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LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES OUVRE LES TRAVAUX DE SA QUATRIÈME SESSION

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées a ouvert ce matin, au Palais des Nations, à Genève, les travaux de sa quatrième session, en adoptant son ordre du jour et son programme de travail et en entendant des déclarations du Chef de la Branche des Amériques, de l'Europe et de l'Asie centrale du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, M. Gianni Magazzeni, et du Président du Comité, M. Emmanuel Decaux. Le Comité a en outre tenu de brèves rencontres avec les Etats, les organes des Nations Unies et les institutions intergouvernementales, ainsi que les organisations non gouvernementales. Il a par ailleurs observé une minute de silence à la mémoire des victimes de disparitions forcées.

Dans sa déclaration, M. Magazzeni a notamment rappelé que de nombreux pays ont, à différents moments dans l'histoire, fait l'expérience du fléau des disparitions forcées, en particulier, durant les années 1970 et 1980, en Amérique latine. Malheureusement, a ajouté le Chef de la Branche des Amériques, de l'Europe et de l'Asie centrale du Haut Commissariat, on peut encore observer des développements troublants favorisant l'impunité pour des crimes passés dans cette région et dans d'autres, ainsi que des cas contemporains de disparitions forcées. Par exemple, a-t-il précisé, les présences du Haut Commissariat sur le terrain au Guatemala, au Tadjikistan et dans d'autres pays d'Asie centrale continuent de suivre des cas récents et de jouer un rôle de surveillance et de conseil auprès des autorités et d'autres parties prenantes. M. Magazzeni a ajouté que les cas contemporains de disparitions forcées ont été particulièrement aigus au Mexique. M. Magazzeni a ensuite tenu le Comité informé de l'état d'avancement du processus intergouvernemental de renforcement du système des organes de traités.

Le Président du Comité a pour sa part souligné que « deux ans après l'entrée en vigueur de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, c'est le même sentiment d'urgence qui nous réunit aujourd'hui ». « Les disparitions forcées ne sont pas seulement un phénomène du passé», a-t-il insisté. « Aucun continent n'est épargné », a poursuivi M. Decaux. Il a insisté sur la priorité qui doit être accordée à la promotion de la ratification universelle de la Convention. Force est de constater que seuls quatre Etats parties à la Convention – l'Uruguay, la France, l'Espagne et l'Argentine – rejoints récemment par l'Allemagne, ont respecté l'obligation de base de présentation d'un rapport au Comité, a-t-il en outre déploré, avant d'ajouter qu'« il n'est pas possible, sur un tel sujet, que les lenteurs des uns et les retards des autres faussent dès le départ la bonne mise en route de la Convention ».


Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de l'Uruguay.


Déclarations d'ouverture

M. GIANNI MAGAZZENI, Chef de la Branche des Amériques, de l'Europe et de l'Asie centrale du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a notamment rappelé qu'aujourd'hui, le Haut-Commissariat est présent dans quelque 58 pays à travers le monde, avec des bureaux de pays, des composantes de droits de l'homme au sein des missions de paix des Nations Unies, des conseillers en droits de l'homme au sein des équipes de pays des Nations Unies et des bureaux régionaux ou sous-régionaux. Il a en outre attiré l'attention sur les mesures prises par un certain nombre de pays afin d'assurer une mise en œuvre adéquate des recommandations émanant du système des droits de l'homme. Par le biais de ces présences sur le terrain, a insisté M. Magazzeni, la Haut-Commissaire prend la tête des efforts coordonnés déployés au sein des équipes de pays des Nations Unies et en partenariat avec les organisations régionales et les donateurs bilatéraux, afin de donner suite aux recommandations émanant de tous les mécanismes de droits de l'homme, y compris celles du Comité des disparitions forcées. À cet égard, il convient de souligner que le 8 mars dernier, le Ministre de la planification de l'Équateur a exposé en détail, lors d'un événement parallèle organisé durant la dernière session du Conseil des droits de l'homme, les plans de son Gouvernement pour promouvoir une approche fondée sur les droits de l'homme dans le contexte de la planification pour le développement de ce pays.

S'agissant plus spécifiquement des disparitions forcées, M. Magazzeni a rappelé que de nombreux pays ont, à différents moments dans l'histoire, fait l'expérience de ce fléau. En particulier, durant les années 1970 et 1980, un certain nombre de pays latino-américains ont connu un cadre systématique de disparitions forcées. Malheureusement, a ajouté M. Magazzeni, on peut encore observer des développements troublants favorisant l'impunité pour des crimes passés dans cette région et dans d'autres, ainsi que des cas contemporains de disparitions forcées. Par exemple, a-t-il précisé, les présences du Haut Commissariat sur le terrain au Guatemala, au Tadjikistan et dans d'autres pays d'Asie centrale continuent de suivre des cas récents et de jouer un rôle de surveillance et de conseil auprès des autorités et d'autres parties prenantes. M. Magazzeni a ajouté que les cas contemporains de disparitions forcées ont été particulièrement aigus au Mexique où la responsabilité de l'Etat a été détournée du fait que l'origine de la vaste majorité des cas a été attribuée à des luttes en rapport avec la criminalité organisée et que n'a pas été établie de distinction claire – y compris dans les registres – entre disparitions forcées et autres cas analogues.

M. Magazzeni a ensuite tenu le Comité informé de l'état d'avancement du processus intergouvernemental de renforcement du système des organes de traités. Il a rappelé que lors de la dernière session de l'Assemblée générale, les co-facilitateurs du processus, les Ambassadeurs de l'Indonésie et de l'Islande, ont été renommés dans leurs fonctions; ils ont exprimé leur intention d'achever le processus d'ici le mois de mai prochain, après une série de consultations informelles qui ont déjà commencé – le dernier cycle de consultations en date étant celui qui s'est tenu à New York les 19 et 20 février dernier. Le prochain cycle de consultations informelles se tiendra du 11 au 17 avril, a précisé M. Magazzeni, rappelant que les co-facilitateurs ont, dans la perspective des consultations informelles qui se dérouleront à New York dans quelques jours, distribué aux Etats le document qu'il avait été demandé au Haut-Commissariat de produire concernant le coût total du système des organes de traités pour 2012 et les exigences budgétaires qui permettraient de combler le retard qu'accuse l'examen des rapports et communications (plaintes) soumis à l'ensemble des organes de traités.

Enfin, M. Magazzeni a encouragé les membres du Comité à participer à l'enquête lancée par le Haut-Commissariat concernant le processus de planification des activités du Haut-Commissariat.

M. EMMANUEL DECAUX, Président du Comité, a souligné que « deux ans après l'entrée en vigueur de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, c'est le même sentiment d'urgence qui nous réunit aujourd'hui ». « Les disparitions forcées ne sont pas seulement un phénomène du passé, auquel le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a pour vocation de répondre », a-t-il poursuivi. « La notion de crime continu donne tout son sens à cette mission, mais au-delà de cette qualification juridique, c'est toute la tragédie humaine des disparitions forcées qui nous mobilise et nous inspire », a-t-il indiqué.

« Aucun continent n'est épargné », a poursuivi le Président du Comité. La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre très récemment deux arrêts importants où elle se réfère indirectement à la Convention contre les disparitions forcées :l'arrêt El-Masri c. FYROM qui a été rendu par la Grande chambre le 13 décembre 2012, au sujet d'un ressortissant allemand disparu quelques mois dans les mains de la CIA ; et l'arrêt Aslakhnanova et autres c. Russie du 18 décembre 2012, dans lequel la Cour européenne condamne pour la première fois le caractère systématique des disparitions forcées dans la République de Tchétchénie.

« Notre compétence est limitée aux 37 Etats parties qui sont liés par la Convention », a par ailleurs rappelé le Président du Comité, insistant sur la priorité qui doit être accordée à la promotion de la ratification universelle de cet instrument par l'ensemble des Etats Membres des Nations Unies, afin de donner toute leur portée aux mesures de prévention et aux garanties de la Convention. A cet égard, le Comité réaffirme sa disponibilité pour des efforts de sensibilisation et se réjouit de la perspective d'un premier atelier organisé en Afrique, dans le cadre de la coopération entre l'Organisation internationale de la Francophonie et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

Mais la ratification rapide n'est pas une fin en soi, a souligné M. Decaux ; elle doit permettre l'application effective de la Convention. Celle-ci crée des obligations pour les Etats, à commencer par l'obligation de légiférer en vue de prévoir une incrimination autonome dans le code pénal, mais aussi le devoir d'établir une sorte d'état des lieux, en remettant dans les deux ans un rapport au Comité des disparitions forcées, a-t-il rappelé. À cet égard, a-t-il fait observer, force est de constater que seuls quatre Etats – l'Uruguay, la France, l'Espagne et l'Argentine – rejoints récemment par l'Allemagne, ont respecté cette obligation de base (de présentation de rapport), parmi la vingtaine d'Etats concernés. « Nous savons que d'autres Etats se préparent très sérieusement à remettre prochainement leur rapport, mais les chiffres sont éloquents », a insisté le Président du Comité, avant d'ajouter qu' « il n'est pas possible, sur un tel sujet, que les lenteurs des uns et les retards des autres faussent dès le départ la bonne mise en route de la Convention ». Outre les enjeux relatifs au bon fonctionnement du système des traités, c'est l'effectivité et l'efficacité de la Convention qui seraient en cause si une telle inertie perdurait au-delà de quelques mois d'ajustement, a-t-il averti.

« Cette session va permettre d'établir une série de précédents et de bonnes pratiques qui illustreront la volonté d'impartialité, de cohérence et de continuité du Comité en évitant les doubles standards », a déclaré M. Decaux.

« Nous comptons également beaucoup sur la vigilance des ONG pour nous transmettre toutes les informations utiles et nous signaler les situations prioritaires, afin de mettre en œuvre les autres compétences du Comité, notamment l'article 33, afin de pallier l'absence de rapport étatique », a souligné M. Decaux. Dès maintenant, a-t-il ajouté, nous avons été directement saisis par plusieurs ONG d'informations préoccupantes, qui ont fait l'objet de rapports publics de la part de certaines ONG, et le Groupe de travail (sur les disparitions forcées) nous a officiellement informés qu'il avait été alerté sur la situation d'un Etat partie, afin de faciliter la bonne coordination entre les deux organes. Enfin, a indiqué M. Decaux, «le Comité a été saisi en urgence sur la base de l'article 30 et le résultat de nos efforts répétés, qui reste encore confidentiel, figurera dans le rapport annuel». À nos yeux, insisté le Président du Comité, la Convention offre une série de dispositions précises qui sont autant de gages de sécurité juridique pour les Etats et de garanties pour les victimes.

Rencontre avec les Etats

La Belgique a rappelé qu'elle avait ratifié la Convention en 2011 et qu'elle allait présenter son rapport initial cette année (2013). L'examen de ce premier rapport permettra d'évaluer les méthodes de travail respectives du Comité et du pays, a souligné la Belgique.

L'Uruguay a insisté sur l'importance de la Convention et a exprimé l'espoir que d'autres pays se joindront à ceux qui ont déjà ratifié cet instrument. L'Uruguay a rappelé que le Comité allait examiner son rapport demain après-midi et après-demain matin.

Le Président du Comité, M. Emmanuel Decaux, a prié les Etats parties de transmettre leurs calendriers respectifs pour la remise de leurs rapports au Comité.

Rencontre avec les organes des Nations Unies et les institutions intergouvernementales

Le Comité international de la Croix-Rouge a fait part de sa disponibilité pour participer à toute campagne visant à faire en sorte que les notions de disparitions forcées et de personnes disparues soient mieux comprises. Il est essentiel que les Etats deviennent partie à la Convention sur les disparitions forcées, a ajouté le CICR.

Rencontre avec les organisations non gouvernementales

Un représentant de Geneva for Human Rights a estimé qu'au vu de la déclaration faite ce matin par son représentant, le Haut Commissariat aux droits de l'homme ne semblait pas avoir réellement compris la spécificité de la Convention sur les disparitions forcées. En effet, ce n'est pas seulement une question de charge de travail qui est en cause, mais aussi et surtout une question d'application et de mise en œuvre (des dispositions de la Convention), y compris pour ce qui est de la présentation de rapports, a expliqué cet intervenant.

Un représentant de l'Association espagnole pour le droit international des droits de l'homme a assuré que le Gouvernement espagnol n'avait eu aucune intention de dialogue sérieux avec les ONG dans le cadre de l'élaboration du rapport initial de l'Espagne. Le rapport qu'a élaboré l'Espagne ne traite pas des cas de disparitions forcées intervenus dans le pays entre 1936 et 1975, ni de la nécessité d'abroger la loi d'amnistie de 1977 – laquelle empêche de mener toute enquête sur ces crimes, a souligné cet orateur, rappelant que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. Il faut que le Comité demande à l'Espagne ce qui a été fait pour mener des enquêtes sur les quelque 150 000 cas de disparitions forcées intervenus dans ce pays durant la guerre civile et la période du franquisme, a insisté l'intervenant. Il a en outre dénoncé les pratiques espagnoles d'expulsion policière de migrants qui peuvent être victimes de violations des droits de l'homme ou de disparitions forcées lorsqu'ils sont renvoyés dans leur pays. L'Espagne dispose de neuf centres d'internement d'étrangers sur son territoire, dans lesquels les étrangers en situation irrégulière peuvent être privés de liberté durant 60 jours sans contrôle judiciaire et ce, même s'ils n'ont pas commis de délit, ce qui, eu égard aux difficultés qu'éprouvent les proches de ces personnes pour entrer en contact avec elles, équivaut à une pratique de disparition temporaire, a ajouté l'orateur.


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CED13/002F