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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE TUVALU

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné ce matin le rapport présenté par Tuvalu sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le dialogue s'est déroulé par visioconférence, en salle XVI du Palais des Nations.

La Ministre de l'éducation de Tuvalu, Mme Esealota Apinelu, a attiré l'attention sur les contraintes auxquelles ce pays de 11 000 habitants est confronté, tant au niveau des ressources humaines que financières. Lorsque Tuvalu a ratifié la Convention, en 1995, le pays ne comptait que deux diplômés de droit, il compte aujourd'hui neuf avocats et un magistrat siégeant au tribunal. Elle a précisé que les avocats du bureau du procureur général ont notamment pour rôle de coordonner les mesures que prennent les différents ministères aux fins de la mise en œuvre de la Convention. Tuvalu dispose d'un Comité consultatif pour les enfants qui dépend du Ministère de l'éducation, a en outre indiqué la ministre. Elle a souligné en conclusion que Tuvalu a besoin de davantage de fonds, notamment pour mettre en œuvre des lois adéquates.

La délégation de Tuvalu était également composée de représentants du Bureau pour l'enfance et du Bureau du procureur général. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant notamment des activités du Comité consultatif pour les enfants; de la diffusion de la Convention; de la lutte contre les châtiments corporels; des dispositions de la loi en matière de viol; de la prise en compte de l'opinion de l'enfant et de l'intérêt supérieur de l'enfant; des questions d'éducation et de santé; de l'enregistrement des naissances; de la définition de l'enfant; ou encore de l'administration de la justice pour mineurs.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Tuvalu, Mme Hiranthi Wijemanne, a souligné que le Comité était parfaitement conscient du fait que Tuvalu est très exposé aux changements climatiques et s'est réjouie que les difficultés auxquelles est confronté le pays n'aient en rien diminué la volonté de Tuvalu de protéger ses enfants. La rapporteuse s'est néanmoins inquiétée que Tuvalu ne dispose pas d'une définition très claire quant à l'âge de la majorité. La corapporteuse, Mme Renate Winter, s'est pour sa part inquiétée que les châtiments corporels à l'encontre des enfants ne soient pas interdits par la loi. Elle a aussi relevé qu'un enfant purge actuellement une peine d'emprisonnement à vie.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport de Tuvalu, qui seront rendues publiques à l'issue de la session, dont les travaux se terminent le vendredi 4 octobre prochain.


Lundi matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Lituanie(CRC/C/LTU/3-4).


Présentation du rapport de Tuvalu

Présentant le rapport initial de Tuvalu (CRC/C/TUV/1), Mme ESEALOTA APINELU, Ministre de l'éducation de Tuvalu, a assuré que la présentation tardive de ce rapport n'est pas due à un manque d'intérêt à l'égard de la Convention mais aux difficultés le pays est confronté en tant que petit pays insulaire. Lorsque Tuvalu a ratifié la Convention, en 1995, le pays ne comptait que deux diplômés de droit, c'est-à-dire des juristes. Désormais, le pays compte neuf avocats et un magistrat siégeant au tribunal. Le procureur général est responsable des poursuites au pénal, a-t-elle ajouté, précisant que son bureau ne compte que six avocats pour fournir des services d'appui juridique, qui ont notamment pour rôle de coordonner les mesures que prennent les différents ministères aux fins de la mise en œuvre de la Convention. Tuvalu est donc confronté à des contraintes tant au niveau des ressources humaines qu'au niveau des ressources financières, a poursuivi la Ministre.

Tuvalu n'a pas d'institution indépendante traitant des droits de l'enfant, tel qu'un médiateur des enfants, mais dispose d'un Comité consultatif pour les enfants qui dépend du Ministère de l'éducation, a indiqué la Ministre de l'éducation. Les parents des enfants en conflit avec la loi bénéficient de conseils fournis par la police, a-t-elle ajouté.

Les différentes îles tuvaluanes ne peuvent être atteintes que par bateau et certaines ne disposent même pas de transmission radiophonique, a poursuivi la Ministre. En outre, Internet n'est pas disponible à Tuvalu. Il n'en demeure pas moins que le pays est engagé en faveur du bien-être de sa communauté et s'efforce d'assurer l'harmonie et la paix, la gestion des affaires dépendant de la bonne entente entre les différents membres de la communauté. Les difficultés sont monnaie courante dans la capitale mais sont encore plus aiguës dans les îles les plus éloignées, a poursuivi la Ministre de l'éducation. Tuvalu a besoin de davantage de fonds, notamment pour mettre en œuvre des lois adéquates, a-t-elle souligné. Le pays s'est attelé à la mise en œuvre de son plan national d'action pour le développement, dans le cadre duquel a notamment été fixé l'objectif de l'adoption de lois et politiques adéquates aux fins de la mise en œuvre de la Convention, a assuré la Ministre.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME HIRANTHI WIJEMANNE, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Tuvalu, a souhaité savoir si la mise sur pied du Comité consultatif national pour les enfants a conduit à l'élaboration d'un plan national d'action spécifiquement consacré aux enfants tuvaluans.

En ce qui concerne la définition de l'enfant, Mme Wijemanne s'est inquiétée que Tuvalu ne semble pas disposer pas d'une définition très claire quant à l'âge de la majorité.

MME RENATE WINTER, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Tuvalu, a relevé que, du point de vue de Tuvalu, les droits de l'enfant ne doivent pas s'opposer aux traditions et valeurs du pays; or celles-ci doivent certes être respectées, mais seulement si elles ne s'opposent pas aux droits de l'homme, a rappelé Mme Winter. La loi autorise les punitions et châtiments corporels à l'encontre des enfants, s'est également inquiété la corapporteuse.

Étant donné l'absence de tout système d'administration de la justice pour mineurs, il semblerait que légalement, rien ne s'oppose à l'emprisonnement à vie d'un enfant sans possibilité de remise en liberté, s'est-elle également inquiétée. À cet égard, elle a relevé qu'un enfant purge actuellement une peine d'emprisonnement à vie et a demandé si le pays avait l'intention du pays de revoir cette sentence. Jusqu'à quel âge un enfant peut-il être maintenu en garde à vue, a en outre demandé la corapporteuse?

Mme Winter s'est ensuite enquise des mesures de sécurité et d'assistance prévues, dans le cadre de la loi applicable aux migrations, non seulement pour les enfants qui entrent sur le territoire tuvaluan mais aussi pour ceux qui le quittent ou pourraient avoir à le quitter.

Un autre membre du Comité a constaté qu'à Tuvalu, la législation interne semble prévaloir sur le droit international, estimant que l'inverse serait préférable.

Qu'en est-il de la connaissance qu'ont de la Convention les agents de l'État et les enfants, a demandé un expert ?

Dans quelle mesure l'intérêt supérieur de l'enfant est-il pris en compte dans l'élaboration des lois et par les tribunaux, a demandé une experte, rappelant que la prise en compte du point de vue de l'enfant se rattache au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant ? Cette experte s'est en outre inquiétée de difficultés rencontrées par Tuvalu en matière d'enregistrement des naissances.

Qu'en est-il de la législation applicable en matière de lutte contre la violence à l'égard des enfants, a demandé une autre experte, s'inquiétant de l'éventuelle existence de discriminations en la matière entre filles et garçons ? Les sanctions encourues pour viol sur un enfant ne semblent pas être les mêmes selon que la victime est une fille ou un garçon, a relevé un expert. Il semblerait en outre que le taux de mortalité infantile soit assez élevé et lié à des facteurs tels que l'obésité ou les cardiopathies, a ajouté cet expert.

Les enfants semblent rencontrer quelques difficultés pour passer de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire: moins de la moitié des enfants scolarisés au niveau du primaire sont éligibles pour passer au niveau du secondaire, c'est-à-dire qu'ils n'obtiendraient pas des résultats suffisants pour cela, a relevé un membre du Comité.

Il ne semble pas exister, à Tuvalu, de législation spécifique, de politique ni d'infrastructures adéquates à l'intention des enfants handicapés, s'est pour sa part étonnée une experte.

Réponses de la délégation

Certes, la législation interne prévaut sur les instruments internationaux ratifiés par le pays, mais cela n'empêche pas qu'elle puisse être interprétée dans un sens conforme aux dispositions desdits instruments, a expliqué la délégation. Le Comité national consultatif pour les enfants a été créé dans le but de déterminer les meilleurs moyens de mettre en œuvre la Convention, a indiqué la délégation; il comprend des représentants des secteurs s'intéressant de la santé, de la finance, de l'intérieur et de la femme. Ce Comité n'est certes pas aussi efficace qu'il faudrait, a admis la délégation, mais il n'en a pas moins œuvré en faveur de l'application des dispositions de la Convention, comme en témoigne par exemple le plan stratégique que les autorités tuvaluanes s'efforcent de mettre en œuvre avec leurs partenaires dans le domaine de l'éducation.

La délégation a ensuite reconnu l'importance de la collecte des données et a souligné que dans le cadre du Programme d'éducation pour tous, mené en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), entre autres, les autorités se sont penchées sur cette problématique et ont décidé de la mise en place d'une base de données.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a rappelé qu'à Tuvalu, les enfants sont scolarisés de l'âge de six à seize ans, des mesures étant prises pour garantir leur progression adéquate. Le taux de réussite scolaire n'est effectivement pas aussi élevé que cela serait souhaitable, mais un plan a été adopté précisément dans le but de promouvoir les meilleurs moyens d'améliorer les résultats scolaires, notamment lors des examens, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne la diffusion de la Convention, la délégation a assuré que des programmes de sensibilisation à la Convention sont menés auprès des enfants; la Convention fait partie du programme scolaire, a-t-elle fait valoir.

La question des changements climatiques est un problème crucial pour Tuvalu, a par ailleurs rappelé la délégation.

En ce qui concerne la prise en compte de l'opinion de l'enfant, la délégation a reconnu que l'avis des enfants n'est pas, il est vrai, toujours pris en compte à Tuvalu; en effet, il est parfois difficile de changer les attitudes en la matière. Néanmoins, Tuvalu dispose de programmes communautaires à cette fin et il incontestable que grâce aux mesures déjà prises en ce sens, les communautés sont plus réceptives que par le passé au principe selon lequel il faut entendre les enfants. Lorsqu'il s'agit de questions d'adoption ou de séparation, par exemple, il est tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, a par ailleurs souligné la délégation.

Pour ce qui est du principe de non-discrimination, la délégation a souligné que quoi que dise la loi, la pratique ne suit pas toujours, notamment lorsque les parents prennent leur décision en matière, par exemple, de legs de terres.

S'agissant des questions de santé, la délégation a expliqué que le Ministère de la santé et celui de l'éducation conjuguent leurs efforts pour réduire l'obésité. La délégation a par ailleurs rendu compte d'un programme d'éducation à la vie familiale que les autorités ont promu avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour la population afin d'aider les enfants sur les questions d'éducation sexuelle. Nombre de personnes, y compris des enfants, sont acheminées vers des pays tiers, en particulier vers l'Inde, afin d'y bénéficier de traitements et de soins de santé, ce qui absorbe une bonne part du budget de la santé de Tuvalu, a d'autre part indiqué la délégation.

Répondant aux questions sur les châtiments corporels, la délégation a admis qu'il s'agit là d'un problème que Tuvalu s'efforce de résoudre. Cette question préoccupe les autorités, a-t-elle insisté, affirmant qu'il faut à la fois protéger les enfants et leur inculquer la discipline afin, notamment, qu'ils respectent les traditions et la culture. Les enfants doivent être punis s'ils manquent de respect; mais l'enseignant est le seul autorisé à infliger une telle punition, sans en abuser néanmoins, c'est-à-dire sans se livrer à un quelconque mauvais traitement à l'encontre des enfants, a expliqué la délégation. Des efforts sont toutefois déployés pour faire comprendre tant aux parents qu'aux enseignants qu'il existe d'autres moyens que les châtiments corporels d'inculquer la discipline.

S'agissant des questions de violence à l'encontre des enfants, la délégation a notamment indiqué que le Code pénal est en cours de réexamen; l'objectif est notamment d'amender la législation afin d'inclure le viol contre les garçons dans les dispositions et sanctions relatives au viol, a-t-elle précisé. En outre, la définition du viol existant actuellement ne fait référence qu'aux rapports sexuels sans tenir compte de l'éventualité du viol à l'aide d'un objet. Les autorités ont tenté de mettre en place un mécanisme permettant aux femmes victimes de déposer plainte, a poursuivi la délégation. Mais Tuvalu est un petit pays et lorsque quelqu'un décide de porter plainte, tout le monde le sait et la victime se retrouve alors sur la sellette; c'est pourquoi les victimes hésitent parfois à porter plainte, a-t-elle expliqué.

Il est vrai qu'il n'existe pas, pour l'heure, à Tuvalu, de législation spécifique permettant d'établir des garde-fous à l'intention des enfants handicapés, a par ailleurs indiqué la délégation; il n'en demeure pas moins que le Gouvernement est en train d'étudier la possibilité de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées en se penchant en particulier sur les coûts qu'induirait pour le pays une telle ratification. Il y a très peu d'enfants handicapés à Tuvalu, a souligné la délégation; néanmoins, avec l'aide de leurs partenaires du développement, les autorités tuvaluanes procèdent au développement d'infrastructures à leur intention.

La délégation a reconnu un manque de sensibilisation de la part des organes chargés de l'enregistrement des naissances quant au devoir des parents, en vertu de la loi, de procéder à un l'enregistrement. À cet égard, la délégation a fait appel à l'assistance extérieure afin d'aider le pays à mieux assurer l'enregistrement des naissances sur la totalité de l'archipel.

S'agissant de l'administration de la justice, la délégation a indiqué qu'en l'état actuel de la législation, la sanction prévue en cas de meurtre peut aller jusqu'à la peine d'emprisonnement à perpétuité. Il est prévu d'amender la législation afin de réduire à 20 ans d'emprisonnement la peine maximale encourue, a-t-elle indiqué. En ce qui concerne l'enfant purgeant actuellement une peine d'emprisonnement à vie à Tuvalu, la délégation a notamment indiqué que la grâce de cet enfant a été envisagée par le passé, une proposition ayant été faite en ce sens. Il faut espérer qu'une fois qu'aura été adopté l'amendement susmentionné, la peine de cette personne, mineure au moment des faits mais aujourd'hui majeure, pourra être commuée et donc réduite.

S'agissant de la définition de l'enfant, la délégation a reconnu que différents groupes d'âges sont effectivement reconnus dans les différentes lois en vigueur à Tuvalu; aussi, des réflexions ont-elles été engagées afin d'amender les dispositions existantes dans un sens adéquat. En l'état actuel, il n'y a pas de limite d'âge à partir duquel un enfant peut être entendu par la police; si un enfant a enfreint la loi, il peut être placé en garde à vue, a par ailleurs expliqué la délégation. Néanmoins, dans de tels cas, les enfants ne passent pas la nuit au commissariat; ils y passent seulement une ou deux heures avant que leurs parents ne viennent les récupérer, a-t-elle ajouté. La délégation a ensuite indiqué que lorsque la police trouve des enfants sans surveillance, elle les place en garde à vue jusqu'à ce que leurs parents viennent les récupérer, puisqu'il s'agit bien évidemment d'enfants qui ont une famille. Une experte lui ayant demandé si Tuvalu envisageait de relever l'âge de la responsabilité pénale, actuellement fixé à dix ans, la délégation a indiqué que la question était en cours d'examen.

La délégation a enfin souligné que Tuvalu ne dispose pas, pour l'heure, de législation relative aux migrations et aux mesures susceptibles d'être prises, par exemple, pour l'évacuation de personnes en cas de catastrophes naturelles.

Observations préliminaires

La rapporteuse, MME WIJEMANNE, a remercié la délégation pour sa participation constructive et honnête à ce dialogue. L'objectif du Comité est de veiller à l'intérêt de l'enfant à Tuvalu, a-t-elle rappelé, relevant que les réponses que la délégation a apportées aux questions des experts ont témoigné d'un véritable engagement des autorités tuvaluanes à l'égard des enfants et de leurs droits. Le Comité est parfaitement conscient du fait que Tuvalu est très exposé aux changements climatiques, a ajouté Mme Wijemanne, avant de se réjouir que les difficultés auxquelles est confronté le pays n'aient en rien diminué la volonté de Tuvalu d'aider ses enfants.


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CRC13/027F