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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DU BURKINA FASO

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial du Burkina Faso sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

M. Amadou Consigui, Secrétaire général du Ministère des droits humains et de la promotion civique, a rappelé que son pays, qui a ratifié la Convention le 26 novembre 2003, est principalement un pays d'origine de travailleurs migrants, avec notamment 3,5 millions de Burkinabé en Côte d'Ivoire, 3 millions au Ghana, 1,2 million au Soudan et 1 million au Mali. Mais il accueillait aussi plus de 60 000 étrangers en 2008, doit 0,4% de sa population totale. Tout en reconnaissant que le pays ne dispose pas de statistiques précises ni sur les travailleurs burkinabé à l'étranger ni sur les travailleurs étrangers dans le pays, le chef de la délégation a estimé que cela ne constituait pas un obstacle à la jouissance de leurs droits par les migrants concernés. En effet, la délégation a insisté tout au long de l'examen sur le fait que tous les Burkinabé, où qu'ils vivent, sont traités de la même manière et que toutes les personnes qui vivent au Burkina, nationaux ou étrangers, bénéficient des mêmes droits. Le chef de délégation a présenté la Stratégie nationale des migrations en préparation et qui couvrira la période 2014-2025 et a placé la question des migrants dans le cadre plus large de la stratégie nationale accélérée pour un développement durable.

La délégation burkinabé était composée d'une quinzaine de membre, dont neuf venaient du Burkina Faso. Outre plusieurs membres du Ministère des droits humains et de la promotion civique, étaient présents des représentants des Ministères de la justice, des affaires étrangères, de l'administration territoriale et de la sécurité, et de l'économie et des finances.

Lors des échanges, plusieurs membres du Comité ont regretté le manque d'exemples concrets et précis illustrant l'application de la Convention, ainsi que le manque de statistiques détaillées, malgré l'abondance des chiffres fournis. Ils se sont intéressés en particulier à la part que les transferts de fonds des nombreux migrants burkinabé représentent dans l'économie nationale et à l'utilisation faite de ces revenus; aux mesures prises pour permettre aux migrants rentrés au pays de bénéficier des retraites et autres prestations sociales pour lesquelles ils ont cotisé dans le pays où ils travaillent; et aux mesures concrètes prises par les autorités burkinabé, par le biais des consulats, pour veiller au bien-être et au respect des droits des Burkinabé travaillant à l'étranger.

Le Comité rendra publiques des observations finales sur le rapport du Burkina Faso après la fin de la session, qui se termine vendredi.


Le Comité examinera, à partir de cet après-midi à 15 heures, le rapport périodique du Maroc (CMW/C/MAR/1), second rapport d'États parties au programme de la présente session.



Présentation du rapport

Présentant le rapport initial du Burkina Faso (CMW/C/BFA/1), M. AMADOU CONSIGUI, Secrétaire général du Ministère des droits humains et de la promotion civique, a rappelé que les déplacements de populations sont des phénomènes universels qui ont de tout temps marqué l'histoire de l'humanité. De tout temps, le Burkina Faso a été un foyer de mouvements migratoires internes ou avec l'étranger. Le pays a ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille le 26 novembre 2003. Depuis lors, il ne ménage aucun effort pour renforcer les droits des travailleurs migrants, le Burkina Faso s'excuse de n'avoir pas présenté plus tôt son rapport initial, prévu en 2005. Le présent rapport rend brièvement compte de l'évolution des droits des travailleurs migrants au Burkina Faso depuis l'entrée en vigueur de la ratification et a été établi de manière consensuelle.

Le Burkina Faso est principalement un pays d'origine de travailleurs migrants, avec 3,5 millions de Burkinabé en Côte d'Ivoire, 3 millions au Ghana, 1,2 million au Soudan et 1 million au Mali. Mais il accueille aussi plus de 60 000 étrangers en 2008, doit 0,4% de sa population totale, les Maliens représentant le contingent étranger le plus important. Le Burkina Faso ne dispose pas de statistiques précises ni sur les travailleurs burkinabés à l'étranger ni sur les travailleurs étrangers dans le pays. Cela est certes gênant mais ne constitue cependant pas un obstacle à la jouissance de leurs droits par les travailleurs étrangers au Burkina Faso.

Le pays s'est engagé dans la promotion et la protection des droits humains de toutes les catégories de personnes, avec la création en 2002 de deux départements ministériels. Le Gouvernement a élaboré une stratégie nationale des migrations qui couvrira la période 2014-2025, qui doit être adopté prochainement en conseil des ministres et sera accompagnée de plans triennaux. Au niveau économique, les travailleurs migrants apportent une contribution importante au développement du Burkina Faso.

Toutes les formes de discrimination à l'égard des travailleurs migrants sont interdites par la Constitution et les textes législatifs. Le pays a aussi conclu des accord bilatéraux avec le Mali, la Côte d'Ivoire et la France ainsi que dans le cadre de la CEDEAO, notamment. Plusieurs documents de politique du Gouvernement tiennent pleinement compte des travailleurs migrants. L'insuffisance des moyens dont dispose le Burkina Faso en matière de politique carcérale ne permet pas de satisfaire aux exigences pertinentes de la Convention, que ce soit pour les nationaux ou les étrangers. Le Burkina Faso ne parvient pas non plus à assurer la participation effective de ses ressortissants vivant à l'étranger aux différentes élections du pays, malgré des mesures d'enregistrement des Burkinabé à l'étranger, qui ont été reportées à 2015.

Les crises sociopolitiques que traversent certains pays mettent les travailleurs migrants dans une situation de précarité totale, comme l'ont montré plusieurs crises en Côte d'Ivoire et la crise libyenne de 2011. Les autorités burkinabé, avec l'aide de l'Organisation internationale pour les migrations ont mis en place en 2011 un plan de réponse pour les Burkinabé de l'étranger contraints de rentrer au pays. Le Comité national d'urgence et de réhabilitation (CONASUR) a offert une assistance aux travailleurs migrants rentrés. En dehors de ces mesures spécifiques, un plan d'action prévoit notamment des mesures destinés à réduire les frais sur les transferts de fonds des membres de la diaspora vers le pays ou encore à faciliter les investissements des membres de la diaspora dans le pays.

Le Burkina Faso a signé des accords bilatéraux ou multilatéraux (dans le cadre de la CEDEAO) pour lutter notamment contre la traite des êtres humains et le trafic d'enfants. Le pays a adopté en mai 2008 une loi pour lutter contre la traite des personnes et les pratiques assimilées, qui a permis d'identifier nombre de victimes et d'interpeler et de poursuivre des trafiquants. Il existe également des campagnes de sensibilisation auprès de la population pour changer les mentalités, y compris en traduisant dans différentes langues nationales un certain nombre des textes internationaux. Il en a résulté une baisse du travail des enfants.

Le Burkina Faso est attentif à la situation de ses ressortissants travailleurs émigrés. Ainsi, après un grave incident en mars 2013 entre travailleurs maliens et burkinabé dans une exploitation minière dans le sud-est du Sénégal, les ambassadeurs du Mali et du Burkina Faso au Sénégal ont effectué une mission conjointe pour venir en aide aux victimes et apaiser les tensions. Le Burkina Faso a par ailleurs mis en place un conseil supérieur des Burkinabé de l'étranger et la Stratégie nationale de migration a notamment prévu de promouvoir les transferts de compétences et de savoir-faire de la diaspora.

Les étrangers travailleurs migrants en situation régulière depuis au moins dix ans ont le droit de participer aux élections municipales au Burkina Faso. En outre, le Gouvernement prend des mesures pour permettre la participation des travailleurs étrangers aux élections dans leur propre pays.

Le Burkina Faso est conscient que beaucoup reste à faire, malgré le chemin parcouru, pour assurer le respect effectif des droits des travailleurs migrants. Pour relever ce défi, l'appui de la communauté internationale est essentiel. Le Burkina Faso est tout disposé à accueillir les commentaires du Comité.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. Ahmadou Tall, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burkina Faso, s'est félicité de l'assurance donnée par le Burkina Faso que le retard de huit ans dans la présentation de son rapport ne se reproduirait pas à l'avenir. Il a noté que le pays n'a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention. Il a noté que, pendant la période coloniale, la Haute-Volta, (ancien nom du Burkina Faso) avait été utilisée comme réservoir de main d'œuvre pour plusieurs autres colonies voisines, ajoutant que cette politique et l'absence d'investissement avaient créé une tradition de mobilité et de migration importante.

Le rapporteur a demandé des informations supplémentaires sur la Stratégie nationale de migration en préparation et les ressources qui lui seront affectées. Il a demandé des précisions également sur les activités de la commission nationale burkinabé des droits humains et le nombre des dossiers qu'elle traite et qui concernent les travailleurs migrants. Il a demandé si le Gouvernement burkinabé envisageait de supprimer certaines dispositions concernant les étrangers en situation irrégulière, passibles de refoulement, d'amende ou de détention. Il a estimé que le rapport aurait dû, au-delà des descriptions juridiques, montrer davantage les mesures concrètes prises en faveur de travailleurs immigrés, y compris en situation irrégulière. Il a regretté que le rapport ne dise rien sur les constatations effectuées à l'occasion de visites de terrain. Quelles sont les mesures prises sur le terrain pour appliquer effectivement la Convention? Le rapporteur a aussi demandé un bilan concret de l'application de la convention après dix ans de ratification.

M. Tall a par la suite demandé des précisions sur les facilités offertes d'intégration accordées aux émigrants étrangers au Burkina Faso. Il a demandé s'il existait un service spécialisé sur l'accueil des travailleurs migrants au sein des services sociaux. Il a demandé quel était le sort réservé aux migrants appréhendés alors qu'ils sont en situation irrégulière. Par ailleurs, qu'est-il fait pour assurer l'accès des migrants à la justice, et notamment à un avocat ou encore à la langue.

Un autre membre du Comité a noté que le Burkina Faso était avant tout un pays d'origine de travailleurs migrants et s'est étonné du manque d'information sur l'appui apporté à cette diaspora. Ainsi, combien de consulats existent dans les pays d'importantes communautés burkinabé? Y a-t-il dans ces consulats des fonctionnaires spécialisés ou encore des cabinets d'avocats aptes à assister les migrants dans les principales questions liées à leur situation: droit des migrants, droit du travail, droit pénal et droit de la famille? Y a-t-il une politique de rapatriement des Burkinabé décédés à l'étranger ou encore de rapatriement des malades qui veulent rentrer au pays pour se soigner? Par ailleurs, y a-t-il une politique d'accueil des émigrés qui rentrent au pays?

Un expert a estimé qu'on ne pouvait pas, dans le contexte actuel, attendre des changements majeurs rapides concernant la politique des travailleurs migrants de la part du Burkina Faso. Il a toutefois demandé si, dans le cadre de la Stratégie de la migration, des mesures applicables à moyen terme avaient été prises, et non seulement des mesures à long terme. En outre, le Burkina Faso a-t-il des accords juridiques avec les États qui accueillent de nombreux travailleurs burkinabé, qui permettent de veiller directement à la protection des travailleurs migrants dans le pays d'accueil?

Un autre expert a regretté le manque de statistiques sur les flux migratoires. Dans ce contexte, on ne parvient pas à comprendre comment les travailleurs migrants et leurs familles peuvent bénéficier des mesures de protection prévues par la Convention. Les travailleurs émigrés qui rentrent au pays peuvent-ils transférer leurs droits à la sécurité sociale et quel rôle jouent alors les consulats? Par ailleurs, quelle est la pratique concernant les droits syndicaux des travailleurs immigrés au Burkina Faso?

De 20% à 30% de la population burkinabé travaille à l'étranger, a relevé un expert. Cela confère au Burkina Faso une certaine responsabilité quant à leur bien-être, d'autant que certains burkinabé émigrés travaillent dans des pays qui ne sont pas partie à la Convention. Quelles mesures sont prises par le Burkina Faso pour assister les Burkinabé émigrés, qui contribuent à la richesse nationale par leurs transferts de fonds? Il ne semble pas y avoir d'agences très spécialisées à cette fin. L'expert a en outre demandé quel était le statut juridique du Haut Conseil des Burkinabé à l'étranger.

Une experte du Comité a demandé quelles mesures étaient mises en place pour alphabétiser les enfants des travailleurs migrants, notamment les migrants en situation irrégulière et ceux qui travaillent comme domestiques, qu'il s'agisse des Burkinabé à l'étranger ou des étranger au Burkina Faso. La Stratégie nationale pour les migrations prévoit-elle des mesures spécifiques?

Une autre experte a demandé si on connaissait la part des travailleurs migrants dans la richesse nationale du pays, notamment du fait des transferts de fonds des Burkinabé émigrés. Par ailleurs, existe-t-il au Burkina Faso un cadre de concertation pour la politique de la migration et à quel ministère il est rattaché. Y a-t-il des facilités de transferts des avoirs des Burkinabé de l'étranger?

Un membre du Comité a demandé, vu la proportion des Burkinabé qui travaillent à l'étranger, quelle était la proportion de migrants temporaires et celle de migrants définitifs. Pour les migrants temporaires, combien le sont au titre de conventions établies entre États et combien dans le cadre de conventions entre entités privées? Quelle est la politique d'appui aux migrants de l'étranger?

Une experte a souhaité savoir si la politique migratoire du Burkina Faso avait un lien avec sa politique de développement. Si oui, comment évalue-t-on les retombées de cette politique sur ceux qui vivent au Burkina Faso?

Un expert a relevé un problème linguistique du fait que la grande majorité de la population s’exprime dans plus de 60 langues locales. Par ailleurs, y a-t-il au Burkina Faso des lois qui réglementer le fonctionnement d'agences de recrutement privés? Les envois de fonds sont-ils réglementés et comment alimentent-ils l'économie du Burkina Faso, quelle est le part dans le PIB du pays?

Dans le cadre d'une deuxième série de questions, un membre du Comité a déclaré qu'il semblait difficile de savoir ce qu'est un travailleurs migrant régulier ou irrégulier au regard du droit burkinabé et en a donc demandé la définition. Estimant que les femmes travailleuses migrantes représentent un groupe particulièrement vulnérable, il a demandé si des mesures avaient été prises sur la base de recommandations éventuellement émises par d'autres organes des droits de l'homme. Il a salué les programmes gratuits d'enregistrement des naissances entrepris depuis 2009 pour les enfants des travailleurs migrants et a souhaité savoir si le programme était toujours en cours et partout.

Un expert s'est enquis des mesures prises pour lutter contre la corruption qui accompagne souvent les flux migratoires et a demandé quels progrès avaient a été faits pour mieux faire connaître la Convention au grand public. Il a demandé pourquoi le vote des migrants aux élections locales avait été reporté à 2015.

Une experte a demandé quelles mesures étaient prises pour venir en aide aux mineurs isolés qui se retrouvent sur le territoire burkinabé, ou encore aux mineurs Burkinabé qui se trouvent isolés en territoire étranger.

Un membre du Comité a demandé si des travailleurs migrants burkinabé se trouvaient actuellement dans des pays en crise et, dans ce cas, ce qui était fait en leur faveur. Les agents consulaires en poste dans les pays où se trouvent de nombreux migrants burkinabé sont-ils formés pour les aider, a demandé un autre expert?

M. Abdelhamid El Jamri, Président du Comité, a relevé l'importance des activités génératrices de revenus résultant des transferts de revenus mentionnée par la délégation et demandé si ces activités étaient dirigées par les migrants eux-mêmes et quelle était leur part dans la richesse nationale. Par ailleurs, y a-t-il des cas où les tribunaux ont fait référence à la Convention pour faire respecter les droits des migrants. Le Président a encore demandé quelles étaient les relations du Burkina Faso avec les nombreux mécanismes régionaux ou sous régionaux de protection des droits de l'homme en Afrique de l'Ouest.

Réponses de la délégation

Le chef de la délégation a rappelé le caractère historique des flux migratoires au Burkina Faso, notamment vers les autres pays africains, et affirmé qu'il avait appris à les gérer, y compris par des structures telles que le Haut Conseil des Burkinabé à l'étranger. Il a insisté sur le caractère non discriminatoire des mesures législatives: les Burkinabé sont traités comme tels, qu'ils vivent au pays ou à l'étranger. De même, les lois s'appliquent à tous ceux qui vivent au Burkina Faso, nationaux ou étrangers. C'est le cas notamment pour le droit syndical et les juridictions nationales sont ouvertes à tous. La Commission nationale des droits humains déjà ancienne a été révisée cette année pour assurer le respect des principes de Paris. Il existe avec la Côte d'Ivoire un accord de protection sociale qui concerne notamment les droits à la retraite. Une société nationale d'aménagement des terrains urbains octroient des parcelles viabilisées à tous ceux qui en expriment le besoin, nationaux du pays ou de la diaspora, avec aussi une quote-part pour les étrangers travaillant dans le pays.

La Commission nationale des droits humains, mise en place en 2001 par décret, a été revitalisée en 2012 pour répondre aux Principes de Paris. Elle compte en son sein des représentants des administrations publiques, des membres d'organisations de la société civile et des acteurs privés et a été installée dans sa nouvelle configuration en mars 2013. On ne peut donc en dresser dès à présent un bilan. Au sein de la Commission nationale des droits humains, une structure collecte les informations sur les migrants et prépare un rapport soumis à un atelier national de validation. Toutefois, certaines données n'ont pas pu être obtenues.

L'État doit protéger les nombreux ressortissants burkinabé à l'étranger, ce qui explique la création du Haut Conseil des Burkinabé de l'étranger, qui compte en son sein des délégués de la diaspora. Il doit notamment rassembler tous les Burkinabé de l'étranger, assurer leur insertion nationale et leur participation au développement national et leur faire mieux connaître les législations des pays où ils vivent.

La liberté syndicale est garantie pour tous les travailleurs au Burkina Faso, y compris pour les étrangers, mais il est difficile de savoir combien d'étrangers ou de Burkinabés sont syndiqués.

Un membre de la délégation a reconnu qu'il était nécessaire de revoir l'ordonnance actuelle sur les migrants en situation irrégulière, qui d'ailleurs est contradictoire dans ses termes.

Le chef de la délégation a expliqué que le Burkina Faso fonctionne sur la base de politiques globales et intégrées qui interdisent toute forme de discrimination, à l'exception d'éventuelles discriminations positives pour les plus vulnérables. C'est une sorte de politique d'assimilation totale de tous les étrangers aux Burkinabé, sans condition de réciprocité.

La délégation a confirmé que le Burkina Faso intégrait la question des migrants dans la perspective du développement, notamment dans la stratégie nationale accélérée de développement durable, qui est le véritable cadre de référence du pays pour son développement.

La stratégie nationale des migrations sera dotée de 4 milliards de francs CFA pour les trois premières années, y compris en partie par une participation des migrants eux-mêmes. Les nouveaux besoins seront intégrés en permanence dans les plans d'actions triennaux. Par ailleurs, le montant annuel des transferts des migrants est estimé à 31 milliards de francs CFA en moyenne, sachant que les crises dans certains pays, quand elles provoquent des retours importants de migrants comme ce fut le cas en Côte d'Ivoire, peuvent entraîner des baisses importantes de ces transferts. Il n'existe pas de facilité particulière pour les transferts de la part des migrants, qui se font d'ailleurs pour plus de la moitié de manière informelle, ce qui signifie aussi que le montant estimé est sans doute sous-évalué. Le montant total des transferts a été estimé à 4,5% du PIB du Burkina Faso en 1994, et à 1,9% en 2002, cette baisse étant due en partie aux conséquences des crises en Côte d'Ivoire. Les transferts de fonds permettent de soutenir les membres de la famille restée au pays, et parfois de créer de petites entreprises. En outre, le Burkina Faso a financé en 2011-2012 le rapatriement de plusieurs milliers de Burkinabé de Libye

Quant au type de migration, il existe une importante migration de longue durée, mais aussi des migrations cycliques ou saisonnières. Ainsi, pendant la saison sèche, les ruraux migrent un peu vers le Mali ou le Ghana, avant de revenir à la saison des pluies pour travailler aux champs. Il existe aussi une migration cyclique des orpailleurs.

Le Burkina Faso a signé un certain nombre de traités et accords concernant des dispositions sociales, y compris dans le cadre de la caisse africaine de prévoyance sociale, qui cherche à harmoniser les régulations en la matière dans les différents pays. Les accords visent essentiellement à assurer les transferts de pensions ou de rentes en cas d'accident du travail ou de maladie. Jusqu'en 2007, les Burkinabé étaient obligés de se rendre dans le pays où ils avaient travaillé pour récupérer leur pension. Ce n'est plus le cas et ils peuvent désormais obtenir le paiement de leurs pensions au pays.

Il est difficile de faire un bilan synthétique de la lutte contre le trafic d'êtres humains, du fait des nombreux accords bilatéraux ou régionaux conclus par le Burkina Faso, dont les résultats se recoupent. Mais la délégation a fait état de plusieurs milliers d'enfants étrangers interceptés au Burkina Faso et de plusieurs dizaines d'enfants burkinabé repérés dans des pays voisins et rapatriés. Concernant les migrants employés domestiques, l'affiliation à la sécurité sociale est obligatoire pour tout travailleur au Burkina Faso.

Le réseau diplomatique et consulaire du Burkina Faso à l'étranger est composé de 31 ambassades et 8 consulats généraux en 2012, auxquels s'ajoute une centaine de consulats honoraires. Il y a notamment cinq ambassades et cinq consulats généraux dans les pays africains qui comptent le plus de migrants. Il est prévu d'étendre ce réseau conformément à la stratégie des migrations.

Le code burkinabé du travail prévoit que l'employeur s'occupe du rapatriement du corps de son employé décédé dans le pays, ainsi que du rapatriement de la personne en cas d'accident du travail. En cas de décès d'un Burkinabé à l'étranger ou d'un rapatriement sanitaire, c'est la famille qui décide, et assure le financement du rapatriement avec l'assistance de la communauté burkinabé dans le pays concerné.

Un accord sur les migrants conclu avec la France est entré en vigueur en 2011, qui prévoit notamment une aide au retour volontaire des Burkinabé, une hausse du nombre des visas français accordés aux Burkinabé - passé de 1400 environ à 2009 à plus de 2000 en 2011 et qui continuait d'augmenter début 2012 - ainsi qu'un processus de régulation des sans-papiers.

La grande diversité des ethnies et des langues au Burkina Faso ne pose pas de problèmes aux migrants ni à la population, a affirmé la délégation. Le français est langue officielle et le taux de scolarisation brut était en 2007 de près de 75%, alors que le taux d'alphabétisation dépasse désormais 28%. En outre, les documents officiels sont traduits dans certaines langues locales largement utilisées. Enfin, de nombreuses mesures sont prises pour sensibiliser les personnes analphabètes au contenu des règles officielles, ce qui permet de protéger les droits de tous, y compris des travailleurs migrants. L'éducation des enfants est prévue par la Constitution, avec une scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans qui s'applique autant aux étrangers qu'aux nationaux. Les enfants n'ayant pas d'extraits de naissances ni de permis de séjour du père sont tout de même inscrits à l'école primaire, laquelle est gratuite. C'est au moment des examens seulement qu'un extrait de naissance est demandé. Répondant à la remarque d'un expert, la délégation a reconnu que les sites internet officiels ne sont pas toujours à jour, expliquant que cela était dû au manque de données récentes.

Le droit de vote des étrangers en situation régulière remplissant les conditions aux élections locales et celle des burkinabé de l'étranger aux scrutins nationaux est prévu par la loi, même si le vote des étrangers a dû être reporté à 2015. Les Burkinabé de l'étranger peuvent acquérir des biens immobiliers dans le pays.

Le Gouvernement s'attache à la mise en œuvre de la Convention y compris en la faisant connaître par la population, par exemple à l'occasion de la célébration de la Journée internationale des migrants, en 2012, ou encore lors des Journées annuelles des différentes communautés étrangères au Burkina Faso.

La délégation a répété que le Burkina Faso ne dispose pas de données statistiques précises sur la mise en œuvre des différents éléments de la Convention, ce qui est source de soucis. Elle a toutefois fourni un certain nombre de données.

Le Burkina Faso est un État de droit, démocratique et laïc, dans lequel la notion de «travailleur irrégulier» n'existe pas. C'est le travail qui peut être irrégulier s'il n'est pas conforme à la loi. Une personne qui ne serait pas en situation régulière à la frontière peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion mais a la possibilité de faire appel. La justice burkinabé est indépendante et peut être saisie par toute personne sur le territoire national. Il n'y a pas de chiffres disponibles sur d'éventuelles saisines par des migrants au titre d'une violation alléguée de la Convention. Il existe au Burkina Faso un fonds d'aide judiciaire pour les personnes reconnues indigentes et des avocats peuvent être commis d'office auprès des personnes incriminées.

L'enregistrement des naissances concerne tous les enfants nés au Burkina Faso et les Ministères de l'administration territoriale et des droits humains travaillent en étroite collaboration pour assurer la délivrance des certificats de naissance. Il a existé de 2009 à 2012 un programme d'établissement des certificats de naissance d'enfants qui n'en avaient pas et des actions de sensibilisation. L'opération a connu un large succès et a permis de délivrer plus de 2 millions d'actes de naissances, tout en renforçant les capacités des centres d'état civil, surtout en milieu rural.

Il existe diverses mesures de lutte contre la corruption ou la fraude, y compris au sein des différents ministères. Le Ministère des droits humains et de la promotion civique dispose d'une direction spécifique chargée de la mise en œuvre des accords internationaux et la promotion de ces derniers est donc une tâche permanente.

Au Burkina Faso, le système de cotisation sociale est volontaire, sauf pour les fonctionnaires, et il existe un Ministère de l'action sociale et de la solidarité nationale, qui est compétent pour traiter des problèmes des migrants qui rentrent au pays. Le nombre des consulats est en hausse et on y nomme notamment des conseillers juridiques et assistantes sociales. Les missions diplomatiques ou consulaires ne sont pas nécessairement au courant des Burkinabé en situation irrégulière mais, quand ils le sont, ils tentent d'apporter leur soutien en traitant avec le pays d'accueil. Ils essaient aussi d'accompagner les procédures de retour volontaire des migrants. Il n'existe pas de statistiques disponibles sur des travailleurs migrants burkinabé en Syrie, en Égypte ou dans d'autres pays en crise. Les fonds disponibles pour des rapatriements sont limités mais, en cas de crise, les Ministères des finances ou des affaires étrangères apportent un appui supplémentaire, comme ce fut le cas pour les Burkinabé de Libye en 2011.

Répondant à une question sur l'utilisation des fonds transférés par les migrants, la délégation a assuré que l'emploi de ces sommes est entièrement décidé par les migrants eux-mêmes et leur famille.

L'ensemble des textes relatifs à la migration, y compris la Convention, ont été vulgarisés et diffusés à un millier d'exemplaires auprès des communautés concernées.

Le droit de vote des Burkinabé de l'étranger a été reporté à 2015 car le grand nombre de ces derniers exige le déploiement de moyens très importants dans de nombreux pays, mais il est essentiel que ce soit possible pour les échéances électorales importantes de 2015.

L'Afrique, et plus encore l'Afrique de l'Ouest avec la CEDEAO et sa cour de justice, compte des mécanismes de défense des droits de l'homme que chacun peut saisir, y compris en ce qui concerne des violations alléguées de la Convention, a également expliqué la délégation.

Les structures qui établissent des contrats de recrutement pour de futurs travailleurs migrants doivent faire l'objet d'un agrément du ministère du travail. Le Burkina Faso a ratifié la Convention de l'OIT sur les travailleurs migrants mais n'a pas encore présenté de rapport à ce titre et n'a donc pas reçu de recommandations.

Le Burkina Faso manque encore de statistiques mais a fait des efforts pour collecter le plus possible de données statistiques désagrégées, en particulier pour tenir compte du genre.

Conclusions

M. Tall, rapporteur pour le rapport du Burkina Faso, a rendu hommage au Burkina Faso pour avoir envoyé une importante délégation de sa capitale. Il a estimé qu'en Afrique de l'Ouest, le Burkina Faso est un des pays qui consacre le plus d'efforts pour mettre en œuvre les dispositions des conventions relatives aux droits de l'homme, et en particulier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il a toutefois encouragé le Burkina Faso à accroître son effort financier pour assurer une meilleure application des différentes conventions. M. Tall a également relevé le manque d'informations statistiques lors du débat et a invité le Burkina Faso à faire un effort en ce sens. Davantage d'informations statistiques permettront aux institutions de mieux assurer leur rôle et garantir les droits fondamentaux.

M. Consigui, chef de la délégation du Burkina Faso, a remercié le Comité pour l'ambiance dans laquelle s'est déroulé le débat. Il a dit être conscient de certaines insuffisances dans la mise en œuvre de la Convention et s'est engagé à y remédier dans l'avenir.

M. Abdelhamid El Jamri, Président du Comité, a remercié le Burkina Faso pour avoir présenté son rapport initial, répondu par écrit aux questions initiales et pour avoir envoyé une délégation importante et compétente à l'occasion de l'examen de son rapport. Il a pris note des insuffisances relevées et des réponses apportées lors du débat et rappelé que, d'ici quelques jours, le Comité présentera ses recommandations, après quoi la délégation aura encore quelques jours pour y apporter des réponses. Il a déclaré que le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants adopte toujours une position de pédagogie pour aider les pays à mieux mettre en œuvre la Convention. Rappelant que le Comité a adopté de nouvelles méthodes de travail, le Président a expliqué que la présentation de rapports périodiques sera désormais remplacée par la présentation de réponses à des questions spécifiques, selon un calendrier.


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CMW13/010F