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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU PARAGUAY

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport présenté par le Paraguay sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Federico González, Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que le Paraguay avait été l'un des premiers pays à recevoir la visite du Sous-Comité de l'ONU pour la prévention de la torture et le premier à recevoir une visite de suivi, et que le Sous-Comité avait affirmé avoir pu accéder sans aucune restriction aux personnes privées de liberté. Le représentant a aussi indiqué que le pays était en train de mettre sa législation relative à l'incrimination pénale de la torture en conformité avec les normes internationales. Le représentant a souligné que la Constitution paraguayenne énonce l'imprescriptibilité des crimes de torture, à la fois pour l'action pénale et pour la sanction pénale. Le Paraguay a en outre approuvé en avril dernier la mise en place du mécanisme national de prévention de la torture. En outre, un plan national d'action sur les droits de l'homme est en cours d'élaboration et devrait être présenté au mois de décembre prochain.

La délégation paraguayenne était également composée de représentants du Ministère de la défense, du Ministère de l'intérieur, de la Cour suprême, du pouvoir judiciaire et de la Mission permanente du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay, M. Fernando Mariño Menéndez, s'est félicité que le pays se soit engagé dans des réformes institutionnelles qui vont dans le bon sens. Il a toutefois relevé que la Cour interaméricaine des droits de l'homme avait estimé que le Paraguay devrait modifier sa législation pour y inclure l'infraction de disparition forcée et a souligné que l'imprescriptibilité de la tortue ne pourra être dûment assurée avant que le crime de torture ne soit bien défini dans la législation, conformément à la Convention. Le rapporteur s'est demandé s'il ne serait pas opportun pour le Paraguay de créer un mécanisme indépendant d'enquête sur des allégations d'actes de torture contre des personnes privées de liberté, notamment dans les commissariats. Dans le contexte de conflits fonciers impliquant des autochtones, il a souhaité savoir si des groupes privés ayant recours à la force jouissent de la tolérance des autorités. Il s'est en outre inquiété d'informations selon lesquelles les populations autochtones sont asservies, en particulier dans les grandes exploitations agricoles. Pour sa part, la corapporteuse, Mme Nora Sveass, s'est inquiétée que des policiers puissent se procurer des munitions sans les enregistrer, rendant difficile de déterminer si la police a tiré sur des manifestants. Elle a aussi relevé quel selon certaines informations, des détenus sont placés en isolement durant des périodes relativement longues et s'est inquiétée de graves allégations de corruption portées à l'encontre des gardiens de prison.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation du Paraguay à ces questions.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation de Djibouti aux questions que lui ont posées les experts hier matin.


Présentation du rapport

M. FEDERICO GONZÁLEZ, Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que son pays était conscient des défis auxquels il est confronté. Il a rappelé que le Paraguay avait été soumis en février 2011 à l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme et que plusieurs organes conventionnels des Nations Unies ont examiné cette année des rapports présentés par le pays. À cet égard, il a fait valoir qu'à ce stade, le Paraguay n'est en retard devant aucun organe conventionnel pour ce qui est de la soumission de ses rapports.

M. González a ensuite souligné que le Paraguay avait été l'un des premiers pays à recevoir la visite du Sous-Comité pour la prévention de la torture, créé en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, et le premier à recevoir une visite de suivi. Le Représentant permanent a fait valoir que lors de sa visite en mars 2009, l'accès du Sous-Comité aux lieux de détention avait été assuré de manière rapide et sans aucun obstacle, le Sous-Comité affirmant lui-même avoir pu accéder sans aucune restriction aux personnes privées de liberté avec lesquelles il voulait s'entretenir en privé, ainsi qu'aux rapports et autres documents. Le Sous-Comité a également salué la collaboration des autorités paraguayennes dans son rapport sur la visite de suivi qu'il a effectuée en septembre 2010.

Le Paraguay est en train de mettre la législation paraguayenne relative à l'incrimination pénale de la torture en conformité avec les normes internationales dans ce domaine, notamment avec la Convention contre la torture, a poursuivi son représentant. Il a rappelé que la Constitution nationale énonce l'imprescriptibilité des crimes de torture, à la fois pour l'action pénale et pour la sanction pénale, conformément à une décision prise par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême. Ainsi, ce type de violations des droits de l'homme ne saurait rester impuni, a assuré M. González.

En vertu de la loi du 20 avril 2011, l'État paraguayen a approuvé la mise en place du mécanisme national de prévention de la torture et des autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, a poursuivi le Représentant permanent. Étant donné que la création de ce mécanisme est récente, une commission ad hoc a été chargée de la planification des besoins budgétaires associés à l'application de ce mécanisme, a-t-il précisé.

M. González a en outre indiqué qu'un plan national d'action sur les droits de l'homme est en cours d'élaboration et devrait être présenté au mois de décembre prochain.

Le Représentant permanent a rappelé que la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kyung-wha Kang, avait effectué une visite au Paraguay, du 19 au 22 octobre, à l'issue de laquelle elle a reconnu «les efforts importants déployés par ce pays dans le domaine des droits de l'homme, en particulier avec la création d'un réseau des droits de l'homme au sein du pouvoir exécutif et la mise en œuvre de politiques sociales mettant l'accent sur les droits de l'homme». De tels propos ne peuvent qu'encourager le Gouvernement à poursuivre, avec encore plus d'élan, ses plans et ses stratégies en la matière, a conclu M. González.

Le rapport périodique du Paraguay (CAT/C/PRY/4-6) indique notamment qu'un projet de loi à l'examen prévoit de modifier les articles 236 et 309 du Code pénal de manière à y intégrer une définition du crime de torture conforme, entre autres, aux dispositions de la Convention contre la torture. Ce projet de loi a été présenté au Parlement à la fin du mois de mai 2009 et soumis pour examen à plusieurs commissions du Sénat. Le Code pénal militaire n'érige toujours pas la torture en infraction, ajoute le rapport, avant de préciser qu'il est prévu de créer une commission chargée d'étudier le Code afin de corriger cette lacune. L'article 5 de la Constitution dispose: «les crimes de génocide et de torture, de même que ceux de disparition forcée, enlèvement et homicide pour raisons politiques, sont imprescriptibles». L'article 236 du Code pénal érige les disparitions forcées en infraction.

Les garanties juridiques contre la torture, qui s'appliquent dès le moment de l'arrestation, sont clairement définies à l'article 240 du Code de procédure pénale qui dispose: «… dans tous les cas, les personnes arrêtées sont déférées devant un juge dans un délai de vingt-quatre heures afin que celui-ci apprécie la légalité de la détention provisoire, décide d'appliquer les mesures substitutives ou ordonne la libération de l'accusé au bénéfice du doute». L'article 75 du Code de procédure pénale énonce les droits de l'accusé. Le juge des garanties exerce une surveillance dès le début de la détention afin de veiller au respect de ces droits, les unités spéciales des droits de l'homme du ministère public intervenant ultérieurement, si une plainte dénonçant une violation des droits de l'accusé est déposée.

De 2005 à 2009, poursuit le rapport, le haut commandement de la Police nationale a procédé à l'ouverture d'une procédure administrative contre 117 policiers accusés de mauvais traitements physiques, blessures et blessures graves. C'est ainsi que 106 personnes ont été mises aux arrêts et 4 autres démises de leurs fonctions. Les sept dernières affaires ont été classées sans suite.


Questions et observations des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité, a tenu à féliciter le Paraguay pour avoir accédé au Protocole facultatif se rapportant à la Convention et pour la création récente d'un mécanisme national de prévention de la torture.

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay, a salué la création en 2009 de la Commission de la Vérité et de la Justice. Le Paraguay s'est acheminé sur la voie de réformes institutionnelles qui sont le fruit d'importants efforts; la situation évolue et vont bon train. Il convient de se féliciter de ces signes positifs, a ajouté le rapporteur. Le Paraguay a la volonté de coopérer et de s'intégrer dans la communauté internationale, s'est-il réjoui.

M. Mariño Menéndez a toutefois relevé que la Cour interaméricaine des droits de l'homme avait estimé que le Paraguay devrait modifier sa législation pour y inclure l'infraction de disparition forcée. Si le Comité ne s'intéresse pas directement aux disparitions forcées en tant que telles, dans certains cas, les disparitions forcées vont de pair avec des actes de torture, a souligné l'expert. Une fois que le délit de torture aura été bien défini au Paraguay, conformément à la Convention, l'imprescriptibilité de ce crime pourra être dûment assurée, a-t-il par ailleurs fait observer. Le Code pénal militaire ne contient pas de disposition relative au délit de torture, a-t-il en outre relevé.

Le ministère public peut-il effectuer des visites auprès des personnes détenues dans les commissariats, a demandé M. Mariño Menéndez, qui a rappelé que les actes de torture dans les lieux de détention tels que les commissariats se produisent généralement au tout début de la détention? Les personnes détenues peuvent-elles engager des recours en amparo ou en habeas corpus, a d'autre part demandé l'expert?

Depuis 1999, aucune peine ne semble avoir été prononcée à l'encontre d'un tortionnaire, s'est par ailleurs étonné M. Mariño Menéndez. Dans ce contexte, les enquêtes sont-elles menées comme il se doit lorsqu'il y a suspicion de torture, s'est-il interrogé? Il s'est demandé s'il ne serait pas opportun pour le Paraguay de créer un mécanisme indépendant d'enquête sur d'éventuels actes de torture ou de mauvais traitements contre des personnes privées de liberté, notamment dans les commissariats. Le rapporteur s'est également enquis des droits des étrangers en détention.

Au Paraguay, la détention préventive semble être utilisée comme une sanction, étant donné que sa durée est très longue, s'est par ailleurs inquiété le rapporteur. Une justice lente n'est pas une bonne justice, a-t-il souligné. En outre, un recours excessif à la détention préventive ou provisoire constitue une violation du principe de présomption d'innocence, a-t-il ajouté.

Le rapporteur a souhaité savoir s'il existe au Paraguay des groupes privés qui auraient recours à la force tout en jouissant de la tolérance des autorités, en particulier de la police, dans le contexte de conflits fonciers, notamment de conflits impliquant des autochtones.

La situation des autochtones est inquiétante, a souligné M. Mariño Menéndez, qui a relevé que nombre d'informations indiquent que ces populations sont souvent asservies, en particulier dans les grandes exploitations agricoles. Existe-t-il un cadastre enregistrant les titres de propriété et consignant les terres qui appartiennent aux autochtones, afin que ces dernières soient dûment protégées, a demandé le rapporteur?

Est-il vrai qu'il n'existe pas, au Paraguay, de registre officiel des armes de la police, que les policiers achètent eux-mêmes leurs armes et que celles-ci ne sont pas enregistrées, a par ailleurs demandé M. Mariño Menéndez?

MME NORA SVEAASS, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay, a félicité le Paraguay pour l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve lorsqu'il a reçu le Sous-Comité pour la prévention de la torture.

La corapporteuse a voulu savoir quelles mesures ont été prises par le Paraguay s'agissant des crimes commis par l'ancien régime et comment il veille à ce qu'ils ne restent pas impunis.

Mme Sveaass a aussi demandé des informations sur la législation applicable à l'état d'exception décrété à deux reprises au Paraguay.

Des médecins légistes participent-ils aux enquêtes menées sur des allégations de torture, a par ailleurs demandé Mme Sveaass.

Face à certaines informations qui font état d'actes de violence commis par la police contre des manifestants, Mme Sveaass s'est enquise de la formation dispensée à la police pour faire face à des manifestations de masse. Elle s'est en outre inquiétée que des agents de police puissent acheter des munitions sans que celles-ci soient enregistrées, rendant difficile de déterminer si la police a tiré ou non sur des manifestants puisque l'origine balles tirées ne peut être identifiée.

Les registres de détention consignent-ils les mesures disciplinaires prises à l'encontre des détenus, a par ailleurs demandé Mme Sveaass, faisant observer que selon certaines informations, des détenus sont placés en isolement durant des périodes relativement longues.

La corapporteuse s'est en outre inquiétée de graves allégations de corruption portées à l'encontre des gardiens de prison. Est-il vrai que des femmes détenues seraient encouragées à vendre leurs services sexuels? Elle a par ailleurs relevé que le directeur d'une prison a dû quitter ses fonctions après qu'un réseau de pornographie infantile eut été découvert dans son établissement.

La corapporteuse s'est en outre inquiétée des violences graves qui, selon certaines informations, auraient été commises par des agents de police sans qu'aucune enquête n'ait été menée.

Comme dans nombre d'autres pays, il existe au Paraguay un problème de traite de personnes, a poursuivi Mme Sveaass. Elle a souhaité savoir combien de cas ont été constatés et combien de personnes condamnées pour ce type de délit. Les autorités entendent-elles renforcer leur soutien aux victimes de la traite, a-t-elle en outre demandé? Si une fille victime de traite tombe enceinte, peut-elle avorter?

Un autre membre du Comité a souhaité savoir quand le mécanisme national de prévention de la torture, récemment créé, serait opérationnel et de quelles ressources humaines et financières il serait doté. Les conditions matérielles dans les prisons sont déplorables, ce qui soulève nombre de questions et problèmes, a par ailleurs souligné cet expert. À quelle fréquence se font les inspections des juges d'application des peines dans les prisons, a-t-il en outre demandé? Pourquoi certaines prisons sont-elles vides et d'autres surpeuplées; quelles mesures ont-elles été prises pour remédier à ce déséquilibre, s'est également enquis l'expert?

Un expert a souhaité savoir si les militaires sont justiciables en vertu du seul Code pénal militaire ou s'ils le sont également en vertu du Code pénal de droit commun. L'irrecevabilité des aveux obtenus sous la torture est-elle inscrite dans la loi ou est-elle laissée à l'appréciation du juge, qui aurait un pouvoir discrétionnaire en la matière, a également demandé l'expert?

Une experte a soulevé la question de l'abolition de la peine de mort dans le système de justice militaire. On ne sait toujours pas pour quelles raisons l'état d'exception avait été déclaré pendant 30 jours au Paraguay, a en outre souligné cette experte.

Le Paraguay envisage-t-il d'ériger en infraction le viol conjugal et qu'en est-il des mesures prévues en matière de protection des victimes de violence familiale, a demandé une experte? Par ailleurs, le Paraguay envisage-t-il l'adoption d'une loi interdisant les châtiments corporels contre les enfants dans tous les contextes, y compris à la maison, comme cela lui a été demandé à deux reprises par le Comité des droits de l'enfant?

Un membre du Comité s'est fait l'écho d'allégations de torture à l'encontre des enfants de la rue.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT11/031F