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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU PARAGUAY

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le sixième rapport périodique présenté par le Paraguay sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant le rapport de son pays, la Ministre de la femme, Mme Gloria Rubín, a notamment fait valoir que l'État paraguayen reconnaît le droit de chacun à vivre une vie sans violence comme constituant une condition incontournable pour le développement. Aussi, le Gouvernement actuel a-t-il mis l'accent sur la mise en œuvre de mesures visant la prévention, la sanction et l'éradication de la violence. Les lignes d'action stratégiques en la matière sont la décentralisation des services publics fournis aux femmes et fillettes victimes de violence et de traite de personnes; la mise en place d'un système d'information partagée entre les institutions publiques prestataires de services; et l'inclusion d'une perspective sexospécifique dans le budget de l'État. Mme Rubín a admis que, dans la dernière modification apportée à la loi s'agissant des abus sexuels et du viol, les peines prévues à l'encontre des auteurs de ces actes ne correspondent pas à la gravité de ces actes. D'autres projets de loi, comme le projet de loi contre toutes les formes de discrimination ou encore l'avant-projet de loi sur la santé sexuelle et génésique n'ont toujours pas été approuvés. Il est en effet très difficile, au Paraguay, de travailler sur ces questions, ainsi que d'autres telles que les décès maternels dus à des complications de l'avortement, du fait des positions conservatrices de certains partis politiques. Il est clair que le Paraguay est confronté à des difficultés, au niveau législatif, pour faire adopter des mesures temporaires spéciales visant la promotion de la femme, a par ailleurs reconnu Mme Rubín. Elle a d'autre part reconnu qu'un grand nombre de femmes dans le secteur du travail domestique travaillent dans des conditions qui ne correspondent pas aux normes.

La délégation paraguayenne était également composée de la Ministre de la fonction publique, Mme Lilian Soto; du Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, M. Federico González; ainsi que de représentants du Ministère de la justice et du travail, du Ministère de l'industrie et du commerce, du Ministère de la santé publique et du bien-être social; du Ministère des relations extérieures, et du Secrétariat de la femme de la Présidence de la République. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la violence contre les femmes; la situation des travailleuses domestiques; la lutte contre la traite de personnes; la situation s'agissant de l'avortement; le harcèlement sexuel; l'abandon scolaire des jeunes filles; l'âge légal du mariage; la pauvreté; ou encore, d'une manière générale, les résistances auxquelles se heurte le Paraguay pour faire évoluer la législation dans un sens conforme à la Convention. À cet égard, la délégation a indiqué qu'un débat au Parlement sur la question des mesures temporaires spéciales - sous la forme d'un quota de sièges de députés réservés aux femmes - n'a pu être mené à terme face à la résistance de plusieurs députés.

Une experte a insisté sur la nécessité, pour les autorités paraguayennes, de trouver les moyens de faire face aux forces fondamentalistes religieuses, qui sont très bien organisées et entravent un certain nombre d'évolutions pourtant nécessaires afin que le pays se conforme aux dispositions de la Convention.

Le Comité présentera ses observations finales sur le rapport du Paraguay à la fin de la session, le vendredi 21 octobre 2011.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Monténégro (CEDAW/C/MNE/1).

Présentation du rapport du Paraguay

MME GLORIA RUBÍN, Ministre, Secrétaire exécutive du Secrétariat de la femme de la Présidence de la République du Paraguay, a souligné qu'en 2009, le Gouvernement paraguayen a élaboré la Politique publique du développement social pour la période 2010-2020 qui accompagne et complète le Plan stratégique économique et social (2008-2013). L'État paraguayen reconnaît ainsi pour la première fois le droit à vivre une vie sans violence comme constituant une condition incontournable pour le développement. Aussi, le Gouvernement actuel a-t-il mis l'accent sur la mise en œuvre d'actions visant la prévention, la sanction et l'éradication de la violence. Les lignes d'action stratégiques en la matière sont la décentralisation des services publics fournis aux femmes et fillettes victimes de violence et de traite de personnes; la mise en place d'un système d'information partagée entre les institutions publiques prestataires de services; et l'inclusion d'une perspective sexospécifique dans le budget de l'État.

Répondant ensuite à une liste de questions écrites transmises par le Comité (CEDAW/C/PRY/Q/6 - des réponses du Gouvernement figurant, en espagnol, au document CEDAW/C/PRY/Q/6/Add.1), Mme Rubín a indiqué que la politique de genre est définie au Paraguay dans le Plan national pour l'égalité des chances. Actuellement, a-t-elle précisé, le troisième Plan porte sur la période 2008-2017. Toutefois, ce Plan n'a pas encore de statut normatif; le pays est en train d'élaborer un Plan opérationnel global assorti d'objectifs pour la période 2012-2013, et œuvre à la mise sur pied d'un Conseil interinstitutionnel sur l'égalité des chances, assorti d'un comité de suivi constitué d'organisations de la société civile, a-t-elle indiqué.

Les progrès auxquels le Paraguay est parvenu au sein du pouvoir exécutif ont été plus grands que ceux réalisés au sein du pouvoir législatif, a admis Mme Rubín. Tout en assurant que le Paraguay a connaissance de la recommandation générale n°19 du Comité, qui s'applique par le biais des articles 136 (abus sexuels à l'encontre des personnes sous tutelle) et 137 (viol) du Code pénal, elle a admis que dans la dernière modification apportée à la loi en la matière, les peines prévues à l'encontre des auteurs de ces actes ne correspondent pas à la gravité de ces actes. D'autres projets de loi, comme le projet de loi contre toutes les formes de discrimination ou encore l'avant-projet de loi sur la santé sexuelle et génésique, n'ont toujours pas été approuvés, a ajouté Mme Rubín. Il est très difficile, au Paraguay, de travailler sur ces thèmes, tout comme sur celui des décès maternels dus à des complications de l'avortement. L'une des raisons principales de ces difficultés tient aux positions conservatrices que reflètent les postures de partis politiques traditionnels ou non qui occupent un grand nombre de sièges au Parlement, a-t-elle expliqué.

De meilleures avancées ont pu être réalisées en ce qui concerne la préparation de l'avant-projet de loi intégrale pour la prévention, la sanction et l'éradication de la violence contre les femmes, qui intègre une définition de la violence contre les femmes conforme à l'article premier de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a poursuivi la Ministre. Cet avant-projet s'est lui aussi heurté à des problèmes pour sa concrétisation, et c'est pourquoi un changement de stratégie a été opéré qui a consisté à signer un accord entre les institutions des trois pouvoirs de l'État: Commission de l'égalité, du développement social et des questions sexospécifiques du Sénat; Commission de l'équité sociale et sexospécifique de la Chambre des députés; Secrétariat de la femme de la Présidence de la République et Cour suprême de justice. À ce stade, a précisé Mme Rubín, le comité de rédaction issu de cet accord a défini la structure de la future loi intégrale à laquelle, faut-il espérer, sera réservé un traitement plus rapide lorsqu'elle sera présentée au Parlement.

Le Secrétariat de la femme est parvenu à accroître son budget institutionnel de près de 300% sur la période 2008-2011, a par ailleurs fait valoir la Ministre de la femme, tout en faisant part de sa préoccupation que l'essentiel de cette hausse soit dû à l'appui de l'entité binationale Itaipú (entre le Brésil et le Paraguay) et de la coopération internationale.

Il est clair que le Paraguay est confronté à des difficultés, au niveau législatif, pour faire adopter des mesures temporaires spéciales, a par ailleurs reconnu Mme Rubín.

Après avoir fait part de la création de cinq commissariats de la Division de soins spécialisés aux victimes de la violence contre les femmes, les enfants et les adolescentes, Mme Rubín a indiqué qu'entre février 2010 et mars 2011, 7066 plaintes ont été enregistrées dont 53,9% concernaient des violences psychologiques, 28,8% des violences physiques et 11% des menaces de mort; 64,6% des victimes étaient des femmes; 21% des enfants; 13,2% des hommes et moins de 1% des adolescents. Le Centre de soins aux victimes de violence sexuelle du Secrétariat de la femme, situé à Asunción, a accueilli entre janvier et juin 2011 quelque 538 femmes, âgées de 16 à 79 ans (43% d'entre elles appartenant à la classe d'âge de 25-40 ans), dont près de la moitié se plaignaient de violences physiques à leur encontre.

Mme Rubín a ensuite attiré l'attention sur la Table ronde interinstitutionnelle pour la prévention de la traite de personnes et la lutte contre ce phénomène qui s'est soldée par l'élaboration de la Politique nationale de prévention et de lutte contre la traite de personnes – ce document ayant été envoyé à la Présidence de la République pour approbation. Pour sa part, a ajouté la Ministre, le Secrétariat de la femme a créé en 2009 la Direction pour la prévention de la traite de personnes et les soins aux victimes de traite. À ce jour, le Centre de référence créé pour apporter des soins intégraux aux victimes de la traite a accueilli 97 femmes victimes, dont 70% étaient des adultes et le reste des adolescentes.

Mme Rubín a d'autre part indiqué que le secteur du travail domestique occupe 15,6% de la population active féminine. Elle a reconnu que de nombreuses femmes dans ce secteur travaillent dans des conditions qui ne correspondent pas aux normes du contrat de travail généralement appliquées au Paraguay. Faisant part du vaste débat engagé dans le pays sur ce thème du travail domestique, la Ministre a notamment souligné que, dans le cadre de l'amplification de la discussion sur cette question, les syndicats et les associations ont été renforcés. Un avant-projet de loi a été élaboré afin d'harmoniser les conditions de travail des travailleuses domestiques avec celles prévues dans le contrat de travail classique existant au Paraguay; ainsi, le salaire ne doit pas être inférieur à 80% du salaire minimum légal en vigueur; la journée de travail diurne doit être de 8 heures de travail ou 44 heures par semaine; doivent être exclues les tâches liées aux soins aux personnes âgées ou handicapées; et la sécurité sociale doit être obligatoire pour les journées continues totalisant un minimum de 44 heures hebdomadaires au service d'un même employeur. La stratégie proposée s'agissant de cette question vise à obtenir la ratification par le Paraguay de la Convention n°189 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques et, immédiatement après, à présenter le projet de loi spécial, afin qu'il soit analysé à la lumière de cette Convention de l'OIT et non pas seulement à la lumière des dispositions du Code du travail en vigueur dans le pays, a expliqué Mme Rubín. Nous espérons qu'à la fin de l'année 2012, les deux textes feront partie de la législation paraguayenne, a-t-elle déclaré.

Le sixième rapport périodique du Paraguay (CEDAW/C/PAR/6), qui porte sur la période 2005-2010, fait notamment valoir que la lutte contre la traite des êtres humains a été institutionnalisée et que des actions publiques ont été mises en place en vue d'identifier les victimes, de les protéger, d'assurer leur réinsertion et de condamner les responsables de traite. Il fait aussi valoir que la lutte contre la violence au foyer qui, au début, était engagée par les mouvements de femmes et le Secrétariat à la condition de la femme, est maintenant une politique de l'État. Les statistiques pour 2009 montrent que la violence au foyer figure en troisième position parmi les actes punissables les plus fréquents, après le vol de bétail et le vol simple. Dans le centre d'aide aux victimes, 72 % de victimes directes sont des femmes et dans la plupart des cas il y avait eu atteinte sexuelle sur la personne d'enfants. Par ailleurs, la santé sexuelle et procréative de la femme est meilleure mais de nouveaux fléaux sont apparus comme la féminisation du VIH et du sida. Le taux de mortalité maternelle a baissé, même s'il continue d'être élevé, et continue d'être plus élevé en zone rurale qu'en zone urbaine.

Le rapport indique en outre que la participation des femmes dans le monde du travail a augmenté. D'après une enquête de 2008 sur les ménages, 48,3 % des femmes travaillent, contre 75,9 % des hommes. Chez les femmes qui travaillent, 71,7 % occupent un emploi dans le secteur tertiaire et si 52 % sont couvertes par une assurance, les conditions de travail ne se sont pas améliorées et la participation des femmes dans les différents secteurs ne progresse que légèrement. Les mêmes tendances et les écarts entre la situation des hommes et celle des femmes continuent d'être constatés, reconnaît le rapport. Le taux de pauvreté atteignait 41,3% en 2005 et 37,9% en 2008; 50% des femmes vivent dans la pauvreté et, parmi elles, 19,6% dans l'extrême pauvreté, en majorité des femmes chefs de famille, habitant en zone rurale et ayant de nombreux enfants.

D'autre part, la participation des femmes à la vie publique progresse mais continue d'être minimale dans la vie politique. Tous les efforts qui ont été consentis n'ont pas été suffisants. La représentation des femmes au Parlement est de 14 % au niveau national et dans les conseils départementaux elle n'atteint pas les 20 % fixés par le Code électoral. Les femmes qui vivent à l'intérieur du pays, les femmes rurales, les autochtones, les jeunes, les femmes des zones urbaines sont beaucoup mieux organisées et participent activement à la vie publique, ce qui leur permet de défendre leurs intérêts. Il faut souligner que pendant la période couverte par le rapport, l'histoire politique du Paraguay a connu un changement très important avec les élections de 2008, qui ont abouti à la chute du parti traditionnellement au pouvoir, renforçant le processus démocratique avec l'alternance du pouvoir, souligne le rapport. Cette situation, affirme-t-il, crée un nouveau scénario propice à la primauté du droit et en rupture avec les schémas établis dans le fonctionnement des institutions et des mouvements sociaux.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte s'est réjouie que le Paraguay ait signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Relevant toutefois que le Comité n'a à ce stade reçu aucune plainte en vertu de cet instrument, elle s'est enquise des éventuelles mesures de formations prévues au Paraguay pour faire connaître la Convention et son Protocole au public et au personnel judiciaire. Certaines recommandations cruciales adressées au Paraguay par le Comité n'ont toujours pas été suivies d'effet, a-t-elle en outre fait observer; il en va ainsi de la recommandation visant l'incorporation d'une définition de la discrimination contre les femmes et l'interdiction d'une telle discrimination. Il semble que les femmes ne peuvent recevoir aucun don ou donation sans le consentement de leur mari, s'est en outre inquiétée l'experte.

Une autre experte a relevé qu'il n'y ait pas encore de volonté, au plan du pouvoir législatif paraguayen, pour adopter des lois contre la discrimination, contre la violence et pour la santé sexuelle et génésique.

Une experte a regretté que le Paraguay n'ait pratiquement pas recours aux mesures temporaires spéciales, de sorte que le pays se trouve dans une situation paradoxale où la Constitution stipule que l'État doit prendre des mesures pour assurer une égalité réelle et effective, alors qu'il existe dans le pays de nombreux cas de discrimination contre les femmes et que la pauvreté galopante affecte de nombreux groupes sociaux. Des mesures temporaires spéciales devraient donc être prises pour améliorer les droits des femmes et atteindre une égalité de facto, a insisté l'experte, avant de préciser que les explications fournies à ce sujet par l'État paraguayen – qui invoque des raisons culturelles – ne sauraient satisfaire le Comité. Les résistances culturelles et politiques à une politique de promotion de l'égalité sont normales en ce sens qu'elles sont universelles et cela ne doit pas freiner la volonté d'entreprendre les démarches nécessaires, a souligné une experte.

Plusieurs membres du Comité se sont dits vivement inquiets face à l'ampleur de la violence domestique au Paraguay et se sont notamment enquis des mesures prises pour s'assurer que les auteurs de ces crimes soient poursuivis.

Une experte s'est inquiétée que des petites filles soient employées comme travailleuses domestiques au Paraguay, avec les risques d'abus sexuels à leur encontre que cela comporte. Qu'envisage le pays pour assurer l'interdiction du travail des enfants, a-t-elle demandé? Une autre experte a souligné que les criaditas («petites bonnes») sont incontestablement victimes d'une forme d'exploitation et a demandé quelles mesures sont prises par les autorités en vue d'éliminer cette pratique qui constitue l'une des pires formes de travail infantile. Certaines jeunes filles travaillent comme domestiques jusqu'à 12 heures par jour et pour un salaire qui se situe illégalement en dessous du salaire minimum requis, a pour sa part fait observer une autre experte.

Les femmes pauvres et autochtones sont particulièrement vulnérables à la traite de personnes à l'intérieur du pays, a souligné une experte. Elle s'est inquiétée d'informations selon lesquelles la traite «interne» de personnes, surtout en provenance de zones rurales, ne ferait pas l'objet de poursuites adéquates.

Les taux d'abandon scolaire ont progressé au Paraguay, s'est inquiétée une experte.

Un membre du Comité a jugé trop étroite la définition du harcèlement sexuel retenue par la législation paraguayenne.

En ce qui concerne les questions de santé, plusieurs expertes se sont inquiétées que les avortements clandestins soient la raison principale du taux élevé de mortalité maternelle que connaît le Paraguay. Aussi, une experte a-t-elle demandé si l'État avait la volonté politique de débattre de la question de l'avortement en vue de lever l'interdiction de cette pratique, ce qui permettrait d'éviter un certain nombre de décès maternels. Sans parler de légalisation, ce qui serait l'idéal, on pourrait tout au moins envisager de dépénaliser l'avortement, a suggéré une experte.

Une experte a insisté sur la nécessité, pour les autorités paraguayennes, de trouver les moyens de faire face aux forces fondamentalistes de l'Église catholique, qui sont très bien organisées et entravent un certain nombre d'évolutions pourtant nécessaires afin que le pays se conforme aux dispositions de la Convention.

Une experte s'est pour sa part inquiétée de la discrimination voire des violences à l'encontre des personnes transsexuelles et a déploré le manque de poursuites engagées en la matière.

L'accès limité des femmes à la propriété foncière, en particulier pour les femmes autochtones, a par ailleurs été dénoncé.

La pauvreté constitue l'une des principales causes de violence et a des implications sur la capacité des femmes à participer à la vie publique; or, au Paraguay, selon ce qu'indique le rapport du pays, la pauvreté touche la moitié des femmes, dont 19,6% vivent dans l'extrême pauvreté. Aussi, une experte s'est-elle enquise de l'éventuelle stratégie nationale dont les autorités paraguayennes se seraient dotées afin de lutter contre la pauvreté, en particulier celle qui frappe les femmes rurales et autochtones.

Une experte a enfin demandé si les autorités paraguayennes avaient l'intention de relever à 18 ans l'âge minimum du mariage, actuellement fixé à 16 ans.

Réponses de la délégation

La délégation a souligné que la Convention fait figure de loi nationale et a déjà été directement appliquée par les tribunaux, notamment dans des litiges liés au travail ou encore dans le domaine pénal. La Convention a force de loi supérieure par rapport au Code civil, a-t-elle précisé; ainsi, dans la pratique, aucune femme ne s'est vu priver de don/donation, a-t-elle assuré.

La délégation a attiré l'attention sur les progrès réalisés en matière de représentation des femmes aux niveaux élevés de pouvoir, notamment au sein de l'administration de la justice; néanmoins, a-t-elle ajouté, persiste une prévalence des hommes au niveau pénal dans les tribunaux supérieurs, ainsi qu'aux niveaux administratifs liés au financement et au budget. Il risque en outre d'y avoir des résistances au sein de la Cour suprême de justice, où pourrait perdurer encore longtemps la proportion de 27% de femmes qui existe actuellement.

Interrogée sur la latitude dont dispose le Gouvernement paraguayen pour faire adopter les lois nécessaires aux fins de la bonne mise en œuvre de la Convention, la délégation a expliqué que «Nous sommes très minoritaires au Parlement et notre marge de manœuvre est très limitée. Nous devons faire preuve de persuasion».

Évoquant les résistances auxquelles se heurte le Paraguay pour faire évoluer la législation dans un sens conforme à la Convention, la délégation a indiqué que lorsque la question des mesures temporaires spéciales - sous la forme d'un quota de sièges de députés réservés aux femmes - a été débattue au Parlement, certains députés ont dit ne pas comprendre pourquoi les femmes voudraient la moitié des sièges alors que rien de les empêche d'en avoir la totalité; ils ont fini par arguer qu'il s'agissait là d'un débat ridicule et le débat a été clos. La délégation a par ailleurs affirmé que les hommes ne veulent pas entendre parler du terme de «féminicide» et affirment qu'il s'agit là d'une «folie féministe».

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le traitement préférentiel accordé par la Constitution paraguayenne aux femmes seules chefs de famille dans le contexte de la réforme foncière. À titre de mesure temporaire, une proportion importante des titres fonciers doit en effet, dans le cadre de cette réforme foncière, être accordée à ces femmes.

La législation en vigueur au Paraguay autorise le travail domestique à partir de 16 ans, a d'autre part indiqué la délégation.

La police dispose d'un département spécifiquement dédié à la lutte contre la traite de personnes et le Ministère public dispose lui aussi d'un bureau consacré à cette question, a en outre fait savoir la délégation. Il n'en demeure pas moins qu'au niveau social, le problème de la traite interne de personnes est nié; tout le monde nie l'existence de ce phénomène dans le pays, a-t-elle indiqué. Dans la pratique, les autorités savent bien que les membres de la famille des victimes sont souvent les trafiquants eux-mêmes, a-t-elle ajouté. Elle a fait part de l'existence d'un avant-projet de loi sur la traite qui couvre uniquement la traite au niveau interne, mais pas la traite internationale.

Répondant à une nouvelle série de questions, la délégation a indiqué que la loi sur les micro-entreprises qui devrait bientôt être examinée par le Parlement devrait instaurer des exonérations de charge pour les micro-entrepreneurs, mais les syndicats pensent que ce projet de loi pose encore quelques problèmes, de sorte qu'il doit encore être débattu plus avant.

Il est vrai que les femmes ne peuvent pas assurer leurs époux; cela est vrai tant pour les travailleuses domestiques que pour les enseignantes, a reconnu la délégation, expliquant qu'il est difficile pour un homme de reconnaître qu'il est entretenu par son épouse.

Pour ce qui est de l'avortement, la Ministre de la femme a souligné qu'il s'agit là d'une question délicate et difficile pour le Paraguay, qui est pourtant un pays laïc. L'avortement est un délit au Paraguay, a-t-elle rappelé, ajoutant qu'un certain nombre de personnes ou d'organisations la qualifiaient de «Ministre assassin» ou de «Ministre pro-avortement».

La délégation a ensuite fait état de statistiques relatives au harcèlement sexuel dans le secteur public en indiquant que selon une étude récemment menée, 10% des personnes interrogées disent avoir connaissance de cas de harcèlement sexuel dans le secteur public. L'étude indique aussi que près de 80% des victimes ne dénoncent pas ces cas car elles craignent de perdre leur emploi. Une campagne va donc être menée et un guide préparé qui contiendra une définition du harcèlement sexuel; par ailleurs, des fonctionnaires un peu partout dans le pays ont commencé à être formés en vue de la lutte contre cette pratique, a fait valoir la délégation. D'autre part, une ligne téléphonique gratuite va très prochainement – probablement le mois prochain – être mise à disposition des victimes de harcèlement sexuel, a ajouté la délégation. Enfin, la loi intégrale sur la violence à l'encontre des femmes va inclure une définition du harcèlement sexuel, délit qui sera à l'avenir traité au pénal de manière plus adéquate, a assuré la délégation.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a indiqué qu'une étude a été menée concernant l'abandon scolaire des filles dans les zones rurales; néanmoins, aucun programme du Ministère de l'éducation n'a été mis en place afin de retenir ou de ramener à l'école ces jeunes filles qui abandonnent leurs études, a-t-elle ajouté.

Il n'y a pas d'éducation sexuelle dispensée au Paraguay et il est vrai que l'échec des autorités à mettre en place un tel programme d'éducation est incontestable, a également reconnu la délégation.

La situation en matière de pauvreté ne s'est pas améliorée en dépit de l'accroissement du PIB, a par ailleurs reconnu la délégation, soulignant que le Paraguay est pourtant un pays où la pression fiscale est particulièrement basse.

Au Paraguay, a poursuivi la délégation, l'âge légal du mariage est toujours fixé à 16 ans. Il existe néanmoins un consensus général, tant dans le milieu universitaire que dans le milieu judiciaire, quant à la nécessité de relevé cet âge à 18 ans, c'est-à-dire l'âge de la majorité civile. Mais il n'existe dans l'immédiat aucun projet pour procéder à un tel changement, a reconnu la délégation. Il n'existe pas au Paraguay de tribunal spécial de la famille, a-t-elle par ailleurs indiqué.


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CEDAW11/017F