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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALLEMAGNE

Compte rendu de séance
Les experts s'inquiètent qu'une personne puisse rester détenue à vie en rétention de sûreté si elle est considérée dangereuse pour la société

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l'Allemagne sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

M. Volkmar Giesler, Directeur du Département de droit constitutionnel et administratif et de droit européen et international au Ministère fédéral de la justice de l'Allemagne, a notamment fait part d'un projet de loi relatif à la détention préventive qui se trouve en cours d'examen devant le Bundestag, la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour constitutionnelle fédérale allemande s'étant plaintes des pratiques allemandes en matière de détention préventive. En vertu de ce projet de loi, qui devrait être adopté dans un très proche avenir, seront resserrées encore davantage les exigences requises pour le placement d'une personne en détention préventive. Parallèlement, a poursuivi M. Giesler, les Länder devront mettre à disposition d'ici juin 2013 des lieux de détention plus convenables pour le placement des personnes en détention préventive.

M. Giesler a d'autre part assuré que des efforts très importants étaient consentis en Allemagne pour assurer l'accès universel au logement. Pour ce qui est de l'intégration dans l'éducation, il a notamment souligné que Berlin compte une proportion particulièrement élevée d'élèves originaires des minorités ethniques et déploie d'extraordinaires efforts pour les intégrer.

La délégation allemande était également composée du Représentant permanent de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève M. Hanns H. Schumacher, et de représentants des Ministères fédéraux de l'intérieur; de la justice; de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse; de l'alimentation, de l'agriculture et de la protection des consommateurs. Elle a répondu aux questions soulevées par les experts du Comité s'agissant, entre autres, des réserves s'agissant de certaines dispositions de la Convention; de la situation en matière d'égalité entre hommes et femmes; de la scolarité des enfants issus de l'immigration; de la prévention de la discrimination en matière de logement; de la lutte contre la violence faite aux femmes; des pratiques en matière de demande d'asile et d'extradition; de la situation des Roms et des Sintis; de la traite de personnes; des questions de détention préventive et de rétention de sûreté, ces dernières ayant été particulièrement débattues. À cet égard, la délégation a indiqué qu'une personne peut être placée en rétention de sûreté au motif qu'elle constitue un danger pour la société; l'ordre de rétention fait l'objet d'un examen tous les six mois pour apprécier la dangerosité de la personne. Il n'y a pas de limite dans le temps à la rétention de sûreté, a reconnu la délégation: théoriquement, une personne peut rester emprisonnée à vie si elle est considérée comme dangereuse. La délégation a toutefois précisé que les conditions de détention sont meilleures que celles imposées aux personnes purgeant une sanction pénale.

La question de la rétention de sûreté demeure une préoccupation pour le Comité, a déclaré à l'issue du dialogue la Présidente du Comité, Mme Zonke Zanele Majodina, se disant très inquiète que l'absence d'une durée maximale de rétention puisse entraîner la détention à vie.

Le Comité publiera, après la clôture de la session le 2 novembre prochain, des observations finales sur le rapport de l'Allemagne.


Cet après-midi, vers 16 heures, le Comité se penchera sur ses méthodes de travail. Il entamera, lundi après-midi, l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine (CCPR/C/BIH/2), après une brève séance à partir de 10 heures pour examiner le rapport d'étape de son rapporteur spécial sur le suivi des observations finales adressées aux États par le Comité.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de l'Allemagne (CCPR/C/DEU/6), M. Hanns H. Schumacher, Représentant permanent de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'Allemagne a toujours souhaité participer étroitement au système des organes conventionnels et au processus visant son renforcement; aussi, a-t-il rappelé qu'une ressortissante allemande allait bientôt devenir membre du Comité des droits de l'homme. L'Allemagne, qui est membre du Conseil des droits de l'homme, espère être réélue pour la période 2013-2015, a-t-il ajouté.

M. Volkmar Giesler, Directeur du Département de droit constitutionnel et administratif et de droit européen et international au Ministère fédéral de la justice de l'Allemagne, a évoqué le jugement d'un tribunal régional allemand qui a statué que la circoncision pouvait généralement être considérée comme punissable en vertu du droit pénal, en tant que forme de blessure corporelle, même si, dans cette affaire, le médecin accusé a finalement été acquitté. Peu après ce jugement, le Parlement allemand (Bundestag) a décidé, par un large consensus, que la pratique de la circoncision continuera d'être possible en Allemagne. Aussi, le Gouvernement fédéral a-t-il présenté un projet de loi qui assurera que les parents puissent donner leur consentement, qui aura valeur juridique, à la circoncision, pour autant qu'elle se fasse selon les règles de l'art. Grâce à ce projet de loi, la pénalisation de la circoncision ne sera plus concevable, a insisté M. Giesler.

Le représentant du Ministère de la justice a ensuite indiqué qu'un projet de loi relatif à la détention préventive est actuellement à l'examen par le Bundestag, après que la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour constitutionnelle fédérale allemande eurent dénoncé les pratiques actuelles en matière de détention préventive. En vertu de ce projet de loi, qui devrait être adopté dans un très proche avenir, les conditions requises pour le placement d'une personne en détention préventive seront resserrées encore davantage. Parallèlement, a poursuivi M. Giesler, les Länder devront mettre à disposition des lieux de détention plus adéquats – surtout plus clairement orientés vers la prise en charge thérapeutique – pour le placement des personnes en détention préventive; ils ont jusqu'en juin 2013 pour se conformer à cette exigence.

M. Giesler a par ailleurs attiré l'attention sur les efforts très importants, y compris sur le plan financier, consentis en Allemagne pour assurer l'accès universel au logement. Plus d'un demi-milliard d'euros sont dépensés chaque année par les seules autorités fédérales pour stimuler la construction de logements sociaux, a-t-il précisé. En outre, une disposition de la Loi globale sur l'égalité de traitement vise à prévenir la formation de zones de logement établissant une ségrégation de certains groupes en permettant aux autorités d'allouer les appartements dans un quartier donné de manière à assurer la diversité. De l'avis du Gouvernement fédéral, il s'agit là d'une condition préalable essentielle pour une intégration réussie et les autorités considèrent que cette approche est nécessaire et adéquate, a insisté M. Giesler.

Pour ce qui est de l'intégration dans l'éducation, M. Giesler a fortement contesté le tableau dressé dans le rapport alternatif de l'Open Society Justice Initiative en assurant que «c'est une erreur d'accuser Berlin d'être un lieu de pratiques discriminatoires». Berlin compte une proportion particulièrement élevée d'élèves originaires des minorités ethniques et déploie d'extraordinaires efforts pour les intégrer, a-t-il souligné.

L'égalité entre hommes et femmes est garantie par la loi constitutionnelle et le Gouvernement fédéral a déployé d'importants efforts à cet égard, en particulier dans le domaine de la vie professionnelle, a poursuivi M. Giesler. Les femmes représentent environ un tiers des membres du Bundestag et 40% du personnel dans le système judiciaire. Le représentant a toutefois reconnu qu'il y a incontestablement encore beaucoup à faire pour ce qui est des postes de direction, en particulier dans le secteur privé. À cet égard, il a notamment attiré l'attention sur l'Initiative Dax-30 lancée par le Gouvernement, en vertu de laquelle la majorité des grandes entreprises ont établi des normes pour accroître la proportion de femmes à des postes de direction.

En ce qui concerne le droit à la vie et l'interdiction de la torture, M. Giesler a indiqué que, dans la législation allemande, le crime de torture est codifié en tant que crime consistant à extorquer un aveu ou un témoignage, conformément à l'article 343 du Code pénal.

Les agents de la police fédérale et de tous les Länder du pays doivent s'identifier si cela leur est demandé, ce qui signifie qu'ils doivent aussi pouvoir être identifiés par leur nom, a poursuivi M. Giesler. Quatre Länder ont mis en place un système de badges d'identification obligatoires des policiers, alors le port de badges d'identification est facultatif dans d'autres Länder. Un débat politique sur cette question est en cours en Allemagne.

S'agissant des expulsions et des extraditions de personnes vers des États tiers, M. Giesler a indiqué que l'Allemagne adhère aux prescriptions de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Cour européenne des droits de l'homme. Au début de 2011, l'Allemagne, se fondant sur des préoccupations soucieuses des droits de l'homme, a décidé d'elle-même – c'est-à-dire sans y être appelée par la Cour européenne des droits de l'homme – de suspendre toute expulsion vers la Grèce sur la base de la Règle dite de Dublin II qui prévoit la possibilité d'appliquer des mesures intérimaires s'il existe des indications que la personne concernée court des risques personnels dans le pays de destination.

Un autre membre de la délégation allemande a insisté sur le fait que c'est essentiellement la Cour constitutionnelle fédérale qui a demandé à l'Allemagne d'établir des conditions plus strictes concernant la détention préventive, en particulier pour ce qui est de promouvoir le caractère thérapeutique de la prise en charge dans ce contexte. Une réponse a donc commencé à être apportée à la «déficience incontestable» existant dans ce domaine, a indiqué la délégation.

Le Gouvernement fédéral trouve très insatisfaisante la manière dont sont appliquées dans les résidences pour personnes âgées les mesures de privation de liberté, a-t-elle poursuivi. Ces problèmes ne sont pas d'ordre législatif, puisque de telles mesures de privation de liberté doivent toujours être approuvées par le tribunal compétent, qui doit aussi examiner si d'autres options existent, a souligné la délégation. Il ressort des rapports publiés sur cette question que davantage d'efforts s'imposent pour la prévention et l'amélioration des équipements des installations, y compris pour ce qui est de la dotation en personnel, afin de réduire le nombre de cas où la liberté de ces personnes est restreinte, a-t-elle fait observer.

S'agissant de la traite de personnes, la délégation a reconnu que le nombre de cas inconnus reste incertain. Pour autant, rien n'indique une hausse véritable du nombre de cas, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est de la liberté de parole et de religion et de la lutte contre les crimes de haine, la délégation a indiqué que le Gouvernement fédéral regrette énormément la persistance répétée de crimes antisémites et à caractère racial. Si le nombre de crimes antisémites a baissé depuis le pic de 2005, le nombre de crimes à caractère xénophobe a augmenté en 2011, a-t-elle précisé. «Le tableau global atteste d'une vague plus que d'une tendance globale à la hausse», a déclaré la délégation. Il serait erroné de croire que les préjugés racistes et antisémites n'existent que chez certains extrémistes de droite; en effet, des tendances antisémites existent dans certains cercles d'immigrants et les stéréotypes racistes se retrouvent également au sein de la population générale, a indiqué la délégation. Outre l'adoption de mesures préventives et l'engagement de poursuites, le Gouvernement fédéral soutient des programmes visant à venir à bout des modes de pensée racistes et antisémites, comme le programme «Écoles sans racisme».

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. WALTER KALIN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, a fait observer que ce sixième rapport périodique, présenté avec un léger retard, a été préparé conformément aux directives du Comité relatives à l'élaboration des rapports des États parties au Pacte. Il s'est félicité que l'Allemagne ait fait en 2005 la déclaration relative à l'applicabilité extraterritoriale du Pacte et s'est réjoui de la formation dispensée aux forces armées déployées à l'étranger s'agissant des dispositions du Pacte et plus largement des questions relatives aux droits de l'homme. Rappelant que le Comité avait posé à plusieurs reprises la question de l'absence de données relatives aux délits commis par les agents des forces de police, M. Kalin a relevé que depuis 2009, de telles statistiques sont disponibles. Les instances judiciaires les plus hautes du pays, comme les cours inférieures, invoquent le Pacte dans leurs décisions, s'est en outre réjoui l'expert.


Un autre membre du Comité a soulevé la question des réserves que l'Allemagne a formulées à l'égard de l'article 15 du Pacte – "Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux […] au moment où elles ont été commises" - et à l'égard du Protocole facultatif, l'Allemagne ne reconnaissant pas la compétence du Comité pour les plaintes concernant notamment l'article 26 sur l'égalité devant la loi. Il s'est enquis des raisons pour lesquelles le pays a finalement décidé de ne pas retirer sa réserve à l'égard de l'article 15, alors qu'il semble que cette réserve n'ait plus vraiment de raison d'être. Il la également voulu connaître les raisons pour lesquelles l'Allemagne souhaite restreindre les droits en vertu desquels le Comité pourrait se saisir de plaintes.

Un expert a félicité l'Allemagne pour les progrès qu'elle a réalisés en matière d'égalité des droits entre hommes et femmes dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale, y compris pour ce qui est de la réduction des écarts salariaux entre les travailleurs des deux sexes. Néanmoins, l'égalité fondamentale n'est pas encore atteinte, a souligné cet expert, déplorant que le pays n'envisage pas de mesures temporaires spéciales pour y parvenir. Il s'est en outre enquis des mesures prises par les autorités allemandes pour permettre aux femmes de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle et encourager les hommes à prendre des congés parentaux. L a souhaité savoir ce que font les autorités pour assurer la création de crèches et garderies.

L'expert a fait observer qu'un Rapporteur spécial de l'ONU avait attiré l'attention sur la discrimination insidieuse existant en Allemagne dans le domaine du logement et estimé qu'il faudrait modifier les textes de lois pour y remédier. Eu égard au caractère limité du mandat de l'Agence de lutte contre la discrimination pour ce qui est de mener des enquêtes et intenter une action en justice, les dispositions de la législation sur l'égalité de traitement peuvent difficilement se concrétiser, a-t-il souligné. Il s'est enfin inquiété des pratiques discriminatoires à l'encontre des migrants dans les domaines de l'emploi, du logement et de l'éducation, s'inquiétant notamment de la création de classes d'école distinctes pour enfants allemands de souche d'une part et enfants de migrants d'autre part.

Une experte s'est enquise des mesures prises par l'Allemagne pour assurer une présence accrue des femmes au niveau des élites du pays.

Qu'est-ce qui explique que les femmes originaires de Turquie et de Fédération de Russie subissent davantage de violences que le reste de la population féminine d'Allemagne, a demandé un membre du Comité?

Un expert a demandé si des actes de torture ou de mauvais traitements par la police allemande ont été enregistrés. Il a relevé à cet égard qu'il y aurait actuellement quelque 500 personnes en détention préventive. Ce chiffre n'est pas négligeable et certaines personnes ont passé plus de vingt ans en détention préventive, s'est-il inquiété, soulignant que la détention préventive peut se mesurer en semaines voire en mois, mais certainement pas en années.

Il a également été demandé à la délégation allemande comment s'explique le fait qu'en trois ans, les policiers ont commis 67 homicides intentionnels et que les violences commises par les forces de l'ordre augmentent chaque année.

Un membre du Comité a souhaité savoir si l'Allemagne considérait comme suffisantes les garanties diplomatiques dans le cadre des demandes d'extradition.

Une experte a souhaité obtenir des précisions au sujet de la durée de la rétention de sûreté afin de s'assurer qu'une personne ne fasse pas la prison à vie du fait de prolongations successives de sa détention. Un autre membre du Comité a fait part de sa profonde inquiétude face aux dispositions relatives à la rétention de sûreté en vigueur en vertu desquelles une personne qui a purgé sa peine peut être maintenue en détention au motif de sa supposée dangerosité. Ainsi, la peine ne dépend pas de faits incriminés mais de la personne, alors que la notion de dangerosité est très difficile à apprécier.

Selon certaines informations, plus de 15 000 personnes, parmi lesquelles des enfants, seraient arrivées en Allemagne dans le cadre de la traite de personnes, s'est inquiété un expert. Les victimes se heurtent à d'énormes obstacles pour avoir accès aux mécanismes de protection. Quelles mesures sont elles prises par les autorités pour assurer une protection aux victimes de la traite à des fins d'exploitation sexuelle ou par le travail?

Un autre expert s'est inquiété du grand nombre d'organisations extrémistes, antisémites notamment, en Allemagne.

Un membre du Comité s'est intéressé à la protection des groupes minoritaires et tout particulièrement celle des Roms et Sintis. Comment, dans la pratique, est promue l'égalité pour les Roms?

Réponses de la délégation

S'agissant des réserves émises par l'Allemagne à l'égard de l'article 15 et du Protocole facultatif s'agissant de l'article 26 du Pacte, la délégation a notamment expliqué que l'argument qui sous-tend la réserve formulée à l'égard de l'article 15 est lié au fait que la Cour européenne des droits de l'homme n'adopte par la même approche que les autorités allemandes s'agissant de la détention préventive. L'Allemagne est disposée à réexaminer la question de ses réserves.

En ce qui concerne les principes de non-discrimination et d'égalité de chances et de traitement, la délégation a indiqué que les autorités fédérales et régionales travaillent en collaboration avec l'Agence fédérale de lutte contre la discrimination, qui offre des services de conseil et mène des enquêtes sur ces questions. L'âge, l'identité sexuelle et le handicap figurent au nombre des motifs figurant dans la loi relative à la lutte contre la discrimination, a par ailleurs fait valoir la délégation.

La délégation a ensuite insisté sur les progrès réalisés par l'Allemagne sur la voie de l'égalité entre hommes et femmes. Elle a notamment fait valoir que dans le Land de Berlin, 25,4% des postes de direction générale sont occupés par des femmes, alors que cette proportion était de 9,8% en 2002. À Berlin, 15,1% des postes de magistrats sont occupés par des femmes, a ajouté la délégation. Il reste néanmoins beaucoup à faire, a admis la délégation. Un travail de sensibilisation s'impose, notamment dans le contexte de la culture d'entreprise, alors que les personnes qui restent le plus longtemps au bureau sont encore considérées comme les plus compétentes, ce qui est évidemment erroné, a indiqué la délégation. Elle a insisté sur la nécessité de prendre des mesures afin de permettre aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle. Des mesures ont d'ores et déjà été prises afin de promouvoir le travail à temps partiel et il a été décidé d'accroître le nombre de garderies pour les enfants âgés de 1 à 3 ans, a précisé la délégation.

L'article 5 de la Loi sur l'égalité de traitement prévoit que la discrimination fondée sur le sexe est possible si cela vise à contrer des désavantages, de sorte que les mesures temporaires spéciales (d'action affirmative) sont possibles en Allemagne, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne la violence faite aux femmes, la délégation a fait état d'une étude sur la question qui a révélé que les femmes d'origine turque et russe étaient tout particulièrement touchées par ce type de violences. Les causes n'ont pas pu être clairement établies, mais il apparaît que très souvent, ces femmes sont dépendantes de tierces personnes, notamment du point de vue financier, et parlent mal la langue allemande, ce qui les isole et les rend particulièrement vulnérables. Les autorités allemandes s'efforcent de coopérer avec les imams pour promouvoir la sensibilisation de la communauté turque à ce problème, a indiqué la délégation.

La délégation a attiré l'attention sur les grands progrès enregistrés en matière de lutte contre les mariages forcés, en particulier grâce à la loi promulguée à cet effet en 2001. Des réseaux ont été mis en place pour venir en aide aux femmes migrantes en la matière et une étude a été menée sur la question, a précisé la délégation. Le Gouvernement a financé un programme par Internet de lutte contre les mariages forcés qui a pris fin en 2010 mais dont la relève a été prise par certains Länder.

S'agissant de la scolarité des enfants issus de l'immigration, la délégation a admis qu'à Berlin, les autorités ne sont pas parvenues à faire en sorte que les élèves issus de l'immigration réussissent aussi bien que les autres. Les autorités berlinoises estiment que la langue est le sésame pour l'entrée à l'éducation; ainsi, depuis 2005 le nombre de jeunes entrant à l'université dont la langue première n'est pas l'allemand a pu être sensiblement augmenté.

En ce qui concerne les questions de logement, la délégation a indiqué que lorsqu'un logement est mis en location, il ne doit pas y avoir de discrimination du point de vue de son attribution à un locataire. Il faut s'efforcer de maintenir un équilibre dans les relations socioéconomiques et culturelles, le but étant d'avoir un tissu urbain relativement équilibré, sans chercher à exercer de discrimination à l'égard de quiconque.

En ce qui concerne les questions relatives à la détention préventive et à la rétention de sûreté, la délégation a notamment expliqué que la rétention de sûreté est encadrée par la loi depuis janvier 2011. Ainsi, pour qu'une personne puisse être placée en rétention de sûreté, en arguant qu'elle constitue un danger pour la société, il faut qu'elle ait été condamnée à trois reprises à des peines d'au moins douze mois d'emprisonnement. L'ordre de rétention fait alors l'objet d'un examen tous les six mois pour apprécier la dangerosité de la personne. La rétention de sûreté peut également être imposée à des personnes souffrant de maladies mentales qui sont considérées soit comme étant dangereuses pour la société, soit comme étant démentes.

La délégation a souligné la différence qu'il y a entre détention préventive la rétention de sûreté. Il n'y a pas de limite dans le temps à la rétention de sûreté; théoriquement, une personne peut ainsi rester placée à vie en rétention de sûreté si elle est considérée comme dangereuse, a reconnu la délégation. Certes, la personne est privée de sa liberté, mais il ne s'agit pas d'une sanction pénale car les conditions de détention sont meilleures que celles imposées aux personnes purgeant une sanction pénale.

S'agissant des injonctions temporaires suspensives de transfert prononcées par les tribunaux en vertu du système dit de Dublin II (un règlement sur les procédures d'asile), la délégation a expliqué que lorsque la «procédure Dublin II» est appliquée, il doit être tenu compte de la toute dernière jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La jurisprudence concernant ces questions englobe des avis, arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l'homme (janvier 2011), de la Cour européenne de justice (décembre 2011) et de la Cour constitutionnelle (mai 1996). Il faut qu'il y ait des lacunes systématiques dans les pays de destination envisagés (pour le transfert d'une personne) pour que puissent être prises de telles injonctions temporaires en vertu du système de Dublin II. La décision prise par l'Allemagne de suspendre les transferts à destination de la Grèce vaut jusqu'au 1er janvier 2013, a rappelé la délégation. Aussi, au début du mois de décembre prochain, la nécessité de proroger cette décision devra être évaluée. En Grèce, en dépit de certains progrès enregistrés, le système de procédure d'asile pose un grand nombre de problèmes, a expliqué la délégation.

La délégation a indiqué que le Gouvernement allemand se réserve le droit de recourir aux garanties diplomatiques dans le contexte de l'expulsion ou de l'extradition d'une personne. Mais cela reste exceptionnel, a-t-elle souligné, précisant que jusqu'ici, les garanties diplomatiques n'ont été demandées par l'Allemagne qu'à deux reprises. La base légale de ces garanties diplomatiques est la loi allemande sur l'assistance internationale mutuelle dans le domaine pénal. Dans le cas d'une extradition, les garanties diplomatiques portent en général sur certaines normes pénales comme, par exemple, la non-imposition de la peine de mort. Quant à savoir si ces garanties diplomatiques peuvent être dignes de confiance, la délégation a fait valoir qu'avant d'extrader la personne, des informations sont recueillies à cette fin auprès du Ministère des affaires étrangères. Si on estime que la personne peut être extradée en toute sécurité, alors il sera procédé à son extradition assortie des garanties diplomatiques obtenues. Ces garanties diplomatiques doivent être fournies par écrit, a ajouté la délégation. En outre, les autorités allemandes restent en contact avec les personnes ayant fait l'objet de garanties diplomatiques afin de s'assurer que les garanties qui avaient été données à leur sujet sont bien respectées.

En ce qui concerne la traite de êtres humains, la délégation a déclaré que l'Organisation internationale du travail indique que se répètent année après année, sans que l’on sache exactement sur quelles sources il est fondé, le nombre de 15 000 victimes pour l'Allemagne. Pour ce qui est de la protection des victimes, la délégation a indiqué qu'en 2005, l'Allemagne est parvenue à combler un certain nombre de lacunes qui existaient jusqu'alors au niveau législatif. Un programme de protection des témoins a par ailleurs été mis en place, ainsi qu'un service de protection à l'intention des femmes victimes de traite. En outre, un groupe de travail de lutte contre la traite est chargé en particulier du problème de l'exploitation du travail des femmes.

Répondant aux questions sur la situation des Roms et Sintis, la délégation a expliqué que l'Allemagne reconnaît les Roms comme une minorité nationale; 70 000 personnes font partie de cette communauté et ce sont des citoyens allemands, a-t-elle indiqué. Il existe un Conseil des Roms et des Sintis qui estime lui-même que cette population est bien intégrée dans la société allemande. Si des problèmes se posent, ce Conseil en fait part au Gouvernement fédéral et les médias sont tenus informés. Depuis la fondation de la République, aucune donnée fondée sur l'origine ethnique des individus n'est collectée en Allemagne, a rappelé la délégation. Il n'y a pas de politique particulière concernant les Roms et Sintis venant de l'étranger qui, comme tous les autres migrants, doivent suivre des cours d'intégration, en particulier des cours de langue allemande.

La délégation a reconnu qu'il y a des domaines où des améliorations peuvent être apportées pour assurer une meilleure mise en œuvre du Pacte, ajoutant qu'un certain nombre de suggestions faites par le Comité devront être examinées de manière plus précise par les autorités allemandes.

Conclusion

Mme Zonke Zanele Majodina, Présidente du Comité, s'est félicitée que les observations du Comité soient discutées dans les deux chambres du Parlement. Au cours du dialogue, une série de préoccupations ont été exprimées par les membres du Comité, s'agissant notamment de la question des réserves. Elle s'est félicitée que l'Allemagne envisage de réexaminer sa réserve à l'égard de l'article 15. Pour ce qui est de la situation des femmes, des initiatives ont été prises mais si la situation s'est améliorée dans le secteur public, il n'en va pas de même dans le secteur privé, a poursuivi Mme Majodina, avant d'attirer l'attention sur l'incidence élevée de la violence à l'encontre des femmes d'origine turque et russe. Elle a en outre fait part de sa préoccupation face à la différence de traitement fondée sur l'origine ethnique que permet la législation allemande dans l'attribution des logements locatifs.

La question de la rétention de sûreté demeure une préoccupation pour le Comité, a poursuivi Mme Majodina, se disant très inquiète que l'absence d'une limite maximale de sa durée puisse entraîner la détention à vie d'une personne.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CT12/019F