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LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DE L'URUGUAY

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par l'Uruguay sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

M. Ricardo González Arenas, Directeur général des affaires politiques au Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a souligné que le pays avait engagé la lutte contre les disparitions forcées bien avant l'entrée en vigueur la Convention. La situation qui a suivi le coup d'État militaire de 1973 a donné lieu à de nombreuses disparitions forcées dans le pays et la plupart de ces cas n'ont toujours pas été éclaircis. La douleur des familles et l'impact social de ces crimes ont généré au sein de la société uruguayenne le rejet et l'indignation face à ces actes de barbarie. Pour autant, les solutions juridiques et politiques pour l'éclaircissement et la sanction de ces crimes se sont heurtées à des obstacles. Après le retour de la démocratie en 1985, de nombreuses victimes de violations des droits de l'homme et leurs proches ont présenté des plaintes, mais une loi de prescription a empêché l'action de la justice. M. González Arenas a aussi attiré l'attention sur une décision récente de la Cour suprême qui s'est exprimée contre l'imprescriptibilité des délits commis avant la loi de 2006 qui avait introduit le délit de disparition forcée conformément à la Convention. M. Federico Perazza, Directeur des droits de l'homme et du droit humanitaire au Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a pour sa part ajouté qu'aucun délit de disparition forcée n'a été enregistré en Uruguay depuis l'entrée en vigueur de la Convention pour le pays.

La délégation uruguayenne était composée également d'autres représentants du Ministère des relations extérieures, dont la Représentante permanente à Genève, Mme Laura Dupuy, ainsi que de représentants du Ministère de l'éducation et de la culture, du Ministère de l'intérieur et du Secrétariat aux droits de l'homme de la Présidence. Elle a répondu aux questions des experts s'agissant, notamment, de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne; de la non-rétroactivité de la loi pénale érigeant la disparition forcée en infraction; des peines encourues pour le délit de disparition forcée et pour l'obstruction à une enquête; de l'indépendance de la justice et le cas de la juge Mariana Mota; des questions d'extradition; de la détention au secret; des recours en habeas corpus et en amparo; ou encore de la loi sur l'habeas data.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay, M. Juan José López Ortega, a relevé que de nombreuses questions ont été éclaircies dans le cadre du dialogue avec la délégation, notamment pour ce qui a trait à la place de la Convention dans l'ordre juridique interne. Il a par ailleurs souligné qu'un certain nombre de réformes devront être réalisées du point de vue législatif et institutionnel afin de renforcer les processus déjà en place et a relevé que la délégation a d'ailleurs convenu de la nécessité de ces réformes. La manière dont est conçu l'habeas corpus en Uruguay est très claire et le pays est encouragé à achever le processus législatif visant à garantir la continuité de ce régime. Il existe en revanche d'importantes lacunes dans le domaine de la formation concernant les dispositions de la Convention. Le corapporteur, M. Mamadou Badio Camara, a pour sa part estimé que le minimum de la peine encourue pour le crime de disparition forcée, à savoir deux ans d'emprisonnement, est un point sur lequel l'Uruguay devrait encore réfléchir.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport uruguayen qui seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 19 avril.

Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de la France (CED/C/FRA/1).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de l'Uruguay (CED/C/URY/1), M. RICARDO GONZÁLEZ ARENAS, Directeur général des affaires politiques au Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a souligné que son pays avait ratifié tous les traités fondamentaux de protection des droits de l'homme ainsi que leurs protocoles facultatifs et avait adressé une invitation permanente à tous les titulaires de mandats de procédures spéciales du système international et du système interaméricain.

Le rapport initial présenté par l'Uruguay rappelle que la lutte contre les disparitions forcées avait commencé dans ce pays bien avant que n'entre en vigueur la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, a fait observer M. González Arenas. Durant la période du gouvernement militaire, des disparitions forcées se sont produites, comme dans d'autres pays de la région, et la plupart de ces cas n'ont toujours pas été éclaircis. La douleur des familles et l'impact social de ces crimes ont généré au sein de la société uruguayenne un sentiment de rejet et d'indignation face à ces actes de barbarie.

Pour autant, les solutions juridiques et politiques pour l'éclaircissement et la sanction de ces crimes, ainsi que pour la prévention de futurs cas, se sont heurtées à des obstacles, a souligné M. González Arenas. Après le retour de la démocratie, a-t-il expliqué, de nombreuses victimes de violations des droits de l'homme, et leurs proches, ont présenté des plaintes devant diverses juridictions pour que des enquêtes soient menées sur les faits concernés. Mais l'entrée en vigueur de la Loi n°15848 de 1986 relative à l'extinction de l'action publique de prescription a empêché l'action de la justice (paragraphes 14 et suivants du rapport). De l'entrée en vigueur de cette «Loi sur la prescription extinctive applicable à la répression des infractions» (Ley de caducidad de la pretensión punitiva del Estado) jusqu'en 2005, le pouvoir exécutif a déclaré que les plaintes présentées tombaient sous le coup des dispositions de cette norme et les poursuites engagées furent closes et archivées. Ainsi, aucun responsable présumé des graves violations des droits de l'homme survenues pendant la période de la dictature n'a été jugé durant cette période. Aussi, le présent rapport rend-il compte des efforts qui ont été faits pour inverser cette situation, notamment en ce qui concerne, d'une part, la révocation des actes administratifs ayant déclaré que les plaintes relevaient de la loi de prescription et, d'autre part, le rétablissement de l'action publique de répression des sanctions. Ce chemin vers le rétablissement de la vérité, vers le plein fonctionnement de la justice et vers la sanction des délits n'a pas été exempt de difficultés, a insisté M. González Arenas. Dans ce contexte, l'Uruguay ne peut que se féliciter du lancement des travaux de surveillance du Comité.

M. González Arenas a par ailleurs indiqué que, depuis la soumission du rapport le 22 février dernier, la Cour suprême de justice de l'Uruguay a, dans son arrêt n°20, déclaré anticonstitutionnels deux articles de la Loi n°18831 du 27 octobre 2011 (qui avait rendu sans effet la Loi de prescription n°15848 - (voir le paragraphe 47 du rapport ). La Cour suprême s'exprimait ainsi contre l'imprescriptibilité des délits commis avant la loi n°18026 de 2006 qui avait introduit le délit de disparition forcée conformément à la Convention (voir le paragraphe 21 du rapport).

Le Gouvernement uruguayen, pour des motifs éthiques et juridiques, a la volonté de continuer à avancer sur le chemin de la vérité et de la justice, a assuré le chef de la délégation.

M. FEDERICO PERAZZA, Directeur des droits de l'homme et du droit humanitaire au Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a précisé que le rapport initial de l'Uruguay, qui a déjà six mois, traite des progrès réalisés mais aussi des difficultés rencontrées par le pays pour appliquer au mieux les dispositions de la Convention.

Aucun délit de disparition forcée n'a été enregistré en Uruguay depuis l'entrée en vigueur de la Convention pour le pays, a poursuivi M. Perazza. Néanmoins, la question des disparitions forcées reste brûlante pour le pays, a-t-il ajouté.

Le régime juridique interne de l'Uruguay interdit de manière absolue, tant en temps de paix qu'en temps de guerre ou autre période d'urgence, toute pratique de disparition forcée, a souligné le Directeur des droits de l'homme et du droit humanitaire. Il a en outre indiqué que la définition de la disparition forcée adoptée par le législateur uruguayen repose sur deux hypothèses: ce crime est constitué, d'une part, si une personne est privée de sa liberté sans informations quant au lieu où elle se trouve et, d'autre part, en cas de refus de fournir des informations pour retrouver sa trace. Cette définition est ainsi plus large que celle figurant dans la Convention. Selon la législation uruguayenne, la disparition forcée est un délit permanent tant que n'a pas été élucidé le lieu où se trouve la victime.

En Uruguay, le crime de disparition forcée est un crime contre l'humanité qui est donc imprescriptible, a poursuivi M. Perazza. Le droit des victimes à une réparation pleine et entière est pleinement reconnu en Uruguay, a-t-il ajouté.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JUAN JOSÉ LÓPEZ ORTEGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay, s'est enquis de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne uruguayen et a voulu savoir si elle peut être invoquée directement devant les tribunaux.

Insistant sur l'importance du travail de l'institution uruguayenne des droits de l'homme, notamment en matière de prévention de la torture, M. López Ortega s'est enquis des ressources dont elle dispose.

Le rapporteur a en outre demandé des précisions sur l'incrimination de la tentative de disparition forcée.

Relevant que les peines encourues pour le délit de disparition forcée vont de 2 à 25 ans de privation de liberté, M. López Ortega a estimé que cet éventail de peine est trop large et laisse une marge discrétionnaire trop importante aux autorités judiciaires.

Le rapporteur s'est ensuite enquis des possibilités d'application de peines alternatives à la détention préventive en Uruguay. Il s'est également enquis des mesures législatives à court terme envisagées par le pays pour intégrer dans sa législation interne l'ensemble de ses obligations conventionnelles.

M. López Ortega a par ailleurs souhaité en savoir davantage au sujet du protocole de recherche et d'analyse après exhumation d'un corps. Il a aussi demandé s'il existe des sanctions adaptées contre quiconque ferait obstruction à une enquête relative à la disparition forcée. S'agissant de l'obligation qui incombe à l'État de garantir une enquête pénale adéquate pour tout cas de disparition forcée, le rapporteur s'est enquis des garanties d'indépendance des juges chargés de telles enquêtes.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay a ensuite indiqué ne pas comprendre pourquoi la Cour suprême a affirmé qu'elle ne souhaitait pas que la loi portant incrimination de la disparition forcée soit appliquée aux crimes antérieurs à l'adoption de cette loi, sous prétexte que cette loi est plus sévère que celle qui était applicable au moment des faits, alors qu'en fait, ces crimes relèveront alors de l'homicide aggravé, lequel est passible d'une peine de 30 ans d'emprisonnement, supérieure donc à la peine maximale encourue pour le crime de disparition forcée (25 ans).

M. López Ortega s'est en outre enquis de la durée maximale de la détention au secret et a souhaité en savoir davantage sur les garanties en matière d'habeas corpus et sur la procédure applicable en la matière. Qu'en est-il du droit d'accès au registre des détenus, a-t-il demandé ?

Le rapporteur a par ailleurs voulu savoir si une voie judiciaire est prévue pour annuler l'adoption de l'enfant d'une victime de disparition forcée et de lui permettre de retrouver son identité d'origine. Est-il possible d'annuler une adoption si celle-ci est basée sur un délit de disparition forcée ou sur un autre crime grave tel que la traite d'enfants, a également demandé un autre membre du Comité?

M. MAMADOU BADIO CAMARA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport uruguayen, a salué les efforts appréciables réalisés récemment par l'Uruguay. L'incrimination de la disparition forcée a été introduite dans la législation de manière conforme à la Convention. Ce crime est considéré en Uruguay comme un crime contre l'humanité, même dans les cas isolés. En outre, ce crime est permanent tant que le sort de la personne n'a pas été élucidé.

M. Camara s'est néanmoins enquis de la responsabilité des acteurs non étatiques en matière de disparition forcée. Toutes les dispositions sont prises pour poursuivre et punir les auteurs de disparition forcée qui relèvent de l'autorité de l'État, mais qu'en est-il des dispositions applicables aux acteurs non étatiques exerçant en dehors de la sphère d'influence de l'État.

Relevant qu'une peine accessoire d'interdiction d'exercer des fonctions publiques est prévue pour quiconque aura été reconnu coupable du délit de disparition forcée, M. Camara s'est étonné que cette interdiction ne soit imposée que pour la durée de la peine; l'interdiction d'exercer une fonction publique serait donc levée lorsque la peine a été purgée.

Le corapporteur a relevé que le crime de disparition forcée en tant qu'acte isolé est passible d'une peine d'emprisonnement de deux à 25 ans, alors que lorsque ce crime est systématique, la peine encourue va de 15 à 30 ans. Ainsi, la disparition forcée peut faire l'objet d'une condamnation à deux ans d'emprisonnement seulement s'il s'agit d'un acte isolé, pourtant considéré comme un crime contre l'humanité en Uruguay.

M. Camara a néanmoins relevé qu'un effort très important a été fait par l'Uruguay pour conformer sa législation nationale avec les dispositions de la Convention, notamment pour ce qui a trait à l'interdiction de la détention au secret, à la protection des données personnelles, à la formation des agents de justice et au droit des victimes. Il a cependant fait observer que la loi uruguayenne ne semble pas avoir défini la notion de victime.

Le corapporteur a ensuite souhaité en savoir davantage au sujet du recours en amparo et de la différence entre ce recours et celui attaché à l'habeas corpus voire à l'habeas data.

Un autre membre du Comité a demandé si des contributions de la société civile ont été incluses dans le rapport initial présenté par l'Uruguay.

Un autre expert a félicité l'Uruguay pour les grands progrès réalisés par le pays ces dernières années. Il a demandé si l'affirmation selon laquelle la Convention a rang constitutionnel en Uruguay procède d'une décision d'un tribunal supérieur.

Un expert s'est enquis du nombre de victimes de disparitions forcées ayant été enregistrées en Uruguay et a voulu savoir si les personnes ayant survécu à une disparition forcée ont été comptabilisées. Il a aussi demandé si des efforts ont été faits ces dernières années pour démocratiser et rénover de fond en comble les forces armées. La mise à l'écart d'une juge qui était chargée de plusieurs enquêtes relatives à des violations de droits de l'homme – la juge Mariana Mota – nourrit des craintes quant à l'indépendance du pouvoir judiciaire en Uruguay, a fait observer cet expert.

Un autre expert s'est enquis de la manière dont sont traitées les victimes dans le cadre d'une procédure pénale. Existe-t-il un protocole en la matière ?

Qu'en est-il des lois applicables à des situations telles que celles en rapport avec le terrorisme et de la possibilité que le principe de non-refoulement soit mis à mal dans ce contexte, a pour sa part demandé une experte? Qu'en est-il de la définition juridique d'un adolescent en droit interne uruguayen, a-t-elle également demandé?

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que la Constitution uruguayenne ne contient aucune disposition quant au rang juridique des traités internationaux signés et ratifiés par le pays. Néanmoins, la tradition de longue date du pays – confirmée par une décision de la Cour suprême de justice en 2009 – établit que les conventions internationales relatives aux droits de l'homme ont un rang constitutionnel car elles garantissent des droits inhérents à la dignité humaine; or la Constitution souligne qu'elle n'exclut pas d'autres droits inhérents à la dignité humaine que ceux qu'elle prévoit.

La Cour suprême uruguayenne a statué que la loi pénale érigeant en infraction le crime de disparition forcée n'est pas rétroactive, a par ailleurs expliqué la délégation. La Cour a estimé que des normes plus sévères que celles qui existaient au moment des faits ne sauraient être appliquées; les actes criminels aujourd'hui assimilables à une disparition forcée qui se sont produits avant la loi n°18026 érigeant en infraction le crime de disparition forcée sont jugés comme des homicides avec circonstances aggravantes.

La peine encourue pour le délit de disparition forcée va de deux à vingt-cinq ans de privation de liberté, a confirmé la délégation.

La tentative (d'un délit) est une notion prévue dans le Code pénal, lequel stipule que toute tentative est passible d'une peine équivalente au tiers voire à la moitié de la peine prévue pour le délit visé.

Il n'existe pas, en Uruguay, de norme pénale incriminant spécifiquement l'obstruction à une enquête portant sur un ou plusieurs cas de disparition forcée, a indiqué la délégation. Soucieux de ne pas surcharger le Code pénal, l'Uruguay estime en effet que celui-ci contient des dispositions suffisantes en matière d'incrimination de toute obstruction à une enquête, d'une manière générale.

Il n'est pas prévu de créer en Uruguay des tribunaux qui seraient spécialisés sur les questions de disparitions forcées, a en outre indiqué la délégation.

La délégation a indiqué qu'elle allait transmettre aux membres du Comité un exemplaire du protocole applicable aux procédures de recherche et de reconnaissance des personnes disparues, y compris en ce qui concerne l'information aux familles.

Le projet de nouveau Code de procédure pénale, dont l'adoption est une priorité absolue pour le Gouvernement uruguayen, prévoit la participation de la victime à la procédure pénale; en effet, la victime est la grande absente du Code de procédure pénale tel qu'il existe actuellement.

La délégation a souligné que la Convention prévoit des normes en matière d'extradition lorsqu'il n'existe pas de traité en la matière. L'Uruguay permet l'extradition de ses propres ressortissants s'ils se rendent coupables d'un délit de disparition forcée, a-t-elle indiqué. Elle a précisé qu'un accord d'extradition a été signé en 1996 entre l'Espagne et l'Uruguay.

Le pouvoir exécutif ne connaît pas les raisons, internes au pouvoir judiciaire, qui ont motivé la décision de transférer de la juridiction pénale à la juridiction civile la juge Mota, a déclaré la délégation.

Interrogée sur les accords de coopération existants pour la poursuite du crime de disparition forcée, la délégation a indiqué que l'Uruguay a signé plusieurs accords de ce type, en particulier avec l'Argentine puisque la majorité des Uruguayens ayant disparu ont été victimes de disparitions forcées en Argentine.

Selon la législation uruguayenne, a en outre expliqué la délégation, il y a circonstance aggravante lorsque le délit visé touche des enfants, des adolescents, des femmes enceintes, des personnes atteintes d'un handicap ou des proches.

Le principe de non-refoulement a non seulement été intégré mais est également inhérent à la législation uruguayenne, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne la détention au secret, la délégation a indiqué qu'il n'existe pas actuellement, en Uruguay, de protocole établi pour le régime de détention au secret.

S'agissant de l'habeas corpus, la délégation a souligné que cette garantie est prévue à l'article 17 de la Constitution, lequel est d'application directe. L'habeas corpus a même été appliqué, bien qu'inefficacement, durant la période de la dictature, a-t-elle précisé. Un projet de loi vise à réglementer cette norme constitutionnelle; mais dans la pratique, cela fonctionne déjà, a assuré la délégation. Les magistrats se rendent dans les lieux de détention et la société civile peut elle aussi avoir accès aux lieux de privation de liberté, a-t-elle insisté.

Pour sa part, le recours en amparo est une garantie qui couvre toutes les situations autres que celles couvertes par le recours en habeas corpus, ce dernier s'appliquant spécifiquement à la détention, a expliqué la délégation. Ainsi, le recours en amparo s'applique-t-il à toutes les menaces de violation de droits autres que celles découlant d'une situation de détention.

La Loi sur l'habeas data stipule, entre autres, que toute personne ayant donné son identité a le droit d'obtenir toutes les informations la concernant qui figurent dans une base de données publique ou privée, a également indiqué la délégation. Si la personne est décédée, ses successeurs universels auront le droit de déposer une demande d'accès aux informations la concernant. La loi prévoit l'hypothèse d'une action judiciaire si la personne ne parvient pas à obtenir l'accès à l'information requise.

Aujourd'hui, le droit à l'identité est consacré dans la législation uruguayenne et l'accès aux documents permettant de déterminer la filiation est autorisé, a en outre souligné la délégation. Répondant à des questions sur l'adoption d'enfants de personnes victimes de disparitions forcées, la délégation a indiqué que la révocation des adoptants est prévue dans le code de l'enfance et de l'adolescence.

La délégation a reconnu que la formation dispensée à la police n'aborde pas spécifiquement la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Observations préliminaires

M. LÓPEZ ORTEGA, rapporteur pour l'examen du rapport de l'Uruguay, a relevé que de nombreuses questions ont été éclaircies dans le cadre de ce dialogue constructif, notamment pour ce qui a trait à la place de la Convention dans l'ordre juridique interne. Il est vrai que l'article 72 de la Constitution énonce un principe qui peut constituer un excellent ancrage, surtout s'il s'accompagne d'un bon développement jurisprudentiel, a ajouté le rapporteur. Il a ensuite préconisé un renforcement de l'autonomie budgétaire de l'institution nationale des droits de l'homme afin de garantir sa pérennité. Il a aussi relevé d'importantes lacunes dans le domaine de la formation s'agissant des dispositions de la Convention.

M. López Ortega a par ailleurs souligné qu'un certain nombre de réformes devront être réalisées du point de vue législatif et institutionnel afin de renforcer les processus déjà en place et a relevé que la délégation a d'ailleurs convenu de la nécessité de ces réformes.

La manière dont est conçu l'habeas corpus en Uruguay est très claire et le pays ne peut être qu'encouragé à aller de l'avant dans l'achèvement du processus législatif visant à garantir le maintien de ce régime, a en outre déclaré le rapporteur.

M. Camara, corapporteur pour l'Uruguay, a pour sa part souligné que trois questions n'ont à ce stade pas obtenu de réponses, auxquelles la délégation peut encore apporter une réponse par écrit. La première consiste à savoir s'il existe un régime de protection spécifique des femmes et enfants victimes de disparitions forcées. La deuxième est de savoir si le principe de non-refoulement est applicable dans le contexte du terrorisme. La troisième consiste à savoir comment on s'assure que la personne susceptible d'être expulsée n'encourt pas la peine de mort ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant dans le pays vers lequel elle doit être expulsée. Le minimum de la peine encourue pour le crime de disparition forcée, à savoir deux ans d'emprisonnement, est un point sur lequel l'Uruguay devrait encore réfléchir, a aussi estimé M. Camara.


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CED13/003F