvré à la mise en place d'un système d'aide juridique gratuite qui devrait entrer en vigueur en 2015 pour les ressortissants étrangers au titre de la procédure applicable aux réfugiés et pour les ressortissants étrangers qui font appel des décisions de renvoi dans un pays tiers. Il a en outre souligné que les conditions de séjour des migrants illégaux dans les centres fermés pour ressortissants étrangers ont été améliorées. Le Vice-Ministre a d'autre part indiqué que le code pénal contient désormais des dispositions sur la traite de personnes et l'esclavage. M. Węgrzyn a aussi rendu compte de la diminution du nombre de détentions avant jugement et a souligné que le nombre de personnes détenues dans le pays s'est stabilisé, correspondant désormais à un taux d'occupation carcérale de 97,2%.

La délégation polonaise était également composée de représentants du Ministère de la justice; de la Direction générale des prisons; de la police nationale; du Bureau des étrangers; du Bureau du Procureur général; de la Mission permanente de la Pologne auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des allégations de prisons secrètes de la CIA en Pologne; des enquêtes relatives à des traitements inhumains à l'encontre de personnes privées de liberté; de l'incrimination de la torture; du rôle du Médiateur; du bizutage dans les forces armées; de la détention préventive; des conditions carcérales; des suicides de prisonniers; du traitement des prisonniers souffrant de troubles psychiatriques; de l'utilisation par la police de pistolets à impulsion électrique (Taser); des questions relatives aux requérants d'asile et aux réfugiés.

À l'instar du rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Pologne, M. Fernando M. Mariño Menéndez, plusieurs experts ont abordé la question des prisons secrètes en rapport avec certains des transfèrements de personnes par la CIA et se sont inquiétés que les enquêtes visant à déterminer si des actes de torture avaient été pratiqués dans ce contexte n'avancent pas. Une experte s'est inquiétée de l'«état désastreux» du système judiciaire en Pologne. Le corapporteur, M. Xuexian Wang, a notamment porté son attention sur les mesures prises face à des informations faisant état de mauvais traitements de la part d'agents des forces de l'ordre. Il a aussi souligné que le Comité avait des réserves s'agissant de l'utilisation du pistolet à impulsion électrique.

Plusieurs membres du Comité ont adressé leurs condoléances à la Pologne suite au décès de Tadeusz Mazowiecki, ancien Premier Ministre de la Pologne et ancien Rapporteur spécial des Nations Unies pour l'ex-Yougoslavie.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de la Pologne; elles seront rendues publiques après la fin de la session, dont la séance de clôture se tiendra le 22 novembre prochain.


Demain, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation de la Lettonie aux questions qui lui ont été posées ce matin par les experts.


Présentation du rapport de la Pologne

Présentant le rapport périodique de la Pologne (CAT/C/POL/5-6), M. WOJCIECH WĘGRZYN, Vice-Ministre polonais de justice, a indiqué que son pays avait signé le 25 juin dernier la Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre la disparition forcée. Il a en outre indiqué que la Pologne se trouve au stade final de la procédure de ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Protocole 13 à la Convention européenne des droits de l'homme, abolissant la peine de mort en toutes circonstances. M. Węgrzyn a en outre rappelé que le pays avait ratifié en 2005 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, la mise en œuvre de ce Protocole ayant abouti à la mise en place du mécanisme national de prévention dont les fonctions sont assurées par le Médiateur.

Du fait de ses obligations internationales, la Pologne a œuvré à la mise en place d'un système d'aide juridique gratuite pour les ressortissants étrangers au titre de la procédure applicable aux réfugiés et pour les ressortissants étrangers qui font appel des décisions de renvoi dans un pays tiers les concernant; ce système devrait entrer en vigueur en 2015. M. Węgrzyn a en outre souligné que les conditions de séjour des migrants illégaux dans les centres fermés pour ressortissants étrangers ont été améliorées, non seulement du point de vue des conditions matérielles de séjour mais aussi du point de vue des termes du séjour, qui sont moins sévères; les règlements applicables dans ces centres ont été allégés sans préjudice de la sécurité ni de l'ordre dans ces institutions.

En 2010, a par ailleurs fait valoir le Vice-Ministre, la notion de traite de personnes a été introduite dans le code pénal, de même qu'une définition de l'esclavage.

Les autorités polonaises ont conscience de la gravité du problème de la surpopulation carcérale, et le Gouvernement s'est donné pour priorité de résorber ce phénomène, a indiqué M. Węgrzyn. Aussi, a-t-il fait part d'une évolution positive dans ce domaine, faisant observer que depuis l'examen du précédent rapport périodique, une diminution non négligeable du nombre de détentions avant jugement (détentions préventives) a été enregistrée dans le pays. La Pologne ne se satisfaisant pas pour autant de ce progrès, elle a décidé d'incorporer cette année dans son code de procédure pénale des critères plus contraignants pour le recours à la détention préventive.

M. Węgrzyn a ensuite souligné que le nombre de personnes détenues dans le pays s'est stabilisé et correspond à un taux d'occupation carcérale de 97,2%. Il a fait valoir dans ce contexte l'extension de la possibilité offerte aux personnes condamnées de purger leur peine en ayant recours au système de surveillance électronique; cette méthode a été introduite à titre provisoire en Pologne dès 2009 et il a été décidé cette année de l'inclure de manière permanente dans l'ordre juridique interne.

La nouvelle loi sur les services pénitentiaires adoptée en 2010 intègre l'obligation d'agir dans le plein respect des droits des personnes privées de liberté et en leur assurant un traitement humain, a d'autre part indiqué le Vice-Ministre.

M. Węgrzyn a par ailleurs attiré l'attention sur la mise en place, cette année, au niveau du Conseil des Ministres, du Conseil pour la prévention de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance y associée. Il a également été décidé cette année de créer un bureau spécialisé dans les procédures préliminaires relatives aux crimes de haine dans chaque district disposant d'une autorité du parquet qui relève du Procureur général.

S'agissant enfin de l'existence alléguée de prisons secrètes de la CIA en Pologne, M. Węgrzyn a souligné que le Gouvernement polonais n'interfère pas dans l'enquête qui est actuellement menée par une autorité de poursuites indépendante. L'Administration polonaise coopère avec les procureurs et leur fournit les informations demandées, a-t-il ajouté. Les autorités polonaises sont ouvertes au dialogue avec la société civile sur cette question – question qui a notamment été discutée lors de réunions avec Amnesty International, a en outre indiqué le Vice-Ministre.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Pologne, a souligné que de nombreux efforts ont été déployés et des progrès réalisés en Pologne au regard de la mise en œuvre de la Convention.

Pour ce qui est de la définition de la torture, le rapporteur a indiqué comprendre que la Pologne aurait mis en place une législation pénale considérée par le pays comme englobant tous les points pertinents au regard du droit de ne pas être victime de torture ou autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. M. Mariño Menéndez a toutefois insisté sur l'importance de définir la torture dans le code pénal en tant que délit spécifique, invitant le pays à réfléchir aux souffrances et aux troubles psychologiques que peut entraîner un acte de torture.

Selon la Pologne, a poursuivi le rapporteur, nombre de garanties, si elles sont bien appliquées, peuvent contribuer à prévenir les actes de torture, mais il a souhaité savoir quelles sont ces garanties. Ainsi, le prévenu, bénéficie-t-il dès les premiers instants de sa garde à vue de l'accès à un avocat? Le détenu a-t-il le droit de faire appel à un médecin de son choix?

La détention au secret – notamment pour des personnes suspectées de terrorisme – est-elle une pratique en vigueur en Pologne, a par ailleurs demandé M. Mariño Menéndez?

Le rapporteur s'est en outre enquis de la durée de la détention préventive qui, semble-t-il, peut aller jusqu'à deux ans. Il a rappelé que chaque fois qu'une détention préventive est prolongée, cette mesure doit être justifiée et que, si la décision de prolongation s'avère incorrecte, la personne concernée doit pouvoir obtenir réparation.

Dans les 13 centres de détention pour étrangers, il semblerait que ce soit le Bureau pour étrangers qui soit chargé des plaintes, dans l'examen desquelles peut intervenir une organisation non gouvernementale, a relevé M. Mariño Menéndez, qui a voulu savoir à qui revient le choix de cette ONG. D'autre part, si un étranger non ressortissant de l'Union européenne entre en Pologne après avoir traversé un autre pays de l'Union européenne, est-il renvoyé dans ce pays de transit qui doit alors statuer sur son sort, conformément au règlement dit de Dublin II?

Qu'en est-il du protocole applicable aux méthodes d'écoute de conversations par les forces de police, qu'il s'agisse d'écouter des entretiens privés au domicile ou des entretiens entre un avocat et son client, en prison, par exemple, a également demandé M. Mariño Menéndez ?

Évoquant la question des Polonais détenus dans des prisons de pays de l'Union européenne et qui seront renvoyés en Pologne, le rapporteur a souhaité en savoir davantage au sujet du nombre de personnes concernées par ces retours et de l'impact de ces renvois sur le taux d'occupation carcérale en Pologne.

Par ailleurs, une objection de conscience est-elle prévue pour les médecins qui refusent de pratiquer un avortement sollicité dans un cadre légal, a demandé M. Mariño Menéndez?

S'agissant de la question des prisons secrètes en rapport avec des transfèrements secrets de la CIA, M. Mariño Menéndez a relevé que les enquêtes n'avancent pas pour déterminer si des actes de torture avaient été pratiqués dans ce contexte dans des lieux de détention secrets. Or, selon certaines allégations, non seulement des aveux auraient été extorqués sous la torture dans ces lieux de détention secrets, mais ces aveux auraient été utilisés dans des pays tiers, alors que de tels aveux ne devraient en aucun cas être transmis à des pays tiers.

La législation en vigueur ne contient aucune définition spécifique de la violence domestique, a d'autre part relevé M. Mariño Menéndez.

Intervenant après les premières réponses de la délégation, M. Mariño Menéndez, a jugé peu sévère la peine de trois ans encourue pour abus de pouvoir si, comme semble l'indiquer la délégation, ce délit équivaut à un acte de torture.

Le représentant a en outre souhaité en savoir davantage au sujet de l'indemnisation prévue dans les cas de détention préventive injuste ou contraire au droit, notamment dans le cas où la durée aurait été excessive.

La distinction que la Pologne opère entre minorités ethniques et minorités nationales se retrouve-t-elle dans la législation nationale polonaise, a d'autre part demandé le rapporteur?

M. XUEXIAN WANG, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport polonais, a relevé que ce rapport (paragraphe 332) indique qu'en 2010, sur 503 plaintes de prisonniers faisant état de violences physiques de la part des agents, d'agressions verbales et d'utilisation de mesures de coercition directe, une plainte a été jugée justifiée. Le rapporteur a voulu savoir quelles ont été les sanctions appliquées dans ce cas particulier.

M. Wang s'est ensuite inquiété d'informations faisant état de mauvais traitements de la part d'agents des forces de l'ordre allant jusqu'à causer la mort. Le rapport indique qu'entre 2005 et 2009, 60 personnes ont été condamnées pour abus en Pologne; ces abus ont-ils à voir avec la Convention et combien des personnes condamnées étaient des agents de l'État, a demandé le corapporteur?

La Pologne envisage-t-elle d'accéder aux conventions de 1954 et de 1961 relatives au statut d'apatride et à la prévention de l'apatridie, a par ailleurs demandé M. Wang?

Le corapporteur a par la suite souligné que le Comité avait émis des réserves à l'égard de l'utilisation du pistolet à impulsion électrique (de type Taser); cette arme est tout de même létale, comme l'attestent les nombreux décès qu'elle a provoqué dans divers pays, a-t-il souligné.

M. Wang s'est par ailleurs réjoui que la Pologne envisage la ratification des conventions relatives au statut d'apatride et à la prévention de l'apatridie. Il a exprimé l'espoir que le délai de prescription de s'appliquerait pas à l'enquête sur les éventuelles prisons secrètes de la CIA en Pologne, qui pourrait impliquer des cas de torture.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a souhaité savoir si la Pologne applique le Protocole d'Istanbul pour enquêter sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le contexte de l'octroi du statut d'asile, ainsi que dans les cas d'allégations de torture. S'agissant des enquêtes sur les allégations de prisons secrètes, l'experte s'est inquiétée que la Pologne ne soit pas en mesure de préciser quand elles seraient terminées.

Quelles sont les incidences sur les cas de torture et de mauvais traitements des formations aux droits de l'homme dispensées dans le pays, a-t-il été demandé?

Au-delà des succès enregistrés par le pays dans la lutte contre la surpopulation carcérale, qu'en est-il des conditions de détention dans les prisons polonaises, a demandé un expert? Relevant que la Pologne affirme que chaque détenu doit disposer au minimum de 3 mètres carrés, il a fait observer que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui s'est rendu en Pologne en juin dernier, avait recommandé quant à lui que ce minimum soit fixé à 4 mètres carrés. Or, s'est inquiété l'expert, il arrive même que des détenus en Pologne soient enfermés dans des cellules de moins de trois mètres carrés.

Une experte s'est inquiétée de «l'état désastreux du système judiciaire» en Pologne, qu'il s'agisse du nombre de magistrats par rapport au nombre d'affaires à traiter; du coût des procès; du manque de formation; du faible budget du Ministère de la justice; de l'imprécision des normes appliquées par les juridictions; ou encore du problème d'accès à la justice pour les pauvres. Il y a matière à travailler pour procéder à une bonne réforme de la justice dans le pays, a insisté l'experte.

En 2012, 107 personnes sont mortes en prison en Pologne, a relevé une experte; a-t-on fait la lumière sur ces décès et certains ont-ils été le résultat de mauvais traitements voire de torture, a-t-elle demandé?

La délégation est-elle en mesure de confirmer les informations qui font état de violences entre détenus en milieu carcéral, a demandé un expert, s'inquiétant à cet égard que l'administration carcérale ne soit pas tenue d'examiner la plainte d'un détenu si elle est mal rédigée. Cet expert s'est par ailleurs inquiété de la lenteur des procédures civiles, susceptible de constituer un déni de justice.

Qu'en est-il des pratiques de la Pologne en matière d'extradition, a demandé un membre du Comité? L'expert a attiré l'attention sur les informations faisant état d'actes racistes, xénophobes et antisémites et de discriminations à l'égard de certaines personnes telles que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et les personnes handicapées.

Plusieurs membres du Comité ont fait part de leurs condoléances à la Pologne suite au décès, lundi dernier, de M. Tadeusz Mazowiecki, ancien Premier Ministre de la Pologne et ancien rapporteur spécial des Nations Unies pour l'ex-Yougoslavie.

Une experte a relevé que la Pologne avait été condamnée à maintes occasions par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation du droit de toute personne à une procédure équitable dans un délai raisonnable.

Une experte a souhaité en savoir davantage sur la procédure d'enquête suivie dans les cas de suicide en prison.

S'agissant de la confidentialité des communications entre l'avocat et le plaignant, un membre du Comité a souhaité savoir si la Pologne envisage de modifier le système en vigueur. L'expert a en outre souhaité connaître, à des fins de comparaison, le nombre de personnes blessées ou tuées suite à l'utilisation d'armes à feu par la police et suite à l'utilisation de pistolets à impulsion électrique (Taser).

Réponses de la délégation

La délégation a tenu à souligner que la Pologne coopère avec la Cour européenne des droits de l'homme pour ce qui est des plaintes relatives à des allégations de prisons secrètes de la CIA en Pologne. Le Gouvernement est en contact avec la Cour et soumet les documents de procédures requis, a-t-elle précisé. La délégation a ensuite indiqué que jusqu'en 2012, les enquêtes dans ce contexte, au niveau interne, étaient réalisées par les autorités d'appel à Varsovie, après quoi le Procureur général, dans l'intérêt de l'enquête, a décidé de renvoyer ce dossier à l'organe d'appel de Cracovie. La délégation a par ailleurs exposé les enjeux en termes d'entraide judiciaire (notamment pour ce qui a trait à la traduction de documents) et a souligné que les autorités polonaises attendent actuellement les réponses de la partie américaine. La délégation a par la suite précisé qu'il n'y avait pas de date butoir; il n'en demeure pas moins que l'essentiel des preuves se trouvent en dehors du territoire polonais et que pour conclure l'instruction, le pays dépend de la bonne volonté d'État tiers.

S'agissant des enquêtes relatives à des traitements inhumains à l'encontre de personnes privées de liberté, la délégation a indiqué que les services du Procureur se sont penchés sur de telles affaires. Des instructions ont été adressées aux procureurs afin d'améliorer l'efficacité des poursuites engagées face à ce type de délits. Le procureur peut demander à la police de réaliser certaines parties de l'enquête et le procureur coopère alors avec les services de police. La Pologne n'a pas pour tradition de disposer d'un tribunal de police.

S'agissant du cas d'un citoyen nigérian décédé en 2010 à Varsovie dans le contexte d'une intervention policière, la délégation a indiqué qu'une enquête a été diligentée mais que le tribunal avait classé l'affaire en mai 2012 faute de preuves suffisantes attestant de la commission d'un délit.

S'agissant de la définition de la torture, la délégation a reconnu que la torture n'est pas une infraction spécifique dans le code pénal; néanmoins, tous les cas de torture ou autres mauvais traitements tels que définis dans la Convention constituent des crimes en vertu de la loi nationale, a assuré la délégation. Parmi les principales dispositions du code pénal en la matière, figurent l'article 246 relatif à l'extorsion d'aveux ou encore l'article 247 relatif aux mauvais traitements à l'encontre d'une personne privée de liberté. Il convient en outre de souligner qu'un témoignage ou une déclaration obtenus sous la contrainte ne sauraient être utilisés comme preuve devant un tribunal, a souligné la délégation. Un acte de torture commis par un fonctionnaire de l'État est par définition un abus de pouvoir, passible selon le code pénal d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement, a d'autre part indiqué la délégation. La motivation discriminatoire d'un délit constitue une circonstance aggravante, a-t-elle précisé.

La délégation a souligné que la législation civile polonaise constitue la base du système de protection des droits des citoyens. La législation polonaise sanctionne tout acte de discrimination à l'encontre des minorités, y compris les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres; ainsi, toute personne victime d'une discrimination peut-elle faire valoir ses droits. La législation pénale incrimine les discours d'incitation à la haine, a ajouté la délégation. Le Ministère de la justice travaille actuellement à une nouvelle loi visant à traiter de ces questions en tenant compte des changements intervenus s'agissant des questions de genre, a-t-elle précisé.

La Pologne n'envisage pas d'adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a d'autre part indiqué la délégation.

S'agissant du statut du Médiateur, la délégation a indiqué que cette institution assume les fonctions de mécanisme national de prévention de la torture. Ses recommandations sont toujours minutieusement examinées par les autorités et le Gouvernement les prend en compte dans son travail de préparation des lois, a-t-elle ajouté.

Interpellée au sujet du bizutage dans les forces armées, la délégation a souligné que les forces armées polonaises ont été réformées en 2010-2011, le pays ayant alors opté pour la fin de la conscription obligatoire et pour la professionnalisation de l'armée. Un nouveau code de déontologie a alors été adopté. Aucune plainte pour bizutage n'a été déposée ces dernières années devant les services compétents, a-t-elle insisté.

En 2013, le code de procédure pénale a été amendé pour restreindre le recours à la garde à vue et raccourcir la procédure d'appel concernant l'application de mesures préventives, a par ailleurs fait valoir la délégation, avant de faire état d'une diminution du nombre de mesures de garde à vue. La délégation a par ailleurs fait état d'un projet de loi visant à modifier la règle voulant qu'une personne placée en détention préventive n'ait pas droit à une communication téléphonique. Aucune loi en Pologne n'autorise les écoutes téléphoniques entre une personne et son avocat, a en outre souligné la délégation.

Au moment de leur détention, les détenus sont informés de leurs droits, a par ailleurs assuré la délégation. Elle a en outre attiré l'attention sur un nouveau système préventif d'intervention précoce mis en place au début de cette année pour répondre à la moindre irrégularité dans l'activité de la police, afin d'assurer que les erreurs ne se répètent pas.

S'il n'y a pas de problème systémique de surpopulation carcérale en Pologne depuis juin 2010, alors que les prisons polonaises connaissaient au 30 septembre dernier un taux d'occupation de 96,7%, un problème de capacité pourrait survenir du fait de l'application d'une directive européenne qui pourrait avoir pour conséquence le retour de quelque 12 000 Polonais purgeant une peine dans des prisons d'autres pays de l'Union européenne et pourraient être amenés à revenir en Pologne dans les années à venir.

Pour ce qui est des décès de prisonniers, notamment par suicide, la délégation a souligné que, suite à l'instruction sur la prévention des suicides de prisonniers émanant de la Direction générale des services pénitentiaires en date du 13 août 2010, le nombre de suicides en prison n'a cessé de diminuer ces dernières années, atteignant 31 en 2010, 16 en 2011, 16 également en 2012 et 13 pour cette année (à ce jour).

Répondant à des questions sur la pratique de la castration chimique, la délégation a indiqué qu'entre 2012 et la fin septembre de cette année, neuf personnes ont, sur la base d'une décision judiciaire, fait l'objet de tels traitements en raison de troubles sexuels. La délégation a par la suite précisé qu'il ne s'agit jamais en Pologne de castration chirurgicale, mais bien de castration chimique par traitement hormonal permettant de diminuer les pulsions sexuelles. La castration chimique ne peut être pratiquée sans le consentement du détenu concerné, a-t-elle également précisé.

S'agissant des requérants d'asile et des réfugiés, la délégation a notamment indiqué que le règlement dit de Dublin II est pleinement appliqué dans le pays. Le bureau des étrangers offre gratuitement des services d'interprète lors des entretiens menés avec les requérants d'asile en Pologne. Les mineurs étrangers, qu'ils se trouvent légalement ou illégalement dans le pays, ont droit à une instruction publique, a d'autre part souligné la délégation. Le projet de loi sur les étrangers actuellement étudié par la Pologne devrait rendre automatique la suspension de la procédure d'expulsion lorsqu'un recours est engagé contre une décision d'expulsion, a en outre indiqué la délégation.

À l'heure actuelle, la loi polonaise prévoit qu'une personne apatride et une personne étrangère ont le même statut, a en outre indiqué la délégation. Le Ministère de l'intérieur vient d'engager un dialogue interministériel sur la possibilité de ratifier les deux conventions relatives au statut d'apatride et à la prévention de l'apatridie, a-t-elle précisé.

La Pologne ne considère pas les assurances diplomatiques comme un moyen efficace d'assurer les droits des personnes extradées, a assuré la délégation. C'est toujours à un tribunal qu'il incombe de décider de l'admissibilité d'une extradition, en se fondant notamment sur les rapports des organisations non gouvernementales et en particulier d'Amnesty International quant au niveau de protection contre la torture qui prévaut dans le pays concerné, a précisé la délégation.

La délégation a indiqué que les détenus souffrant de troubles psychiatriques bénéficient de traitements psychiatriques; ils sont détenus dans l'une des six prisons du pays qui comportent des pavillons psychiatriques spécifiques, a-t-elle précisé. Les détenus ont toujours le droit de refuser un traitement pharmacologique, a-t-elle en outre assuré: le détenu doit déposer auprès de son médecin une plainte qui est transmise au chef des services médicaux; il peut aussi déposer plainte devant le Médiateur, notamment.

Les pistolets à impulsion électrique (Taser) sont équipés de caméras, de sorte que toute l'opération entourant leur utilisation est enregistrée; un tel système n'existe pas pour l'utilisation des armes à feu. Depuis que le Taser est utilisé par la police – et qu'il est privilégié au détriment de l'usage de l'arme à feu – aucun cas de décès n'a été enregistré par utilisation d'arme à feu de la part de la police, alors que par le passé on a pu avoir jusqu'à quinze décès annuels par arme à feu imputables à la police, a fait valoir la délégation.

La police dispose depuis une dizaine d'années d'un code de déontologie qui lui est propre et qui s'inspire des pratiques en provenance de pays qui font office de référence en la matière. La sanction la plus grave pour non-respect de ce code est bien entendu le licenciement de l'agent incriminé, a précisé la délégation.

La loi sur les minorités nationales et ethniques dont s'est dotée la Pologne donne une définition spécifique pour chacune de ces deux catégories de minorités, conformément aux définitions contenues dans la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur les minorités nationales et ethniques, a par ailleurs indiqué la délégation. La Pologne compte ainsi neuf minorités nationales et quatre minorités ethniques, a-t-elle précisé.


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CAT13/021F