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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS AUDITIONNE DES ONG SUR LES SITUATIONS DANS TROIS PAYS A L’EXAMEN DE LA PRÉSENTE SESSION

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui a entamé ce matin les travaux de sa quarante-septième session, a entendu, cet après-midi, les interventions de représentants d'organisations non gouvernementales concernant les situations en Israël, au Cameroun et en Argentine – trois des cinq pays dont les rapports seront examinés au cours de la session. Seront également examinés durant cette session les rapports de l’Estonie et du Turkménistan, mais aucune organisation non gouvernementale n'est intervenue sur la situation dans ces deux pays.

S’agissant d’Israël, plusieurs intervenants ont constaté une détérioration constante de la jouissance du droit au logement des populations palestiniennes vivant dans la Zone C des territoires palestiniens occupés, à Gaza et en Cisjordanie. A notamment été dénoncée la destruction systématique par Israël, depuis plusieurs décennies, de milliers de logements de Palestiniens. Ont également été maintes fois dénoncées les expulsions de Bédouins de leurs terres ancestrales dans le Néguev. Une ONG a attiré l’attention sur le fait que les populations palestiniennes des territoires occupés voient leur droit à l’eau bafoué.

En ce qui concerne le Cameroun, ont notamment été dénoncées les conséquences discriminatoires, du point de vue de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, du régime foncier existant dans ce pays. Ont également été dénoncées les expulsions forcées (« déguerpissements ») de personnes vivant dans des bidonvilles ou sur des terres occupées spontanément.

S'agissant enfin de l’Argentine, une ONG a déploré la poursuite des expulsions arbitraires de petits exploitants agricoles, dans le but de laisser la voie libre à la réalisation de grands projets d’infrastructures. L’égalité des droits entre hommes et femmes n’est toujours pas réalisée s’agissant de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il également été souligné.

D’autres contributions d’organisations non gouvernementales ont porté sur la Campagne de ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et sur les nouveaux « Principes de Maastricht sur les obligations extraterritoriales des États » relativement aux droits économiques, sociaux et culturels.

Demain matin à 10 heures, le Comité entamera l'examen du deuxième rapport périodique de l’Estonie.


Aperçu des déclarations

S’agissant d’Israël

Un représentant du Emergency Water, Sanitation and Hygiene Group a attiré l’attention du Comité sur les violations du droit à l’eau et à l’hygiène commises par Israël dans le territoire palestinien occupé, s’agissant notamment du déni d’accès au réseau hydrique, par une discrimination au profit des colons israéliens et au détriment des populations palestiniennes. Les habitants des villages palestiniens dans les territoires occupés disposent en moyenne de dix fois moins d’eau par jour que les colons israéliens, a-t-il souligné. Le représentant a dénoncé la démolition de citernes et la confiscation de camions-citernes appartenant à des Palestiniens, ainsi que les attaques contre l’infrastructure d’assainissement dans la bande de Gaza. Du fait de ces destructions, 95% des eaux sont impropres à la consommation à Gaza, a-t-il insisté.

Un représentant du Israeli Committee Against House Demolitions a dénoncé la destruction systématique par Israël, depuis plusieurs décennies, de milliers de logements de Palestiniens. Pour cette année 2011, quatre mille logements ont ainsi, d’ores et déjà, été détruits. Faute d’indemnisation, les victimes de ces démolitions sont réduites à la plus grande précarité. Cette politique illégale risque d’entraîner la disparition pure et simple de certaines communautés, notamment les populations d’origine bédouine, a averti le représentant. Il a en outre déploré l’ «aberrante» politique de logement d’Israël à Jérusalem-Est, qui risque de conduire à l’expulsion sans indemnité de près de 60 000 Palestiniens. Le déplacement forcé des populations ainsi induit contrevient aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a souligné le représentant, avant de demander qu’il soit mis fin immédiatement aux démolitions de logements palestiniens.

Un représentant du Internal Displacement Monitoring Centre a constaté une détérioration constante de la jouissance du droit au logement des populations palestiniennes vivant dans la Zone C des territoires palestiniens occupés, à Gaza et en Cisjordanie. En effet, l’attribution et l’utilisation des terres dans cette zone se font au détriment des populations palestiniennes locales, au profit des colons israéliens, par le biais du statut des « terres appartenant à l’État », de la réquisition de terres, de l’expropriation et de l’accès discriminatoire aux infrastructures. Le résultat de cette politique de déni de la terre est l’expulsion des Palestiniens de leurs terres. C’est ainsi que le droit des Palestiniens d’avoir un niveau de vie convenable est compromis. À Gaza, plus de 2000 logements ont été endommagés par des faits de guerre : il faudrait, en l’état actuel des choses, construire près de 75 000 nouvelles unités de logement, tandis que 80 % des dégâts subis par les 200 écoles lors de l’opération « Plomb durci » doivent encore être réparés.

Une représentante de l’organisation Adalah a dénoncé l’adoption par la Knesset de plusieurs lois nouvelles privant les Bédouins arabes du Néguev de statut juridique reconnu et les mettant dans l’impossibilité d’accéder aux infrastructures de base. La représentante a dénoncé la fermeture de dispensaires destinés à la vaccination des enfants bédouins. Elle a aussi déploré que la loi israélienne autorise désormais la suppression des subventions aux organisations qui commémorent l’anniversaire de la « naqba » ou qui remettent en question la nature sioniste de l’État d’Israël, et qu’elle limite les financements étrangers destinés à certaines organisations de la société civile arabe israélienne.

Une représentante de l’organisation Al Haq a fait part de sa préoccupation face à la politique de fragmentation et de colonisation du territoire palestinien menée par Israël, soulignant que cette politique porte préjudice à la jouissance des droits au travail et au logement des Palestiniens. La représentante a particulièrement dénoncé la poursuite de la construction du Mur de séparation, dont le tracé isole nombre de villages palestiniens et les coupe de tout accès aux infrastructures. La poursuite de l’accaparement de terres par Israël s’accompagne d’une application discriminatoire du droit, les Palestiniens étant soumis à la loi militaire et ne jouissant pas de mêmes prérogatives que leurs voisins colons israéliens.

La représentante de l’organisation Badil a déploré la destruction de quatorze villages dans le district de Beer Sheba, dans le Néguev, entraînant l’expulsion de 40 000 Palestiniens bédouins de leurs foyers. Ce transfert forcé de populations équivaut à une forme de nettoyage ethnique, a dénoncé la représentante. Elle a estimé que l’objectif d’Israël est de déplacer les 75 000 à 90 000 Bédouins de leurs terres ancestrales, au moyen de tactiques telles que la destruction de maisons et le reboisement du Néguev. Des dizaines de villages palestiniens ont été détruits de la sorte.

Le représentant du Negev Coexistence Forum for Civil Equality a, lui aussi, dénoncé l’expulsion de Palestiniens bédouins vivant dans le Néguev. Le plan proposé à cet égard par le Cabinet israélien prévoit le déplacement forcé des populations concernées dans des « townships » préparés de longue date par les autorités israéliennes, a-t-il déploré. Le Gouvernement doit ouvrir le dialogue avec les Bédouins du Néguev afin de trouver des solutions tenant compte de leurs droits fondamentaux, a estimé le représentant. Les autorités israéliennes devraient notamment tenir compte du plan alternatif d’aménagement du territoire préparé par plusieurs organisations de la société civile, qui prévoit notamment la reconnaissance officielle de 45 villages bédouins.

Une représentante de l’organisation B’Tselem a dénoncé le projet du Gouvernement israélien de déplacer de manière forcée plusieurs milliers de Bédouins vivant à proximité de la colonie de peuplement de Ma’ale Adunim et de Jérusalem, en vue de leur relogement à proximité d’une décharge publique. Elle a en outre fait observer que les autorités israéliennes ont confisqué les ressources hydriques de la Cisjordanie : les 2,5 millions de Palestiniens vivant dans cette région disposent de trois fois moins d’eau que les 9400 colons qui y sont implantés. Outre le droit à l’eau, c’est le droit au travail des agriculteurs palestiniens qui est ainsi compromis, a souligné la représentante.

Une représentante de la Commission internationale des juristes a affirmé que les obligations d’Israël au titre des instruments internationaux de droits de l’homme s’appliquent aussi aux territoires palestiniens occupés. La représentante a noté que de nombreux obstacles s’opposent à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des Palestiniens des territoires palestiniens occupés, du fait d’actes de l’État d’Israël, qu’il s’agisse des agressions contre des Palestiniens commises par des colons, des restrictions à la construction de logements ou de la destruction d’oliveraies. La Commission recommande notamment qu’Israël reconnaisse sa responsabilité s’agissant du respect des droits économiques, sociaux et culturels dans le territoire palestinien occupé et qu’il fasse rapport à ce sujet devant le Comité.

Un représentant d’Habitat International a souligné que la discrimination institutionnalisée qui a été décrite par les intervenants précédents est l’une des conséquences de l’occupation israélienne. Cette politique de discrimination systématique, qui date de 1948, a entraîné, concrètement, la destruction de plus de 400 villages palestiniens, dans une tentative de « rayer de la carte une population ennemie ».

Un membre du Comité s’est enquis des actions que les Bédouins de nationalité israélienne ont éventuellement déjà lancées pour faire valoir leurs droits à l’eau et au logement. Si les Palestiniens, en tant que peuple sous occupation, sont privés de la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, il est difficile d’aborder ce problème en faisant abstraction du problème de la jouissance des droits civils et politiques, a-t-il été souligné. D’autres questions ont porté sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des personnes vivant en Israël - et non pas seulement dans les territoires occupés – et sur les conditions d’applicabilité du Pacte dans les territoires palestiniens occupés.

Des représentants d’organisations non gouvernementales ont répondu aux questions des membres du Comité en faisant observer que tous les détenteurs de la nationalité israélienne ne jouissent pas, dans la pratique, des mêmes droits. Une intervenante a fait état des démarches juridiques et politiques entreprises par des Bédouins opposés aux lois israéliennes et aux pratiques discriminatoires d’Israël.

S’agissant du Cameroun

Un représentant du Collectif interafricain des habitants a regretté que le programme d’accession à la propriété foncière lancé par le Gouvernement camerounais ne profite qu’aux classes aisées. La propriété foncière est donc un critère supplémentaire de discrimination du point de vue de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a par ailleurs dénoncé la persistance de la pratique des expulsions forcées (« déguerpissements ») de personnes vivant dans des bidonvilles ou sur des terres occupées spontanément, soulignant que des milliers de personnes étant concernées. Une des conséquences de cette pratique, quand elle intervient en période scolaire, est la déscolarisation de nombreux enfants, a-t-il souligné. Un programme de recherche a été lancé par la société civile pour dresser un bilan juridique et humain des expulsions, a-t-il poursuivi, avant de préciser que la recherche a aussi pour objet d’évaluer les conséquences économiques directes des expulsions.

Pour sa part, la représentante de l’organisation Rapda/Cominsud a regretté que, faute de volonté politique réelle, l’État du Cameroun n’ait pas pris les mesures nécessaires pour garantir le droit à l’alimentation de la population, une carence qui a entraîné des émeutes de la faim. La représentante a demandé au Comité de s’enquérir auprès des autorités camerounaises des mesures qu’elles prennent contre le problème de l’accaparement des terres, contre les effets négatifs des grands projets d’infrastructures sur la jouissance des terres collectives et pour assurer la souveraineté alimentaire du pays. Elle a fait observer que le Cameroun est en mesure non seulement de nourrir toute sa population, mais aussi de créer une économie agricole géante basée sur l’activité des petites exploitations. Aussi, l’État camerounais devrait-il promouvoir le développement économique local, favoriser la création de labels de qualité et simplifier les conditions d’octroi du microcrédit.

S’agissant de l’Argentine

Une représentante de l’organisation Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) a noté une amélioration très nette de la situation politique et économique générale en Argentine, depuis l’examen du précédent rapport de ce pays par le Comité. Des problèmes demeurent cependant au niveau de la mise en œuvre tant des cadres normatifs adoptés que des recommandations du Comité, a-t-elle souligné. La représentante a, en particulier, attiré l’attention sur la poursuite des expulsions arbitraires de petits exploitants agricoles pour laisser la place à la réalisation de grands projets d’infrastructures, soulignant que ces expulsions s’accompagnent de violences, voire de pertes en vies humaines. Par ailleurs, l’égalité des droits entre hommes et femmes n’est toujours pas réalisée s’agissant de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans le domaine du travail et de l’accès aux prestations sociales, a-t-elle poursuivi. Sont aussi à déplorer l’exploitation de certaines catégories de travailleurs privés de statut juridique ; des obstacles à la réalisation des droits syndicaux ; la discrimination à l’encontre des migrants dans l’octroi des prestations sociales ; ou encore l’exploitation des enfants au travail, tandis que rien n’a été fait pour légaliser l’avortement. Enfin, la surexploitation de ressources naturelles a des effets néfastes sur l’environnement et la santé des populations, a souligné cette intervenante.

Une représentante de la Commission internationale des juristes a indiqué que, depuis 2010, trente-trois communautés des provinces de Jujuy et Salta se sont organisées pour lutter contre les menaces et violations dont font l’objet leurs droits du fait de l’exploitation du lithium dans la région. L’impact des premières perforations laisse entrevoir des dommages irréversibles sur les salines dont dépend le mode de vie des communautés concernées, a souligné la représentante. Elle a déploré que les autorités provinciales n’aient pris aucune mesure pour remédier à cette situation, l’aggravant au contraire par la promulgation de nouvelles lois qui encouragent l’activité minière de manière arbitraire. La Commission demande notamment que l’État argentin procède à la remise des titres de propriété communautaires des territoires traditionnellement occupés par les communautés concernées et qu’il adopte les mesures nécessaires pour garantir la pérennité de leur activité productive centrée sur les salines.

Répondant à une question d’un membre du Comité, la représentante de la Commission internationale des juristes a fait observer que la propriété foncière de nombreux territoires traditionnels n’est toujours pas attribuée par les autorités argentines.

Un représentant de l’organisation IDA (au nom du Réseau pour les droits des personnes handicapées) a relevé que plus de 80 % des 4 millions de personnes handicapées en Argentine sont au chômage. L’État argentin a certes pris des mesures d’action affirmative pour réduire le chômage de ces personnes, mais les quotas prévus n’ont jamais été appliqués. Le représentant a également dénoncé le caractère discriminatoire des conditions d’accès à certaines prestations sociales, alors qu’est parfois appliquée en la matière une exigence de plus de vingt années de résidence en Argentine. La Cour suprême s’étant prononcée contre la validité de ce dernier critère, le Comité devrait recommander à l’Argentine de légiférer dans le sens de cette jurisprudence de la Cour.

Une représentante des organisations conjointes Grupo de Reflexion Rural et Aktion GEN-Klage a dénoncé le modèle agro-industriel d’exportation adopté par l’Argentine. Elle a déploré l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans le secteur agricole de ce pays, notamment pour la production de soja, ainsi que la malnutrition et les problèmes sanitaires associés à la présence d’organismes transgéniques.

Autres interventions

Le représentant de la coalition d’organisations non gouvernementales pour la Campagne de ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte a indiqué que le Gouvernement de la Finlande a proposé un financement partiel de ce projet et a fait observer que l’Argentine est le premier pays membre du G20 à ratifier le Protocole facultatif. Le représentant a aussi indiqué que les initiateurs de la Campagne entendent œuvrer pour aider les plaignants, quand le Protocole facultatif entrera en vigueur, à déposer des plaintes bien conçues, afin d’en faciliter le traitement.

En réponse à une intervention ayant abordé ce sujet, un membre du Comité a fait observer que les questions relatives aux éventuelles modifications à apporter au Règlement intérieur ne sont pas urgentes et pourront être traitées dans un second temps, l’objectif étant à ce stade de faire ratifier le Protocole facultatif.

Enfin, une experte de la Commission internationale des juristes a informé le Comité de l’adoption des nouveaux « Principes de Maastricht sur les obligations extraterritoriales des États », relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces principes affirment notamment que les États ont l’obligation de coopérer entre eux en vue de l’application universelle de droits économiques, sociaux et culturels. Ils résultent des délibérations de quarante experts internationaux, parmi lesquels d’anciens membres du Comité. Un expert du Comité a salué le caractère historique de ces Principes.


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ESC11/012F