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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DU BÉLARUS

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses de la délégation du Bélarus aux questions que lui ont posées les experts durant la matinée de vendredi dernier.

Dirigée par M. Mikhail Khvostov, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, la délégation a notamment répondu aux questions ayant trait aux événements post-électoraux de décembre 2010 ; aux inspections des lieux de détention ; aux garanties de procédure ; au recours en habeas corpus ; aux cas de MM. Sannikau et Nyaklyayeu, entre autres ; ou encore à l’indépendance de la justice.

La délégation a déclaré que le Comité n’est pas compétent pour établir les faits de violations qui figurent dans des documents publiés par des organisations régionales et, a fortiori, lorsque ces violations ne relèvent pas de la Convention contre la torture. En conséquence, la mention qui a été faite vendredi matin de documents émanant de l’OSCE, du Conseil de l’Europe ou de l’Union européenne est sans fondement, a affirmé la délégation. Le travail du Comité ne peut avoir pour but de condamner les États, a insisté la délégation. Aussi, a-t-elle indiqué que le Bélarus rejette la déclaration de Mme Sveaass selon laquelle ce pays cultiverait l’impunité.

Au Bélarus, toutes les personnes inculpées ont la possibilité de se défendre personnellement ou de faire appel à un défenseur, a ajouté la délégation. Chacune des personnes arrêtées dans le contexte des événements de décembre 2010 a eu la possibilité d’entrer en contact avec un défenseur, a-t-elle assuré. L’État n’était toutefois pas préparé à ces désordres de masse et n’était donc pas en mesure de fournir des locaux séparés à tous les délinquants pour l’exercice de leurs droits de s’entretenir avec un défenseur, a-t-elle expliqué. Les lieux de détention provisoire font l’objet d’inspections de la part des institutions compétentes (notamment celles du Ministère de l’intérieur et du Parquet), a fait valoir la délégation. Les services du Ministère de l’intérieur n’ont détecté aucun cas de refus illégal de communication (d’un inculpé) avec un défenseur, a-t-elle précisé.

Lors de sa prochaine séance publique, mercredi après-midi, à 16 heures, le Comité tiendra une réunion avec les États parties à la Convention. Cette réunion se déroulera en salle XXI du Palais des Nations.


Réponses de la délégation

La délégation bélarussienne a souligné que le Comité n’est pas compétent pour établir les faits de violations qui figurent dans des documents publiés par des organisations régionales et, a fortiori, lorsque ces violations ne relèvent pas de la Convention contre la torture. En conséquence, la mention qui a été faite vendredi matin de documents émanant de l’OSCE, du Conseil de l’Europe ou de l’Union européenne est sans fondement. Le travail du Comité ne peut avoir pour but de condamner les États, ce qui ne relève d’ailleurs pas du mandat des membres de cet organe, a insisté la délégation. Aussi, la délégation a-t-elle indiqué que le Bélarus rejette la déclaration de Mme Sveaass (co-rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Bélarus) selon laquelle ce pays cultiverait l’impunité. Déterminer les détentions qui sont légales de celles qui ne le sont pas ne relève pas plus de la compétence de ce Comité, a poursuivi la délégation. Pour ce qui est des allégations portées s’agissant de la situation des défenseurs de droits de l'homme, la délégation a déclaré que la Convention contre la torture ne se réfère pas à la qualification professionnelle des personnes et interdit les mauvais traitements quelle que soit la personne qui les subit.

Les troubles survenus au Bélarus en décembre 2010 constituent une affaire passible de sanctions en droit pénal, a par ailleurs souligné la délégation. Environ 600 personnes ont été placées en détention dans le cadre de ces événements, a-t-elle précisé. Il faut espérer qu’à l’issue de ce dialogue entre la délégation et le Comité, ce dernier ne se fondera plus sur des points de vue émanant d’autres sources qui sont infondés, a-t-elle ajouté.

La délégation a indiqué que pour obtenir des réponses à certaines des questions qu’ils ont adressées vendredi dernier au Bélarus, les membres du Comité n’auront qu’à se référer, entre autres, aux dialogues que le pays maintient avec les titulaires de mandats de procédures spéciales.

Répondant aux questions qui lui ont été adressées en ce qui concerne les événements du 19 décembre 2010, la délégation a notamment souligné qu’au Bélarus, toutes les personnes inculpées ont la possibilité de se défendre personnellement ou de faire appel à un défenseur. Chacune des personnes arrêtées dans le contexte des événements de décembre 2010 a eu la possibilité d’entrer en contact avec un défenseur. L’État n’était toutefois pas préparé à ces désordres de masse et n’était donc pas en mesure de fournir des locaux séparés à tous les délinquants pour l’exercice de leurs droits de s’entretenir avec un défenseur, a expliqué la délégation.

La délégation a ensuite fait valoir que le 19 décembre 2011, toutes les personnes qui se trouvaient sur la place de l’Indépendance avant l’intervention de la police avaient eu la possibilité de quitter les lieux de cette manifestation non autorisée et de se tenir à une distance de sécurité.

Les lieux de détention provisoire font l’objet d’inspections de la part des institutions compétentes (notamment celles du Ministère de l’intérieur) et d’une surveillance permanente de l’organe du Parquet responsable en la matière, a fait valoir la délégation. Les services du Ministère de l’intérieur n’ont détecté aucun cas de refus illégal de communication (d’un inculpé) avec un défenseur, a-t-elle indiqué. Le défenseur a accès à son client dès l’ouverture de l’enquête et, concrètement, dès son placement en détention, a-t-elle ajouté.

Au 1er novembre 2011, le pays comptait quelque 7155 personnes en détention préventive, a précisé la délégation. Durant les 9 premiers mois de cette année, les organes du parquet ont réalisé 117 inspections, a-t-elle ajouté.

Le Code de procédure pénale prévoit que, dans un délai de 12 heures après le début de la détention, un membre de la famille du prévenu doit être averti de sa détention, a d’autre part souligné la délégation.

S’agissant d’Andrei Sannikau, la délégation a indiqué qu’il avait demandé des soins médicaux et qu’il a été examiné à dix reprises, ayant dans ce contexte bénéficié d’une assistance médicale appropriée fournie par des médecins spécialisés. À ce jour, M. Sannikau n’a déposé aucune plainte pour des motifs de santé, a fait valoir la délégation. Quant à Uladzimir Nyaklyayeu, après avoir indiqué qu’il avait subi un léger traumatisme crânien et avait bénéficié des soins appropriés, elle a souligné que lui non plus n’a déposé aucune plainte.

La délégation a par ailleurs indiqué que M. Ales Bialiatski n’avait pas déclaré ses ressources financières au fisc et a été condamné pour cela.

Le recours en habeas corpus est prévu à l’article 43 du Code de procédure pénale ; il se fait auprès du juge chargé (de l’application) des peines de détention, a indiqué la délégation. La vérification de la légitimité du placement en détention provisoire s’effectue dans un délai de 24 heures après le dépôt de la plainte (recours), a-t-elle précisé.

Les allégations selon lesquelles le Ministère de la justice s’immiscerait dans les activités des avocats ayant défendu des personnes arrêtées dans le contexte des événements du 19 décembre 2010 ne sont pas justifiées, ni étayées par des faits, a par ailleurs affirmé la délégation. Le contrôle exercé par le Ministère de la justice sur la conformité légale de l’activité des avocats ne saurait être considéré comme une mesure d’intimidation à l’encontre de ces derniers, a-t-elle souligné, précisant que la suspension de la licence d’un avocat ne peut être motivée que par une violation flagrante de la législation par celui-ci. La délégation a fait état de sanctions prises à l’encontre de 89 avocats dont 5 seulement étaient des défenseurs de personnes concernées par les événements du 19 décembre 2010.

Les procédures de nomination des juges ne souffrent aucune possibilité d’influence du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, a par ailleurs assuré la délégation. Les juges sont inamovibles, a-t-elle souligné.

Les institutions de l’Union européenne ont exercé des pressions sur les tribunaux en dressant des listes de personnes sur lesquelles elles demandaient des informations, a également déclaré la délégation.

Conformément à la loi, les mineurs placés en détention sont détenus séparément des adultes, a par ailleurs indiqué la délégation.


Questions complémentaires des experts

Le rôle du Comité est de prévenir les violations des droits de l'homme et plus particulièrement celles relevant de la Convention contre la torture, a rappelé le Président du Comité, M. Claudio Grossman. Ainsi, le Comité peut-il être amené à citer des cas et affaires particuliers et à faire réfléchir les États parties au sujet de questions comme, par exemple, celle de l’impunité, a-t-il indiqué. L’interdiction de la torture est absolue et concerne toutes les personnes, y compris celles pouvant être considérées comme peu recommandables, a-t-il souligné.

La rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Bélarus, Mme Felice Gaer, a rappelé que l’objet de la coopération entre le Comité et les États parties est d’assurer le respect de la Convention contre la torture. Or, de très nombreuses allégations émanant de sources très différentes ont été reçues par le Comité et il est important de vérifier de quoi ces allégations retournent, a-t-elle souligné.

Quelles règles avaient enfreintes les 16 employés du Ministère de l’intérieur qui ont été poursuivis (suite à des inspections menées dans les lieux de détention) et ont fait l’objet de mesures disciplinaires et quelle est la nature des sanctions prononcées à leur encontre, a par ailleurs demandé Mme Gaer ?

La rapporteuse a souhaité en savoir davantage au sujet des recours en habeas corpus, s’agissant plus particulièrement de leur fréquence, de leurs motifs et des décisions de justice auxquels ils ont donné lieu.

Mme Gaer a également demandé si des études et enquêtes ont été menées au sujet d’un usage disproportionné de la force par les policiers disposant de matraques.

En ce qui concerne l’indépendance de la justice, Mme Gaer a relevé que la délégation s’était plaint de n’avoir pas eu connaissance du rapport publié par l’OSCE à ce sujet ; mais le fait est que cette organisation régionale n’a pas été autorisée à maintenir un bureau dans le pays et que un tel bureau avait été maintenu, peut-être le Bélarus aurait-il pu recevoir ce rapport. Tendent à compromettre l’indépendance de la justice les processus de nomination et de maintien en fonction des juges, eu égard au pouvoir discrétionnaire que possède en la matière le pouvoir exécutif, a par ailleurs souligné la rapporteuse.

La co-rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Bélarus, Mme Nora Sveaass, a souligné que des interrogations demeurent au sujet des modalités d’inspection et de surveillance des lieux de détention. Dans quelle mesure la commission de surveillance est-elle réellement indépendante et selon quels critères ses membres sont-ils nommés, a-t-elle notamment demandé ? Comment les rapports de cette commission sont-ils rendus publics ?

Mme Sveaass a en outre souhaité en savoir davantage au sujet des mesures de surveillance dans les hôpitaux psychiatriques et des garanties juridiques dont bénéficient les personnes qui y sont hospitalisées.

Qu’en est-il du statut des aveux obtenus sous la torture, a par ailleurs demandé la co-rapporteuse ? Elle s’est outre enquise des conditions dans les couloirs de la mort.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si les choses ont progressé au Bélarus en ce qui concerne la question du moratoire sur la peine de mort.

Une experte a rappelé que la justice est le dernier refuge pour tout citoyen ; or, la problématique de l’indépendance de la justice se pose dans le monde entier et le Bélarus ne saurait faire exception dans cette perspective. Cette experte s’est inquiétée des nombreux huis clos prononcés dans des affaires pénales et a relevé que la Cour suprême statue souvent en tant que juridiction de premier degré, ce qui coupe court à toute possibilité de recours.

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a assuré que c’est avec responsabilité que le Bélarus appréhende les dispositions de la Convention. Cet instrument touche aux principes fondamentaux des droits et libertés fondamentaux, a-t-elle reconnu.

Le policier ne sait pas qui il a en face de lui lorsqu’une personne commet un délit, a par ailleurs souligné la délégation. Le Bélarus ne s’oppose pas aux défenseurs des droits de l'homme ; mais l’État ne tient pas compte de qui il a devant lui quand il est confronté à une infraction à la loi et on ne saurait considérer qu’un défenseur des droits de l'homme a toujours raison a priori, a-t-elle ajouté.

Relevant que le Comité se concentre, dans ses questions, sur les événements du 19 décembre 2010, la délégation a rappelé que tout État a le droit de protéger son système tel qu’il a été choisi par son peuple. En l’occurrence, la tentative de renverser l’État était délibérée et l’État bélarussien dispose de suffisamment de preuves qui en attestent, a-t-elle ajouté.

La police a le droit de se servir de matraques ; mais il n’y a pas eu recours aux canons à eau, aux gaz lacrymogènes, ni aux balles en caoutchouc, a en outre indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué ne pas être en mesure d’en dire davantage au sujet du recours en habeas corpus, s’agissant plus particulièrement des statistiques afférentes à cette procédure.

En tant que membre de plein droit de l’OSCE, le Bélarus a le droit de s’attendre à ce que cette Organisation lui transmette tout document concernant ce pays, a en outre fait observer la délégation.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT11/043F