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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE LA CÔTE D'IVOIRE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le premier rapport présenté par la Côte d'Ivoire sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Le rapport de la Côte d'Ivoire a été présenté par la Ministre de la famille, de la femme et de l'enfant, Mme Raymonde Coffie Goudou, qui a rappelé que le pays a connu pendant plus d'une décennie une série de crises sociopolitiques. Il a fallu plusieurs accords de paix signés sous l'égide de la communauté internationale pour que, finalement, des élections libres, transparentes, ouvertes et démocratiques soient organisées en octobre 2010, qui ont été remportées par M. Alassane Ouattara. Après une crise postélectorale aux effets dévastateurs, le pays est à nouveau sécurisé, la réunification s'est réalisée et une Commission de vérité et de réconciliation vient d'être créée. La Ministre a toutefois ajouté que le pays avait besoin d'être aidé pour relever le niveau de vie des femmes, pour combattre la pauvreté et l'analphabétisme, les violences basées sur le genre, les mutilations génitales féminines, les stéréotypes, le VIH/sida. Elle a notamment reconnu que les stéréotypes subsistent dans les ouvrages scolaires, les mass media et dans la vie communautaire. En outre, les différentes crises qui ont secoué le pays ont aggravé les phénomènes d'exploitation et de violence contre les femmes. La Ministre a toutefois fait valoir que la Convention est d'application directe et immédiate et qu'elle a une autorité supérieure à celle des lois nationales. Elle a aussi fait valoir que le taux de scolarisation des jeunes filles s'est considérablement amélioré et que la mortalité maternelle a connu une légère baisse.

La délégation ivoirienne était également composée d'un conseiller technique chargé de la planification; de la Directrice de l'égalité et de la promotion du genre; de la Présidente de l'Organisation des femmes actives de Côte d'Ivoire; et de représentants de la Mission permanente de la Côte d'Ivoire auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les travaux de la Commission de vérité et de réconciliation; les efforts menés pour lutter contre l'impunité; la lutte contre les violences basées sur le sexe; l'incrimination des mutilations génitales féminines et du viol; la situation des réfugiés et personnes déplacées suite à la crise postélectorale; la lutte contre les stéréotypes; l'âges du mariage pour les filles et les garçons; les questions relatives à la traite de personnes; la participation des femmes à la vie politique et publique; les questions de citoyenneté; les questions d'éducation et de santé; les questions de travail et d'emploi.

Les membres du Comité ont souligné la fragilité de la Côte d'Ivoire en raison de l'instabilité politique et de la pauvreté. Ils ont insisté sur l'importance de permettre aux femmes victimes de violences de demander justice. Certains ont constaté que le Ministère de la femme, de la famille et de l'enfant ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour remplir son rôle en matière de promotion de la femme et de protection des droits de la femme. Des membres du Comité ont aussi souligné la nécessité de poursuivre les membres des forces de maintien de la paix de l'ONU qui se seraient rendus coupables de violences sexuelles en Côte d'Ivoire.


Le Comité se réunit la semaine prochaine dans le cadre de séances privées consacrées en particulier à l'adoption d'observations finales sur tous les rapports examinés au cours de la présente session. Le Conseil tiendra une séance publique de clôture le vendredi 21 octobre prochain, vers 16 heures.



Présentation du rapport

MME RAYMONDE COFFIE GOUDOU, Ministre de la famille, de la femme et de l'enfant de la Côte d'Ivoire, a indiqué que la Côte d'Ivoire compte aujourd'hui plus de 20,8 millions d'habitants dont 49% sont des femmes. Après avoir attiré l'attention sur «la crise que le pays a connue de façon successive depuis 1999», elle a rappelé que le pays a connu pendant plus d'une décennie une série de crises sociopolitiques dont les premières ont abouti à une rébellion armée en 2002 qui a provoqué la partition du pays. Il a fallu plusieurs accords de paix signés sous l'égide de la communauté internationale pour que, finalement, des élections libres, transparentes, ouvertes et démocratiques soient organisées en octobre 2010. Ces élections présidentielles, certifiées par les Nations Unies, ont été remportées par M. Alassane Ouattara. Malheureusement, la Côte d'Ivoire a dû encore subir une crise postélectorale aux effets dévastateurs. Mais aujourd'hui, le pays est à nouveau sécurisé, la réunification s'est réalisée et une Commission de vérité et de réconciliation vient d'être créée.

Au terme de plusieurs mois de travaux sous la Direction du Ministère de la famille, de la femme et de l'enfant, une évaluation de la situation de la femme en Côte d'Ivoire a été réalisée. Mme Coffie Goudou a souligné que le Gouvernement ivoirien se félicite de l'œuvre accomplie depuis plus d'une décennie et ce, en dépit des graves crises qu'a connues le pays depuis 1999. Toutefois, il reconnaît qu'il y a des insuffisances ci et là et c'est pourquoi il s'est efforcé de soumettre au Comité un rapport objectif, a ajouté la Ministre. Nous avons besoin d'être aidés, d'être soutenus pour relever le niveau de vie des femmes, cette frange de la population très active dans le développement du pays et qui, pourtant, est encore en butte à certaines pratiques nocives, a déclaré la Ministre. Elle a ajouté que le pays a «besoin d'aide pour combattre la pauvreté et l'analphabétisme, les violences basées sur le genre, les mutilations génitales féminines, les stéréotypes, le VIH/sida…».

Bien que ne mentionnant pas de façon expresse le terme de «discrimination à l'égard de la femme», la Constitution de 2000 pose le principe de l'égalité entre les sexes, a poursuivi la Ministre. En outre, la Convention est d'application directe et immédiate, avec une autorité supérieure à celle des lois nationales.

Le 21 février 2007, a poursuivi Mme Coffie Goudou, le Président de la République a signé la Déclaration solennelle de la Côte d'Ivoire sur l'égalité des chances, l'équité et le genre. Cette mesure traduit l'engagement politique du Gouvernement et constitue l'instrument d'orientation de la politique nationale sur le genre et de la mise en œuvre du quota de 30% recommandé par la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing; cette Déclaration est en voie d'être traduite en loi d'orientation en vue de son application, a précisé la Ministre.

Les stéréotypes représentent un obstacle important sur la voie de l'égalité entre les sexes, a par ailleurs souligné Mme Coffie Goudou. On les rencontre dans les ouvrages scolaires, les mass media et dans la vie communautaire, a-t-elle précisé, avant de faire valoir les diverses mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène: révision depuis 2004 des manuels scolaires afin d'en retirer les stéréotypes sexistes, formation des concepteurs de manuels scolaires et des enseignants à la prise en compte de l'approche sexospécifique, sensibilisation et information du public, entre autres.

Les différentes crises qui ont secoué le pays ont aggravé les phénomènes d'exploitation et de violence contre les femmes, a d'autre part souligné Mme Coffie Goudou. Face à cette triste réalité, le Gouvernement a renforcé les services octroyés aux femmes victimes de violences par la création de centres sociaux et la mise en place d'un Comité national de lutte contre les violences faites aux femmes.

L'éducation et l'emploi des jeunes et des femmes ont toujours été une priorité du Gouvernement, a en outre déclaré Mme Coffie Goudou. Aujourd'hui, a-t-elle fait valoir, le taux de scolarisation de la jeune fille s'est considérablement amélioré.

En matière de santé et d'accès aux services médicaux, la Ministre a fait état des programmes exécutés en faveur de la femme et de la mère: Programme national de la santé de la reproduction et de la planification familiale; Programme national de nutrition; Programme national de prise en charge des personnes vivant avec le VIH et mesures y associées pour la prévention de la transmission de la mère à l'enfant; Plan stratégique national de lutte contre le VIH. La mortalité maternelle a connu une légère baisse, a notamment indiqué Mme Coffie Goudou. Elle a en outre fait part des programmes exécutés par le Gouvernement en matière de promotion de la femme rurale.

Malgré ces «quelques points forts des progrès réalisés» par la Côte d'Ivoire, la Ministre a reconnu que «de nombreuses difficultés et résistances se sont dressées et continuent de se dresser sur le chemin pour l'atteinte des objectifs visés par la Convention». La difficulté majeure à laquelle se heurte la volonté des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la Convention est l'instabilité politique, a-t-elle précisé. Cette situation a accentué la précarité des conditions de vie des femmes; la manifestation de cette précarité se traduit par le difficile accès des femmes aux services médicaux primaires, à l'éducation, a souligné Mme Coffie Goudou. Il faut ajouter à cela l'insuffisance des ressources financières dont dispose l'État pour la prise en compte des besoins spécifiques des femmes.

Le Gouvernement ivoirien est déterminé à offrir aux femmes et aux hommes les mêmes chances et opportunités pour participer au développement économique et social du pays, a indiqué la Ministre. Elle a fait savoir que le Gouvernement avait décidé de prendre une série de mesures urgentes pour s'attaquer aux différents problèmes et répondre à tous les besoins créés par la crise postélectorale. Au nombre de ces mesures, elle a cité, entre autres: l'achèvement rapide des réformes législatives en cours (Code pénal, Code de procédure pénale, Code civil, Code électoral); le renforcement des capacités institutionnelles et humaines du Ministère de la famille, de la femme et de l'enfant; la répression des violences basées sur le genre et le démarrage, avant la fin de l'année, de la phase de répression des mutilations génitales féminines; l'assistance et l'encadrement des femmes victimes de la crise; et la diffusion de la Convention.

La Ministre ivoirienne a enfin assuré le Comité que son gouvernement avait décidé de prendre à bras le corps le problème de la traite et l'exploitation des enfants dans les exploitations de culture du cacao.

Le rapport de la Côte d'Ivoire (CEDAW/C/CIV/1-3) souligne que la population ivoirienne est multiethnique. Quatre grands groupes ethniques (les Voltaïques, les Mandé, les Akans et les Krou), comprenant environ une soixantaine d'ethnies, constituent les nationaux d'origine. L'indice de pauvreté en Côte d'Ivoire atteint 40,3 % en 2004, mettant le pays au 92e rang de 108 pays en développement. Le rapport reconnaît que certaines lois nationales encore en vigueur mais en nombre très limité comportent des dispositions non conformes à la Convention, en particulier des dispositions discriminatoires à l'égard de la femme. Ainsi, différents articles de la loi de 1983 relative au mariage fixent de façon inégalitaire l'âge de la majorité civile et les rôles des époux au sein du foyer. Ils attribuent à l'homme tous les droits dans la prise des décisions importantes qui engagent la vie du foyer, la femme se réduisant à l'exécution des tâches. Par ailleurs, des discriminations sont décelées dans des articles la loi de 1964 sur le divorce et la séparation de corps modifiée et complétée par les lois de 1983 et de 1998, qui prévoit que la femme doit attendre au moins deux ans avant de se remarier, alors qu'aucun délai n'est imposé à l'homme. En outre, le Gouvernement peut s'opposer à l'acquisition de la nationalité ivoirienne par la femme étrangère mariée à un Ivoirien. D'autre part, la loi de 1981 instituant un code pénal prévoit notamment que le délit d'adultère de la femme est différemment caractérisé de celui du mari, surtout en matière d'admission de preuves. Enfin, la loi de 1998 réprimant certaines formes de violence à l'égard des femmes ne prend pas en compte les violences conjugales qui sont dans la pratique les plus fréquentes. Les seules dispositions pouvant être invoquées sont les dispositions générales contenues dans le Code pénal sur les coups et blessures.

Au titre des coutumes et pratiques traditionnelles ou religieuses discriminatoires à l'égard des femmes, le rapport reconnaît que la pratique de la dot, qui est pourtant un délit pénal en Côte d'Ivoire, s'observe pratiquement dans toutes les cultures. En outre, les rites de veuvage comme le lévirat et le sororat s'observent encore dans certaines régions. Par ailleurs, les unions traditionnelles forcées ou précoces et les unions libres qui restreignent la liberté de la femme et surtout de la jeune fille constituent des formes de violences morales exercées sur la femme. Les mutilations génitales féminines, avec un taux de prévalence de 36,4%, demeurent une pratique assez répandue en Côte d'Ivoire et constituent une violence grave à l'égard de la femme avec des conséquences néfastes sur sa santé. Toutes ces pratiques, pour la plupart interdites par la loi, sont toujours observées au sein des familles et des communautés et portent fortement atteinte à l'intégrité physique et morale de la femme. Le rapport indique toutefois qu'un projet de révision du Code des personnes et de la famille est en cours. Le projet de texte, qui est prêt et soumis au Gouvernement pour validation, a été élaboré dans le sens de corriger les inégalités qui existent entre l'homme et la femme en matière de droits issus du mariage, de divorce, de succession, d'adoption, de filiation et de minorité.

Le taux net de scolarisation des filles du primaire est de 53,07 % contre 58,84 % pour les garçons en 2008, indique par ailleurs le rapport. Quant au taux brut d'admission au second cycle, il était de 11,8% pour les filles et 19,9% pour les garçons en 2007/2008. De façon générale, le constat est que le cycle de l'éducation de base rejette près de 10 % de ses effectifs par an. Ce qui renvoie à un détournement de l'école de sa vocation, celle d'éduquer, de former et d'instruire. Ainsi, aussi bien le cycle primaire que le secondaire enregistrent un fort taux de déperdition lié aux redoublements et aux abandons, surtout chez les filles. Les principales raisons pour lesquelles les filles ou les femmes interrompent leurs études sont la grossesse, les mariages forcés, le manque de moyens financiers et la maladie. À cela s'ajoutent les préjugés sexistes qui constituent encore des freins à la scolarisation des filles. Quant aux écoles confessionnelles musulmanes, les programmes d'enseignement sont en inadéquation avec les programmes officiels, ce qui pose le problème de la reconnaissance des diplômes et d'insertions professionnelles.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a souhaité savoir si les autorités ivoiriennes entendaient se doter d'un plan d'action visant à orienter, selon un calendrier établi, la manière dont vont être révisées les différentes lois encore discriminatoires à l'égard des femmes.

Tout en se disant consciente de la fragilité de la Côte d'Ivoire en raison de l'instabilité politique et de la pauvreté, une autre experte s'est demandée – compte tenu de la faiblesse du système judiciaire dans certaines parties du pays – comment les femmes victimes des événements qui se sont produits dans le pays depuis 2002, vont pouvoir obtenir justice, notamment en portant plainte pour viols et autres violences sexuelles qu'elles ont subies, et être protégées dans ce contexte. Une autre experte a aussi souligné que les victimes doivent être indemnisées et être informées des recours mis à leur disposition à cette fin. Elle a attiré l'attention sur les difficultés financières et humaines auxquelles est confronté le système de justice pénale en Côte d'Ivoire et a voulu savoir si le Gouvernement ivoirien entend se doter d'un plan d'action pour donner suite à la résolution 1325 du Conseil de sécurité. Elle a ajouté qu'il ne peut y avoir de réconciliation durable sans justice.

L'experte a en outre demandé si le Gouvernement ivoirien entend ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et mettre sa législation interne en conformité avec ce Statut. Tout en se félicitant de la mise en place récente d'une Commission de vérité et de réconciliation, l'experte a regretté que le mandat de cette Commission ne porte que sur les causes profondes du conflit et la nécessité d'instaurer une paix durable. Or, il faudrait que la Commission intègre le caractère indivisible de tous les droits de l'homme et puisse connaître de tous les cas de violences et violations des droits de l'homme commis durant le conflit, y compris les violences sexuelles, a souligné l'experte. Elle s'est d'autre part inquiétée d'informations faisant état d'attaques de milices contre des civils dans des zones occidentales du pays.

Une autre experte a jugé inquiétant de constater que, très clairement, le Ministère de la femme, de la famille et de l'enfant ne dispose pas des ressources financières nécessaires, alors qu'il joue un rôle central en matière de promotion de la femme et de protection des droits de la femme dans le pays.

Il n'y a pas en Côte d'Ivoire de base juridique pour introduire et appliquer des mesures temporaires spéciales, a regretté une experte, demandant à la délégation si le pays envisageait de remédier à cette situation et d'adopter de telles mesures.

La Côte d'Ivoire est une société patriarcale où prévalent les stéréotypes, a fait observer une experte, soulignant qu'il y a là une des causes majeures des discriminations voire des violences dont sont victimes les femmes. Les mariages forcés et précoces, les mutilations génitales féminines sont autant de pratiques qui ne sont pas incriminées par la législation ivoirienne, en l'état actuel, a déploré cette experte.

Le viol est certes sanctionné par le Code pénal, mais il n'est pas défini, ce qui rend difficile l'accès effectif des victimes à une justice en la matière, a souligné une experte.

Une experte s'est inquiétée d'informations selon lesquelles des membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies se seraient rendus coupables de violences sexuelles à l'égard de femmes en Côte d'Ivoire. Les Nations Unies ont une tolérance zéro à l'égard de ce phénomène et ont déclaré dernièrement que si ces allégations étaient fondées, il ressortait de la responsabilité des autorités du pays concerné de prendre des mesures contre les agents concernés, a relevé cette experte. Il faut donc s'assurer que les auteurs de ces violences, si ces allégations sont fondées, soient traduits en justice, a insisté l'experte.

Une experte s'est enquise des mesures prises par les autorités ivoiriennes pour accroître la participation des femmes dans tous les aspects de la vie publique et politique. Il y a actuellement en Côte d'Ivoire cinq femmes ministres sur un cabinet d'une trentaine de ministres et cela n'est pas suffisant, a souligné une autre experte.

Une autre experte a souhaité savoir si la Côte d'Ivoire entendait modifier son Code la nationalité afin de supprimer la prérogative du Gouvernement de s'opposer à l'acquisition de la nationalité ivoirienne par une femme étrangère épousant un Ivoirien, alors qu'une telle possibilité d'opposition n'existe pas dans le cas de l'homme étranger qui épouse une Ivoirienne.

En Côte d'Ivoire, aucune femme ne travaille dans la gendarmerie, ont déploré plusieurs expertes. Il semblerait qu'il en aille quasiment de même dans les forces de police, a ajouté l'une d'elles.

Qu'en est-il des inspections du travail et des sanctions prises à l'encontre des personnes et entreprises qui recourent au travail des enfants en Côte d'Ivoire, a-t-il été demandé?

S'agissant des questions de santé, une experte a jugé insuffisant le budget alloué au Ministère de la santé au regard de tous les problèmes qui se posent dans ce domaine. Une experte s'est enquise des mesures prévues par les autorités pour réduire l'incidence du VIH/sida chez les femmes de Côte d'Ivoire. Les femmes ne prennent pas de décision quant à leur propre fertilité, a relevé une autre experte, plaidant pour le développement de campagnes de sensibilisation.

Une experte s'est inquiétée de la situation profondément alarmante des femmes rurales alors que la pauvreté globale en zones rurales a été exacerbée par la crise, pour atteindre un taux de 62,5% en 2008.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation a notamment tenu à souligner qu'une grande partie de la population ivoirienne est analphabète, et a attiré l'attention sur le grand nombre de femmes rurales dans le pays. Pour permettre aux femmes de s'approprier les textes de lois, il faut mettre au point des mesures de proximité et faire en sorte que la Convention soit traduite dans les trois ou quatre grandes langues du pays.

Une réforme du système judiciaire, à la fois structurelle et législative, est en cours, a rappelé la délégation aux experts qui ont soulevé cette question.

La délégation a par ailleurs fait remarquer que le Ministère en charge des questions féminines en Côte d'Ivoire n'a jamais été très fortement doté en ressources financières. À cet égard, la délégation a attiré l'attention sur l'importance que revêt la coopération internationale pour la promotion des actions en faveur de la femme ivoirienne. Par la voix de la Ministre de la famille, de la femme et de l'enfant de la Côte d'Ivoire, la délégation a indiqué avoir eu l'assurance que le budget octroyé à ce Ministère pour 2012 serait plus conséquent et permettrait audit Ministère de travailler de manière plus indépendante.

La délégation a aussi indiqué que l'évaluation qui va être faite du Plan national d'action pour la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité permettra de récolter des données récentes sur la situation des femmes. L'un des axes actuellement privilégiés dans le cadre de ce Plan est celui de l'intégration de la dimension sexospécifique dans les élections.

Évoquant les travaux de la Commission de vérité et de réconciliation, la délégation a fait état des témoignages de 51 victimes, dont 39 femmes qui avaient été violées ou victimes d'autres exactions. Sur ces 39 femmes, s'est-elle réjouie, 37 ont décidé de porter plainte devant la justice. La Commission de vérité et de réconciliation émane du Gouvernement et sa durée de vie a été fixée à deux ans, a rappelé la délégation. Elle a ajouté que cinq femmes siègent au sein de cette Commission et traitent plus particulièrement des exactions et violences perpétrées à l'encontre des femmes.

La délégation a en outre fait part de la mission menée par les autorités dans certaines parties du pays, notamment vers Duékoué, Man et Daloa, pour évaluer les familles qui ont été déstructurées par la crise, certains enfants s'étant égarés durant la crise en fuyant dans la brousse. Des sites d'accueil ont été mis en place pour prendre en charge les enfants retrouvés, généralement rejoints par leurs mères, a indiqué la délégation. Récemment, des miliciens – souvent venus du Libéria et qui avaient été employés par les partisans de l'ancien Président – sont sortis de la brousse et sont allés investir ces sites d'accueil, fragilisant de nouveau les conditions de vie des personnes qui s'y trouvent, d'où les viols qui ont de nouveau pu être perpétrés.

Le Gouvernement ivoirien en place depuis le 1er juin fait de la question de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale une priorité, a souligné la délégation. Le Président de la République a pour sa part lui-même reconnu la compétence de la CPI et lui a adressé une lettre lui demandant de se saisir des exactions perpétrées en Côte d'Ivoire, a-t-elle rappelé. Maintenant, il faut laisser le temps à l'Assemblée nationale de se mettre en place pour que puisse être adoptée la législation et qu'il soit procédé à la ratification.

Entre janvier et juillet de cette année, a par ailleurs indiqué la délégation, 977 cas de violence basée sur le genre ont été recensés en Côte d'Ivoire, dont 399 cas de viol.

La délégation a indiqué que la crise ivoirienne avait entraîné plus de 200 000 réfugiées dans les pays voisins, pour 70% d'entre elles au Libéria, et plus de 700 000 personnes déplacées –certaines estimations évaluant leur nombre réel à un million. À ce jour, a précisé la délégation, il y a eu 2500 rapatriés volontaires parmi les personnes qui s'étaient réfugiées dans les pays voisins. Quant aux personnes déplacées à l'intérieur du pays, plus de la moitié seraient revenues à leur lieu d'habitation, a indiqué la délégation.

La délégation a reconnu qu'il y avait en Côte d'Ivoire une discrimination à l'égard des femmes pour ce qui est du respect du principe «à travail égal, salaire égal»; mais les choses sont en train de s'améliorer à ce niveau, a-t-elle assuré, ajoutant que «quand il y a une volonté politique, on peut résoudre tous les problèmes».

La Côte d'Ivoire a associé les chefs coutumiers et religieux au processus visant à lutter contre les stéréotypes, a souligné la délégation. Il faut faire en sorte que le culturel accompagne la modernité, car il n'est pas question non plus de balayer d'un revers de main tout ce qui concerne la culture, a-t-elle précisé. Mais en tout état de cause, un État moderne comme la Côte d'Ivoire ne peut pas cautionner le mariage forcé ni la violence au foyer, a souligné la délégation; il est donc conseillé aux femmes d'aller porter plainte si leur mari les force à avoir des rapports sexuels, a-t-elle notamment fait valoir. L'âge minimum du mariage est de 18 ans pour les filles et il est supérieur pour les garçons, a en outre indiqué la délégation.

La délégation a souligné que les mutilations génitales féminines sont réprimées par la loi 98/757 de décembre 1998. Des femmes, il est vrai, continuent de se cacher pour pratiquer l'excision, en particulier en milieu rural; il faut donc poursuivre les activités de sensibilisation, a ajouté la délégation.

Le viol «fait partie de la grande famille des violences domestiques», car il est souvent exercé par un membre ou un proche de la famille, a poursuivi la délégation. En Côte d'Ivoire, le viol est considéré comme un crime et réprimé comme tel en vertu du Code pénal, a-t-elle souligné.

En ce qui concerne la traite de personnes, chacun sait que la Côte d'Ivoire sort à peine d'une période de grande crise qui, depuis 1999, a engendré une grande instabilité dans le pays, a rappelé la délégation. Toute crise s'accompagne du développement de «petits métiers» tels que la prostitution, a-t-elle poursuivi. Une experte s'étant inquiétée d'informations selon lesquelles des femmes victimes de traite continueraient d'arriver en Côte d'Ivoire, la délégation a affirmé que «nous ne connaissons pas réellement de trafic de femmes» en Côte d'Ivoire. Des femmes s'adonnent à la prostitution pour des raisons de pauvreté et des jeunes filles se prostituent lorsqu'elles ne sont pas en mesure de faire face économiquement aux frais induits par leur scolarité, a-t-elle notamment expliqué.

La délégation a affirmé que les autorités ivoiriennes ont décidé de prendre à bras le corps le problème de la traite transfrontalière d'enfants et de remédier au problème du travail des enfants dans les plantations, a poursuivi la délégation. Début novembre prochain, a-t-elle précisé, se tiendra à Abidjan une grande réunion régionale sur la traite transfrontalière, afin de mettre un terme à ce fléau qui n'honore pas le continent africain.

S'agissant de la participation des femmes à la vie politique et publique, la délégation a souligné que les cinq femmes qui sont ministres du Gouvernement occupent des postes régaliens tels que ceux ayant trait à la santé, à l'éducation ou encore au logement. Après les élections législatives – et municipales – qui se tiendront à la fin de cette année, un remaniement gouvernemental devrait être opéré au mois de janvier 2012 et il faut espérer que les femmes occuperont alors une place plus large encore dans le gouvernement qui sera alors formé, a ajouté la délégation.

En Côte d'Ivoire, il y a des femmes qui travaillent dans la police; souvent, elles régulent la circulation, a précisé la délégation. Il est vrai en revanche qu'il n'y aucune femme dans la gendarmerie, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne les questions de nationalité soulevées par certains membres du Comité, la délégation a indiqué que la législation en la matière avait été révisée dans un contexte de crise. Elle a reconnu qu'il y avait en effet un véritable problème s'agissant des questions de citoyenneté dans le pays et qu'il fallait retirer les dispositions susceptibles de faire resurgir d'un moment à l'autre le problème identitaire. Auparavant, a précisé la délégation, l'acquisition de la nationalité ivoirienne pour un étranger se faisait par naturalisation après le mariage; depuis deux ou trois ans, la loi a changé et la nationalité se choisit désormais au moment même du mariage, cette procédure étant valable tant pour l'homme que pour la femme.

La Ministre ivoirienne de la famille, de la femme et de l'enfant a déclaré que la Côte d'Ivoire est un État de droit et s'il y a, s'agissant de la question identitaire, des choses qu'il faut modifier, elle a assuré qu'elle se ferait forte de les porter à l'attention du Gouvernement. Quoi qu'il en soit, en l'état actuel des choses, en Côte d'Ivoire, la femme étrangère qui souhaite prendre la nationalité de son mari ivoirien le peut; en revanche, il y a une période probatoire pour l'homme étranger qui souhaite prendre la nationalité de sa femme ivoirienne, a affirmé la délégation.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a fait part de la politique d'incitation mise en œuvre par les autorités ivoiriennes pour «mettre les petites filles à l'école», les autorités ayant prévu de mettre en place, dès la rentrée prochaine, la gratuité de la scolarité jusqu'à l'âge de 15 ans. Jusqu'ici, en effet, le seul coût de l'uniforme scolaire, qui vaut environ 10 euros (6000 francs CFA), représente une grosse somme pour une grande partie de la population, a souligné la délégation. Le programme du Président Ouattara est donc de faire en sorte que les enfants jusqu'à l'âge de 15 ans puissent bénéficier de la gratuité de l'école, a insisté la délégation.

La délégation a en outre fait part de la mise en place d'un service autonome d'alphabétisation dont l'objectif est de réduire l'analphabétisme des femmes en Côte d'Ivoire.

En ce qui concerne le travail des enfants, il faut faire la part des choses, a déclaré la Ministre. Au niveau des entreprises bien structurées, il n'y a pas d'enfants qui travaillent en Côte d'Ivoire, a-t-elle indiqué; il n'y a pas d'enfants travaillant dans l'industrie. En revanche, on trouve des enfants ou plutôt des adolescentes qui travaillent à domicile, venant, en quelque sorte, aider les maîtresses de maison – «sur le modèle de ce que l'on appelle des nourrices en Europe», a expliqué la délégation.

Pour ce qui est des questions de santé, la délégation a notamment indiqué que la simple désignation d'un ministère comme Ministère de la santé et de la lutte contre le sida témoigne à quel point le Gouvernement ivoirien met particulièrement l'accent sur la lutte contre le VIH/sida. Le dépistage, comme les antirétroviraux, sont gratuits en Côte d'Ivoire, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que serait lancée au mois de décembre prochain une campagne sur la gestion du budget familial et la manière de gérer également le planning familial. Beaucoup de maris n'acceptent pas que les femmes prennent la pilule le soir, a souligné la délégation; aussi, les femmes sont-elles obligées de se cacher pour prendre la pilule et, lorsque leurs maris s'en rendent compte, cela crée des problèmes dans le foyer.

En Côte d'Ivoire, l'avortement n'est pas autorisé, car il revient à mettre la vie des femmes en danger, a par ailleurs déclaré la délégation. On ne peut légaliser l'avortement alors que l'on cherche parallèlement à améliorer les conditions de vie et la survie de la femme; cela serait contradictoire, a-t-elle estimé. Souvent les jeunes filles tombent enceintes de leurs professeurs, a poursuivi la délégation; c'est un fléau bien connu, car souvent les diplômes sont ainsi monnayés, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Président Ouattara s'était engagé à supprimer du Code de la famille la disposition qui désigne l'homme comme étant le chef de la famille.

La polygamie et le mariage coutumier ne sont pas reconnus par la Côte d'Ivoire, a en outre rappelé la délégation.

La question de la femme rurale est importante en Côte d'Ivoire, car la femme rurale contribue à tous les niveaux du développement économique du pays, a d'autre part souligné la délégation. Le droit foncier est à cet égard une question importante, car en Côte d'Ivoire, la femme n'hérite pas de la terre. Face à cela, le Gouvernement a engagé la révision du Code foncier en vue de «permettre de dépasser ces stéréotypes qui sont robustes et tenaces». La terre doit en effet bénéficier aussi bien à la femme qu'à l'homme qui y travaille. En fait, il n'y a pas de discrimination du point de vue de la loi – la loi foncière n'établissant aucune discrimination entre hommes et femmes; le problème vient du droit coutumier, a précisé la délégation.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW11/024E