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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA NORVÈGE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Norvège sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport, Mme Astri Aas-Hansen, Secrétaire d'État au Ministère de la justice et de la police de la Norvège, a rappelé les attaques perpétrées le 22 juillet dernier dans le pays qui ont coûté la vie à 77 personnes, dirigées contre les valeurs d'une société multiculturelle et démocratique. La Secrétaire d'État a fait valoir que la réponse des autorités norvégiennes à ces attaques a été de renforcer sa résolution à promouvoir encore davantage de démocratie, de transparence et d'intégration. À cet égard, la Norvège est déterminée à œuvrer à l'intégration et contre la discrimination, l'intolérance et les crimes de haine, et de faire en sorte que chaque individu établi en Norvège ait les mêmes opportunités et soit en mesure de participer à la société sur un pied d'égalité. Le Gouvernement a intensifié ses efforts de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance. En ce qui concerne les Samis de Norvège, Mme Aas-Hansen a reconnu que cette population est parfois confrontée à des situations de discrimination et les autorités doivent poursuivre leurs politiques en vue de combattre les préjugés contre les Samis et leur culture. Mme Aas-Hansen a par ailleurs indiqué qu'un projet de loi est en préparation sur la violence domestique. Elle a aussi indiqué que des mesures législatives sont envisagées concernant les mineurs en conflit avec la loi, notamment pour créer des unités de détention séparées pour les jeunes.

La délégation norvégienne était également composée du Représentant permanent de la Norvège auprès des Nations Unies à Genève, M. Steffen Kongstad, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice et police, de la santé et des services de soins, des enfants et de l'intégration sociale, et de la réforme, de l'administration et des affaires religieuses. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant notamment de l'exportation par la Norvège d'armes légères et de petit calibre; de l'utilisation de la contrainte en matière de soins de santé mentale; de l'intégration sociale des personnes issues de l'immigration; de l'emploi des personnes d'origine étrangère dans la fonction publique; de la situation des migrants; de la consultation des Sami sur les questions qui les concernent; de la situation des Roms; de la détention des mineurs en conflit avec la loi; du recours à l'isolement carcéral; de l'augmentation des cas de détention avant jugement et des dispositions applicables en la matière; de la détention dite préventive à l'encontre d'individus ayant déjà purgé leur peine. À cet égard, la délégation a expliqué que cette forme de détention préventive visait à protéger la société contre toute récidive de personnes ayant commis des crimes particulièrement dangereux lorsque la peine de prison imposée par les tribunaux est insuffisante pour protéger la société. La délégation a par ailleurs expliqué que l'augmentation des cas de détention avant jugement est liée une hausse du nombre de vols et cambriolages commis par des groupes criminels venus de l'étranger; un détenu sur trois dans les prisons norvégiennes est d'origine étrangère, a souligné la délégation.

À l'issue de l'examen du rapport norvégien, la Présidente du Comité, Mme Zonke Zanele Majodina, s'est félicitée de l'accent mis par le Gouvernement norvégien sur les politiques de lutte contre la discrimination. Elle a par contre relevé les préoccupations des membres du Comité face, notamment, à l'importance du problème de la violence domestique, aux mesures de contrainte utilisées dans les centres de santé mentale, à la situation des migrants et à la situation des minorités, en particulier les Samis de la mer et les Roms.

Le Comité présentera des observations finales sur le rapport de la Norvège à la fin de la session, le vendredi 4 novembre 2011.


Lors de sa prochaine séance publique, jeudi après-midi à 15 heures, le Comité tiendra une réunion avec les États parties au Pacte.


Présentation du rapport

MME ASTRI AAS-HANSEN, Secrétaire d'État au Ministère de la justice et de la police de la Norvège, a souligné que quelques jours seulement après que le pays eut présenté ses réponses à la liste de questions écrites que le Comité lui avait envoyée, la Norvège avait subi la pire attaque qu'elle ait jamais connue depuis la deuxième Guerre mondiale. Le 22 juillet, 77 personnes ont été tuées et de nombreuses autres blessées lors des attaques perpétrées contre des bâtiments du Gouvernement et lors de la tuerie sur l'île d'Utoya. Ces attaques semblent avoir été commises par un seul et même homme et étaient apparemment nourries par la haine à l'encontre d'une société multiculturelle, prenant alors pour cible les forces politiques qui permettent une immigration accrue en Norvège, a précisé Mme Aas-Hansen. Le 22 juillet représente donc une attaque contre la Norvège en tant que société démocratique et une attaque contre nos valeurs, a insisté la Secrétaire d'État. Le Gouvernement a mis sur pied une commission pour clarifier tous les aspects de ces attaques, a-t-elle indiqué, précisant que cette commission ferait rapport au Premier Ministre en août 2012. Sur un plan plus général, a poursuivi Mme Aas-Hansen, la réponse des autorités norvégiennes à ces attaques a été de renforcer sa résolution à promouvoir encore davantage de démocratie, de transparence et d'intégration. À cet égard, la Norvège est déterminée à travailler pour l'intégration et contre la discrimination, l'intolérance et les crimes de haine, a déclaré la Secrétaire d'État.

L'objectif du Gouvernement est de faire en sorte que chaque individu établi en Norvège ait les mêmes opportunités et soit en mesure de participer à la société sur un pied d'égalité, a-t-elle indiqué. Elle a ajouté que le Gouvernement avait intensifié ses efforts de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance dans le cadre de son Plan d'action pour la promotion de l'égalité et la prévention de la discrimination ethnique pour 2009-2012. le pays travaille également à la révision de la législation antidiscrimination et à une proposition de nouvelle loi sur la discrimination fondée sur l'orientation et l'identité sexuelles.

Une récente étude menée dans les zones samies de Norvège indique que près de 40% des Samis ont parfois ou souvent fait l'expérience de la discrimination, a d'autre part indiqué la Secrétaire d'État. Le Gouvernement prend les résultats de cette étude au sérieux, car ils indiquent que les autorités norvégiennes doivent poursuivre leurs politiques en vue de combattre les préjugés contre les Samis et leur culture, a-t-elle déclaré. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la création, en 1989, du Parlement sami et sur les procédures récemment mises en place en faveur de la participation démocratique des Samis.

En réponse à une autre question écrite, Mme Aas-Hansen a indiqué qu'en décembre 2010, le Gouvernement a lancé un plan d'action visant à prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent; ce plan traite des extrémismes d'extrême droite et d'extrême gauche et de l'islamisme extrémiste.

Le Ministère de la justice a engagé les préparatifs d'un livre blanc sur la violence par des proches et l'une des questions qui seront traitées dans ce contexte porte sur la nécessité de meilleures mesures pour prévenir la violence domestique, a par ailleurs souligné Mme Aas-Hansen. S'agissant de la question des jeunes en prison, elle a en outre indiqué que le Gouvernement norvégien a récemment proposé d'apporter plusieurs amendements à la législation relative aux jeunes en conflit avec la loi, les deux principaux ayant pour objectif d'introduire une nouvelle sanction pénale qualifiée de «peine pour mineur» et de créer des unités de prison séparées pour les jeunes. L'objectif premier du Gouvernement est de faire en sorte que les mineurs ne soient pas incarcérés et la sanction de «peine pour mineur» vise à réduire le nombre de mineurs en prison; elle vise les adolescents âgés de 15 à 18 ans ayant commis des crimes graves ou répétés et ne sera imposée par les tribunaux qu'avec le consentement et la participation active du mineur. Cette nouvelle sanction vise à remplacer le contrôle physique exercé par une prison par un contrôle social strict exercé par les services pertinents. Cette sanction durera au moins six mois et jusqu'à deux voire trois ans, a précisé Mme Aas-Hansen.

Répondant à une liste de questions écrites adressée au pays (des réponses écrites figurent au document CCPR/C/NOR/Q/6/Add.1 - en anglais), la délégation norvégienne a indiqué qu'une étude récemment menée en Norvège a montré que rien ne permettait d'affirmer que les fouilles pratiquées par la police visaient des personnes sur la seule base de leur appartenance ethnique.

S'agissant de la contrainte en matière de soins de santé mentale, la délégation a indiqué qu'un comité avait soumis un rapport au mois de juin dernier dans lequel il était conclu que la contrainte avait une place justifiable dans les soins de santé mentale, mais que les limites devaient être définies de manière plus étroite et plus claire. Une nouvelle stratégie nationale pour l'utilisation correcte et réduite de la contrainte en matière de soins de santé mentale sera prête d'ici l'an prochain, a précisé la délégation.

En réponse à une question écrite sur la violence domestique, la délégation a indiqué que le Code pénal avait été amendé en 2009 afin de permettre l'utilisation de la surveillance électronique de l'auteur du délit, mais a précisé que cet amendement n'était pas encore entré en vigueur. En dépit des mesures prises pour réduire la violence domestique, le nombre de cas rapportés a sensiblement augmenté ces dernières années, ce qui pourrait être en partie dû à une intensification des efforts déployés par la police.

En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, la délégation a fait valoir que dans le nouveau Code pénal norvégien, qui n'est pas encore entré en vigueur, la sanction encourue pour cette pratique a été rendue plus sévère, afin d'envoyer un signal clair que cette pratique n'est pas tolérée.

La délégation a indiqué qu'en 2010, des amendements ont été introduits dans la loi sur les enfants pour clarifier le fait que les châtiments corporels sont illégaux et punissables. En outre, une ligne téléphonique gratuite a été mise en place en juin 2009 à l'intention des enfants victimes de violences. Par ailleurs, des mesures visant à détecter les abus et violences contre les enfants ont été appliquées dans les hôpitaux et dans les écoles.

En réponse aux allégations faisant état d'une utilisation excessive des mesures de contrainte dans l'exécution des peines, la délégation a indiqué que seul un incident de mauvais traitement imputable à un membre du personnel pénitentiaire avait été rapporté en 2010 et qu'aucun incident de ce type n'a été enregistré, jusqu'à présent, en 2011.

Enfin, la délégation a fait valoir qu'un accord avait été conclu avec le parlement sami, en mai dernier, qui prévoit notamment un droit de pêcher dans les zones samies; les propositions de cet accord ont été entérinées par une majorité du parlement sami en juin, bien que le parlement sami ait une interprétation différente de la base juridique du droit de pêcher. Le Gouvernement norvégien présentera cette proposition d'accord au parlement norvégien pour approbation.

Le sixième rapport périodique de la Norvège (CCPR/C/NOR/6) indique que le Pacte et ses deux Protocoles ont été intégrés dans le droit norvégien par la loi de 1999 sur le renforcement du statut des droits de l'homme en droit norvégien (loi sur les droits de l'homme). Il indique par ailleurs que la loi sur l'immigration de 2008 selon laquelle un ressortissant étranger peut être arrêté et placé en garde à vue s'il y a une forte probabilité pour qu'il se soustraie à l'exécution d'une décision lui enjoignant de quitter le royaume. Selon des dispositions nouvelles de l'actuelle loi sur l'immigration, il convient de ne pas avoir recours à l'arrestation et à la garde à vue lorsque la confiscation du passeport, l'obligation de se présenter, ou l'assignation à résidence dans un lieu donné peuvent être appliquées. En outre, selon l'actuelle loi sur l'immigration, l'arrestation est ordonnée par le ministère public, et non plus par le chef de la police. Aux termes de l'actuelle loi sur l'immigration, la détention est ordonnée par périodes de deux semaines à la fois et ne peut excéder une durée totale de six semaines.

Les services correctionnels norvégiens ont adopté le principe directeur selon lequel une personne condamnée doit purger sa peine à proximité de son domicile, conformément à la loi sur l'exécution des peines. En outre, il y a très peu de mineurs dans les prisons norvégiennes (habituellement entre cinq et dix personnes). Si la Norvège devait respecter à la fois le principe de séparation des mineurs et des adultes et le principe de proximité, les mineurs seraient placés dans un isolement quasi complet. Pour éviter que les mineurs ne purgent leur peine avec des adultes ou dans un isolement total, la Norvège crée actuellement des unités pénitentiaires spécifiques pour jeunes délinquants. En matière de droits syndicaux, le rapport attire notamment un l'attention sur un jugement de la Cour suprême selon lequel la «redevance de contrôle» que le syndicat des marins norvégiens imposait aux non-membres couverts par sa convention collective était illégale et injustifiée. Il doit par ailleurs être possible de vérifier que la redevance n'est utilisée que pour contrôler les salaires et les conditions de travail des travailleurs et non à d'autres fins, faute de quoi cela signifierait que les travailleurs sont contraints de soutenir un syndicat auquel ils ne souhaitent pas adhérer.

Le Gouvernement et le Parlement sami (Sámediggi) ont conclu en 2005 un accord sur les «procédures de consultation entre les autorités de l'État et le Sámediggi», ce qui a permis d'améliorer la sensibilisation de l'ensemble de l'appareil étatique concernant l'obligation de consultation. De janvier 2008 à mai 2009, des consultations formelles ont eu lieu dans 40 affaires différentes et ont abouti à des accords dans la quasi-totalité des cas. Ainsi, une nouvelle loi sur l'exploitation minière a été adoptée par le Parlement au printemps 2009 et entrera en vigueur le 1er janvier 2010. La nouvelle loi sur l'exploitation minière contient des dispositions spéciales relatives au Finnmark: toute personne ou entreprise désireuse de procéder à une exploration minière sur le territoire du Finnmark doit, au plus tard deux semaines avant le début de cette activité, en informer le Sámediggi, le propriétaire, le bureau de l'élevage du renne de la zone concernée et du comté et, autant que possible, la siida (communauté pastorale) affectée. La licence permettant de mener des activités de prospection et d'extraction dans le comté de Finnmark peut être refusée si les intérêts samis sont menacés. L'examen des demandes de licence doit prendre dûment en compte la culture samie, l'élevage du renne, l'utilisation des zones non-cultivées, l'activité commerciale et la vie sociale. Si la demande est accordée, elle peut être assortie de conditions visant à préserver ces divers éléments. Si le ministère accorde la licence, il est possible de faire appel de cette décision auprès du Conseil privé du Roi, auprès du Sámediggi ou auprès du Domaine du Finnmark, en sa qualité de propriétaire, avec effet suspensif. L'un des objectifs du Livre blanc no28 sur la politique relative aux Samis (2007–2008) était de renforcer les langues samies. Un plan d'action a donc été présenté en mai 2009 pour la période 2009-2014, indique en outre le rapport.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

S'agissant du cadre général d'application, un membre du Comité a jugé excellent le rapport périodique présenté par la Norvège avec seulement un mois de retard. Il s'est toutefois inquiété que, selon certaines informations, l'institution nationale de droits de l'homme de la Norvège pourrait perdre son statut A. Il s'est également inquiété que la Norvège affirme, s'agissant des pratiques discriminatoires sur le marché du travail, que le Gouvernement n'est pas en mesure de décider qui doit être employé dans le secteur municipal ou dans le secteur privé. Il a estimé à ce sujet que le Gouvernement devrait pouvoir encourager et promouvoir une attitude non discriminatoire au sein de la société, y compris dans les municipalités. Un membre du Comité a notamment demandé si les dispositions du Pacte ont déjà été invoquées par les tribunaux norvégiens.

Un autre expert a relevé qu'en 2009, une ligne téléphonique gratuite avait été créée à l'intention des enfants victimes de violences, en tant que projet-pilote mis en place pour deux ans; les autorités ont-elles l'intention de maintenir et pérenniser cette ligne téléphonique?

Évoquant la question de la violence contre les femmes, une experte a rappelé que lors de l'examen du cas de la Norvège auquel a procédé le Conseil des droits de l'homme l'an dernier dans le cadre de l'Examen périodique universel, des inquiétudes avaient été exprimées quant au faible nombre d'enquêtes engagées suite à des plaintes pour viol qui avaient abouti à des condamnations. Un autre expert a souhaité savoir quand entrera en vigueur l'amendement apporté au Code pénal en vue d'accroître les sanctions encourues pour mutilations génitales féminines.

Un membre du Comité s'est inquiété qu'il ne semble pas exister en Norvège de droit absolu à être représenté par un conseil et a voulu savoir en particulier si une aide juridique gratuite est prévue pour les requérants d'asile. Un autre expert s'est inquiété des conditions auxquelles semble soumis le droit d'accès à une aide juridictionnelle dans le cadre des procédures d'asile, et plus particulièrement dans les cas d'appel contre des décisions prises dans ce contexte.

Un expert a demandé des précisions à la Norvège s'agissant de la réglementation relative à l'exportation des armes légères et de petit calibre.

Un membre du Comité a relevé que plusieurs organisations non gouvernementales se sont inquiétées de pratiques de mauvais traitements ou de privation non justifiée de liberté à l'égard de personnes recevant des soins de santé mentale et a voulu savoir quelles mesures ont été prises par les autorités norvégiennes dans ce domaine.

Une experte s'est inquiétée de l'augmentation du nombre de cas de détention avant jugement en Norvège, jugeant insuffisantes les explications fournies par le pays à ce sujet, à savoir que ces cas augmentent en raison de l'augmentation du nombre d'infractions et qu'en tout état de cause, la période passée en détention avant jugement est déduite de la durée totale de la peine infligée - ce qui est bien le moins. Il est étonnant qu'un pays comme la Norvège pratique autant la détention avant jugement, alors que ce devrait être une mesure de dernier recours et qu'il y aurait des mesures alternatives, comme par exemple le bracelet électronique.

L'experte s'est également inquiétée du recours à la détention au secret, à titre de sanction contre une personne déjà condamnée, mais aussi dans le cadre de mesures d'isolement avant jugement.

La même experte a en outre souhaité en savoir davantage au sujet de la détention préventive d'individus ayant déjà purgé leur peine: quelles dispositions ont été prises en vue de réévaluer la dangerosité de l'individu concerné?

L'experte a par ailleurs relevé que, selon des organisations non gouvernementales qui ont témoigné devant le Comité, la garde à vue de mineurs de 15 à 18 ans est fréquente en Norvège et peut durer jusqu'à 90 heures; elle a souhaité connaître les disposition légales en matière de durée de la garde à vue et des infractions pouvant la motiver, ainsi qu'en ce qui concerne la garde à vue de mineurs. Elle a aussi voulu savoir si le mineur se retrouve seul face à la police ou si un tuteur ad hoc est désigné. En outre, l'audition du mineur fait-elle l'objet d'un enregistrement vidéo?

S'agissant de la situation de la population samie, plusieurs membres du Comité ont évoqué l'accord sur la pêche passé avec le Sámediggi (parlement sami) en se félicitant que les deux parties soient parvenues à cet accord et en demandant quelques précisions à ce sujet.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant du cadre général d'application, la délégation les a notamment assurés que la Norvège prend ses obligations en matière de droits de l'homme avec le plus grand sérieux. Les droits de l'homme sont pris en compte et intégrés dans les différents secteurs gouvernementaux, les ministères pertinents s'assurant du suivi des recommandations adressées au pays par les différents organes des droits de l'homme, notamment ceux de l'ONU. Certes, la Norvège ne dispose pas d'un un plan national d'ensemble pour les droits de l'homme, mais le pays a lancé des plans nationaux portant sur des questions spécifiques de droits de l'homme, comme la violence domestique, la lutte contre la discrimination, la lutte contre la traite de personnes, ou encore la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix.

Pour ce qui est du statut du Pacte dans l'ordre juridique interne et plus précisément de la question de savoir si ce sont les dispositions du Pacte ou celles du droit interne qui prévalent en cas de conflit entre les deux, la délégation a indiqué que, les instruments du droit international étant intégrés dans le droit national - qui est le droit suprême - le problème ne se pose pas de savoir comment résoudre un éventuel conflit entre droit international et droit national, mais plutôt de savoir comment le droit international doit être interprété lorsqu'il est intégré dans le droit national.

L'institution nationale norvégienne des droits de l'homme s'est vu octroyer le statut A par le Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme (CCI) en 2006 et cet octroi du statut A doit faire prochainement l'objet d'une évaluation, conformément à la pratique du CCI. En fonction des résultats de cette évaluation, les autorités norvégiennes verront si le statut de l'institution nationale doit être modifié, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne l'utilisation de la contrainte sur les personnes recevant des soins de santé mentale, la délégation a souligné qu'un rapport a été présenté sur cette question au mois de juin dernier par un comité qui a conclu que la contrainte avait une place justifiable dans le cadre des soins de santé mentale. Ce rapport a été soumis à une consultation publique ouverte jusqu'en janvier 2012. Quatre moyens de contrainte, notamment l'utilisation de la ceinture ou le recours à l'isolement, sont autorisés par la loi sur les soins de santé mentale, a rappelé la délégation, précisant que le recours a ces moyens de contrainte a augmenté depuis 2007, les statistiques variant d'un établissement à l'autre, y compris pour ce qui est du type de contrainte utilisé.

La Norvège envisage actuellement d'adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, à condition qu'elle soit en mesure de créer le mécanisme national requis de prévention de la torture, un groupe de travail ayant été créé pour examiner les possibilités en la matière, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le rapport d'évaluation de la ligne téléphonique gratuite créée en 2009 pour les enfants victimes de violences a été rendu cet été mais n'a pas encore été publié, a indiqué la délégation. Elle n'est donc pas en mesure, à ce stade, de préciser si cette ligne téléphonique gratuite serait maintenue. Tous les cas de décès d'enfants de moins de 18 ans par mort inattendue doivent désormais faire l'objet d'une enquête de la police, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a souligné qu'un demandeur d'asile ne peut pas être renvoyé de Norvège dans un état tiers si cela va à l'encontre des engagements internationaux de la Norvège, notamment en vertu de la Convention sur les réfugiés. Les requérants d'asile bénéficient d'une aide juridique de la part de l'Organisation pour les demandeurs d'asile de la Norvège qui reçoit un financement du Ministère de la justice, a par ailleurs fait valoir la délégation. Elle a indiqué, en réponse à une autre question, que les autorités compétentes en matière d'immigration ont reçu pour instruction de respecter les droits fondamentaux des requérants d'asile. Dans ce cadre, on veille à ce que toutes les garanties et procédures nécessaires soient respectées, a-t-elle ajouté.

L'intégration sociale des populations issues de l'immigration est une priorité du Gouvernement, l'un des objectifs fixés en la matière portant sur l'emploi de ces personnes, a d'autre part souligné la délégation. Elle a précisé que le taux d'emploi de personnes issues de l'immigration dans la fonction publique se situait à 3,2% en 2008, à 3,6% en 2009 et à 3,8% en 2010. Elle a par la suite indiqué que la part d'employés d'origine étrangère dans la fonction publique est passée de 5,7% en 2004 à 9% en 2010.
En ce qui concerne la situation des migrants en matière d'accès au logement, la délégation a fait état d'un rapport ayant conclu à l'existence de discriminations en la matière, même s'il est difficile d'apporter des preuves de telles discriminations. Ce rapport souligne néanmoins que l'origine étrangère n'est pas le seul motif freinant l'accès à la location; il y a également les cas où un propriétaire peut préférer louer son appartement à un étudiant, a précisé la délégation.

Les sanctions prévues pour mutilations génitales féminines sont désormais plus lourdes, a souligné la délégation. Cette pratique est condamnable en vertu d'une loi de 1995 et les peines encourues ont été aggravées; elles peuvent désormais aller jusqu'à six ans d'emprisonnement voire 15 ans si la mutilation est considérée comme grave. Les mutilations génitales féminines sous toutes leurs formes sont illégales, y compris lorsqu'elles ont été pratiquées en dehors du territoire norvégien, a insisté la délégation.

La délégation norvégienne a indiqué que chaque année, le Ministère des affaires étrangères présente un rapport sur l'exportation d'armes légères et de petit calibre. Le contrôle des exportations se fait sur une base juridique et le principe de base veut que la Norvège n'exporte pas d'armes vers des régions touchées par une guerre, un conflit armé ou une menace de guerre. Pour ce qui est de la question de l'éventuelle ré-exportation d'armes norvégiennes, la Norvège demande toujours que lui soit spécifiée la destination finale des armes qu'elle exporte, a ajouté la délégation, précisant que le pays exige que les armes ne soient pas revendues sans l'accord des autorités norvégiennes.

S'agissant de l'administration de la justice, la délégation a indiqué que la Norvège connaît effectivement une augmentation du nombre de détentions avant jugement. Cette hausse est liée à l'augmentation des vols commis par des groupes criminels venus de l'étranger, qui pénètrent en voiture en Norvège et viennent notamment y cambrioler des maisons et des fermes, a-t-elle précisé. Un détenu sur trois dans les prisons norvégiennes est actuellement d'origine étrangère, a souligné la délégation. Quoi qu'il en soit, la détention avant jugement doit rester une mesure de dernier recours et les tribunaux doivent envisager toute alternative avant d'imposer ce type de peine.

La détention préventive d'individus ayant déjà purgé leur peine vise à protéger la société contre toute récidive de personnes ayant commis des crimes particulièrement dangereux - viols et agressions très violentes, en particulier - lorsque la peine de prison imposée par les tribunaux est insuffisante pour protéger la société, a expliqué la délégation.

Pour ce qui est du placement en détention au secret (ou en isolement), la délégation a indiqué qu'en Norvège, le cumul du nombre total de jours passés en isolement reste stable. Pour les mineurs, il existe une limite absolue de huit semaines de placement en isolement, a-t-elle précisé. S'agissant du placement en isolement pendant l'exécution d'une peine, c'est-à-dire pour une personne condamnée, la délégation a souligné que les sanctions disciplinaires en prison sont fixées par la loi. Ainsi, les services correctionnels peuvent décider de placer le prisonnier à l'isolement, notamment pour éviter la violence ou des dommages matériels ou pour maintenir la paix, l'ordre ou la sécurité dans la prison. L'isolement doit être utilisé comme mesure de dernier recours, a rappelé la délégation.

Actuellement, a indiqué la délégation, le nombre de mineurs en prison en Norvège se situe autour de la dizaine, la moitié purgeant une peine et l'autre moitié se trouvant en détention avant jugement. Il n'y a pas d'enregistrement vidéo des auditions de mineurs, a précisé la délégation. Elle a ensuite souligné que les mineurs ne sont placés en détention avant jugement que dans les cas de crimes très graves.

En ce qui concerne l'accord passé avec le parlement sami sur le droit de pêche, la délégation a indiqué que les autorités norvégiennes ont mené en 2008 des consultations avec le parlement sami, qui ont abouti cette année. «Le parlement sami a un raisonnement différent de celui des ministères norvégiens s'agissant de l'interprétation juridique de ces questions», a déclaré la délégation, mais un accord a pu être conclu sur les aspects pratiques et de nouvelles mesures vont donc être prises pour sauvegarder le droit de pêche des Samis de la mer.

En ce qui concerne la situation des Roms, la délégation a indiqué que les autorités estiment à 700 le nombre de Roms résidant à Oslo. Mais nombre de minorités en Norvège sont réticentes à un enregistrement sur la base de leur origine ethnique. La délégation a fait état d'un plan d'action visant à améliorer les conditions des Roms. Les autorités norvégiennes sont conscientes des difficultés qui se posent en matière de scolarisation des enfants roms, a-t-elle ajouté. Il existe certains problèmes de discrimination en termes d'accès au logement, ainsi que des difficultés en matière d'éducation et d'emploi, a en outre reconnu la délégation.

Conclusion

MME ZONKE ZANELE MAJODINA, Présidente du Comité, a jugé constructif le dialogue qui s'est déroulé entre le Comité et la délégation norvégienne. Elle s'est félicitée de l'accent mis par le Gouvernement norvégien sur les politiques de lutte contre la discrimination. Elle a toutefois souligné que les membres du Comité ont exprimé des préoccupations s'agissant de l'importance du problème de la violence domestique, ainsi que par les mesures de contrainte utilisées dans les centres de santé mentale. Des préoccupations ont également été exprimées par les experts au sujet de la situation des migrants, en particulier au regard de la politique en matière de regroupement familial. Par ailleurs, le Comité attend de recevoir davantage d'informations concernant la détention avant jugement et continue d'avoir quelques inquiétudes au sujet de la situation des minorités, en particulier les Samis de la mer et les Roms.


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CT11/021F