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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE L'ARGENTINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport périodique de l'Argentine sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant le rapport de son pays, Mme María Cristina Perceval, Sous-Secrétaire d'État aux droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme de l'Argentine, a rendu compte des avancées du pays depuis la crise qu'il avait traversée en 2001. Depuis 2003, le pays a connu trois changements fondamentaux: culturel, politique et éthique (avec la fin de l'impunité après la dictature). L'économie s'est redressée au point qu'en pleine crise financière internationale, l'Argentine connaît une croissance de 9%. La pauvreté et la misère dans le pays ont diminué de manière importante, ainsi que le chômage. En outre, il y a eu des améliorations dans la répartition des revenus. La Sous-Secrétaire d'État a aussi fait valoir que l'indice de développement humain de l'Argentine place le pays au deuxième rang en Amérique latine. Les taux d'inscription et de fréquentation scolaires sont aujourd'hui meilleurs que ce qu'ils étaient auparavant, a également fait valoir Mme Perceval, et la mortalité infantile a considérablement baissé dans le pays. Le Représentant permanent adjoint de l'Argentine auprès des Nations Unies à Genève, M. Raúl Peláez, a pour sa part souligné que l'Argentine venait de déposer son instrument de ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, devenant ainsi le cinquième État partie à cet instrument.

La délégation argentine était également composée de représentants du Ministère du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale; du Ministère de l'éducation; du Ministère de la santé; du Ministère de la justice et des droits de l'homme; du Ministère du développement social; du Ministère des relations extérieures, du commerce international et du culte; de l'Institut national des statistiques et du recensement; de l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme; de l'Institut national des affaires autochtones; et du Secrétariat national de l'enfance, de l'adolescence et de la famille. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la situation des populations autochtones; les travailleurs domestiques; les questions d'emploi et de salaires; la lutte contre la pauvreté; la situation des enfants; la situation du logement; les efforts menés en faveur de la sécurité alimentaire des familles. La délégation a notamment indiqué que le pays est sorti d'une logique néo-libérale nocive ayant mené à une crise grave s'accompagnant de taux élevés de pauvreté en prenant conscience qu'il ne saurait y avoir de développement sans création d'emplois, l'emploi étant le meilleur garant du bien-être, de la paix sociale et de la démocratie. Si le travail informel n'a pas disparu, 90% des emplois nouvellement créés sont des emplois déclarés.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Argentine, M. Zdzisław Kędzia, a souligné que la vraie valeur des droits de l'homme se mesure tout particulièrement durant les périodes de crise économique. En effet, le progrès économique bénéficie généralement à tout le monde; en revanche, durant les périodes de crise, les droits de l'homme font office de pare-feu contre la détérioration généralisée des conditions de vie. M. Kędzia s'est notamment enquis de l'application des recommandations que le Comité avait adressées à l'Argentine lors de l'examen de son précédent rapport s'agissant des problèmes liés aux titres de propriété foncière communautaire et à l'impact des activités d'extraction sur des terres traditionnellement habitées par des peuples autochtones – problèmes au sujet desquels des difficultés persistent. Plusieurs membres du Comité ont à ce sujet salué l'étendue des efforts déployés par l'Argentine en ce qui concerne les droits de ces populations, relevant toutefois que le peuple mapuche, notamment, est toujours confronté à la confiscation de ses terres, sans information ni consultation préalable.

Le rapporteur et d'autres membres du Comité ont également posé des questions sur la violence à l'égard des femmes; les questions relatives à l'emploi et à la santé; la lutte contre la pauvreté et le travail des enfants; la situation du logement.


Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Argentine. Les observations finales concernant l'ensemble des cinq pays dont les rapports ont été examinés au cours de la session devraient être rendues publiques lors de la séance de clôture, l'après-midi du vendredi 2 décembre prochain.


Présentation du rapport de l'Argentine

M. RAÚL PELÁEZ, Représentant permanent adjoint de l'Argentine auprès des Nations Unies à Genève, a réaffirmé l'engagement de son pays en faveur des travaux du Comité. Il a fait observer que la délégation argentine, qui est de haut niveau, englobe des représentants de nombreux organismes nationaux, ce qui témoigne de l'importance que le pays accorde à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. M. Peláez a en outre souligné qu'à ce jour, l'Argentine a ratifié l'ensemble des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Le 24 octobre dernier, le pays a déposé son instrument de ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, devenant ainsi le cinquième État partie à cet instrument. Le Pacte a été intégré à la Constitution et a ainsi acquis rang constitutionnel en Argentine, a en outre fait valoir M. Peláez. Il a également rappelé que l'Argentine avait adressé une invitation permanente à tous les titulaires de mandats de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme.

MME MARÍA CRISTINA PERCEVAL, Sous-Secrétaire d'État aux droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme de l'Argentine et chef de la délégation, a exprimé l'«enthousiasme serein» de son pays de pouvoir rendre compte devant ce Comité des avancées que le pays a connues depuis la crise qu'il avait traversée en 2001. L'Argentine n'a pas l'arrogance de croire que tout a été réglé et est disposée à entendre les recommandations qui lui seront adressées, a-t-elle ajouté, soulignant que le la réalisation des droits de l'homme s'inscrit, par sa nature, dans un programme progressif.

Depuis 2003, après la crise profonde qu'elle a connue – et qui pourrait être qualifiée de culturelle –, l'Argentine a fait sien le programme des droits de l'homme, a insisté Mme Perceval. Il y a alors eu trois changements fondamentaux dans ce pays. Tout d'abord, il y a eu un changement sur le plan éthique, après la férocité du terrorisme d'État dont le bilan a été de plus de 30 000 personnes disparues dans le pays. La Sous-Secrétaire d'État aux droits de l'homme a notamment souligné à cet égard que 105 enfants enlevés ont récupéré leur identité. En fin de compte, la crise de 2001 a permis de mettre un terme à l'impunité et aujourd'hui, on peut affirmer que l'Argentine a résolument fait face à sa responsabilité de poursuivre les responsables de crimes contre l'humanité, a insisté Mme Perceval. Le pays a également vécu une transformation culturelle, ainsi qu'une transformation politique, car seul l'État de droit permet la réalisation des droits de l'homme.

S'agissant du redressement économique, Mme Perceval a notamment indiqué qu'il a été rendu possible en mettant fin au régime de convertibilité. Elle a fait valoir que cette année, en pleine crise financière internationale, l'Argentine connaît une croissance de 9%. La pauvreté et la misère dans le pays ont été réduites; entre 2003 et aujourd'hui, la pauvreté est passée de près de 48% à 7%, la pauvreté extrême ne touchant plus que 2,3% des Argentins, a précisé Mme Perceval. Le chômage est actuellement de 7,3%, contre environ 20% en 2003, a-t-elle ajouté. Il y a aussi eu des améliorations dans la répartition des revenus, a fait valoir la Sous-Secrétaire d'État aux droits de l'homme.

L'indice de développement humain de l'Argentine est aujourd'hui de 0,797%, ce qui place le pays au deuxième rang en Amérique latine après le Chili, a poursuivi Mme Perceval. Cet indice de développement élevé a été atteint en dépit du contexte de crise internationale, a-t-elle insisté. En 2003, 6% du PIB étaient consacrés au paiement de la dette, alors qu'actuellement seul 1% du PIB y est consacré, l'évolution ayant été exactement inverse pour ce qui est de la part du PIB consacrée à l'éducation. Les indices d'inscription et de fréquentation scolaires sont aujourd'hui meilleurs que ce qu'ils étaient auparavant, a fait valoir Mme Perceval, indiquant que l'éducation est obligatoire jusqu'à l'âge de 13 ans.

D'après la Banque mondiale, les Argentins ont un revenu annuel moyen de 15 900 dollars, ce qui place l'Argentine au premier rang des pays de la région de ce point de vue, a également indiqué la Sous-Secrétaire d'État. Près de cinq millions de postes de travail décents ont été créés ces dernières années, a-t-elle en outre indiqué.

Il y a quelques jours, à l'initiative de l'Argentine, le MERCOSUR a demandé à la Cour interaméricaine des droits de l'homme un avis consultatif concernant la situation des enfants migrants, a en outre indiqué Mme Perceval.

En 2003, le taux de pénétration de l'Internet se situait entre 7 et 12% en 2003, le pays se trouvant donc exclu de ce formidable outil d'accès à l'information et à la connaissance; or, aujourd'hui, ce taux de pénétration atteint 76%, a fait valoir la Sous-Secrétaire d'État.

La Sous-Secrétaire d'État a par ailleurs souligné qu'au début du XXIe siècle, la mortalité infantile était un fléau en Argentine: 70% des enfants étaient en état de malnutrition. Or, ces dernières années, la mortalité infantile a considérablement baissé dans le pays, a-t-elle souligné.

Le troisième rapport périodique de l'Argentine (E/C.12/ARG/3) indique que le modèle de développement argentin a été caractérisé pendant les années 90 par la mise en œuvre de politiques de déréglementation et de promotion de la flexibilité qui ont eu de sérieuses conséquences sur le chômage, la précarité de l'emploi et l'augmentation des inégalités en matière de répartition du revenu, ce qui a provoqué une crise politique, sociale et économique sans précédent par suite de la marginalisation et de l'exclusion de vastes secteurs de la population. Comme suite à la crise politique, sociale et économique qui a sévi en 2002, la forte augmentation des prix enregistrée pendant l'année a contribué à aggraver la situation sociale. En octobre 2002, 57,5%, de la population était considérée comme pauvre - 45,7% des ménages vivaient dans l'indigence. L'abandon de la convertibilité de la monnaie, à partir de 2002, a commencé à faire naître une évolution des prix relatifs qui a permis d'orienter le schéma de croissance dans un sens plus intégré grâce à la création d'emplois dans les secteurs exclus. Les politiques publiques mises en œuvre depuis 2003 ont introduit une nouvelle conception du travail, considéré non plus comme un problème du marché du travail mais plutôt comme une interface entre les domaines économique et social, comme la base de la cohésion sociale, comme source de dignité des personnes et comme élément constitutif de la qualité de citoyen. Malgré la croissance économique et l'amélioration progressive des indicateurs de la pauvreté, de l'extrême pauvreté et du chômage enregistrées ces dernières années, un pourcentage élevé de la population souffre toujours d'exclusion sociale et ne peut pas exercer pleinement ses droits économiques, sociaux et culturels. C'est pourquoi l'État a fait de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion un de ses principaux objectifs.

Les travailleurs et travailleuses domestiques constituent l'un des secteurs les plus défavorisés et l'un de ceux où les conditions de travail sont les plus précaires, poursuit le rapport. Pour y remédier, il a été lancé dans le cadre du programme Assurance formation et emploi un Programme de professionnalisation et de hiérarchisation des travailleuses et travailleurs domestiques. Par ailleurs, un vaste système de protection contre le chômage combine des prestations et qui couvre tous les travailleurs. Le but est de promouvoir la réintégration au marché du travail en liant les prestations monétaires à des politiques actives de promotion de l'emploi et de la formation professionnelle. Les politiques et normes publiées par l'État, reconnaissant l'apport des migrants au développement du pays, ont tendu principalement à défendre leurs droits de l'homme et à promouvoir leur intégration au marché du travail et à la société, indique par ailleurs le rapport. Des programmes de régularisation des migrants ont été mis en œuvre en Argentine, notamment un programme sur les personnes originaires de pays non membres du MERCOSUR et un Programme national de régularisation des documents migratoires, appelé «La grande patrie» - dans le cadre duquel la situation de près de 490 000 migrants originaires de pays du MERCOSUR et de pays associés avait été régularisée au 25 juillet 2007. Un Plan national de régularisation du travail a été formulé en 2003pour réduire le taux élevé de travail non déclaré dans le secteur salarié, indique en outre le rapport. Le législateur étudie actuellement, avec l'appui général de la société civile, la possibilité de porter à 15 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi, l'âge minimum légal étant à l'heure actuelle de 14 ans. Une enquête menée en 2004 dans la capitale et d'autres régions du pays a montré que 6,5% des enfants de 5 à 13 ans travaillaient à des activités équivalentes au travail des adultes, 4,1% réalisaient des activités domestiques destinées à l'autoconsommation, et 6,1% accomplissaient des tâches domestiques de façon intense. Dans le groupe des adolescents de 14 à 17 ans, 20,1% des adolescents travaillaient, 6,6% réalisaient des activités productives destinées à l'autoconsommation et 11,4% accomplissaient un travail domestique intense.

En matière de logement, un rapport de Buenos Aires indique qu'il y a eu en 2007 4937 évictions, contre 4146 en 2006 et 3974 en 2005, ce qui fait apparaître une tendance à l'augmentation du nombre de personnes ayant perdu leur logement. Il importe de relever également que les loyers à Buenos Aires sont pratiquement inabordables pour les secteurs les moins aisés de la population, en particulier pour les familles ayant des enfants. Le rapport indique par ailleurs que la loi sur l'éducation nationale garantit aux immigrants en situation irrégulière «l'accès au système d'enseignement et les conditions nécessaires de séjour pour leur permettre de recevoir une éducation à tous les niveaux, moyennant présentation de documents émanant de leur pays d'origine». S'agissant des populations autochtones, les problèmes auxquels elles se heurtent dans le domaine de l'éducation en Argentine sont liés à l'absence, pendant de nombreuses années, de politiques de l'éducation reconnaissant leur droit de recevoir une éducation de nature à contribuer à préserver et à renforcer leurs traditions culturelles, leur langue, leur vision du monde et leur identité ethnique. La création du Système d'éducation interculturel bilingue a essentiellement pour but de promouvoir des stratégies garantissant aux élèves autochtones – à tous les niveaux et quelles que soient les modalités du système – les droits que la Constitution leur reconnaît de recevoir une éducation de qualité dans le respect de leurs traditions culturelles et linguistiques, de leur vision du monde et de leur identité ethnique. La réforme menée à bien en 1994 a modifié la Constitution à des égards importants en ce qui concerne la promotion de l'identité culturelle des populations autochtones, fait valoir le rapport.

Examen du rapport

Questions et observations de membres du Comité

M. ZDZISŁAW KĘDZIA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Argentine, a relevé que ce troisième rapport périodique, qui était attendu en 2001, n'a été présenté qu'en 2009, ce qui est sûrement dû à la crise aiguë que l'Argentine connaissait en 2001. Il a rappelé que la vraie valeur des droits de l'homme se mesure tout particulièrement durant les périodes de crise économique. En effet, le progrès économique bénéficie généralement à tout le monde; en revanche, durant les périodes de crise, les droits de l'homme font office de «pare-feu» contre la détérioration généralisée des conditions de vie.

S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, l'Argentine accorde aux traités internationaux qu'elle a ratifiés un rang constitutionnel, a par ailleurs relevé M. Kędzia, avant de s'enquérir d'exemples de décisions des tribunaux qui s'appuient sur les droits énoncés dans le Pacte. M. Kędzia s'est ensuite réjoui que l'Argentine ait récemment adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Récemment, l'Argentine a pris un certain nombre de décisions historiques touchant à des questions qui intéressent le Comité, telles que la loi sur la santé mentale ou la loi sur l'égalité en matière de mariage (qui donne aux couples hétérosexuels les mêmes droits que les couples homosexuels), a en outre fait valoir le rapporteur.

Neuf années de stabilité et croissance économiques ont permis à l'Argentine de réduire les taux de pauvreté et de chômage, qui avaient atteint des niveaux record au début du XXIe siècle, a poursuivi M. Kędzia. Il s'est enquis des politiques qui ont fait la preuve de leur efficacité durant ces années et de celles qui ont moins bien marché; pour ces dernières, il serait utile de connaître les raisons de cette moindre efficacité.

M. Kędzia a en outre souhaité en savoir davantage sur le rôle qu'a joué le bureau du Défenseur du peuple durant la crise qu'a traversée l'Argentine et sur le rôle que ce bureau joue actuellement.

M. Kędzia s'est en outre enquis de l'application des recommandations que le Comité avait adressées à l'Argentine lors de l'examen de son précédent rapport s'agissant notamment de l'inégalité de fait entre les hommes et les femmes et la violence à l'égard des femmes.

Le Comité avait également formulé des recommandations en ce qui concerne les problèmes liés aux titres de propriété foncière communautaire et à l'impact des activités d'extraction sur des terres traditionnellement habitées par des peuples autochtones – problèmes au sujet desquels des difficultés persistent; du manque d'information au sujet des communautés mapuche et de leurs titres fonciers.

Plusieurs autres membres du Comité ont souhaité attirer l'attention sur la situation des populations autochtones en Argentine. Tout en saluant l'étendue des efforts déployés par l'Argentine en ce qui concerne les droits de ces populations, l'un d'eux a fait observer que de nombreuses informations indiquent que le peuple mapuche est toujours confronté à la confiscation de ses terres, sans information ni consultation préalable. Les Mapuches sont parfois expulsés de leurs terres ancestrales par la force, ce qui prouve que les droits des autochtones ne sont pas encore pleinement respectés en Argentine, a insisté cet expert. Dans quelle mesure et comment l'État argentin met-il en application le principe de consultation des populations autochtones s'agissant des questions qui les intéressent, a demandé un autre expert? Vers quel mécanisme les autochtones peuvent-ils se tourner s'ils estiment que leurs droits sont violés, a demandé une experte? Un expert s'est inquiété de la disparité entre l'éducation dispensée aux populations autochtones et celle dont bénéficie le reste de la population argentine.

Un membre du Comité a soulevé le problème qui se pose dans la région des Salinas Grandes, qui se trouve à cheval entre les provinces de Salta et Jujuy, où des communautés qui exploitent traditionnellement le sel de la région se sont associées pour faire en sorte qu'un projet d'exploitation du lithium sur ces terres n'affecte pas leur activité traditionnelle d'exploitation du sel. Y a-t-il eu consultation des communautés concernées dans le cadre du projet d'exploitation du lithium dans cette zone et l'Argentine entend-elle remettre leurs titres de propriété communautaire aux communautés qui exploitent traditionnellement ces terres, a demandé l'expert?

Un autre expert a attiré l'attention sur la tendance préoccupante des États à louer à des intérêts étrangers de vastes parties de leur territoire à des fins d'exploitation minière ou agricole, une pratique parfois qualifiée de néo-colonialisme qui, en Argentine, concerne certaines provinces argentines et ne sont pas sans conséquences sur le droit à l'alimentation, le droit à l'eau ou encore le droit du travail qui, souvent, n'est pas respecté dans ce contexte. Un membre du Comité a par ailleurs demandé si les populations autochtones avaient d'autres moyens de faire entendre leur voix lorsque le processus de consultation n'a pas permis d'aboutir à un accord.

Dans le cadre de nouvelles interventions des experts sur ces questions, des inquiétudes ont été exprimées s'agissant d'informations faisant état de violences de la police contre des paysans; d'autres informations font état de violences exercées par des particuliers à des fins de contrôle des terres. Dans ce contexte, il semble y avoir omission voire connivence des autorités judiciaires, a relevé un expert.

Un expert s'est par ailleurs félicité de l'avancée, bien qu'insuffisante, que constitue la reconnaissance de la population afro-argentine dans le recensement de la population.

Abordant les questions relatives à l'emploi, un expert a souhaité en savoir davantage au sujet des chiffres actuels du chômage en Argentine. Il a souhaité savoir si le calcul du taux de chômage prend en compte l'ensemble des travailleurs ou seulement les travailleurs du secteur formel. La tendance à la baisse du travail informel se poursuit-elle, a en outre demandé cet expert? En l'état actuel, le salaire minimum permet-il aux travailleurs de vivre décemment et de faire vivre leur famille, a-t-il également demandé? Un membre du Comité a dit espérer que la notion de mobilité dans l'expression «salaire minimum mobile» induit une mobilité à sens unique, à savoir vers le haut.

Il semble y avoir eu en Argentine des atteintes au droit syndical ou au droit de grève, s'est inquiété un membre du Comité. Il a par la suite été souligné que l'Organisation internationale du travail avait contesté la loi n° 23.551, relative aux syndicats, parce qu'elle établit deux sortes de syndicats, à savoir ceux qui sont enregistrés et ceux qui ne le sont pas, ces derniers n'étant pas autorisés à appeler à la grève ni à participer à des négociations collectives.

Selon certains économistes argentins, a fait observer un expert, l'Argentine se trouverait dans une situation délicate du fait de son taux d'inflation élevé, d'une pression budgétaire record et d'une importante fuite de capitaux. Selon leurs études, un Argentin sur trois serait pauvre. L'expert a souhaité connaître le taux officiel de pauvreté en Argentine et les mesures prises par le pays pour surmonter l'éventuelle crise de confiance qui semble le frapper.

En ce qui concerne la situation dans le domaine de la santé, plusieurs experts se sont inquiétés de la très forte consommation de tabac en Argentine, l'un d'eux faisant observer que le taux de tabagisme du pays serait même le plus élevé d'Amérique latine, ce qui provoquerait plus de 45 000 décès chaque année. Un quart des jeunes fument en Argentine, a fait observer un autre expert, avant de souligner que ce pays est le seul d'Amérique du Sud à ne pas participer à la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, qu'il a signée en 2003 mais n'a toujours pas ratifiée.

Un membre du Comité s'est enquis des mesures prises par l'Argentine pour lutter contre le trafic de drogues. En Argentine, y a-t-il aussi répression contre le consommateur ou bien la possession d'une certaine dose de stupéfiants est-elle autorisée, a notamment demandé cet expert ?

Un expert s'est en outre inquiété des lacunes en matière d'accès universel aux contraceptifs. Une experte s'est pour sa part interrogée au sujet de l'impact des avortements clandestins sur la mortalité maternelle? Elle a aussi voulu savoir dans quels cas l'avortement est pénalisé.

Une experte s'est pour sa part inquiétée du grand nombre de taudis aux abords des villes et des problèmes d'accès à l'eau et à l'assainissement qui se posent dans le pays.

La couverture sociale en Argentine bénéficie-t-elle à tous les Argentins ou bien uniquement à ceux qui ont cotisé à cette fin; en d'autres termes, est-elle réellement universelle, a demandé une experte ?

Au sujet de la violence à l'égard des femmes, un membre du Comité, évoquant l'assassinat récent de deux Françaises dans la région de Salta, a relevé que la presse a eu tendance à banaliser cette affaire comme relevant d'un simple fait divers alors que certains disent qu'il s'agit d'un crime sexospécifique lié à un certain mépris de la femme qui prévaudrait dans la société argentine. Il ne s'agirait pas, en fait, d'un cas isolé. Peut-on penser qu'il pourrait y avoir en Argentine un phénomène de féminicides comme on peut le rencontrer au Mexique, a demandé l'expert?

S'agissant des questions d'éducation, un expert s'est enquis des mesures prises par les autorités argentines pour lutter contre le phénomène du redoublement et la présence d'élèves trop âgés dans le système scolaire (ce qui provoque un grand nombre d'abandons), en particulier dans les zones rurales du pays. Dans ce contexte, quelles mesures sont-elles prévues pour les enfants qui abandonnent le système scolaire? L'expert s'est en outre enquis des causes de la violence entre élèves dans les écoles argentines. Les autorités argentines entendent-elles prendre des mesures urgentes pour protéger les enfants exposés à ce type de violence, avant de trouver une solution finale à ce problème grave qui caractérise le système scolaire argentin?

Comment se fait-il qu'autant d'élèves soient exclus du système scolaire, alors que la scolarité est obligatoire à partir de l'âge de cinq ans et jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire, qui se situe en général autour de 17 ou 18 ans, s'est par ailleurs interrogé l'expert? Il a aussi voulu connaître les chiffres de l'analphabétisme, ventilés par catégories de population. Il semblerait qu'en 2001, selon les données d'un tableau figurant dans le rapport de l'Argentine (paragraphe 803 du rapport), 14,2% des enfants de 15 ans n'avaient pas achevé le cycle d'études primaires, cette proportion atteignant même 25% dans les provinces du Chaco et de Santiago del Estero; qu'en est-il de la situation actuelle en la matière, a demandé un autre expert?

Pour ce qui est du travail des enfants, des progrès considérables ont été enregistrés en Argentine par rapport à la situation qui prévalait en la matière il y a dix ans, a fait observer un expert; néanmoins, a-t-il ajouté, subsistent des cas de travail des enfants pour la tranche d'âges des 14-17 ans, en particulier dans les campagnes ou un enfant sur trois travaille à cet âge, contre un sur cinq dans les villes. Nombre d'enfants moins âgés que cela travaillent également dans les campagnes, a ajouté l'expert.

Les experts se sont par ailleurs félicités, au cours du dialogue, que l'Argentine ait ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte qui prévoit que le Comité examine des plaintes que pourraient lui adresser des particuliers. Les efforts déployés par l'Argentine en matière de lutte contre l'impunité ont également été salués, ainsi que son traitement de la question des disparitions forcées.

Réponses de la délégation

La délégation argentine a notamment répondu aux questions des membres du Comité sur la jurisprudence relative à des affaires dans lesquelles les dispositions du Pacte auraient été invoquées, mentionnant une décision de la Cour suprême qui avait permis d'octroyer une pension d'invalidité à une jeune fille migrante; une décision de justice relative à la mobilité de la pension; une sentence relative aux risques au travail; ou encore d'une décision relative à l'accès universel et gratuit aux médicaments associés au traitement du VIH/sida. Faute de majorité absolue au Parlement, a en outre indiqué la délégation, il n'a pas été possible, à ce stade, de désigner une personne pour occuper le poste de Défenseur du peuple. Les consultations à cette fin se poursuivent donc.

La délégation a fait valoir que pour la première fois, une rubrique avait été incluse dans le dernier recensement général de la population en Argentine afin de permettre de s'auto-identifier comme Afro-Argentins; en outre, une enquête complémentaire sera menée sur les personnes d'ascendance africaine, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne les populations autochtones, la délégation a souligné que ces dernières décennies, un processus de revitalisation de la conscience autochtone a été engagé en Argentine, accompagné d'un processus de reconnaissance des droits de ces populations. Après la conquête, l'idée qui prévalait en Argentine était qu'il n'y avait plus de peuples autochtones dans le pays, a-t-elle déclaré, avant de préciser que dans leur mouvement vers le sud du pays, à la recherche de ressources, les colonisateurs avaient exterminé les peuples rebelles, alors que dans le nord, avait vite été saisie la valeur que pouvait avoir la main-d'œuvre autochtone, exploitable à merci.

Au début du XXIe siècle, le Protocole de Bariloche, signé en présence du Président Néstor Kirchner, a marqué le début d'un dialogue approfondi des autorités avec les autochtones. Il apparaît alors que la principale revendication des peuples autochtones est foncière; c'est celle de la démarcation territoriale. Une loi a donc été adoptée pour suspendre les expulsions des terres autochtones et pour régler le statut de ces terres. Le nombre de communautés autochtones enregistrées en Argentine est passé de 600, avant l'adoption de la loi, à 1287 aujourd'hui. À l'heure actuelle, cinq millions d'hectares de terres argentines font l'objet de titres de propriété communautaire, a indiqué la délégation. À titre d'exemple, ces titres concernent 35% des terres de la province de Jujuy.

Des institutions ont été créées afin de garantir la participation et la consultation des populations autochtones s'agissant des questions qui les intéressent, notamment pour ce qui a trait aux ressources naturelles. À cet égard, il a été souligné que les 35 peuples originels du pays, dotés de leurs propres langues et coutumes, élisent tous les deux ans leurs représentants à l'une de ces institutions, à hauteur de deux représentants par province. La délégation a notamment indiqué que dans la province de Neuquén, des concessions ont été annulées parce qu'il n'y avait pas eu consultation préalable des communautés autochtones concernées. Le droit de consultation des communautés autochtones est un droit fondamental de nature collective, a insisté la délégation.

La délégation a déclaré que des entreprises ou corporations qui ont acquis des terres – souvent avec l'aval des autorités provinciales –résistent à tout changement en profondeur en faveur de la reconnaissance des droits des autochtones. Après la promulgation de la loi portant moratoire sur les expulsions de communautés autochtones, ces entreprises se sont regroupées pour en empêcher l'application. Certains affrontements dans ce contexte se sont soldés par des décès voire des assassinats de membres de communautés autochtones, a indiqué la délégation. Des services juridiques dynamiques et adaptés ont alors été mis en place pour faire face à cette situation. Dans la province de Santiago del Estero, le moratoire sur les expulsions a été étendu à la paysannerie non autochtone, a en outre fait valoir la délégation.

Le processus de démarcation des terres n'est pas un simple exercice cartographique; il permet de reconnaître la possession de terres par les autochtones, a souligné la délégation. Elle a ajouté que les communautés autochtones peuvent également acquérir des terres – et donc obtenir les titres de propriété par achat ou par expropriation.

Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant de la situation à Salinas Grandes, la délégation a exprimé l'espoir que puisse être obtenue une suspension des activités prévues dans cette zone. Le 28 novembre prochain, a par ailleurs rappelé la délégation, l'Argentine recevra la visite du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, M. James Anaya; dans ce contexte, les autorités entendent permettre au Rapporteur spécial de se rendre dans huit endroits du pays où il pourrait y avoir violation du droit à consultation des populations autochtones.

Le Ministère de travail dispose de programmes spécifiquement destinés aux populations autochtones, le nombre de bénéficiaires de ces programmes d'autonomisation et de perfectionnement étant passé de 1500 en 2003 à 3538 en 2011, a par ailleurs indiqué la délégation.

En ce qui concerne les travailleurs domestiques, la délégation a souligné qu'une partie importante de la population, majoritairement composée de femmes, occupe ce type d'emplois. Auparavant, il s'agissait dans la très grande majorité de travailleurs non déclarés, ce qui est moins le cas aujourd'hui, a-t-elle ajouté, précisant qu'environ un million de personnes, dont 450 000 sont déclarées, occupent actuellement un emploi de travailleur domestique. La délégation a par ailleurs fait valoir qu'un régime de prestations sociales spécifique a été mis en place à l'intention des travailleurs domestiques. Une loi facilitant la régularisation des travailleurs domestiques a été adoptée, qui consacre aussi une série de droits minima auxquels ces travailleurs peuvent prétendre, en termes par exemple de congés maternité, a précisé la délégation.

S'agissant des questions d'emploi, la délégation a indiqué que le taux de chômage atteint actuellement une moyenne de nationale de 7,2%, 8,7% pour les femmes et de 6,2% pour les hommes.

La délégation a souligné que durant des années, la politique destructrice d'emplois qu'avait appliquée le pays avait été imposée de l'extérieur, l'Argentine ayant été le «meilleur élève» du consensus de Washington (mesures demandées par les institutions financières internationales face à la dette), qui considérait que le travail n'était qu'une variable de l'équilibre budgétaire. Pour sortir de cette logique néo-libérale nocive, il a fallu que le pays en arrive à une situation dramatique, marquée par un niveau élevé de pauvreté, avant de connaître un changement de mentalité fondé sur la reconnaissance du fait qu'il ne saurait y avoir de développement sans création d'emplois. L'emploi reste en effet le meilleur garant du bien-être, de la paix sociale et de la démocratie. Le travail est donc conçu comme un facteur d'intégration sociale, a insisté la délégation. C'est cette transformation qui a permis de promouvoir la création d'emplois. Ces sept dernières années, près de 150 000 nouvelles entreprises et 750 000 emplois ont été créés en Argentine, a-t-elle fait valoir, ajoutant que 90% des emplois nouvellement créés sont des emplois déclarés. Une «culture de l'irrégularité» et l'emploi non déclaré - c'est-à-dire informel - ont toutefois subsisté, a admis la délégation. Elle a toutefois ajouté qu'un travailleur non déclaré n'est pas un travailleur dépourvu de droits; c'est un travailleur auquel l'employeur ne reconnaît pas les droits au moment où il travaille, mais s'il este en justice, ses droits seront reconnus.

Pendant les années 1990, le salaire minimum était fixé au montant dérisoire de 200 pesos, et n'avait jamais été revalorisé, a poursuivi la délégation. Depuis 2003, le salaire minimum mobile, qui est un minimum vital, est réévalué chaque année et se situe actuellement autour de 2300 pesos, soit 550 dollars. C'est le plus élevé du continent latino-américain, a fait valoir la délégation. Les nombreuses conventions collectives en vigueur ont toutes des barèmes de salaires supérieurs au minimum vital susmentionné, le salaire moyen tournant autour des 2000 dollars, a-t-elle précisé.

La délégation a souligné que ces derniers mois, les hausses de salaires ont dépassé, parfois du double, la hausse de l'inflation. Le salaire minimum n'est toutefois pas indexé, à proprement parler, sur les hausses des prix, a-t-elle précisé; le montant des salaires serait plutôt à mettre en rapport avec les bénéfices des entreprises.

La délégation a indiqué que, selon l'Institut des statistiques, au premier semestre 2003, la pauvreté en Argentine touchait 54% de la population. Au premier semestre 2011, elle s'établit à 8,3%. La pauvreté extrême est pour sa part passée de 30% à 2,4%, a ajouté la délégation. Les dépenses publiques sociales sont, elles, passées de 15% à 23,4% du PIB, a-t-elle en outre fait valoir.

En 2003, sur 10 enfants, 6 vivaient alors en dessous du seuil de pauvreté, a poursuivi la délégation. Ces taux scandaleux ont été réduits de manière substantielle, mais il reste encore beaucoup à faire, le taux de pauvreté des enfants étant encore de 11,9% et le taux de pauvreté extrême des enfants s'établit à 3%. L'allocation universelle par enfant, destinée aux familles les plus vulnérables dont les parents sont au chômage ou travaillent dans le secteur informel, touche aujourd'hui plus de 3,5 millions d'enfants et a eu des conséquences positives sur tous les indicateurs sociaux, a par ailleurs fait observer la délégation. Depuis 2003, a-t-elle insisté, l'allocation budgétaire consacrée aux enfants n'a cessé d'augmenter pour atteindre 8,5% du PIB en 2010, ce qui représente une hausse de 3 points du PIB sur l'ensemble de la période. La délégation a par ailleurs présenté la politique argentine de prise en charge des enfants âgés de moins de quatre ans dont les parents travaillent. Plus de 2500 centres de développement de l'enfant ont été créés à travers le pays, qui s'occupent des enfants de cette tranche d'âges, a-t-elle notamment précisé.

Répondant à des questions sur le travail des enfants, la délégation a notamment déclaré que le phénomène des enfants des rues n'est pas, en Argentine, une problématique nationale, mais une problématique qui touche spécifiquement trois grandes villes du pays: Córdoba, Rosario et Buenos Aires, a indiqué la délégation. L'âge minimum d'admission à l'emploi est passé de 14 à 16 ans, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le programme Prohuerta qui fait partie de la stratégie de sécurité alimentaire du pays en cherchant à promouvoir les jardins potagers, c'est-à-dire la production vivrière à des fins d'autoconsommation. Ce programme, pour lequel travaillent 20 000 promoteurs au niveau des communautés, est présent sur tout le territoire et vise à articuler toutes les ressources disponibles, aux niveaux national, provincial et local, aux fins de la mise en place de projets ayant pour but de répondre aux besoins locaux en organisant la participation des communautés.

Ont été engagées depuis 2003 des politiques en faveur du logement décent, a poursuivi la délégation. Ce n'est pas la construction de logements nouveaux qui est privilégiée, mais plutôt la rénovation de logements et les infrastructures y associées, a-t-elle précisé.

Depuis 2003, a par ailleurs fait valoir la délégation, il n'y a pas eu en Argentine un seul cas où le Gouvernement aurait utilisé la force, celle des forces de sécurité, pour réprimer un conflit ou un mouvement social.

Répondant aux questions des membres du Comité sur la santé, la délégation a précisé que la politique de santé relève de la responsabilité de l'État et que les provinces et les municipalités sont chargées de la prestation des services de santé. Le pays compte 18 000 établissements de santé, dont environ 8000 sont publics, pour un total de 184 000 lits d'hôpitaux, a par ailleurs indiqué la délégation.

Toute personne se trouvant sur le territoire argentin, y compris les migrants, ne paie pas pour les services publics de santé, ni pour les médicaments qui lui sont prescrits; cela vaut non seulement dans les centres de santé primaire mais aussi dans les centres hospitaliers, a en outre fait valoir la délégation.

En Argentine, près de 99% des accouchements se font à l'hôpital, a en outre souligné la délégation. L'avortement est la cause de 21,2% des cas de mortalité maternelle, a-t-elle par ailleurs indiqué.

La délégation a d'autre part attiré l'attention sur la mise en place d'un programme de traitement des cardiopathies congénitales qui s'appuie sur 17 hôpitaux répartis sur tout le territoire, de sorte que désormais, le traitement de ces cardiopathies ne se fait plus exclusivement à Buenos Aires, comme c'était le cas auparavant – ce qui n'allait pas sans poser d'importants problèmes étant donné la taille du pays: déracinement des patients et délais d'attente.

En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment indiqué qu'un programme national de lutte contre le tabagisme avait été mis en place. En ce qui concerne la lutte contre le VIH/sida, elle a indiqué que le nombre de notifications annuelles de nouveaux cas se maintient à un niveau de 5000 et qu'il n'y a donc pas d'augmentation significative de la maladie.

Un «changement de paradigme» est intervenu en Argentine dans l'approche des questions de santé mentale, en passant de la notion de dangerosité du malade à celle de la présomption d'incapacité, a d'autre part souligné la délégation. Il est désormais interdit de construire de nouveaux hôpitaux psychiatriques; pour le placement des malades sont privilégiés, en particulier, les dispositifs communautaires - familles de substitution, par exemple. Une Direction nationale de la santé mentale et des dépendances a été créée sous l'autorité du Ministère de la santé.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a indiqué que la part du PIB consacrée à ce secteur est passée de moins de 3% en 2003 à 6,47% cette année. Ces dernières années, un ensemble de lois a fixé les bases du système éducatif, lequel est fondé sur l'inclusion et l'égalité des chances pour tous. Entre 2003 et 2011, 1200 nouvelles écoles ont été construites, tous niveaux scolaires confondus, et 500 autres établissements scolaires sont en cours de construction. La Loi sur l'éducation nationale énonce l'obligation scolaire dans tout le pays pour tous les enfants, à partir de l'âge de cinq ans et jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire (soit 13 années de scolarité obligatoire), a indiqué la délégation.

La délégation a ensuite attiré l'attention sur les succès enregistrés en matière de prévention et de lutte contre le redoublement dans le primaire, les taux étant passés de 5,77% en 2007 à 4,69% en 2009. Ces huit dernières années, a par ailleurs indiqué la délégation, le taux d'analphabétisme, pour l'ensemble de la population, jeunes et adultes confondus, est passé de 2,6% à 1,9%. L'accent dans le domaine de l'éducation a été mis sur le renforcement de l'enseignement technique et professionnel, conformément au modèle économique choisi et promu par l'Argentine.

Par ailleurs, l'Argentine a créé au cours de ces dernières années neuf nouvelles universités nationales, afin que toutes les provinces disposent d'au moins une université libre d'accès et gratuite.

La délégation a attiré l'attention sur la mise en place du programme Raíces, qui vise à attirer de nouveau les scientifiques argentins qui avaient quitté le pays par le passé faute d'opportunités; 850 sont revenus à ce jour, a-t-elle précisé.

Face au problème de la violence à l'école, mentionné par des membres du Comité, la délégation a notamment indiqué qu'en 2004, un Observatoire de la violence a été créé, non pas parce qu'il y avait particulièrement beaucoup de violences à l'école mais parce que les autorités s'efforcent d'éradiquer tous les types de violences. Il a été proposé que pour 2012, tous les établissements du secondaire se dotent de codes de coexistence, a précisé la délégation.

Priée de fournir des données ventilées sur les plaintes reçues par l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, la délégation a notamment indiqué que l'Institut avait reçu l'an dernier plus d'un millier de plaintes par le biais de sa ligne d'appel gratuite, dont 267 concernaient des personnes handicapées; 124 des migrants; 42 des questions de genre; et 21 des populations autochtones.

S'agissant de la lutte contre la traite de personnes, la délégation a indiqué qu'entre le 1er janvier et le 30 juin de cette année, le nombre total de victimes majeures de la traite s'est établi à 1007 et le nombre total de victimes mineures (moins de 18 ans) à 136.

Répondant aux questions sur la violence à l'égard des femmes, la délégation a assuré le Comité qu'en ce qui concerne l'affaire des deux Françaises tuées dans la province de Salta, l'État et la justice argentins ont été très diligents dans cette affaire criminelle. Pour ce qui est des féminicides, leur nombre s'est établi à 260 en 2010 et à 213 à ce jour pour 2011, a en outre indiqué la délégation.


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ESC11/017F