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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DES PHILIPPINES

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par les Philippines sur la mise en œuvre dans ce pays du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La Ministre de la justice des Philippines, Mme Leila M. de Lima, a notamment annoncé que ce lundi 15 octobre, un accord-cadre historique pour la paix à Mindanao avait été signé. Elle a aussi fait valoir que son pays avait adopté plusieurs lois pour assurer une application plus effective du Pacte, notamment la loi instituant un mécanisme par lequel les citoyens philippins résidant ou travaillant à l'étranger peuvent voter lors des élections aux Philippines; la loi de lutte contre la traite de personnes; la nouvelle loi sur le travail des enfants; la loi contre la violence à l'encontre des femmes et de leurs enfants; la loi sur la justice juvénile; la loi contre la torture; et la loi abolissant la peine de mort. Elle a par ailleurs fait observer que la Cour suprême des Philippines avait reconnu la constitutionnalité de la Loi sur la sécurité humaine adoptée dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Elle a aussi indiqué la Commission nationale des droits de l'homme des Philippines avait constaté une diminution de 69% du nombre d'allégations d'exécutions extrajudiciaires depuis 2008. La Ministre a démenti l'allégation selon laquelle la torture et les mauvais traitements à l'encontre d'individus placés en détention aux mains des agents des forces de l'ordre et du personnel militaire seraient largement répandus dans le pays.

La délégation philippine était également composée d'autres représentants du Ministère de la justice, du Représentant permanent des Philippines auprès des Nations Unies à Genève, M. Evan P. Garcia, et d'autres envoyés du Ministère des affaires, ainsi que de représentants du Bureau du Président, de la Cour suprême, du Ministère de la protection sociale et du développement, du Ministère du travail et de l'emploi, du Comité présidentiel des droits de l'homme, de la Police nationale et du Conseil pour le bien-être des enfants. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de l'accord-cadre de paix signé le 15 octobre avec le Front de libération islamique Moro; des activités des armées privées et autres groupes paramilitaires; des exécutions extrajudiciaires de la proclamation de l'état d'urgence dans certaines provinces du pays; du programme de protection des victimes; de l'interdiction de la torture; de la pratique en matière de détention préventive; de la traite de personnes; des droits de la femme; du problème des grossesses d'adolescentes; de l'interdiction de l'avortement; de la situation de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres; des dispositions du Code pénal sanctionnant les «comportements scandaleux»; de l'enregistrement des naissances; ou encore du travail des enfants. À cet égard, la délégation a reconnu que malgré tous les efforts consentis, les Philippines ont connu une augmentation du travail des enfants, dont un grand nombre sont encore en âge scolaire.

La Présidente du Comité, Mme Zonke Zanele Majodina, a reconnu que les Philippines, en particulier sous le gouvernement actuel, semblent extrêmement attachées à l'état de droit et à la protection des droits de l'homme. Elle a toutefois souligné la grande prévalence des exécutions extrajudiciaires aux Philippines ainsi que la prolifération des groupes armés privés qui en sont responsables. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet des grossesses d'adolescentes et du taux élevé de mortalité maternelle, lié notamment au problème de l'avortement, et s'agissant du travail des enfants et de la surpopulation carcérale. Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Philippines, M. Yuji Iwasawa, a notamment salué les évolutions positives intervenues aux Philippines en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, se félicitant en particulier de l'abolition de la peine de mort.
Le Comité publiera, après la clôture de la session le 2 novembre prochain, des observations finales sur le rapport des Philippines.


Cet après-midi, à 15 heures, les membres du Comité participeront, en salle XVI du Palais des Nations, à une réunion entre le Comité des droits de l'homme et le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.


Présentation du rapport

Présentant le rapport des Philippines (CCPR/C/PHL/4), MME LEILA M. DE LIMA, Ministre de la justice des Philippines, a fait valoir que la Constitution de 1987 de son pays stipule que l'État valorise la dignité de chaque personne humaine et garantit le plein respect des droits de l'homme. La Constitution contient également une disposition spécifique (l'article 13) sur la justice sociale et les droits de l'homme. La Ministre a rappelé que les Philippines avaient traversé une période agitée de son histoire durant laquelle de nombreux droits énoncés par le Pacte avaient été bafoués par un gouvernement dictatorial. Après plus d'une décennie de loi martiale, la démocratie et la liberté ont été restaurées, a-t-elle fait valoir. C'est ce qui explique le profond et durable engagement des Philippines en faveur de la cause des droits de l'homme, de la liberté et de l'égalité. Ainsi, lorsque le Président Benigno Aquino III est entré en fonction, en 2010, il a présenté son Contrat social avec le peuple philippin – un programme en seize points qui repose sur le respect des droits de l'homme et met l'accent sur la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance, la réduction de la pauvreté, la création de capacités pour les pauvres, la croissance économique, l'instauration d'une paix juste et durable, la promotion de la primauté du droit, la protection de l'environnement et, enfin, l'égalité entre les sexes en tant que sujet de préoccupation transversal. Ce lundi 15 octobre au matin, a précisé la Ministre de la justice, un accord-cadre historique pour la paix a été signé à Manille.

Depuis l'examen de leur précédent rapport, en 2003, les Philippines ont adopté plusieurs lois pour assurer une application plus effective du Pacte, a poursuivi Mme de Lima. En février 2003, a-t-elle précisé, a été adoptée une loi instituant un mécanisme par lequel les citoyens philippins résidant ou travaillant à l'étranger peuvent voter lors des élections aux Philippines. Trois mois plus tard, en mai 2003, était adoptée une loi de lutte contre la traite de personnes et en décembre de la même année, était adoptée une nouvelle loi sur le travail des enfants, afin de traiter des pires formes de travail des enfants, y compris le recrutement d'enfants dans les conflits armés. En mars 2004, a ajouté la Ministre de la justice, était adoptée une loi contre la violence à l'encontre des femmes et de leurs enfants. En avril 2006, une loi sur la justice juvénile était signée et, au mois de juin suivant, une autre loi était adoptée qui abolissait la peine de mort. En décembre 2009, a également fait valoir Mme de Lima, la loi contre la torture était signée qui prévoit pour le crime de torture des peines allant d'un mois d'emprisonnement à l'emprisonnement à perpétuité. En mars 2010, a également souligné la Ministre de la justice, a été adopté une charte sur les travailleurs migrants à l'étranger qui améliore les normes de protection et de promotion du bien-être des travailleurs migrants et de leurs familles, ainsi que des Philippins se trouvant en détresse à l'étranger. Enfin, en décembre 2010, a été adoptée la Loi sur les crimes contre le droit humanitaire international, le génocide et les autres crimes contre l'humanité.

La Ministre a attiré l'attention sur la mise en place en 2006, au sein de la police, d'une unité chargée d'enregistrer les cas de meurtres de militants politiques et de travailleurs des médias. En outre, les forces armées et la police nationale ont mis en place, en 2007, des bureaux chargés des affaires liées aux droits de l'homme. La Ministre philippine a aussi souligné que le Comité présidentiel des droits de l'homme a vu son mandat et ses fonctions renforcés en décembre 2006, étant désormais placé sous la supervision directe du Bureau du Président.

Mme de Lima a par ailleurs souligné que les Philippines avaient accepté 62 des 88 recommandations qui leur avaient été adressées dans le cadre de lors de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme.

En réponse aux questions soulevées dans la liste des points à traiter établie par le Comité, Mme de Lima a notamment indiqué que la Cour suprême des Philippines avait unanimement reconnu la constitutionnalité de la Loi sur la sécurité humaine adoptée par le pays dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. S'agissant de la lutte contre la discrimination, en particulier dans le but d'assurer l'égalité entre hommes et femmes, Mme de Lima a indiqué que le Sénat avait adopté en troisième lecture le projet de loi antidiscrimination qui se propose de pénaliser la discrimination en matière d'emploi, d'éducation, de fourniture de services et de logement, de transports publics, ainsi que dans les médias et dans les procédures de recherche et d'enquête menées par des personnes dépositaires de l'autorité publique.

La Ministre de la justice a en outre souligné que l'homosexualité ne constituait pas un délit pénal en vertu de la législation philippine. Un projet de loi visant à amender la loi contre le viol en abrogeant l'exemption de poursuites pénales au bénéfice du mari, même s'il obtient le pardon de sa femme, fait partie des priorités de l'agenda législatif, a-t-elle ajouté. Afin de renforcer la protection des travailleurs domestiques, dont la plupart sont des femmes, les Philippines ont ratifié la Convention n°189 de l'Organisation internationale du travail sur le travail décent pour les travailleurs domestiques, a-t-elle également fait valoir.

Mme de Lima a par ailleurs indiqué que, selon la Commission nationale des droits de l'homme des Philippines, le nombre d'allégations d'exécutions extrajudiciaires a diminué de 69% depuis 2008. Un projet de loi sur la question des disparitions forcées a déjà été approuvé par le Sénat en troisième lecture, a-t-elle souligné.

S'agissant du problème des grossesses précoces, la Ministre a indiqué que des services de santé sont offerts à l'intention des jeunes, ainsi qu'une éducation sexuelle complète. Le projet de loi sur la santé génésique et la parentalité responsable, qui se trouve actuellement devant le Congrès, prévoit le droit des couples d'être pleinement informés sur l'ensemble des services de santé génésique, y compris les méthodes naturelles et artificielles de planification familiale.

L'État philippin dément l'allégation selon laquelle la torture et les mauvais traitements à l'encontre d'individus placés en détention aux mains des agents des forces de l'ordre et du personnel militaire seraient largement répandus dans le pays, a poursuivi Mme de Lima. Elle a ensuite assuré que l'État philippin traite le problème de la surpopulation dans les cellules et centres de détention, notamment par le biais de la libération sur parole ou conditionnelle ou encore par le biais de la commutation de peine pour bonne conduite.

Mme de Lima a d'autre part souligné que le trafic de personnes reste parmi les crimes transnationaux auxquels les Philippines accordent la priorité. Entre 2005 et 2012, a-t-elle précisé, 81 poursuites ont été engagées avec succès aboutissant à la condamnation de 100 personnes en vertu de la loi de 2003 sur la lutte contre le trafic de personnes. Elle a en outre attiré l'attention sur le Plan stratégique national contre le trafic de personnes dont s'est doté le pays cette année et a rappelé que le mois prochain, la Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains effectuera une visite aux Philippines.

Les droits des enfants illégitimes sont protégés par la loi, a également fait valoir la Ministre de la justice, soulignant que le Code de la famille avait été amendé afin de permettre aux enfants illégitimes d'utiliser le nom de famille de leurs pères.

Mme de Lima a ensuite rappelé que suite à une décision de la Cour suprême, le parti Ang Ladlad (ou «coming out») avait été accrédité pour concourir aux élections de mai 2010 - cassant le refus de la Commission des élections de lui accorder cette accréditation au motif d'immoralité.

D'autre part, le Gouvernement philippin poursuit avec détermination ses efforts pour promouvoir et protéger les droits des communautés culturelles autochtones et des peuples autochtones par la mise en œuvre des dispositions de la Loi sur les droits des peuples autochtones, a indiqué la Ministre de la justice. Elle a en outre souligné que le Gouvernement avait plaidé en faveur de méthodes responsables en matière d'exploitation minière par le biais de règles plus contraignantes prenant en compte l'impact des opérations d'exploitation minière sur les peuples autochtones et leur environnement.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. YUJI IWASAWA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Philippines, s'est réjoui que les Philippines aient été le premier pays asiatique à ratifier en 1989 le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Depuis l'examen du précédent rapport du pays, des évolutions positives sont intervenues en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, s'est-il félicité, citant notamment l'abolition de la peine de mort et la ratification du deuxième Protocole facultatif au Pactes, relatif à l'abolition de la peine de mort. M. Iwasawa s'est en outre félicité des mesures prises par les Philippines pour prévenir les exécutions extrajudiciaires.

Ce lundi 15 octobre marque une journée historique pour les Philippines, a poursuivi le rapporteur, se félicitant qu'après 15 ans de pourparlers, le Gouvernement soit parvenu aujourd'hui à signer un accord de paix préliminaire avec le principal groupe rebelle musulman du pays pour mettre un terme à un conflit qui dure depuis quatre décennies dans le sud des Philippines et qui a eu un impact négatif sur la situation globale des droits de l'homme dans le pays. M. Iwasawa a souhaité en savoir davantage au sujet de la teneur de cet accord.

M. Iwasawa s'est inquiété de la position du Gouvernement selon laquelle le Pacte et son Protocole facultatif ne font pas partie des lois philippines, de sorte que le pays n'aurait aucune obligation de mettre en œuvre les décisions prises par le Comité dans le contexte de la procédure de communications (plaintes) – lesquelles sont considérées comme de simples recommandations.

Les dispositions du Pacte peuvent-elles être directement invoquées devant les tribunaux philippins, a en outre demandé le rapporteur?

M. Iwasawa s'est ensuite enquis des perspectives d'adoption du projet de loi n°2818 du Sénat portant sur la Commission nationale des droits de l'homme. Dans quelle mesure cette Commission est-elle autonome sur le plan budgétaire? Le rapporteur s'est également enquis de la procédure de sélection et de nomination des membres de cette Commission, ainsi que du mandat de cet organe.

Un autre membre du Comité s'est enquis de la définition que retiennent les Philippines de la notion de terrorisme dans la loi sur la sécurité humaine, s'inquiétant des risques que comporte une définition trop vague en la matière. Un projet de loi complet sur la lutte contre la discrimination n'a toujours pas été examiné par le Parlement, a en outre déploré l'expert, rappelant que le Pacte exige que les individus soient protégés contre la discrimination dans tous les domaines de la vie publique et privée; l'expert a demandé quand un tel projet de loi sera promulgué. Il s'est par ailleurs inquiété que l'article 200 du Code pénal, relatif aux «scandales graves», ait été utilisé pour arrêter des personnes homosexuelles. Les femmes sont sous-représentées dans le secteur public, a également dénoncé cet expert.

L'expert a souhaité savoir si les victimes d'exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées ou leurs familles, bénéficient d'indemnisations, qu'il s'agisse de victimes de groupes rebelles, de l'armée, de groupes militaires et paramilitaires, de milices et d'entreprises de sécurité privée. Il semble que le programme de protection des victimes ne soit appliqué et qu'il ne soit pas proposé aux victimes. L'expert a aussi voulu savoir à quelle échéance un projet de loi contre les disparitions forcées sera mis en chantier et si les Philippines ont l'intention de ratifier la Convention sur les disparitions forcées.

La Charte pour les droits des femmes est une initiative tout à fait louable, a souligné un membre du Comité, qui a toutefois souligné que, selon la société civile, elle ne serait pas appliquée. L'expert s'est en outre enquis des efforts entrepris par les autorités philippines pour réformer les dispositions du droit islamique (charia) lorsqu'elles sont préjudiciables aux droits des femmes. Qu'en est-il de la situation des travailleurs du sexe, a par ailleurs demandé l'expert, s'inquiétant des conséquences que pourrait avoir de ce point de vue la nouvelle loi adoptée en 2012 qui dépénalise toutes les formes de vagabondage? Il semble que les Philippines n'aient pas pris à bras le corps le problème que constituent les armées privées et autres entreprises privées de sécurité.

D'après des informations émanant de la société civile, l'état d'urgence décrété le 24 novembre 2009 n'a toujours pas été levé et la Cour suprême a confirmé la décision de maintenir l'état d'urgence dans trois villes du pays, s'est inquiété un autre membre du Comité, qui a relevé que les autorités invoquent à cet égard le fait que la population souhaite son maintien en raison des activités d'armées privées. Dans ce contexte, qu'envisage l'État pour démanteler les armées privées, a demandé l'expert?

Un membre du Comité s'est enquis des initiatives envisagées par le Gouvernement en vue de modifier le Code pénal qui, en l'état actuel, criminalise l'avortement en toutes circonstances.

Si des normes de la charia sont incompatibles avec le Pacte, l'État philippin doit s'assurer qu'elles ne sont pas appliquées et veiller ainsi à ce que le principe de non-discrimination soit respecté, y compris si une personne affirme qu'elle souhaite qu'il soit dérogé à ce principe en ce qui la concerne, a fait observer un membre du Comité.

L'État philippin a recours à la détention préventive de manière excessive et il arrive même qu'elle dure davantage que la peine encourue pour l'infraction commise, s'est inquiété un expert. Il semblerait même que ce recours excessif à la détention préventive explique en partie la surpopulation carcérale dans le pays.

Un autre membre du Comité s'est inquiété que l'enregistrement des naissances ne soit gratuit que dans les 30 jours qui suivent la naissance de l'enfant, après quoi des amendes sont imposées aux parents qui souhaitent enregistrer la naissance de leur enfant passé ce délai. Aussi, s'est-il enquis des mesures prises par les autorités pour assurer la gratuité de l'enregistrement des naissances au-delà de ce délai de 30 jours.

Qu'en est-il de l'ampleur de la traite de personnes aux Philippines, a-t-il en outre été demandé?

Un expert s'est inquiété des préjugés, répandus au sein de la société philippine, qui font obstacle au plein exercice des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels.

Le Gouvernement philippin a pris nombre de mesures pour mettre un terme au travail des enfants, a reconnu un autre expert. Néanmoins, a-t-il ajouté, le travail des enfants est un phénomène qui continue de susciter les plus vives préoccupations dans le pays, le nombre d'enfants travaillant aux Philippines ayant augmenté ces dix dernières années pour passer de 4,2 millions en 2001 à 5,5 millions l'an dernier. Dans quels types d'emplois ces enfants sont-ils employés, a demandé l'expert?

Un membre du Comité a souhaité savoir dans quelle mesure est respecté le principe du consentement libre et éclairé des peuples autochtones avant d'autoriser des activités sur leurs terres, en particulier dans le domaine de l'extraction minière.

Qu'en est-il de l'état actuel de la législation en matière de diffamation, a demandé un expert?



Réponses de la délégation

En ce qui concerne la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a fait valoir que le Pacte a été cité par les instances judiciaires philippines, y compris par le Cour suprême, dans nombre d'affaires.

Pour ce qui est de la place de la charia aux Philippines et de l'articulation entre celle-ci et la Constitution, la délégation a souligné que cette question précise n'a pas encore été tranchée par la Cour suprême des Philippines, qui n'en a pas été saisie. Néanmoins, toute loi contraire à la Constitution pourrait être abrogée par la Cour suprême, a souligné la délégation. Les Philippines sont un État laïc et non pas religieux et tous les tribunaux sont placés sous la supervision de la Cour suprême, laquelle penchera toujours en faveur de la Constitution, a-t-elle insisté, précisant que les Philippines reconnaissent la liberté de religion et respectent donc la charia dans le cadre du respect de cette liberté.

S'agissant du système et de la pratique judiciaires, la délégation a attiré l'attention sur le fait que nombre de tribunaux du pays ne comptent pas de juges, en raison de la complexité des modalités de sélection et de nomination de ces professionnels. Dans les cas d'infractions mineures, les décisions des juges sont sans appel, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a en outre fait valoir qu'afin d'accélérer les procédures judiciaires, à compter de 2013, les témoins pourront déposer une déclaration assermentée, suivie d'un contre-interrogatoire.

Aucune date butoir n'a encore été fixée pour la création des tribunaux de la famille dont le pays a décidé de se doter, a par ailleurs indiqué la délégation. À ce jour, la Cour suprême a désigné 114 tribunaux chargés de faire office de tribunaux de la famille parmi les quelque 800 tribunaux généraux que comptent les Philippines.

S'agissant de l'accord de paix signé lundi matin, la délégation a indiqué que cet accord entre le Front de libération islamique moro et les autorités, est un accord-cadre, c'est-à-dire une sorte de feuille de route et non un accord définitif. En vertu de cet accord, a précisé la délégation, une commission de transition sera créée qui aura pour mission de rédiger la loi fondamentale qui se substituera à la loi organique portant création d'une région autonome en Mindanao musulmane (ARMM). En effet, il a été convenu par les parties que la loi organique portant création de cette région autonome ne s'est soldée que par l'enracinement de chefs de guerre dans la région, instituant un véritable féodalisme, a affirmé la délégation. La loi fondamentale qui sera élaborée sera présentée à la population de la région concernée, qui devra l'approuver lors d'un plébiscite.

La délégation a rappelé qu'une commission avait recommandé le démantèlement des armées privées et autres groupes paramilitaires, dont la création avait été rendue possible par le décret 546 adopté pour résoudre les problèmes posés par les agissements des groupes communistes au nord et indépendantistes au sud. Les groupes paramilitaires concernés sont des supplétifs des militaires de l'armée régulière, a insisté la délégation. Il y a peut-être eu par le passé des abus de la part de ces groupes, mais les autorités s'efforcent désormais de professionnaliser l'armée; la délégation a insisté sur l'«acharnement» des autorités philippines à démanteler ces groupes auxiliaires. Le Gouvernement n'a pas pour politique de permettre la création de milices par des citoyens, a par ailleurs assuré la délégation.

Il est faux de prétendre que le programme de protection des victimes aux Philippines n'est pas efficace, a par ailleurs souligné la délégation, tout en se disant consciente des lacunes à combler en la matière. Elle a notamment reconnu que ce programme est mal connu, ce qui peut s'expliquer par le peu de publicité faite autour de ce programme eu égard à la nature hautement confidentielle des mesures prises en vertu de ce programme.

Pour ce qui est de l'état d'urgence, la délégation a souligné que la loi martiale n'a été en vigueur à Maguindanao que du 5 au 12 décembre 2009, dans le seul but de remédier aux difficultés liées au massacre de Maguindanao du 23 novembre 2009.

En ce qui concerne les exécutions extrajudiciaires, la délégation a indiqué que l'équipe spéciale d'enquête en charge des exécutions extrajudiciaires a eu à connaître, depuis sa mise en place, 166 affaires concernant 125 militants et 41 membres des médias qui ont été assassinés depuis 2001 en raison de leur appartenance politique ou de leurs activités.

La délégation a ensuite expliqué que la Charte des droits des femmes fournit un cadre législatif national visant à promouvoir les droits des femmes sur tous les plans - culturel, économique, social, civil et politique. Cette législation est venue institutionnaliser le budget alloué à la promotion de l'égalité entre hommes et femmes et a permis l'instauration de la Commission des droits de la femme, a-t-elle fait valoir. Cette Charte a permis de renforcer l'autonomisation des femmes, a-t-elle insisté.

La question des grossesses d'adolescentes compte parmi les priorités du Gouvernement, a par ailleurs affirmé la délégation. Le mois dernier, a-t-elle fait valoir, une importante conférence s'est tenue afin de promouvoir la sensibilisation dans ce domaine. Elle a ajouté qu'une étude approfondie sera menée sur le problème.

En ce qui concerne l'enregistrement des naissances, la délégation a souligné que l'objectif des autorités philippines est bien de parvenir à un taux d'enregistrement de 100%. Des équipes mobiles se rendent dans les zones rurales pour promouvoir l'enregistrement des naissances et des campagnes d'enregistrement des naissances sont lancées en coopération avec les autorités locales et les médias.

S'agissant des droits de l'enfant, la délégation a notamment indiqué que lorsque les autorités sont saisies de cas intéressant la garde de l'enfant, elles prennent en compte, dans leur démarche, l'intérêt supérieur de l'enfant et s'efforcent d'évaluer lequel des deux parents sera le mieux à même d'assurer une prise en charge adéquate de l'enfant. La délégation a ensuite fait part des efforts déployés par les autorités philippines pour enregistrer les enfants dits trouvés qui, en fait, sont des enfants qui n'ont pas de parents et peuvent donc être confiés, à des fins d'adoption, à des individus ou des institutions spécialisées. Dans un premier temps, on s'efforce de retrouver les parents naturels de l'enfant, ce qui permet de s'assurer que ces enfants trouvés n'ont pas en fait été kidnappés, a précisé la délégation. La Loi de lutte contre la pornographie impliquant des enfants a porté création d'un Conseil de lutte contre ce phénomène, assorti d'un plan stratégique à l'horizon 2013, a en outre indiqué la délégation.

En ce qui concerne le travail des enfants, la délégation a indiqué que le processus permettant de déterminer ce que constitue un travail dangereux pour l'enfant repose sur les normes internationales et plus particulièrement sur la Convention n°182 de l'Organisation internationale du travail (OIT), relative aux pires formes de travail des enfants, à laquelle les Philippines ont adhéré. Le Gouvernement a mis en place un programme de lutte contre le travail des enfants, a poursuivi la délégation. Malgré tous les efforts consentis, les autorités ont constaté une augmentation du travail des enfants dans le pays. Parmi ces enfants qui travaillent, un grand nombre sont encore en âge scolaire, a indiqué la délégation. Elle a précisé que les Philippines comptent à ce jour quelque 167 inspecteurs du travail et que les autorités ont décidé de pourvoir plus de 300 postes supplémentaires dans ce corps de métier.

La délégation a indiqué prendre bonne note de la recommandation du Comité visant l'abrogation de la disposition légale qui interdit à des ressortissants étrangers d'être affiliés à un syndicat.

Quant aux allégations selon lesquelles les homosexuels seraient la cible de la législation relative aux comportements scandaleux, la délégation a souligné que le Code pénal s'applique à tout le monde sans distinction, en l'occurrence donc à toute personne portant atteinte à la décence par un comportement scandaleux.

En ce qui concerne la prolifération des armes à feu, la délégation a notamment indiqué que les autorités philippines estiment à un peu plus de 352 000 le nombre d'armes à feu qui circulent dans le pays sans avoir été autorisées. Les autorités luttent contre la contrebande des armes et mettent en œuvre des stratégies et programmes pour récupérer les armes qui circulent illégalement.

Hémorragie, infection et tension artérielle élevée sont les trois causes principales de mortalité maternelle aux Philippines, a indiqué la délégation. Aux Philippines, l'avortement est considéré comme un crime en vertu du Code pénal; aucune loi n'autorise expressément l'avortement pour sauver la vie de la mère, le Code pénal pénalisant l'avortement sans exception aucune. Mais dans la pratique, des avortements sont pratiqués pour sauver la vie de la mère; étant donné qu'il n'existe aucune loi traitant de ce cas de figure, la décision en revient au médecin. Dans la pratique, 8,9% des grossesses aboutissent à un avortement, a précisé la délégation. Les Philippines sont un pays éminemment catholique, où l'Église catholique est très puissante; même si le Président appuie ouvertement la promulgation d'une nouvelle loi sur l'avortement, certains milieux s'y opposent, notamment l'Église catholique, a expliqué la délégation. Toute tentative de dépénaliser l'avortement se heurtera donc à l'opposition de ce que l'on peut appeler le «bloc catholique».

La Constitution, ainsi que diverses lois, interdisent la torture, a d'autre part souligné la délégation. La Commission nationale des droits de l'homme dispose de chiffres à ce sujet, mais la synthèse des données disponibles est en cours. Tout aveu obtenu sous la contrainte est considéré comme irrecevable, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation philippine a expliqué que le temps passé en détention préventive est décompté de la durée de la peine finalement infligée à un condamné. Il y a certes eu des cas où des prisonniers ont été maintenus en détention préventive plus longtemps que la durée de la peine à laquelle ils ont finalement été condamnés; mais de tels cas sont rares, a assuré la délégation.

En ce qui concerne la traite de personnes, la délégation a attiré l'attention sur la hausse considérable du nombre de condamnations prononcées dans le pays pour traite de personnes, ce qui atteste notamment que les programmes qui ont été mis en place pour lutter contre ce phénomène portent leurs fruits. La délégation a précisé qu'il existe une traite de personnes à l'intérieur du pays, mais aussi une traite qui part de l'étranger.

Les autorités n'ont pas une politique le placement sous surveillance d'opposants politiques, a en outre assuré la délégation en réponse à la question d'un expert.


Conclusions

Les droits civils et politiques sont pleinement protégés aux Philippines, par la Constitution philippine, et sont promus par les lois, institutions, politiques et programmes mentionnés au cours du dialogue, a conclu la délégation. S'il est vrai que des défis importants persistent, les Philippines s'attacheront à poursuivre les efforts pour les surmonter et à œuvrer au renforcement de la protection de tous les droits de l'homme fondamentaux énoncés dans le Pacte.

MME Zonke Zanele Majodina, Présidente du Comité, a pour sa part reconnu que les Philippines, en particulier sous le Gouvernement actuel, semblent extrêmement attachées à l'état de droit et à la protection des droits de l'homme; elle s'est dite convaincue qu'elles prendront avec le plus grand sérieux les recommandations que le Comité leur adressera dans ses observations finales. La Présidente a toutefois attiré l'attention sur l'absence de clarté concernant le statut accordé au Pacte dans la loi interne et sur l'absence de mécanismes permettant de mettre en œuvre les constatations du Comité dans le cadre de la procédure de plaintes. Elle a également souligné la grande prévalence des exécutions extrajudiciaires aux Philippines ainsi que la prolifération des groupes armés privés responsables de ces exécutions extrajudiciaires. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet des grossesses d'adolescentes et du taux élevé de mortalité maternelle, lié notamment au problème de l'avortement, auxquels s'ajoutent le travail des enfants et la surpopulation carcérale, a rappelé la Présidente.


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CT12/016F