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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS OUVRE LES TRAVAUX DE SA DIX-NEUVIÈME SESSION

Compte rendu de séance
Il tient une réunion informelle avec les représentants d'ONG et d'institutions nationales des droits de l'homme concernant le Burkina Faso et le Maroc

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a ouvert ce matin les travaux de sa dix-neuvième session en adoptant son ordre du jour et son programme de travail.

Mme Flavia Pansieri, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a ouvert la session en rappelant qu'elle avait lieu à la fois dix ans après l'entrée en vigueur de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et juste avant l'ouverture de la session de l'Assemblée générale qui consacrera cette année un dialogue de haut niveau au lien entre migrations internationales et développement. Mme Pansieri a aussi mis l'accent sur le rôle des organes conventionnels dans le cadre du processus de rationalisation de leurs travaux, actuellement en cours. À cet égard, elle a salué le rôle souvent précurseur du Comité, notamment s'agissant de ses méthodes de travail. Elle a aussi rappelé que le système des organes conventionnels doit disposer des moyens lui permettant de fonctionner correctement, afin notamment d'éviter les importants retards dans l'examen des rapports.

Le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a regretté le ralentissement du nombre des nouvelles ratifications de la Convention depuis quelques années. Il a toutefois noté que des positions nettes se dessinent au plan international concernant les travailleurs migrants. Il a rappelé le nouveau défi que représente la différenciation croissante que font les États entre travailleurs migrants réguliers et irréguliers, comme l'illustre une note envoyée au Comité par l'Union européenne, qui va à contresens des positions défendues par le Comité. Le Président a plaidé pour que les droits de l'homme des travailleurs migrants soient bien pris en compte dans le programme de développement après 2015.

Une discussion a suivi, en particulier avec M. Ibrahim Salama, Directeur de la Division des traités au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, au sujet notamment du renforcement du système des organes conventionnels dans le domaine des droits de l'homme.

Le Comité a ensuite tenu une réunion informelle avec les représentants d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales des droits de l'homme concernant l'application de la Convention dans des pays dont les rapports seront examinés par le Comité, à savoir le Burkina Faso et le Maroc.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Burkina Faso. (CMW/C/BFA/1).


Déclarations d'ouverture

MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a souligné que cette dix-neuvième session du Comité se tenait exactement dix ans après l'entrée en vigueur de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, anniversaire à l'occasion duquel le Maroc et l'OIM ont organisé, le 5 juillet dernier à Rabat, un séminaire régional sur la politique des migrations et les droits de l'homme. En une décennie, la Convention, avec l'appui des experts du Comité, a renforcé la protection de millions de migrants, en situation régulière ou non, à travers le monde. S'il reste clairement beaucoup à faire, cet anniversaire est aussi l'occasion de faire le bilan de ce qui a été réalisé et d'identifier les défis à surmonter pour obtenir une plus large application de la Convention.

Par ailleurs, la présente session du Comité se tient juste avant l'ouverture de la soixante-huitième session de l'Assemblée générale, qui tiendra un dialogue de haut niveau sur le lien entre migrations internationales et développement les 3 et 4 octobre. La question est également liée aux efforts destinés à achever les objectifs du Millénaire pour le développement et le programme de développement après 2015. Les États ont reconnu au plus haut niveau la nécessité de traiter des migrations dans le cadre mondial du développement. La réunion de haut niveau d'octobre sera la première du genre depuis 2006 et devra permettre, à la fois de mesurer des bienfaits des migrations et réduire les tensions qui peuvent en résulter, et de mettre l'accent sur le bien être des migrants. Mme Pansieri a rappelé que les migrants, par les envois d'argent au pays mais aussi par les connaissances qu'ils acquièrent dans le pays d'accueil, contribuent au développement de leur pays d'origine tout en contribuant à la croissance des pays d'accueil. Dans le programme de développement après 2015, les travailleurs migrants en devraient pas être considérés comme une marchandise ou comme de simples pourvoyeurs d'argent et de développement, mais comme des êtres humains dotés de droits, dont le bien-être devra être pris en compte. Mme Pansieri s'est félicitée de ce que la Président du Comité assistera à la réunion, ainsi qu'à un événement annexe organisé par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur les travailleurs migrants employés domestiques.

La prochaine session de l'Assemblée générale doit aussi débattre du renforcement des organes conventionnels, a par ailleurs rappelé Mme Pansieri. Ce sera un moment important qui devrait permettre de renforcer et rationaliser les processus des divers organes conventionnels. Les deux facilitateurs du processus sont venus rencontrer les membres des comités cet été à Genève et ce sont eux qui ont demandé que la vingt-cinquième réunion annuelle des présidents des organes conventionnels soit déplacée à New York pour permettre un meilleure synergie avec les représentants des États membres et des groupes d'État. Cette réunion annuelle s'est tenue du 20 au 24 mai. Mme Pansieri a rappelé les cinq principes considérés comme nécessaires pour un renforcement réussi du système des organes conventionnels: le nécessité d'assurer une protection renforcée des droits de l'homme , le respect de l'indépendance des organes conventionnels, le fait que tout agent épargné dans le système actuel devrait être réinvesti dans le système, l'utilisation de technologies modernes pour accéder au système des organes conventionnels, y compris pour les handicapés, et enfin, comme demandé par le présent comité, une réaction globale et durable face aux défis auxquels le système des organes conventionnels est confronté. Mme Pansieri a dit espérer qu'une résolution de fond pourra rapidement être adoptée sur la question. Elle a aussi rappelé que le système des organes conventionnels doit disposer des moyens lui permettant de fonctionner correctement, afin notamment d'éviter les importants retards dans l'examen des rapports.

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants a été le premier organe conventionnel à adopter toutes les recommandations figurant dans le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur le renforcement du système des organes conventionnels et à adopter les directives d'Addis Abeba sur l'indépendance et l'impartialité des membres des organes conventionnels. Mme Pansieri a en outre félicité le Comité pour avoir été le premier, et actuellement le seul, à adopter un calendrier des rapports à soumettre par les États parties.

La Haut-Commissaire adjointe a par ailleurs rappelé au Comité les résolutions adoptées par le Conseil des droits de l'homme lors de sa précédente session concernant les droits des migrants, notamment la résolution 23/20 qui invite les États qui ne l'ont pas encore fait à adhérer à la Convention, ou encore la présentation du rapport du rapporteur spécial sur les travailleurs migrants et celui du rapporteur spécial sur les formes modernes de racisme.

Mme Pansieri a affirmé que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme continuerait de soutenir le Comité et l'application de la Convention. Tous les membres du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur le terrain sont engagés en faveur d'une mise en œuvre effective des différentes conventions de droits de l'homme, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

M. ABDELHAMID EL JAMRI, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants, a regretté le ralentissement du nombre des nouvelles ratifications de la Convention depuis quelques années. Des positions nettes se dessinent au plan international concernant les travailleurs migrants, notamment dans le cadre du dialogue de haut niveau à venir à New York ou encore dans la ratification de conventions de l'Organisation internationale du travail. Le Président a noté le nouveau défi que représente la différenciation croissante que font les États entre travailleurs migrants réguliers et irréguliers. Il a rappelé au Comité la note envoyée en ce sens par l'Union européenne, qui va «à contresens» des positions défendues par le Comité. Il a rappelé que la Convention avait été élaborée en 1990 dans un contexte d'augmentation des flux migratoires mais aussi de la traite des êtres humains dans le monde. Le contexte est le même aujourd'hui et la Convention en est d'autant plus nécessaire, a déclaré M. El Jamri. Le Président a plaidé pour que les droits de l'homme des travailleurs migrants soient bien pris en compte dans le programme de développement après 2015.

Le Président est ensuite revenu sur le séminaire de Rabat organisé au plan régional africain à l'occasion du dixième anniversaire de la Convention. Il a encouragé les experts des autres continents à tenter de créer des synergies du même ordre pour traiter de la problématique des migrants au plan régional. Il a estimé que la tenue à New York de la réunion des Présidents des organes conventionnels avait été très bénéfique en facilitant les contacts avec les États et il a suggéré que cette réunion annuelle se tienne à l'avenir une fois sur deux ou sur trois à New York. Il a également rappelé les initiatives prises par le Comité concernant le calendrier et l'examen des rapports.

Autres déclarations

M. IBRAHIM SALAMA, Directeur de la division des traités au Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré qu'il était important pour le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants de poursuivre le dialogue sur le renforcement du système des organes conventionnels et a dressé un rapide bilan du dialogue tenu en mai à New York.

Le Président du Comité a souligné que la relations entre les Présidents des organes conventionnels et les États Membres était nouvelle et estimé que la réunion de New York de mai avait permis une certaine démythification. Les États Membres sont les mêmes à New York et à Genève mais leur perception dans les deux villes est parfois différente, plus politique à New York, a-t-il ajouté.

Un membre du Comité, s'est félicité de ce que le Comité soit souvent présenté comme un pionnier parmi les organes conventionnels. En même temps, il a jugé que le Comité avait peu de membres et ne disposait pas d'une présence importante, se demandant s'il appartenait vraiment aux membres du Comité de rechercher des nouvelles ratifications de la Convention. C'est un travail du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de toute l'architecture de défense des droits de l'homme, a-t-il estimé. Un autre expert a estimé que le plaidoyer en faveur de la ratification de la Convention avait ralenti ces derniers temps. Il s'est par ailleurs félicité de la réunion de Rabat et a souhaité que des événements du même type soient organisés pour promouvoir la Convention dans d'autres régions

Répondant aux questions des membres du Comité, M. Salama a attribué la stagnation dans le nombre de ratifications de la Convention non à un manque de plaidoyer mais à un problème plus profond d'acceptation du contenu de la Convention. Il a distingué la ratification de la Convention, certes souhaitable, et l'amélioration réelle du contenu des droits. Les États qui ont adhéré à la Convention doivent non seulement la mettre en œuvre au plan national mais aussi en assurer la promotion au plan international. M. Salama a notamment estimé que les conférences des États parties aux divers instruments des droits de l'homme ne devraient pas limiter leurs activités à nommer les membres du Comité, mais aussi traiter de questions de fond, y compris de la ratification de la Convention concernée par d'autres États. M. Salama a en outre estimé que la réunion de New York avait permis de mieux faire connaître les organes de traité auprès des États Membres, tout en confirmant que ces derniers avaient une approche plus politique qu'à Genève et qu'ils connaissaient mal les instruments de droits de l'homme. Il a comparé le comportement des États membres à New York, où sont créés les Comités, à un père qui donne naissance à un enfant et le reconnaît, mais ne s'occupe ensuite plus de lui. Le plaidoyer est nécessaire puisque les États n'accordent pas assez de moyens aux organes conventionnels.

Un membre du Comité a regretté que les travailleurs migrants n'aient pas suffisamment été reconnus comme groupe vulnérable, y compris par le Secrétariat. Certes, les droits des travailleurs migrants sont reconnus ailleurs que dans la Convention, mais la Convention est le principal instrument de défense et de promotion de leur droit. Il faut donc veiller à la promotion de la Convention et à ce que les droits des migrants soient reconnus. Un autre expert a estimé que la Convention était, contrairement à d'autres instruments de droits de l'homme, profondément liée à des considérations politiques. Les autres conventions sont là pour défendre les droits de citoyens qui peuvent exercer une influence directe sur l'État dans lequel ils se trouvent. Ce n'est pas le cas des travailleurs migrants. C'est peut-être une des raisons pour laquelle les États développés ne veulent pas accorder aux travailleurs migrants les droits prévus dans la Convention. Pourtant, cette convention est tournée vers l'avenir car elle va dans le sens de la mondialisation. Il faudrait inviter les États à réfléchir aux flux futurs de migrants et à ne pas se contenter de faire valoir qu'ils défendent les droits des travailleurs migrants en traitant correctement les travailleurs migrants réguliers qui séjournent chez eux.

Audition d'organisations non gouvernementales

En ce qui concerne le Maroc

Le GADEM (Groupement antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants) a rappelé que quatre gouvernements se sont succédé depuis la ratification par le Maroc de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Tous ont repris la même politique répressive de gestion des flux migratoires, notamment à l'encontre des ressortissants subsahariens en situation irrégulière. Cette politique a fait plusieurs dizaines de morts et des milliers de blessés, y compris récemment, et elle est récurrente. Une nouvelle constitution est entrée en vigueur au Maroc et on peut constater, entre 2009 et 2011, une amélioration dans le traitement des femmes et enfants subsahariens en situation irrégulière, mais la situation se dégrade de nouveau depuis 2012. La protection des droits des migrants ou des victimes de la traite est inexistante. Quand il a ratifié la convention en 2003, le Maroc se concevait surtout comme un pays d'émigration et cherchait à protéger ses propres ressortissants émigrés. Or, c'est aussi un pays de transit et, depuis quelque années, un pays d'immigration.

L'Association des Marocains victimes d'expulsion arbitraire d'Algérie (AMVEAA) a rappelé le drame vécu en 1975 par des milliers de travailleurs marocains expulsés d'Algérie, bien qu'en situation régulière. Il a demandé au Comité de demander au Maroc de consentir les efforts nécessaires pour permettre aux victimes d'accéder à toutes les voies de recours possible, de saisir les instances internationales compétentes, de saisir l'Algérie pour la prise en considération des recommandations prises par le comité en 2010 et de faciliter la mission de l'AMVEAA.

L'Association marocaine des droits humains (AMDH) a déclaré qu'il fallait traiter les droits des travailleurs migrants comme tous les droits de l'homme. Il a noté que la loi marocaine sur la migration est silencieuse sur les droits des migrants et dominée par une tonalité sécuritaire et répressive. Or, le Maroc, déjà pays de transit, est devenu un pays d'accueil de travailleurs migrants, qui subissent de nombreuses violations de leurs droits, particulièrement les femmes et les enfants. Le représentant a dénoncé une généralisation et une banalisation du racisme à l'égard des travailleurs migrants et a accusé le Maroc de n'être pas engagé sérieusement dans une application sérieuse de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille concernant les migrants étrangers sur son territoire. Le Maroc doit aussi défendre les droits des travailleurs marocains émigrés.

L'Organisation marocaine pour les droits de l'homme a déclaré que le monde est traversé par d'importants flux migratoires et que les migrants sont confrontés à un certains nombres d'abus, des discriminations ou d'agression. Le Maroc a ratifié la Convention et un certain nombre d'autres accords et protocoles, il a renforcé son cadre institutionnel pour la protection des droits de l'homme. Il y a eu des progrès, notamment la création d'une commission ministérielle des droits de l'homme, mais des problèmes demeurent. Les efforts positifs du Maroc doivent être généralisés, le Maroc devrait ratifier la convention n°105 de l'Organisation internationale du travail sur l'abolition du travail forcé et la convention 87 sur la liberté syndicale, ainsi que le troisième Protocole à la Convention sur les droits de l'enfant. Il a demandé la suppression de certaines dispositions législatives nationales concernant les migrants et demandé que le Gouvernement marocain cesse de recourir à la force contre les travailleurs migrants.

En ce qui concerne le Burkina Faso

Le Centre d'études et de recherches sur les migrations internationales et le développement (CERMID) a déclaré que l'État burkinabé avait fait des efforts en mettant en place un dispositif institutionnel et normatif pour protéger les droits des travailleurs migrants, y compris la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en 2003. Toutefois, les mesures d'application sont limitées et la politique de l'État en matière de migration reste faible et embryonnaire. Le représentant a recommandé la création d'un ministère chargé exclusivement des travailleurs migrants – Burkinabés à l'étranger et étrangers au Burkina – et a demandé le renforcement des structures d'accueil des travailleurs migrants rapatriés et la suppression des barrières intérieures qui aboutissent à des atteintes aux droits des travailleurs migrants. Il a demandé que les États d'accueil occidentaux ratifient la Convention.

Témoignage d'institutions nationales de droits de l'homme

Le Conseil national des droits de l'homme du Maroc (CNDH) a indiqué que qu'il assurait un suivi permanent de la situation des migrants avec le Gouvernement et les organisations non gouvernementales en vue de jouer un rôle de médiation. Le Conseil national mène aussi des enquêtes sur la situation des migrants notamment dans les régions où ils sont les plus nombreux, ainsi que, de manière plus large, des enquêtes sur la situation des étrangers au Maroc. Le Conseil national estime notamment que les autorités, dans le cadre de leur contrôle des frontières et de la lutte contre le trafic d'êtres humains, ne peuvent se dérober à leurs engagements pris dans le cadre des différentes conventions internationales des droits de l'homme. Le CNDH demande une véritable politique publique respectueuse des droits de l'homme, y compris pour les migrants en situation irrégulière. Il demande au Gouvernement la création d'une plate-forme permanente de dialogue pour le Gouvernement et les acteurs de la société civile, nationaux et internationaux. Il invite le Gouvernement à aligner le droit des associations étrangères sur celui des associations nationales pour ce qui concerne les étrangers en situation régulière. Le CNDH invite en outre les medias à s'abstenir de toute mesure favorisant le racisme ou la xénophobie et à lutter contre les stéréotypes concernant les travailleurs migrants.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CMW13/009F