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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: LA DÉLÉGATION DU PARAGUAY RÉPOND AUX QUESTIONS DES EXPERTS

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses de la délégation du Paraguay aux questions que lui ont posées hier matin les experts.

Dirigée par M. Federico González, Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, la délégation a notamment indiqué que l'état d'exception a été déclaré le 10 octobre dernier pour une durée de 60 jours dans deux provinces du pays suite à une série d'actes graves - assassinats, enlèvements, attaques contre des commissariats - commis par un groupe criminel. L'état d'exception n'autorise la détention sans décision d'un juge que par l'intermédiaire d'un décret du pouvoir exécutif dûment motivé, a précisé la délégation; les personnes ainsi détenues doivent l'être pour l'un des motifs énoncés dans la déclaration de l'état d'exception. Jusqu'à présent, les autorités n'ont eu connaissance d'aucun abus de la part des forces policières ou autres dans le contexte de ces états d'exception, a ajouté la délégation. L'état d'exception peut être levé à tout moment si les causes de sa proclamation ont cessé d'exister, a-t-elle précisé.

La délégation a d'autre part indiqué que le Sénat paraguayen avait approuvé la semaine dernière une initiative législative visant à modifier les articles du Code pénal relatifs à la torture et à la disparition forcée afin de les harmoniser avec les dispositions du droit international en la matière. Elle a aussi informé le Comité d'un avant projet de loi visant à remplacer les trois codes actuellement en vigueur régissant les affaires militaires, qui datent des années 1980 et qui prévoient notamment la peine de mort.

La délégation paraguayenne a également fourni des informations complémentaires en ce qui concerne les violences domestiques et autres types de violences contre les femmes; la lutte contre la traite de personnes; le système de poursuites actuellement en vigueur dans le pays, y compris pour ce qui a trait à la détention préventive; les procédures régissant la garde à vue; l'enregistrement des armes à feu détenues par les policiers; la surpopulation carcérale; l'administration de la justice pour mineurs; la situation des enfants des rues; la situation des autochtones; des cas de «quasi-esclavage» dans la région du Chaco.


Mardi matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Sri Lanka (CAT/C/LKA/3-4).


Réponses de la délégation du Paraguay

La délégation du Paraguay a attiré l'attention sur une initiative législative visant à modifier les articles du Code pénal relatifs à la torture et à la disparition forcée afin de les harmoniser avec les dispositions du droit international dans ces domaines. La semaine dernière, le Sénat a approuvé cette initiative. Maintenant que la moitié du chemin législatif a été fait, on peut espérer que les démarches qui restent à accomplir seront menées avec le sérieux nécessaire afin d'actualiser les définitions concernées, a-t-elle ajouté.

En vertu de la législation en vigueur au Paraguay, la violence domestique est désormais passible de deux années d'emprisonnement ou d'une amende, a par ailleurs indiqué la délégation. Le Ministère de la justice a créé un secrétariat de la parité afin de faire de ce thème une question transversale dans tout ce qui relève de la justice, a-t-elle en outre fait valoir.

En 2009, a précisé la délégation, 377 plaintes ont été enregistrées pour harcèlement sexuel déposées par des hommes et plus de 3000 du même motif déposées par des femmes.

Entre janvier et juin 2011, a indiqué la délégation, ce sont au total 538 femmes qui ont été prises en charge dans les foyers d'accueil pour femmes victimes de violences. L'âge des victimes va de 17 à 79 ans et la plupart des victimes ont entre 25 à 45 ans, a précisé la délégation.

Entre février 2010 et mars 2011, 7700 plaintes ont été déposées dont plus de 53% étaient des plaintes pour violences politiques – suivies par les plaintes pour violences physiques, puis par les plaintes pour menace de mort. Au total, 13% des victimes présumées étaient des hommes adultes.

En ce qui concerne la traite de personnes, la délégation a fait état de l'élaboration d'un document intitulé «Politique nationale de prévention et de lutte contre la traite de personnes». Elle a fait état de l'existence d'un centre d'accueil pour victimes adultes de la traite de personnes. À ce jour, 97 victimes de la traite ont été prises en charge au Paraguay, dont 30% d'adolescents – les autres étant des adultes.

Le système de poursuites actuellement en vigueur au Paraguay repose sur le principe selon lequel tous les droits énoncés dans la Carta Magna, c'est-à-dire les droits constitutionnels, sont reconnus et rendus opérationnels, a poursuivi la délégation. La police est tenue d'informer le prévenu de son droit de ne pas parler et de son droit de choisir son avocat, et ce, dès la détention au commissariat. À aucun moment la personne appréhendée ne peut être obligée de déposer sous la contrainte; il faut en outre que son arrestation soit notifiée au procureur afin que les garanties adéquates puissent lui être assurées dans un délai de 24 heures.

Pour ce qui est de la détention préventive, la délégation a rappelé qu'en vertu de l'article 19 de la Constitution, seul le tribunal peut déterminer que la privation de liberté d'un individu est indispensable. Fort de cette prémisse, le Code de procédure pénale a consacré le principe de proportionnalité pour ce qui est du maintien de la personne en détention préventive et a introduit, en sus, le concept de délai raisonnable.

Trois codes sont actuellement en vigueur au Paraguay pour ce qui des affaires militaires, a par ailleurs indiqué la délégation; la loi organique sur les tribunaux militaires; la loi de fond; et le code pénal militaire. Ces codes datent tous des années 1980 et il conviendrait donc désormais de les remanier, en particulier pour ce qui est du code pénal militaire – qui est le principal instrument s'agissant de ces affaires, a reconnu la délégation. Un avant projet de loi sur les affaires militaires a pour objet est de remplacer les codes précédents, qui prévoyaient notamment la peine de mort.

Le personnel militaire paraguayen est dûment formé aux droits de l'homme et au droit humanitaire international, a par ailleurs souligné la délégation.

En ce qui concerne des cas de décès d'enfants-soldats, l'État paraguayen a reconnu officiellement sa culpabilité en la matière et a présenté des excuses publiques le 7 octobre dernier. Le pays s'est soumis à l'obligation de réparations, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs rappelé que l'état d'exception a été déclaré le mois dernier au Paraguay dans deux provinces – à savoir Concepción et San Pedro – parce qu'un groupe criminel avait commis un ensemble de crimes graves: assassinats, enlèvements, attaques contre des commissariats. L'article pertinent de la Constitution a été appliqué aux fins de la déclaration de cet état d'exception. L'état d'exception n'autorise la détention sans décision d'un juge que par l'intermédiaire d'un décret du pouvoir exécutif dûment motivé, a souligné la délégation; les personnes ainsi détenues doivent l'être pour l'un des motifs énoncés dans la déclaration de l'état d'exception. La personne ainsi détenue se voit accorder les garanties adéquates et ne doit pas être détenue avec des détenus de droit commun, a précisé la délégation. Jusqu'à présent, les autorités n'ont eu connaissance d'aucun abus de la part des forces policières ou autres dans le contexte de ces états d'exception, a-t-elle ajouté. L'état d'exception a été déclaré le 10 octobre 2011 et durera 60 jours à compter de sa promulgation; il peut être levé à tout moment si les causes de sa déclaration ont cessé d'exister, a précisé la délégation.

Répondant à des questions sur l'administration de la justice pour mineurs, la délégation a notamment souligné qu'il existe au Paraguay un régime spécial pour les adolescents en conflit avec la loi; ils sont soumis à une procédure adaptée qui vise leur réhabilitation et leur réintégration sociale et familiale, a-t-elle précisé.

S'agissant des enfants des rues, la délégation a expliqué que les autorités s'efforcent de faire face à cette problématique, qui les préoccupe, par le biais du Secrétariat de la jeunesse. À été mis en place un Programme intégral d'attention en faveur des enfants de la rue, qui vise à offrir une protection de substitution à ces enfants, a-t-elle précisé. À également été ouvert, en tant que lieu d'accueil transitoire, un foyer dans lequel les enfants viennent passer un moment; ce qui est visé là, c'est la réinsertion familiale et, si cela n'est pas possible, d'autres foyers sont alors à disposition, a indiqué la délégation.

Interrogée sur les enquêtes menées face aux allégations de torture, la délégation a indiqué que l'État paraguayen considère que c'est une tâche importante qui reste à réaliser. Elle a fait valoir qu'une unité spécialisée a été créée, composée de procureurs uniquement chargés de ces questions.

En ce qui concerne la situation des autochtones, la délégation a souligné qu'il s'agit là d'une question très sensible et importante pour l'État paraguayen. Ce dernier s'est engagé à respecter la sentence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme concernant deux communautés autochtones du pays. À cette fin, le pouvoir exécutif a émis en 2009 un décret portant création de la commission chargée de l'exécution des mesures nécessaires afin de donner suite à cette décision de la Cour interaméricaine. Un fonds est destiné à permettre aux autochtones de toucher les indemnisations requises conformément à ladite décision. La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur les mesures prises aux fins du transfert de terres en faveur d'autochtones, insistant sur le rôle joué en la matière par l'Institut paraguayen des autochtones (INDI). L'an prochain, le Gouvernement procédera au recensement de tous les autochtones qui vivent au Paraguay, a en outre indiqué la délégation.

S'agissant des faits de pédopornographie détectés dans la prison de Tacumbu, la délégation a notamment indiqué que le Ministère public avait procédé à une enquête approfondie qui s'est conclue par un certain nombre de demandes adressées au juge. Pour certains aspects de cette affaire, le juge des garanties n'a pas estimé que cette affaire devait faire l'objet d'un procès public et a prononcé un non-lieu; un appel a été interjeté, qui est en cours.

Questions complémentaires des experts

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay, a salué les efforts consentis par le pays pour mettre de l'ordre dans sa législation et se conformer à de bonnes pratiques.

Le recours en habeas corpus est un instrument juridique extrêmement important, a souligné l'expert, attirant par ailleurs l'attention sur l'importance que revêt la bonne tenue du registre des personnes privées de liberté de la police nationale.

M. Mariño Menéndez a insisté pour en savoir davantage au sujet d'éventuelles plaintes déposées face à la situation qui prévaut dans certains territoires où la situation des autochtones est très préoccupante puisqu'ils y sont quasiment réduits à la servitude.

MME NORA SVEASS, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport paraguayen, a voulu savoir ce qui a été fait au Paraguay pour lutter contre la corruption qui semble faire partie du quotidien dans les prisons, par exemple. La détention en isolement en tant que mesure disciplinaire est-elle consignée dans les dossiers des détenus, a-t-elle par ailleurs demandé?

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet des conditions de détention dans le pays, dont certaines informations semblent montrer qu'elles sont déplorables. Existe-il au Paraguay des prisons de haute sécurité, civiles ou militaires, et comment fonctionnent-elles, a en outre demandé l'expert?

Une experte a soulevé la question de l'âge minimum de la responsabilité pénale au Paraguay, fixé à 14 ans, affirmant que cet âge est trop bas.

Un expert s'est enquis du nombre de personnes qui ont été détenues dans le cadre de l'état d'exception. Étant donné que le guarani est parlé par de très nombreux Paraguayens, les individus sont-ils informés de leurs droits et peuvent-ils s'adresser aux autorités dans cette langue, a d'autre part demandé l'expert?

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a fait état d'un nouveau projet de loi régissant les procédures de garde à vue en commissariat. Quoi qu'il en soit, toute personne détenue doit comparaître devant le Ministère public dans un délai de 24 heures à compter de son arrestation, faute de quoi le fonctionnaire en cause s'expose à des conséquences administratives, voire pénales. Dans certains cas, a reconnu la délégation, des décisions de mesures préventives ont pu être prises dans des commissariats, ce qui n'est pas conforme aux lois en vigueur.

Le Ministère de l'intérieur met à disposition une ligne téléphonique gratuite par le biais de laquelle tout citoyen peut se plaindre, a par ailleurs indiqué la délégation. En 2009, 37 agents de police ont été poursuivis, dont 34 ont été sanctionnés.

En réponse à d'autres questions, la délégation a expliqué que d'importants progrès ont été faits s'agissant du registre des armes à feu de la police nationale, et les jeunes sortant de l'académie de police se voient attribuer des armes enregistrées. En outre, le département des munitions de la police a enregistré quelque 8700 armes et une résolution a été prise qui exige que tout agent de la police fasse enregistrer les armes qui lui ont été attribuées ou qu'il a acquises à titre personnel, l'objectif final étant d'enregistrer les armes détenues par tous les personnels de police.

La surpopulation carcérale est une réalité au Paraguay, a par ailleurs reconnu la délégation. Afin d'y remédier, plusieurs centres pénitentiaires ont été rénovés de fond en comble. Actuellement, le Paraguay compte 7247 personnes privées de liberté et il manque environ 1500 places.

L'âge de la responsabilité pénale au Paraguay est fixé à 14 ans, a indiqué la délégation, rappelant qu'il existe pour les adolescents une justice spécialisée, avec des tribunaux pour mineurs et des avocats spécialisés.

Aucun mineur de moins de 18 ans ne peut effectuer le service militaire, a par ailleurs assuré la délégation.

D'autre part, il n'y a plus de peine de mort au Paraguay, a souligné la délégation.

Répondant aux inquiétudes des experts s'agissant de personnes qui vivent dans un état de quasi-esclavage au Paraguay, la délégation a reconnu que l'État avait reçu des plaintes concernant la situation qui prévaut à cet égard dans la région du Chaco. Les autorités paraguayennes ont alors établi une étroite coopération avec l'Organisation internationale du travail; lorsque ces cas sont avérés, des mesures sont prises pour remédier à la situation, a assrué la délégation.

Les droits fondamentaux sont publiés en espagnol et en guarani, a par ailleurs souligné la délégation.


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CAT11/034F