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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU BÉLARUS

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport présenté par le Bélarus sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Mikhail Khvostov, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que le Bélarus reconnaît la primauté des principes généraux du droit international sur le droit interne, précisant que pour poursuivre une personne en justice lorsqu'elle est accusée d'actes de torture, le Bélarus fait appel à la définition de la torture qui figure à l'article premier de la Convention. La torture et les mauvais traitements sont interdits par la Constitution bélarussienne, et la torture est réprimée en vertu du Code pénal, qui définit notamment en tant que circonstances aggravantes de l'abus de pouvoir ou d'autorité dans l'exercice de fonctions officielles, «l'emploi de la violence, de tortures ou d'outrages à l'égard de la victime ou l'utilisation d'une arme ou de moyens spéciaux». Le chef de la délégation a par ailleurs fait état de la loi adoptée en 2008 sur l'octroi du statut de réfugié, en vertu de laquelle les étrangers qui se trouvent sur le territoire bélarussien ont le droit de ne pas être renvoyés ou expulsés contre leur gré vers un État où ils risquent d'être soumis à la torture. M. Khvostov a ensuite expliqué les modalités des visites effectuées par les commissions d'observation dans les lieux de détention du pays afin d'y détecter les éventuelles violations de droits de l'homme.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Bélarus, Mme Felice Gaer, s'est inquiétée des nombreuses allégations reçues par le Comité qui font état d'un harcèlement contre les avocats et de l'incapacité des prévenus d'avoir accès à un avocat. Elle s'est également inquiétée de l'absence d'un mécanisme efficace permettant de déposer plainte. La rapporteuse a en outre interrogé la délégation sur les événements qui ont entouré les manifestations postélectorales du 19 décembre 2010. À cet égard, la corapporteuse du Comité, Mme Nora Sveaass, a souligné que des informations émanant de la société civile font état d'un grand nombre de détentions et de nombreux harcèlements à l'encontre de membres de la société civile et d'opposants politiques. Mme Sveaass a souligné que de nombreuses personnes arrêtées lors de ces événements sont toujours en détention, sans aucune garantie juridique quant à leur procès. Mme Sveaass s'est en outre enquise des intentions du Bélarus en ce qui concerne la peine capitale, soulignant que les conditions de détention des personnes en attente d'exécution sont une source de préoccupation pour le Comité. Elle s'est aussi inquiétée d'allégations selon lesquelles des personnes auraient été condamnées à mort sur la base d'aveux qui pourraient avoir été obtenus sous la torture.

Le Comité entendra lundi après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation du Bélarus aux questions qui lui ont été adressées ce matin.

Par ailleurs, au cours de la séance, le Comité a accepté une demande de la Grèce de reporter à sa prochaine session, en mai 2012, l'examen de ses cinquième et sixième rapports périodiques, initialement prévu la semaine prochaine.


Cet après-midi, le Comité doit entendre les réponses de la délégation de Madagascar aux questions posées hier par le Comité.

Présentation du rapport

M. MIKHAIL KHVOSTOV, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que conformément à la Constitution, le Bélarus reconnaît la primauté des principes généraux du droit international (sur le droit interne). La torture et les mauvais traitements sont interdits en vertu de l'article 25 de la Constitution bélarussienne, a-t-il souligné. Actuellement, il est vrai que pour ce qui est de la définition de la torture au Bélarus, les choses ne sont pas en parfaite adéquation avec les exigences de la Convention, a-t-il en outre reconnu. La torture est réprimée en vertu du Code pénal, et notamment l'article 128 de ce dernier, a-t-il ajouté, précisant que pour poursuivre une personne en justice lorsqu'elle est accusée d'actes de torture, le Bélarus fait appel à la définition de la torture qui figure à l'article premier de la Convention. La torture est également réprimée par l'article 426 du Code pénal (Abus de pouvoir ou d'autorité dans l'exercice de fonctions officielles) dont le paragraphe 3 définit en tant que circonstances aggravantes «l'emploi de la violence, de tortures ou d'outrages à l'égard de la victime ou l'utilisation d'une arme ou de moyens spéciaux».

M. Khvostov a indiqué que c'est le Procureur général qui avait été désigné comme responsable du projet de loi portant modifications et ajouts au Code pénal et au Code de procédure pénal, qui prévoit notamment d'intégrer au Code pénal une définition de la torture et d'établir la responsabilité pénale qui en découle, a d'autre part indiqué M. Khvostov. Toute la législation du Bélarus vise à prévenir la torture, a souligné le Représentant permanent.

Les personnes ayant subi la torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants peuvent porter plainte devant le procureur ou les tribunaux, a par ailleurs souligné M. Khvostov.

La détention provisoire doit se dérouler dans le respect des principes de légalité, d'humanité, de dignité et d'égalité de tous devant la loi et ne doit pas s'accompagner de traitements susceptibles de porter atteinte à la santé physique ou psychique des détenus, a poursuivi M. Khvostov.

Le Représentant permanent a par ailleurs fait état de la loi adoptée en 2008 sur l'octroi du statut de réfugié, en vertu de laquelle les étrangers qui se trouvent sur le territoire bélarussien ont le droit de ne pas être renvoyés ou expulsés contre leur gré vers un États où ils risquent d'être soumis à la torture.

M. Khvostov a en outre fait part du programme pour la lutte contre la traite de personnes qui a été adopté par son pays pour les années 2011-2013, qui vise notamment à protéger les victimes et assurer leur réhabilitation.

Le chef de la délégation bélarussienne a ensuite exposé les modalités des visites effectuées par les commissions de surveillance et d'observation dans les lieux de détention du pays, afin d'y détecter les éventuelles violations de droits de l'homme et d'y remédier.

Le rapport périodique du Bélarus (CAT/C/BLR/4), qui porte sur la période entre septembre 1999 et août 2009. indique que la Constitution dispose que nul ne doit être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, souligne-t-il. Aux fins de la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité à l'occasion de l'examen du troisième rapport périodique du Bélarus, diverses mesures législatives ont été prises dans le pays. Le Code pénal, le Code d'application des peines et le Code de procédure pénale assortis de modifications et ajouts visant à les mettre en conformité avec la Convention sont entrés en vigueur le 1er janvier 2001. Une sanction pénale entraîne pour le condamné la privation ou la limitation des droits et des libertés, mais n'a pas pour objet de lui infliger des souffrances physiques ni de porter atteinte à sa dignité. Par ailleurs, le fait d'avoir commis une infraction s'accompagnant d'actes particulièrement cruels ou humiliants constitue une circonstance aggravante. Le Code pénal prévoit une peine privative de liberté d'une durée de sept à vingt-cinq ans, la réclusion à perpétuité ou la peine de mort pour la déportation, la détention illégale, l'esclavage, les châtiments collectifs ou systématiques sans jugement par un tribunal, l'enlèvement menant à la disparition des victimes, la torture ou les actes de cruauté commis contre la population civile au motif de l'appartenance raciale, nationale ou ethnique, des convictions politiques ou de la confession. D'autre part, le Code pénal réprime le fait d'infliger des lésions corporelles graves aux personnes désarmées ou sans défense, aux blessés, aux malades, aux naufragés, au personnel médical, sanitaire et ecclésiastique, aux prisonniers de guerre, à la population civile se trouvant sur un territoire occupé ou dans une zone de combats ou aux personnes bénéficiant d'une protection internationale en temps de guerre, qu'il s'agisse d'actes de torture ou d'expériences médicales, biologiques ou autres effectués sur ces personnes, même avec leur consentement. Ces actes, entraînant une peine privative de liberté d'une durée de cinq à vingt-cinq ans, constituent des délits imprescriptibles et entraînent des poursuites pénales même s'ils ont été commis hors des frontières du Bélarus.

Le Code pénal contient une norme spécifique érigeant en infraction pénale les traitements cruels (art. 154 «Torture»). La torture est punie d'un placement en détention pouvant aller jusqu'à trois mois, d'une limitation de la liberté pouvant aller jusqu'à trois ans ou d'une privation de liberté de même durée. Si les actes de torture ont été sciemment commis sur une femme enceinte, sur un mineur ou sur une personne vulnérable ou en situation de dépendance, l'auteur est passible d'une peine restrictive de liberté allant d'un à trois ans ou d'une privation de liberté d'un à cinq ans. La torture est également réprimée par l'article 426 du Code pénal (Abus de pouvoir ou d'autorité dans l'exercice de fonctions officielles) dont le paragraphe 3 définit en tant que circonstances aggravantes «l'emploi de la violence, de tortures ou d'outrages à l'égard de la victime ou l'utilisation d'une arme ou de moyens spéciaux». Cette infraction, qui relève de la catégorie des infractions graves, est punie d'une privation de liberté de trois à dix ans assortie ou non de la confiscation des biens et de l'interdiction d'occuper certaines fonctions ou d'exercer certaines activités. Par ailleurs, le Code d'application des peines contient des garanties contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et dispose que les propositions, déclarations et plaintes adressées par les condamnés aux organes de l'État chargés du contrôle et de la surveillance des activités des établissements pénitentiaires ne sont pas soumises à la censure et doivent être remises à leur destinataire dans les vingt-quatre heures suivant leur dépôt.

La loi du 23 juin 2008 relative à «l'octroi aux ressortissants étrangers et aux personnes apatrides du statut de réfugié et d'une protection supplémentaire et temporaire» garantit aux ressortissants étrangers qui se trouvent sur le territoire bélarussien le droit de ne pas être renvoyés ou expulsés contre leur gré vers le territoire d'un État où ils courent le risque d'être soumis à la torture. Les normes de droit figurant dans les instruments internationaux auxquels est partie le Bélarus font partie intégrante de la législation en vigueur sur le territoire du pays, sont directement applicables, sauf si l'application des normes d'un tel instrument requiert l'adoption d'un texte juridique normatif, et ont la force du texte de loi par lequel le Bélarus a exprimé son consentement à être liée par l'instrument international correspondant. Ainsi, pour exercer des poursuites pénales contre des personnes ayant participé à des actes de torture, on utilise la définition de la torture donnée à l'article premier de la Convention.

Questions et observations des membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Bélarus, a regretté que la délégation du Bélarus n'intègre pas de représentants en provenance de la capitale. Elle a toutefois dit apprécier que le Bélarus soumette le présent rapport, bien qu'avec dix ans de retard. Mme Gaer s'est en outre réjouie que dix lieux de détention provisoire aient été fermés au Bélarus parce qu'ils n'étaient pas conformes aux normes et que des dispositifs de vidéosurveillance aient été installés dans certains lieux de détention.

Mme Gaer s'est inquiétée des nombreuses allégations reçues par le Comité qui font état d'un harcèlement contre les avocats et de l'incapacité des prévenus d'avoir accès à un avocat comme le prévoit la Convention. Elle s'est également inquiétée que le Bélarus ne dispose pas d'un mécanisme efficace permettant de déposer plainte. Le Bélarus reste silencieux sur nombre de questions clefs, notamment pour ce qui a trait aux garanties de procédure, aux enquêtes indépendantes, au mécanisme permettant de déposer plainte et au harcèlement contre les avocats.

La rapporteuse a demandé combien d'inspections des lieux de détention ont eu lieu, en particulier pour ce qui est des inspections menées par le bureau du Procureur dans le contexte des événements du 19 décembre 2010 et des arrestations de participants aux manifestations postélectorales. Elle a plus particulièrement souhaité en savoir davantage, entre autres, sur les examens médicaux dont auraient pu bénéficier, après leur arrestation, MM. Andrei Sannikau (candidat aux élections de 2010) et Uladzimir Nyaklyayeu, ces deux personnes ayant affirmé avoir subi des tortures durant leur détention provisoire de la part de personnes dont les visages étaient cachés.

La rapporteuse s'est par ailleurs inquiétée d'informations émanant de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) selon lesquelles les déclarations fondées sur des allégations de mauvais traitements avaient été ignorées durant les procès liés aux événements du 19 décembre 2010.

Existe-t-il au Bélarus une possibilité de contester la légalité de la détention par le biais d'une procédure d'habeas corpus, a par ailleurs demandé la rapporteuse ?

Mme Gaer a d'autre part souhaité en savoir davantage au sujet de l'irrecevabilité des preuves obtenues par la torture et si des non-lieux ont été prononcés sur cette base par des tribunaux bélarussiens.

La rapporteuse a aussi voulu savoir quelles mesures ont été prises pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Mme Gaer a demandé quelles étaient les autorités et institutions compétentes pour recevoir des plaintes et engager des enquêtes face à des allégations de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Plus précisément, elle a souhaité savoir quel était leur mandat, leur degré d'indépendance, et les résultats des enquêtes qui auraient pu être menées.

La rapporteuse s'est en outre inquiétée de l'usage excessif de la force par des commandos à l'encontre des manifestants du 19 décembre 2010.

MME NORA SVEAASS, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Bélarus, a souligné que pour bien mettre en œuvre la Convention, il faut accepter d'être observé et évalué. Elle a indiqué avoir reçu, outre celles émanant de l'État bélarussien, nombre d'informations de la part de la société civile; ces dernières font état d'un grand nombre de détentions et de harcèlements à l'encontre de membres de la société civile et d'opposants politiques - dont un grand nombre auraient fait l'objet de mauvais traitements voire de torture. Mme Sveaass a attiré l'attention sur l'appel urgent émis le 22 décembre 2010 par plusieurs titulaires de mandats, parmi lesquels le Rapporteur spécial sur la liberté d'expression, le Rapporteur spécial sur la torture et le Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui s'inquiétaient de la détention d'un très grand nombre de candidats aux élections de 2010. Ces événements sont graves, a insisté Mme Sveaass; beaucoup de personnes arrêtées à cette occasion sont toujours en détention, sans aucune garantie juridique quant à leur procès.

Mme Sveaass a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur la législation pouvant servir de base juridique pour prévenir et combattre la violence faite aux femmes au Bélarus. Qu'est-ce qui est fait pour prévenir la traite de personnes et aider les victimes de traite, a-t-elle en outre demandé ? Apparemment, les châtiments corporels sont toujours légaux, en particulier au sein de la famille, s'est-elle également inquiétée.

La corapporteuse s'est ensuite enquise des ressources matérielles, humaines et budgétaires disponibles pour améliorer les conditions de détention dans les différents lieux de détention du Bélarus. De nombreuses informations disponibles font état non seulement d'une surpopulation et du fait que les détenus doivent parfois dormir à tour de rôle, mais aussi du manque de suivi médical des détenus, a insisté la corapporteuse. Dans le contexte des événements de décembre 2010, des allégations de harcèlement sexuel voire de torture ont été portées par des femmes détenues suite à ces événements, a-t-elle ajouté.

Mme Sveaass a d'autre part souhaité en savoir davantage au sujet des modalités de travail et des activités des commissions de surveillance et d'observation qui effectuent des visites dans les lieux de détention. Peuvent-elles par exemple consulter les dossiers médicaux, rencontrer les détenus en privé et prendre des photos? Que sont exactement les centres dits de réhabilitation obligatoire, a par ailleurs demandé Mme Sveaass?

La corapporteuse a insisté sur la nécessité de veiller à ce que les officiers de police soient toujours identifiables, y compris pendant les manifestations.

Mme Sveaass s'est enquise des intentions du Bélarus en ce qui concerne l'application de la peine capitale. Les conditions de détention des personnes en attente d'exécution sont une source de préoccupation pour le Comité, a-t-elle souligné. Elle s'est en outre inquiétée d'allégations selon lesquelles des personnes auraient été condamnées à mort sur la base d'aveux qui pourraient avoir été obtenus sous la torture.

Le Bélarus affirme que l'indépendance des juges est garantie; or, on peut constater que dans ce pays, les enquêteurs et le Procureur prennent le pas sur le juge, notamment pour ce qui a trait à la détention des prévenus, s'est inquiétée une autre membre du Comité. Il faut consacrer et maintenir la présomption d'innocence, a-t-elle souligné, rappelant que la détention provisoire doit rester une mesure exceptionnelle, de dernier recours.

Un membre du Comité a souhaité savoir comment le Bélarus s'assure qu'un pays est «sûr» aux fins du refoulement d'un étranger.

Un expert a relevé que le Bélarus indiquait en 2009 avoir l'intention de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention et ainsi reconnaître la compétence du Comité pour examiner des plaintes. Il a souhaité connaître la position actuelle du pays à cet égard.

En l'absence d'une définition de la torture dans le droit national bélarussien, la définition énoncée à l'article premier de la Convention est-elle directement applicable dans les tribunaux, a d'autre part demandé l'expert? Le projet de loi visant à introduire une définition de la torture dans le Code pénal bélarussien tient-il compte de tous les éléments de cette définition figurant à l'article premier de la Convention, a-t-il également demandé? Une autre experte a souligné que, faute de définition du délit de torture, il semble difficile de pouvoir donner suite comme il se doit aux allégations en la matière.

Un expert a constaté que le Bélarus continue d'appliquer la peine de mort tout en parlant de moratoire, et a demandé à la délégation d'apporter des précisions à ce sujet.

Le Bélarus a-t-il l'intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, ce qui aiderait grandement à la lutte contre cette pratique dans les lieux de détention, a demandé une experte.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT11/041F