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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA BULGARIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport présenté par la Bulgarie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Dimiter Tzantchev, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie, a souligné que la Constitution interdit les actes incriminés dans la Convention et que la définition juridique de la torture - conforme à l'article premier de la Convention - a été ajoutée à la Loi sur l'exécution des sanctions pénales et la détention en garde à vue. Dans le cadre de ses compétences, le Bureau du Procureur a pris un certain nombre de mesures pour combattre l'impunité, a aussi fait valoir le Vice-Ministre. Il a en outre souligné que la Bulgarie a ratifié en avril dernier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et que des amendements sont en train d'être apportés à la Loi sur l'Ombudsman afin que cette institution assume les fonctions du mécanisme national de prévention prévu par le Protocole. M. Tzantchev a par ailleurs souligné que toutes les institutions de soins pour enfants devront avoir été fermées dans un délai de 15 ans et être remplacées par un réseau de services communautaires offrant un environnement similaire à l'environnement familial.

La délégation bulgare était également composée du Représentant permanent de la Bulgarie auprès des Nations Unies à Genève, M. Gancho Ganev, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, du Bureau du Procureur, de l'Agence d'État pour les réfugiés et de l'Agence d'État pour la protection des enfants.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Bulgarie, Mme Myrna Y.Kleopas, a déclaré qu'aussi longtemps qu'une définition de la torture conforme à l'article premier de la Convention n'existera pas dans le pays, la Bulgarie ne pourra pas appliquer l'article 4 de la Convention concernant l'incrimination de ce délit. S'agissant des garanties juridiques visant à protéger les détenus contre toute maltraitance durant leur détention, la rapporteuse a relevé que le Comité européen pour la prévention de la torture avait décelé en Bulgarie des problèmes pour ce qui est du droit d'accéder à un avocat, notamment s'agissant de la mise à disposition d'un avocat commis d'office; il est en effet apparu que l'accès à un avocat dans le délai imparti n'est assuré que pour les personnes qui ont les moyens d'en assumer le coût. La Bulgarie connaît aussi un problème important de recours excessif à la force par la police, a constaté la rapporteuse. Le corapporteur, M. Xuexian Wang, s'est pour sa part inquiété d'informations selon lesquelles les locaux de détention en Bulgarie seraient surpeuplés et déficients en termes d'hygiène. Il s'est en outre enquis des causes des décès survenus en prison. Il semble aussi que la Bulgarie pâtisse d'un manque de personnel pénitentiaire, le rapport étant d'un gardien pour 300 prisonniers. M. Wang s'est par ailleurs inquiété du nombre de décès parmi les enfants souffrant de maladies mentales.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation de la Bulgarie aux questions qui lui ont été adressées ce matin.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation de Sri Lanka aux questions posées vendredi matin.

Présentation du rapport

M. DIMITER TZANTCHEV, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie, a souligné que son pays était régi par la primauté du droit et que la protection et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales constituent des éléments essentiels de sa démocratie. La Constitution bulgare de 1991 proclame l'interdiction des actes incriminés dans la Convention contre la torture; l'article 29 de la Constitution stipule plus particulièrement que personne ne saurait être soumis à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant ou à l'assimilation forcée. La première définition juridique de la torture a été ajoutée à la Loi sur l'exécution des sanctions pénales et la détention en garde à vue, en vigueur depuis le 1er juin 2010, et est pleinement conforme à l'article premier de la Convention, a poursuivi M. Tzantchev. Les infractions couvertes par l'article premier de la Convention sont pénalisées dans le Code pénal, dans les éléments ayant trait aux délits de coercition, de menace et de blessure physique, a précisé le Vice-Ministre. Par exemple, l'article 287 du Code pénal stipule qu'un fonctionnaire qui, dans le cadre de ses fonctions, agissant seul ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, se livre à une action coercitive illégale à l'encontre d'un inculpé, d'un témoin ou d'un témoin expert, à des fins d'extorsion d'aveux, de témoignage, de conclusion ou d'information, sera puni par une peine de privation de liberté.

Les garanties de procédure pour l'interdiction de la torture sont prévues dans les dispositions du Code de procédure pénale, de la Loi sur l'exécution des sanctions pénales et la détention en garde à vue et de diverses règles et instructions opérationnelles qui revêtent une importance particulière dans la pratique, a précisé M. Tzantchev. Le Code de procédure pénale stipule clairement qu'une enquête sur une affaire impliquant un crime prétendument commis par un policier doit être menée par un magistrat et non par un policier d'investigation, a-t-il souligné.

Dans le cadre de ses compétences, a poursuivi M. Tzantchev, le Bureau du Procureur a pris un certain nombre de mesures pour combattre l'impunité: les délais pour l'examen des affaires dans la phase avant jugement ont été raccourcis; les capacités administratives du Bureau du Procureur pour faire face aux cas de brutalité policière ont été renforcées; et des formations en droit international relatif aux droits de l'homme ont été mises en place en faveur des magistrats, a-t-il notamment précisé.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères a ensuite fait valoir qu'en avril 2011, la Bulgarie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture. L'Ombudsman a déjà exprimé sa volonté d'assumer les fonctions du mécanisme national de prévention prévu dans ce Protocole, a précisé M. Tzantchev. Des amendements sont en train d'être apportés en ce sens à la Loi sur l'Ombudsman, a-t-il indiqué. Les autorités chargées de l'application de la loi en Bulgarie ont déjà engagé une coopération fructueuse avec l'institution de l'Ombudsman, a poursuivi le Vice-Ministre. Ainsi, un mémorandum de coopération avec le Ministère de la justice, conclu en 2007, a-t-il permis une série d'inspections de l'Ombudsman dans les lieux d'exécution des peines. Les résultats et recommandations issus de ces inspections ont été pris en compte lors de l'élaboration de certains amendements apportés à la Loi sur l'exécution des sanctions pénales et la détention en garde à vue. Par ailleurs, et outre la coopération existant également en la matière avec les organisations non gouvernementales, le Comité Helsinki de la Bulgarie a entrepris des visites de contrôle non seulement pour les personnes placées en détention ou en garde à vue, mais aussi pour les personnes placées dans des institutions sociales, notamment dans des établissements de soins pour enfants.

M. Tzantchev a réitéré la position catégorique du Gouvernement bulgare selon laquelle toutes les institutions de soins pour enfants devront avoir été fermées dans un délai de 15 ans et être remplacées par un réseau de services communautaires offrant un environnement semblable à l'environnement familial. Un effort dans le même sens a été mené en vue de dé-institutionnaliser les soins d'État pour adultes souffrant de troubles mentaux.

Le rapport périodique de la Bulgarie (CAT/C/BGR/4-5) indique que la Constitution de 1991 dispose que «les accords internationaux, ratifiés selon l'ordre constitutionnel, publiés et entrés en vigueur à l'égard de la République de Bulgarie, font partie du droit interne de l'État. Ils ont la priorité sur les normes de la législation interne qui sont en contradiction avec eux». La peine capitale a été abolie en 1998, indique en outre le rapport. La Constitution de 1991 interdit explicitement la torture: «Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ni à une assimilation forcée». Elle proclame que chacun a le droit fondamental à la liberté et à l'inviolabilité de sa personne. De plus, les actes visés par l'article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont réprimés par le Code pénal bulgare en tant qu'éléments constitutifs des infractions de coercition, de menace et de coups et blessures.

En vertu de l'article 287 du Code pénal, tout agent public agissant dans le cadre officiel de ses fonctions qui, directement ou par l'intermédiaire d'une autre personne, recourt à des moyens de coercition illicites pour obtenir des renseignements, des aveux, une déposition ou une conclusion de la part d'un accusé, d'un témoin ou d'un expert, encourt une peine de détention comprise entre trois et dix ans et une privation du droit d'occuper certaines fonctions officielles ou publiques et d'exercer certains métiers ou de pratiquer certaines activités. Un code de conduite du policier a été introduit en octobre 2003 qui contient des dispositions expressément destinées à prévenir la torture et les mauvais traitements. La loi sur l'asile et les réfugiés stipule qu'«un étranger qui entre en Bulgarie pour solliciter une protection ou qui bénéficie déjà d'une telle protection ne peut être renvoyé vers un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées pour des motifs de race, de religion, de nationalité, d'appartenance à un groupe social donné, d'opinion politique ou de confession, ou s'il risque d'être torturé ou soumis à d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.», fait valoir le rapport. Des garanties contre la torture figurent également dans les dispositions du Code de procédure pénale afférentes à la charge de la preuve. Ainsi, l'accusation et le verdict ne peuvent être uniquement fondés sur des aveux de l'accusé.

Entre 2001 et 2008, 396 plaintes ont été déposées contre des membres du personnel pénitentiaire pour des coups, sévices ou traitements inhumains sur des détenus. Dans 20 cas, les faits ont été confirmés, et des sanctions administratives ou pénales ont été prononcées contre les auteurs. Le projet de loi sur l'exécution des peines consacre le principe d'une interdiction stricte et expresse de la torture, conformément à la recommandation du Comité sur la question: «Un condamné ne peut être torturé ni faire l'objet de traitements cruels ou inhumains. La torture ou les traitements cruels ou inhumains s'entendent comme désignant: tout acte ou omission entraînant une douleur ou une souffrance physiques, autres que les cas prévus dans la présente loi dans lesquels l'emploi de la force, de dispositifs auxiliaires ou d'armes est autorisé; le placement délibéré dans de mauvaises conditions de détention, comprenant le manque d'espace, de nourriture, de vêtements, de chauffage, d'éclairage, de ventilation, de services médicaux, de possibilités d'exercice; l'isolement continu sans possibilité de communiquer avec d'autres personnes, et tout autre acte ou omission délibéré susceptible de nuire à la santé humaine; les traitements humiliants et dégradants pour la dignité du condamné, le fait de le contraindre à effectuer ou à subir des actes contre sa volonté, de lui inspirer un sentiment de peur, de vulnérabilité ou d'infériorité». La torture ou les traitements cruels ou inhumains s'entendent comme désignant tous les actes ou omissions énoncés ci-haut lorsqu'ils sont commis par un agent public ou par toute autre personne à l'incitation ou sur l'instigation d'un agent public par l'expression d'un consentement exprès ou tacite.

Questions et observations des membres du Comité

MME MYRNA Y. KLEOPAS, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Bulgarie, s'est félicitée que le pays ait enfin ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et a exprimé l'espoir que le mécanisme national de prévention prévu en vertu de cet instrument serait mis en place dans le délai imparti de 12 mois.

Tant qu'une définition de la torture conforme à l'article premier de la Convention n'existera pas dans le pays, la Bulgarie ne pourra pas appliquer l'article 4 de la Convention concernant l'incrimination de ce délit, a par ailleurs souligné la rapporteuse.

Mme Kleopas a souhaité savoir si la Convention peut être appliquée directement devant les tribunaux bulgares et si des actions en justice avaient déjà été engagées sur la seule base de la disposition constitutionnelle relative à l'interdiction de la torture.

S'agissant des garanties juridiques visant à protéger les détenus contre toute maltraitance durant leur détention, Mme Kleopas a relevé que le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) avait décelé des problèmes pour ce qui est du droit d'accéder à un avocat, notamment s'agissant de la mise à disposition d'un avocat commis d'office; il est en effet apparu que l'accès à un avocat dans le délai imparti n'est assuré que pour les personnes qui sont ont les moyens d'en assumer le coût. La Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, qui s'est rendue en Bulgarie en mai dernier, a déclaré qu'en dépit de la mise en place du bureau de l'aide juridictionnelle, ce droit n'est pas garanti, faute de ressources. Il faut donc que la Bulgarie prenne toutes les mesures possibles pour que chaque personne détenue ait réellement accès à l'aide juridictionnelle, a insisté la rapporteuse. Pour ce qui est des examens médicaux des personnes placées en détention dans les commissariats, Mme Kleopas a souhaité savoir si des enquêtes ont été menées par le parquet lorsque ces personnes montraient des signes de mauvais traitement ou en cas d'allégations de torture.

Un autre problème grave auquel se heurte la Bulgarie est celui du recours excessif à la force de la part de la police, a poursuivi Mme Kleopas, précisant qu'à cet égard, la Cour européenne des droits de l'homme avait rendu 27 arrêts à l'encontre de la Bulgarie pour actes de brutalités et 16 pour des cas de traitements cruels ou dégradants.

La loi sur le Ministère de l'intérieur ne semble pas respecter les normes internationales pour ce qui est de la préservation de la vie humaine et la protection contre les actes relevant de la Convention, s'est par ailleurs inquiétée la rapporteuse.

Mme Kleopas a voulu connaître les dispositions relatives à la protection des réfugiés et requérants d'asile, y compris les clandestins. Elle s'est inquiétée de cas de décès de ressortissants étrangers, plus particulièrement un Russe et un Syrien, dans des centres accueillant ces personnes.

Le viol conjugal doit être assimilé à la torture et donc être considéré comme un crime, qui plus est imprescriptible, a par ailleurs souligné Mme Kleopas, avant de dénoncer les arrangements informels en matière de mariage au sein de la communauté rom, qui concernent parfois de très jeunes personnes.

M. XUEXIAN WANG, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport bulgare, s'est inquiété d'informations laissant apparaître que les locaux de détention en Bulgarie seraient surpeuplés et déficients en termes d'hygiène. Il conviendrait de prendre des mesures immédiates, d'urgence, pour remédier à cette situation; on pourrait même penser à une indemnisation des prisonniers concernés, dont certains ont d'ailleurs porté plainte contre leurs mauvaises conditions de détention. M. Wang s'est en outre enquis des causes des décès survenus en prison, au nombre d'environ une cinquantaine pour ces 4 ou 5 dernières années. Il semble en outre que la Bulgarie pâtisse d'un manque de personnel pénitentiaire, faute en particulier de candidats à ces postes; il y a un gardien pour 300 prisonniers, s'est inquiété le corapporteur. La violence au sein des prisons a été reconnue par le Gouvernement bulgare comme constituant un problème, a-t-il ajouté.

M. Wang s'est par ailleurs inquiété du nombre de 238 décès parmi les enfants malades mentaux et a souhaité connaître les résultats des enquêtes menées dans ces affaires. Les tribunaux ont-ils été saisis, les coupables ont-ils été trouvés et des mises en accusation ont-elles été prononcées?

M. Wang s'est en outre lui aussi inquiété que des mariages forcés de personnes ayant parfois à peine 11 ou 12 ans aient toujours cours, alors qu'ils sont illégaux.

Le corapporteur a ensuite relevé que le décès d'un jeune homme, le 31 décembre, avait donné lieu à des manifestations racistes dans tout le pays, assorties d'attaques contre des Roms et d'incendies contre des maisons roms. Pourquoi ces manifestations n'ont-elles pas été condamnées et comment se fait-il que des discours haineux soient tolérés en Bulgarie, y compris de la part de hauts responsables, a demandé M. Wang? Pourquoi la police n'a-t-elle pas pris des mesures pour protéger les Roms dans ce contexte ?

Un autre membre du Comité s'est inquiété du sort de deux réfugiés palestiniens expulsés en novembre 2010 vers le Liban, où ils auraient été torturés. La Bulgarie affirme que le Ministère de l'intérieur ne suit pas le parcours ou la situation des réfugiés qui ont été renvoyés chez eux; mais cette réponse n'est pas satisfaisante car l'évaluation de la situation aurait dû être faite, conformément à l'article 3 de la Convention, avant l'expulsion de ces personnes, a souligné l'expert.

Un expert s'est enquis du régime applicable aux personnes placées en détention au secret; qu'en est-il des mesures de surveillance prévues dans ce contexte ?

Une experte a souligné que la dé-institutionnalisation, notamment en ce qui concerne les soins institutionnels en faveur des enfants, n'est pas toujours une solution, surtout lorsque l'on ne sait pas encore précisément ce qui remplacera les soins jusqu'ici prodigués en institution. L'important est de s'assurer que les institutions respectent la dignité et les droits des personnes qui s'y trouvent et de faire en sorte que toute violation fasse l'objet d'une enquête.

L'inamovibilité des magistrats doit concerner tous les magistrats, tant du siège que du parquet, a pour sa part souligné une autre experte. Elle a en outre relevé que l'âge minimum de la responsabilité pénale est de 13 ans, puisqu'il existe une forme de responsabilité pénale pour les personnes âgées de 14 à 18 ans, ce qui ne semble pas conforme à la Convention relative aux droits de l'enfant.

Il semble que la durée maximale de la détention au secret soit passée de 14 jours à deux mois, s'est inquiété un autre membre du Comité. Il a aussi souhaité en savoir davantage au sujet de la violence contre les femmes au sein de la famille; selon certaines études, une femme sur quatre serait victime de ce type de violence dans les pays occidentaux.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT11/037F