Aller au contenu principal

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU TCHAD

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport présenté par le Tchad sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Le rapport a été présenté par le Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, M. Malloum Bamanga Abbas, qui a souligné que les récents conflits armés aux frontières avec le Soudan et la République centrafricaine ont entraîné un déplacement massif de populations à l'Est et au Sud, dont la présence exerce une pression forte sur les ressources déjà limitées et constitue une source de détérioration des conditions de vie de plus de 700 000 personnes des régions concernées. La crise libyenne a eu des répercussions socioéconomiques au Tchad, a aussi souligné le représentant, ajoutant que plus de 80 000 Tchadiens ont été rapatriés par le Gouvernement avec l'aide des organisations internationales et de la coopération bilatérale. À travers son programme politique, le Gouvernement actuel a retenu comme l'un des axes prioritaires la promotion de la femme, a par ailleurs indiqué M. Bamanga Abbas. Il a mis l'accent sur trois aspects sur lesquels les efforts seront focalisés: l'aspect économique, l'aspect juridique et institutionnel et l'aspect socioculturel. Après avoir fait valoir que le Code électoral a été révisé, le Représentant permanent a souligné que la nouvelle Assemblée nationale compte 28 femmes sur 188 élus.

La délégation tchadienne, également composée d'un autre membre de la Mission permanente du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, a fourni des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la situation sécuritaire que connaît le pays, en particulier dans sa partie orientale, et la situation des réfugiés et des personnes déplacées; la place du droit coutumier dans le pays; la coordination de l'action en faveur des femmes; l'état d'avancement du projet de code des personnes et de la famille; la traite de personnes; les questions d'éducation et de santé; ou encore le travail des enfants.

Les membres du Comité ont en particulier exprimé des préoccupations s'agissant des violences qui menacent les femmes réfugiées et déplacées, les conditions de détention pour les femmes,
la culture d'impunité qui règne dans le pays, l'importance du droit coutumier au détriment des engagements internationaux du Tchad, la pratique des mutilations génitales et des mariages forcés, le travail des enfants et les enlèvements d'enfants dans certaine régions.

Le Comité présentera ses observations finales sur le rapport du Tchad à la fin de la session, le vendredi 21 octobre 2011.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport périodique du Koweït (CEDAW/C/KWT/3-4).

Présentation du rapport

M. MALLOUM BAMANGA ABBAS, Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que la délégation qui devait présenter le rapport devant le Comité avait rencontré des contraintes de dernier moment en raison surtout des préparatifs des élections locales qui vont se tenir dans le pays dans quelques jours.

Au moment de l'adoption de la Convention en décembre 1979, le Tchad était en pleine guerre civile, à l'origine de toutes sortes de violations graves des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a souligné le représentant. Les violations des droits de l'homme ont été aussi bien le fait des acteurs étatiques que non étatiques en raison de la faible présence de l'État dans certaines régions et du délabrement du système judiciaire, a ajouté M. Bamanga Abbas, soulignant que les premières victimes étaient malheureusement les femmes, les enfants et les personnes déplacées. À la faveur de la naissance de l'état de droit, le Tchad, qui compte une forte population féminine dont les droits sont souvent reconnus au gré des coutumes, ne pouvait plus se mettre en marge de la communauté internationale; c'est dans ce contexte qu'est intervenue la ratification de la Convention, a indiqué M. Bamanga Abbas. Mais aujourd'hui encore, «les récents conflits armés aux frontières avec le Soudan et la République centrafricaine ont entraîné un déplacement massif de populations à l'Est et au Sud, parmi lesquelles les déplacés internes», a indiqué le représentant. «La présence massive de ces personnes exerce une pression forte sur les ressources déjà limitées et constitue une source de détérioration des conditions de vie de plus de 700 000 personnes des régions concernées».

À travers son programme politique, le Gouvernement du 17 août 2011 a retenu comme l'un des axes prioritaires la promotion de la femme, a indiqué M. Bamanga Abbas. Il a mis l'accent sur trois aspects sur lesquels les efforts seront focalisés: d'une part l'aspect économique, avec une hausse substantielle de l'enveloppe de microcrédits destinée au financement des activités des femmes et au soutien aux initiatives des femmes entrepreneurs et des organisations œuvrant en faveur de la promotion du statut économique de la femme; d'autre part l'aspect juridique et institutionnel, par l'établissement d'un consensus autour du projet de code des personnes et de la famille et le renforcement des mesures administratives pour la réduction des violences basées sur le genre et des mutilations génitales féminines; et enfin l'aspect socioculturel, à travers l'intensification des programmes d'alphabétisation fonctionnelle, de scolarisation de la fille et de renforcement des capacités.

La crise libyenne a eu des répercussions socioéconomiques au Tchad, a poursuivi le Représentant permanent. En effet, plus de 80 000 Tchadiens ont été rapatriés par le Gouvernement avec l'aide des organisations internationales et de la coopération bilatérale, a-t-il précisé.

Dans le cadre du programme d'appui au processus électoral au Tchad et de la mise en œuvre de l'accord du 13 août 2007, le Gouvernement du Tchad a procédé à la révision du Code électoral, a d'autre part souligné M. Bamanga Abbas. Ainsi révisé, ce Code a favorisé la participation massive des femmes et des jeunes aux échéances électorales. Une politique de motivation de candidatures féminines a été menée à travers une subvention de la campagne et un programme d'information et d'éducation civique. À ce jour la nouvelle Assemblée nationale compte 28 femmes sur 188 élus.

Le rapport du Tchad (CEDAW/C/TCD/1-4) indique qu'en attendant la codification des quelques 200 coutumes, la législation combine la coutume, les lois religieuses et le droit moderne. De ce fait, la vie juridique et socioéconomique de la femme tchadienne est régie tantôt par les lois coutumières, tantôt par les lois religieuses et le droit moderne. La société tchadienne est de type patriarcal et accorde plus de valeur aux garçons et aux hommes qu'aux filles et femmes qui sont marginalisées dès la petite enfance. D'une manière générale, on constate la prédominance de la tradition sur le principe de l'égalité de l'homme et de la femme, et de la liberté d'opinion. Cette manière de penser réduit le rôle de la femme à celui de procréation, d'éducation des enfants et de préparation de la nourriture pour la famille. Pour ce qui concerne le droit moderne, c'est le Code civil de 1958 qui s'applique; en sus de ce code, le Tchad a pris des mesures internes pour instaurer l'égalité entre l'homme et la femme, l'article 13 de la Constitution de 1996 faisant notamment de l'égalité entre les Tchadiens de tout sexe un droit fondamental. En outre, l'article 14 de la Convention dispose que: «l'État assure à tous l'égalité devant la loi sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion, d'opinion politique ou de position sociale. Il a le devoir de veiller à l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme et d'assurer la protection de ses droits dans tous les domaines de la vie privée et publique». Toutefois, un Projet de loi sur le quota accordant aux femmes des avantages au niveau des postes de la prise de décision tarde à être adopté par le Gouvernement.

Toute femme victime de violences physiques (coups et blessures volontaires) ou de violences relatives au non-respect des obligations résultant du mariage telles que le défaut d'entretien de la famille, l'abandon d'enfant ou de famille, peut saisir le juge et demander le versement de la pension alimentaire ou la réparation du préjudice subi. Mais force est de constater que bon nombre de femmes ne portent pas plainte parce qu'elles ignorent leurs droits ou ont peur d'être mises au ban de la société ou de perdre leur mariage. Diverses mesures ont été prises pour modifier toutes lois, dispositions réglementaires ou coutumières qui constituent une discrimination à l'égard des femmes dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels. Cependant, leur application pose problème face à la persistance des pesanteurs socioculturelles et la difficulté pour l'État de faire évoluer les mentalités au rythme de ses engagements internationaux. La loi constitutionnelle en vigueur instaure une discrimination en accordant de la place à la coutume qui relègue déjà la femme au second plan et qui ne reconnaît pas l'égalité entre l'homme et la femme dans les domaines du mariage, du divorce, du droit de propriété et de la succession. L'influence vivace de la coutume freine quelque peu l'application intégrale des dispositions de la Convention en ce moment. L'expérience a montré que les juges appliquent difficilement le droit positif. Ils sont également le reflet de leur société qui privilégie la pratique des us et coutumes à celle des lois modernes. Une Commission Nationale a été chargée de l'élaboration d'un code des personnes et de la famille, mais le Gouvernement éprouve quelques difficultés à adopter ce projet, car une frange de la population dit ne pas reconnaître la valeur juridique de ce code parce que ses aspirations n'auraient pas été prises en compte. Il s'agit notamment de l'Union des cadres musulmans du Tchad qui a contesté le projet de code de la famille. Elle souhaite avoir un code spécifique inspiré du Coran qui réglemente les statuts de l'enfant et de la femme musulmans.

Les femmes et les filles subissent quotidiennement des violences liées à leur statut sociojuridique, poursuit le rapport tchadien. Le droit de décider en tant que citoyenne à part entière ou de donner librement son consentement au mariage n'est pas effectif en pratique. Les tabous alimentaires, les pratiques traditionnelles néfastes telles que l'excision, les scarifications, les mariages précoces, le lévirat et le sororat sont des obstacles à l'application effective de la Convention. Les femmes s'y complaisent encore dans la plupart des régions du Tchad. Dans le domaine de la sécurité publique, les droits fondamentaux de la majorité des populations tchadiennes sont souvent massivement bafoués et violés: les violations des droits civils et politiques (traitements cruels inhumains, ou dégradants, assassinats en milieu rural et urbain) sont des pratiques courantes infligées par les agents de l'État: violation des droits des femmes devant l'Ambassade de France le 11 juin 2001 par les agents de sécurité de l'État lors d'une manifestation pacifique; détentions arbitraires et conditions carcérales dégradantes; mauvais traitements infligés aux femmes commerçantes par la police municipale sur
les marchés. Les auteurs de ces actes bénéficiant de la plus totale impunité et continuent d'utiliser les méthodes illégales contre les populations les plus démunies et les plus vulnérables, reconnaît le rapport du Tchad.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a rappelé que le Tchad avait ratifié la Convention en 1995 et a demandé les raisons de l'important retard dans la présentation de ce premier rapport – qui combine le rapport initial et les deuxième à quatrième rapports périodiques du pays. Il est en outre regrettable qu'aucun des membres de la délégation du Tchad ne comporte un représentant venu de la capitale.

L'experte s'est félicitée que les traités internationaux semblent l'emporter sur les lois nationales, mais a souligné que cela ne représente un progrès que si la Convention est réellement connue et utilisée, c'est-à-dire si elle est réellement visible pour l'ensemble de la population et des personnels concernés.

Tout en se disant consciente de la situation difficile que connaît le Tchad et du climat d'insécurité qui y subsiste, du fait de nombreux conflits près des frontières du pays, une experte s'est dite inquiète de la culture d'impunité qui persiste au Tchad. Les femmes réfugiées et les femmes déplacées sont celles qui souffrent le plus, a-t-elle souligné, avant de s'enquérir des efforts déployés par les autorités tchadiennes pour mettre un terme à l'impunité et assurer la sécurité des femmes.

Une expert a demandé des précisions sur la situation des femmes dans l'Est du pays et a voulu savoir si les autorités estiment que le départ des forces des Nations Unies de la région leur paraît opportun au regard de la situation.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétées que les femmes au Tchad n'aient pas accès à la justice pour différentes raisons – notamment en raison de certaines discriminations inscrites dans la législation. Il a été demandé à la délégation quelles mesures sont prises pour assurer l'accès des femmes à la justice. Le grand décalage existant entre la norme de non-discrimination prévue par la Convention et la législation tchadienne a également été déploré.

Les tribunaux accordent souvent la primauté au droit coutumier sur le droit civil, s'est inquiétée une experte.

Le Code des personnes et de la famille est en discussion depuis 1995 et attend toujours d'être adopté par le Gouvernement et l'Assemblée nationale. A relevé une experte, qui s'est interrogée sur le calendrier prévu et la volonté réelle des autorités tchadiennes de procéder à cette importante réforme.

Une experte a jugé très préoccupante l'absence de mécanisme chargé de coordonner le suivi et l'évaluation de la mise en œuvre des traités internationaux auxquels le Tchad a souscrit.

Plusieurs membres du Comité ont en outre fait part de leurs préoccupations s'agissant de la pratique des mutilations génitales féminines et des mariages précoces et forcés qui ont cours au Tchad – un pays où, a-t-il été relevé, les veuves sont forcées à épouser leur beau-frère. Une experte a insisté sur la nécessité d'impliquer les chefs traditionnels, les médias et les organisations non gouvernementales dans les changements de mentalités nécessaires aux fins de l'éradication de ces pratiques et des préjugés et stéréotypes qui y sont associés.

Une experte s'est inquiétée d'informations indiquant que 45% au moins des femmes tchadiennes, musulmanes et chrétiennes, ont subi une mutilation génitale, alors que, comme chacun sait, ni l'islam ni le christianisme ne soutiennent de telles pratiques. Malgré leur interdiction en vertu de l'article 9 de la Loi sur la promotion de la santé génésique, les mutilations génitales féminines continuent d'être pratiquées au Tchad, a fait observer une autre experte.

Plusieurs autres membres du Comité ont également exprimé leurs préoccupations face aux stéréotypes et aux normes culturelles discriminatoires qui subsistent au Tchad. Comme l'a reconnu lui-même le pays, la culture de l'impunité est liée à ces préjugés et ces normes, a souligné l'une d'elles.

Concernant le viol et autres violences sexuelles, certaines sources affirment que ces crimes continuent d'être perpétrés au Tchad – et pas seulement dans la partie orientale du pays, mais également ailleurs, y compris dans la capitale. L'impunité est presque totale pour les auteurs de viols et d'autres violences contre les femmes et les victimes ont peur de porter plainte, a souligné cette experte.

Une experte a déploré que le Tchad n'ait toujours pas adopté de définition légale adéquate du crime de traite de personnes.

Les récents événements liés à des enlèvements d'enfants qui se sont produits dans une partie du territoire tchadien relevaient-ils d'un acte isolé ou illustraient-ils un climat beaucoup plus préoccupant, a demandé une experte?

Selon un rapport des Nations Unies, a relevé une experte, les prisons tchadiennes figurent parmi celles qui présentent les conditions les plus dures de tout le continent africain.

La violence armée semble toucher toute la société et ce problème ne semble pas épargner l'école, s'est inquiétée une experte. Elle a notamment demandé quelles étaient les possibilités de réintégration dans le système éducatif pour les filles qui ont pu être impliquées dans un conflit armé, a-t-elle demandé ?

Des chiffres du Fonds des Nations Unies pour l'enfance indiquent que le travail des enfants est un problème significatif au Tchad, puisque environ 45% des enfants tchadiens travaillent, d'une façon ou d'une autre, ce qui explique en grande partie les problèmes d'éducation que rencontre le Tchad, a souligné un expert. Selon les chiffres de l'UNICEF, 5% des enfants qui travaillent ont de 6 à 9 ans et 80% ont moins de 12 ans, a-t-il précisé.

Est-il toujours possible pour un mari de s'opposer à ce que sa femme travaille en dehors du foyer conjugal, a par ailleurs demandé l'expert?

Dans quelle mesure le Code du travail en vigueur au Tchad protège-t-il la femme, notamment pour ce qui est de la protection de la maternité, a demandé une experte?

S'agissant des questions de santé, une experte s'est notamment inquiétée de la prévalence du VIH/sida au Tchad et du manque de statistiques fiables concernant la mortalité maternelle, qui, quoi qu'il en soit, connaît un taux très élevé.

La situation des femmes détenues a été décrite comme étant véritablement horrible, s'est inquiétée une experte, rappelant que les détenues doivent avoir accès à l'eau potable, à de la nourriture et à des sanitaires.

Tout en relevant que la délégation tchadienne a affirmé que l'argent tiré de l'exploitation du pétrole par des compagnies étrangères au Tchad ne représentait qu'une goutte d'eau par rapport aux besoins globaux du pays, une experte s'est demandé si on ne pourrait pas envisager de réserver une part des dividendes issus de l'argent du pétrole à des mesures en faveur des femmes, en particulier des femmes rurales.

Une experte a souligné que les réfugiés et déplacés dans l'Est du Tchad sont soumis à des violences sexuelles, surtout les femmes déplacées qui sont directement attaquées par les janjawids, surtout lorsqu'elles se déplacent hors des camps à la recherche de nourriture et d'eau. Quelles mesures les autorités tchadiennes ont-elles mises en place pour protéger ces femmes lors de leurs déplacements, a demandé l'experte?

Une experte a relevé que selon le Code pénal, les relations sexuelles avec une fille âgée de moins de 15 ans sont considérées comme un viol et a estimé que cette règle devrait être modifiée. Le projet d'accroître à 17 ans l'âge minimum du mariage pour les personnes des deux sexes n'est pas satisfaisant; si le pays entend respecter les textes internationaux auxquels il a souscrit, il faut que cet âge soit porté à 18 ans, a par ailleurs souligné cette experte.

Réponses de la délégation

La délégation a rappelé que la guerre du Darfour s'était transposée au Tchad, avec un certain nombre de réfugiés qui ont eu des problèmes avec les personnes déplacées. Dans ce contexte, les personnes les plus touchées ont été les femmes et les enfants, a-t-elle souligné. Au Tchad, la culture de la violence s'est instaurée depuis l'indépendance, dès 1963 lorsque le parti unique a été imposé; cette culture de la violence a ensuite été entretenue par certains. Il y a en effet des gens qui trouvent leur compte à ce que se perpétuent des conflits armés, a insisté la délégation. Depuis deux ans qu'un accord a été conclu avec le Soudan, un calme précaire prévaut, a-t-elle fait valoir. Elle a en outre rappelé que 500 000 Tchadiens vivaient en Libye et qu'environ 80 000 d'entre eux ont à ce jour été rapatriés.

Ce ne sont pas seulement les femmes et les enfants mais l'ensemble de la population civile qui souffre de la culture de l'impunité au Tchad, a souligné la délégation. L'armée professionnelle au Tchad a cessé d'exister en 1979 avec le déclenchement de la guerre civile et elle est en train de renaître grâce à la réforme qui a été engagée à cette fin, a-t-elle indiqué.

Des efforts sont déployés pour venir en aide aux réfugiés dans l'Est du Tchad, mais également à ceux qui se trouvent dans le Sud du pays, a poursuivi la délégation. Au-delà du retrait de la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), la délégation a attiré l'attention sur le travail efficace réalisé par les «détachements intégrés de sécurité» (ndlr: force de police communautaire tchadienne) qui s'efforcent de sécuriser les zones concernées, en particulier les camps de réfugiés, et de rassurer les populations qui s'y trouvent.

Interrogée sur la place qu'occupe actuellement le droit coutumier au Tchad, la délégation a expliqué que les chefs coutumiers préfèrent traiter à leur niveau les problèmes d'ordre familial ou conjugal, moyennant le versement de petites sommes d'argent, plutôt que de laisser les plaignants aller devant un tribunal. En outre, les administrés eux-mêmes jugent la justice trop lente et c'est pour cela qu'ils préfèrent souvent s'en remettre au droit coutumier, qui règle plus rapidement les choses. Quoi qu'il en soit, les autorités tchadiennes s'efforcent de leur côté de faire comprendre que le droit coutumier ne peut pas primer sur le droit moderne, a assuré la délégation.

La Commission nationale des droits de l'homme, créée en 1996, est en train d'être mise en conformité avec les Principes de Paris, a par ailleurs indiqué la délégation. Pour l'heure, a-t-elle précisé, cette Commission est rattachée à la Primature, ce qui ne lui accorde pas toute l'indépendance voulue par lesdits Principes.

En matière d'éducation, il n'y a pas de discrimination entre les sexes; l'école est accessible à toute la population, a souligné la délégation.

Le projet de code des personnes et de la famille – dont beaucoup ont essayé de faire une affaire politique – est maintenant sur examiné par le Gouvernement avant d'être soumis pour adoption par l'Assemblée nationale, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs fait valoir qu'une Semaine nationale de la femme tchadienne a été institutionnalisée, en tant que manifestation annuelle, depuis 1991. Elle a d'autre part souligné que le Comité d'intégration de la femme évalue, suit et contrôle l'action menée en faveur de la femme dans le pays. La délégation a en outre attiré l'attention sur le rôle joué par le Ministère de l'action sociale et de la famille.

Il n'y a pas de trafic d'êtres humains en tant que tel au Tchad, a assuré la délégation. Il y a en revanche des problèmes liés à la prostitution ou encore le problème des enfants bouviers – pris à leurs parents pour, notamment, garder les bœufs, a-t-elle ajouté. À la frontière du Tchad et du Cameroun, a-t-elle poursuivi, il y a en outre des cas d'enlèvements d'enfants d'éleveurs, contre rançon, par des personnes que l'on appelle des «coupeurs de route»; il est déjà arrivé que les auteurs de ce type de crime soient jetés en prison, a précisé la délégation.

L'affaire de l'Arche de Zoé a été un acte isolé, a par ailleurs déclaré la délégation, avant de souligner que dans cette affaire, il n'a toujours pas été trouvé de solution juridique satisfaisante pour les familles. Rappelant qu'environ deux millions de Tchadiens vivent hors du pays, dans le reste du monde, la délégation a expliqué que les Tchadiens ne sont pas des gens qui aiment beaucoup se déplacer; ils sont méfiants à l'égard des personnes qui leur promettent monts et merveilles.

Il n'y a actuellement aucun prisonnier politique au Tchad, a par ailleurs assuré la délégation.

Quand on parle de population alphabétisée au Tchad, on ne parle que de population alphabétisée en français, alors que d'autres personnes qui ne maîtrisent pas le français ne sont pas pour autant analphabètes, a fait observer la délégation.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a rappelé que nul ne peut faire l'objet d'une quelconque discrimination fondée sur le sexe ou l'origine ethnique et que des mesures ont été prises, tant au niveau administratif que législatif, pour assurer la gratuité de l'enseignement. Elle a en outre souligné que des mesures ont été prises pour améliorer la scolarisation et la scolarité des filles.

Interrogée sur le rôle du mariage précoce dans la déscolarisation des jeunes filles, la délégation a indiqué que des parents ont porté plainte parce que le mariage précoce de leur jeune fille l'avait empêchée d'étudier.

Une experte ayant fait observer que ce sont tout de même les parents qui acceptent ou non le mariage précoce de leur jeune fille, la délégation a assuré que le Gouvernement avait pris conscience des problèmes posés par les mariages précoces et était en train de lutter contre ce phénomène, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation.

Les mutilations génitales féminines sont un problème dans certaines régions du Tchad et pas dans d'autres, a par ailleurs souligné la délégation, après avoir rappelé que le pays compte plus de 200 groupes ethniques et que les comportements changent d'une région à l'autre.

Pour ce qui est du travail des enfants, la délégation a rappelé que la plupart des familles tchadiennes sont rurales et que quand un père pense que son fils est plus utile aux champs qu'à l'école, il l'amène aux champs. La délégation a toutefois ajouté que les parents sont rappelés à l'ordre lorsque ces pratiques sont constatées. Pour remédier au problème des enfants d'éleveurs qui suivent leurs parents, des écoles mobiles itinérantes ont été souvent développées.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a notamment souligné que les campagnes de sensibilisation menées par les autorités afin de promouvoir les moyens de contraception tels que le préservatif ont commencé à porter leurs fruits.

La législation en vigueur au Tchad reconnaît le droit des femmes à des congés de maternité payés, a d'autre part fait valoir la délégation.

Officiellement, la polygamie n'est pas reconnue au Tchad, a souligné la délégation. Au niveau de l'état civil, a-t-elle insisté, il n'est pas possible d'établir deux actes de mariage pour une même personne, ce qui signifie que légalement, l'État ne reconnaît pas de deuxième épouse.

La délégation a en outre attiré l'attention sur les différentes dispositions législatives qui permettent aux femmes d'hériter.

S'agissant de la situation dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées dans l'Est du Tchad, la délégation a expliqué que durant les années 2004 et 2005, les rebelles janjawids venaient faire des incursions dans ces camps; mais depuis sept ans maintenant, la MINURCAT, suivie désormais par les «détachements intégrés de sécurité» n'ont cessé de veiller à la sécurité de ces camps et il n'y a donc aujourd'hui pas de problème de viols ou de violences contre les femmes qui s'y trouvent.

Une experte ayant demandé s'il fallait en conclure les informations fournies par Amnesty International au sujet de la situation dans les camps situés à l'Est du Tchad étaient périmées, la délégation a fait observer qu'il n'y avait plus aujourd'hui de janjawids à la frontière soudano-tchadienne et a affirmé que la situation décrite par cette ONG appartenait au passé.

Il n'y a aucune discrimination fondée sur la caste au Tchad, a par ailleurs assuré la délégation en réponse à une autre question, faisant valoir que «les personnes castées» sont maintenant «en train de reprendre leurs droits».

Les prisons sont constamment visitées, non pas seulement par les organisations de droits de l'homme, mais par le CICR qui est en train de visiter toutes les prisons du pays et d'émettre des avis suite à ces visites, a souligné la délégation. Les autorités sont en train de construire une nouvelle prison centrale dans la capitale, a-t-elle fait valoir.

En réponse à d'autre questions, la délégation a expliqué que quatre ministères prioritaires, notamment ceux de l'éducation, de la santé et de l'action sociale, ont été identifiés comme devant absorber l'essentiel des ressources tirées du pétrole tchadien, a indiqué la délégation.

Souhaitant dissiper les doutes exprimés par certains membres du Comité au regard du retard pris dans la présentation du premier rapport du Tchad et de la composition de la délégation que le pays a présentée devant le Comité, la délégation a assuré le Comité de la volonté politique du Tchad dans ce domaine.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW11/022F