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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: LA DÉLÉGATION DE SRI LANKA RÉPOND AUX QUESTIONS DES EXPERTS

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses de la délégation de Sri Lanka aux questions que lui ont posées hier matin les experts.

Dirigée par M. Mohan Pieris, Conseiller juridique auprès du Cabinet des Ministres de Sri Lanka, la délégation a notamment souligné que selon le système juridique sri-lankais, une déclaration faite dans un commissariat de police n'est pas recevable devant un tribunal; en outre, tout aveu ou déclaration obtenu sous la contrainte ou contre promesse est irrecevable en justice. Elle a par ailleurs souligné que les déclarations faites devant la police n'étant pas recevables devant les tribunaux à Sri Lanka, le droit d'un prévenu à la présence d'un avocat ne semble pas requise. Il n'y a pas à Sri Lanka de centres ou de lieux de détention secrets, a par ailleurs assuré la délégation.

La délégation a pris bonne note des critiques qui ont été adressées à Sri Lanka par les membres du Comité et qui, a-t-elle assuré, seront examinées de près. En ce qui concerne les allégations de torture portées par des anciens combattants, la délégation a prié le Comité de ne pas oublier que pour un ancien combattant qui cherche asile dans un pays plus favorable, il est tentant de prétendre qu'il a été torturé.

La délégation a également fourni des informations complémentaires en ce qui concerne, notamment, l'interdiction de la torture dans le droit interne; les garanties de procédure; la législation antiterroriste; les visites dans les lieux de détention; les plaintes déposées pour torture ou mauvais traitement aux mains de la police; le recours en habeas corpus; la situation s'agissant des personnes encore portées disparues; les allégations de violences sexuelles imputées à des militaires sri-lankais.

L'un des deux rapporteurs pout l'examen du rapport sri-lankais, M. Alessio Bruni, a noté que des mesures ont bien été prises pour lutter contre la torture à Sri Lanka, mais les nombreuses allégations de torture émanant de sources dignes de foi ne permettent pas de conclure que le pays pratique une politique de tolérance zéro à l'égard de la torture. Si une telle volonté politique existe, a déclaré M. Bruni, les mesures concrètes pour atteindre cet objectif doivent être démultipliées. La rapporteuse pour Sri Lanka, Mme Felice Gaer, a pour sa part soulevé la question des violences sexuelles commises contre les femmes, notamment contre les femmes cadres du LTTE.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Madagascar (CAT/C/MDG/1).


Réponses de la délégation de Sri Lanka

La délégation a rappelé que l'État sri-lankais est tenu, en vertu de la Constitution, de respecter le droit international et d'honorer ses obligations. Nul ne saurait être soumis à la torture ou à un traitement cruel ou dégradant; c'est là un droit fondamental inscrit dans la Constitution et auquel il ne saurait être dérogé, a-t-elle ajouté. Ainsi, l'environnement juridique sri-lankais accorde-t-il toute sa place à l'interdiction de la torture, conformément à la Convention, a-t-elle assuré. Certes, la Constitution n'aborde pas spécifiquement le droit à la vie, mais la Cour suprême a cristallisé ce droit dans une affaire précise, a-t-elle ajouté. Le rejet de la torture est inscrit depuis fort longtemps dans les lois sri-lankaises, a insisté la délégation.

L'article 13 de la Constitution stipule que nul ne doit être arrêté en dehors des procédures applicables en vertu de la loi et que toute personne arrêtée doit être informée des raisons de son arrestation, a par ailleurs souligné la délégation. Il est difficile de savoir si cette disposition de la Constitution est toujours respectée, a reconnu la délégation, affirmant toutefois que les policiers sont tenus de la respecter. L'article 13 de la Constitution stipule également que toute personne accusée d'un délit doit être entendue.

En vertu du système juridique sri-lankais, une déclaration faite dans un commissariat de police n'est pas recevable devant un tribunal; elle ne peut être retenue comme élément de preuve. En droit ordinaire, des aveux faits devant un officier de police ne sont pas recevables, a insisté la délégation. En outre, tout aveu ou déclaration obtenu sous la contrainte ou contre promesse est irrecevable en justice. Seuls sont recevables les aveux faits d'un civil à un autre et ceux faits auprès d'un officier de justice ou d'une personne ayant une certaine autorité – mais toujours bien entendu sous réserve que ces aveux n'aient pas été obtenus sous la contrainte ou contre une promesse.

La législation antiterroriste prévoit que des déclarations sont recevables si elles sont faites devant une haute autorité et volontairement, a en outre indiqué la délégation. Mais si la personne peut démontrer que ses aveux ont été faits en présence d'un officier de police, ces aveux seront considérés comme irrecevables. La législation antiterroriste est assortie de garanties; elle prévoit notamment que le Président sri-lankais peut donner un ordre de détention pour une durée allant de 3 mois à 18 mois; cette ordonnance présidentielle doit toutefois faire l'objet d'un réexamen par une commission d'enquête judiciaire.

Pour ce qui est du droit d'un prévenu à la présence d'un avocat, la délégation a déclaré que ce droit revêt une importance particulière dans les pays où les déclarations faites devant la police sont recevables en justice, comme cela est par exemple le cas au Royaume-Uni; mais tel n'est pas le cas à Sri Lanka, où la présence d'un avocat ne semble donc pas requise puisqu'une telle déclaration serait irrecevable.

En ce qui concerne le nombre de visites dans les lieux de détention, la délégation a indiqué qu'il y a actuellement dans le pays 765 personnes placées en détention administrative dans le centre de détention de Bossa, lequel reçoit une fois par mois la visite d'un magistrat. En outre, il y a eu dix visites du CICR en 2010 et cinq en 2011, a indiqué la délégation.

Interrogée sur le nombre de cas de mauvais traitements et de torture aux mains de la police, la délégation a indiqué qu'en 2011, 50 affaires sur 109 plaintes portées contre la police avaient trait à la torture.

Aucun officier de police n'a le droit d'être présent lorsqu'un détenu ou un prévenu est examiné par un médecin, a par ailleurs souligné la délégation. Le rapport médical reste confidentiel jusqu'à ce qu'il soit transmis au tribunal.

Quant au fait que, selon le Groupe de travail sur les disparitions forcées, Sri Lanka compterait parmi les pays ayant le plus grand nombre de personnes portées disparues au monde, la délégation a rappelé que les chiffres du Groupe de travail – qui font état d'environ 5000 disparitions s'agissant de Sri Lanka – incluent de nombreuses disparitions qui remontent aux années 1980.

Il n'y a pas à Sri Lanka de centres ou de lieux de détention secrets, a par ailleurs assuré la délégation. Tous les lieux de détention sont enregistrés.

S'agissant des raisons pour lesquelles Sri Lanka n'a pas adhéré aux articles 21 (examen de plaintes déposées par un autre État partie) et 22 (examen de plaintes déposées par des particuliers) de la Convention contre la torture, la délégation a invoqué la nature dualiste du système juridique sri-lankais.

Questions complémentaires des experts

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Sri Lanka, a relevé que, dans le cadre du plan national d'action contre la torture, il est notamment question d'assurer des formations, de mettre en place des programmes, de renforcer le mandat de la Commission nationale des droits de l'homme, sans qu'aucune référence ne soit faite à la nécessité d'engager des poursuites à l'encontre des auteurs présumés d'actes de torture.

Le CICR a-t-il effectué des visites dans d'autres lieux de détention que celui de Bossa, a par ailleurs demandé Mme Gaer?

La rapporteuse a en outre relevé que la délégation réfute les allégations d'Amnesty International concernant l'existence de lieux de détention secrets; des doutes raisonnables existent-ils en la matière qui permettraient que soient menées des enquêtes, eu égard notamment au grand nombre de disparitions forcées dans le pays, a-t-elle demandé?

Mme Gaer a en outre soulevé la question des violences sexuelles commises contre les femmes, notamment les femmes cadres du LTTE, à la fin du conflit à Sri Lanka. Elle a également soulevé la question des violences sexuelles commises contre des femmes par des soldats sri-lankais déployés dans le cadre de l'opération de maintien de la paix de l'ONU en Haïti.

Mme Gaer a insisté pour savoir combien de personnes sont détenues en vertu de la législation antiterroriste à Sri Lanka.

M. ALESSIO BRUNI, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport sri-lankais, a souhaité savoir si Sri Lanka envisageait de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

Des mesures ont bien été prises pour lutter contre la torture à Sri Lanka, mais dans la réalité, il y a de nombreuses allégations de torture émanant de sources dignes de foi, a souligné le corapporteur. Les cas allégués sont tellement nombreux que l'on ne saurait prétendre qu'il existe dans le pays une politique de tolérance zéro à l'égard de la torture, a-t-il insisté. Si une telle volonté politique existe, les mesures concrètes pour atteindre cet objectif doivent être démultipliées.

Un autre membre du Comité s'est enquis de la législation applicable à Sri Lanka en matière d'apatridie. Qu'en est-il de la situation des travailleurs migrants sri-lankais, notamment des femmes, qui sont domestiques dans les pays du Golfe ou dans d'autres pays asiatiques et qui sont souvent très vulnérables, a-t-il par ailleurs demandé?

La lutte contre l'impunité se trouve au cœur de la Convention contre la torture, a rappelé une experte. Les personnes privées de liberté doivent avoir accès à un avocat dès le début de leur détention et ce, notamment afin de prévenir toute forme de torture, a par ailleurs souligné l'experte, rappelant qu'il existe d'autres formes de torture que celles destinées à obtenir des aveux.

Des enquêtes seront-elles menées sur les allégations de mauvais traitements voire de torture commis dans les camps réhabilitation, a pour sa part demandé une experte?

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a admis qu'au-delà de la législation en place pour prévenir et combattre la torture et de la jurisprudence en la matière, la réalité peut être quelque peu différente. On ne saurait néanmoins dire que Sri Lanka est exclusivement composée de personnes ayant commis des crimes par le passé, a ajouté la délégation. Au total, près de 600 000 personnes sont arrêtées chaque année à Sri Lanka; or les allégations de torture concernent tout au plus 400 personnes par an, a-t-elle souligné. Les autorités s'efforcent de faire en sorte que l'on atteigne en la matière des niveaux minima voire nuls.

En ce qui concerne les allégations de violences sexuelles commises par des militaires sri-lankais, la délégation a indiqué qu'un certain nombre de plaintes sont en train d'être traitées; certaines sont jugées par les tribunaux militaires en vertu de la loi militaire, mais toute affaire est également susceptible de faire l'objet de poursuites civiles.

En conclusion, la délégation a assuré prendre bonne note des critiques qui ont été adressées à Sri Lanka et qui, a-t-elle assuré, seront toutes examinées. En ce qui concerne les allégations de torture portées par des anciens combattants, la délégation – faisant référence à un reportage de Channel Four – a imploré le Comité de ne pas oublier que pour un ancien combattant qui cherche asile dans un pays plus favorable, il est tentant de prétendre qu'il a été torturé. De telles demandes d'asile sont en fait des demandes d'asile économique, a ajouté la délégation. Il faut veiller à ce que la Convention contre la torture ne soit pas exploitée par des terroristes, a souligné la délégation.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT11/038F