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LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE L'ESPAGNE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné aujourd'hui le rapport initial de l'Espagne sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention sur les droits des personnes handicapées.

Présentant le rapport de son pays, Mme Isabel Martínez Lozano, Secrétaire générale de la politique sociale et de la consommation du Ministère de la santé, de la politique sociale et de l'égalité, a affirmé que les handicapés étaient bien acceptés dans son pays, les sondages montrant que 90% d'entre eux affirmaient ne jamais se sentir victimes de discrimination. En outre, la société civile organisée constitue, selon elle, l'outil le plus puissant pour garantir les droits des personnes handicapées. Elle a rappelé que son pays comptait parmi les dix premiers à ratifier la Convention entrée en vigueur en 2008. Elle a souligné l'effet positif de la «Stratégie globale d'action pour l'emploi des personnes handicapées» entrée en vigueur en 2008. Par ailleurs, l'Espagne a accompli de grands efforts en faveur de l'accessibilité des trains et des gares. L'expérience dans ce domaine a montré l'importance d'établir des partenariats avec le secteur privé, avec les grandes entreprises en particulier. La Convention elle-même implique de se livrer à un exercice constant de réflexion sur les innovations et les adaptations des normes à prévoir. Le chef de la délégation espagnole a souligné que la participation citoyenne des personnes handicapées devait aussi être prise en compte afin que celles-ci puissent participer à la vie politique comme au fonctionnement de la justice.

L'importante délégation espagnole était également composée de M. Jaime Alejandre, Directeur général de la coordination des politiques sectorielles sur le handicap du Ministère de la santé, de la politique sociale et de l'égalité, ainsi que de représentants des Ministères de l'éducation, de la justice, du travail et de l'immigration, de l'intérieur, et des affaires étrangères et de la coopération. Elle a répondu aux nombreuses questions des membres du Comité, soulignant notamment que 78% des enfants handicapés étaient scolarisés dans des établissements classiques, un chiffre en forte augmentation depuis plusieurs années. L'aide à domicile est l'un des services les plus demandés par les personnes handicapées et les personnes âgées, le Gouvernement ayant pour souci de ne pas tailler dans les dépenses sociales malgré les difficultés budgétaires actuelles. Par ailleurs, des mesures d'incitation ont été prises, notamment des primes pour les entreprises faisant preuve d'initiative pour atteindre, voire dépasser le seuil de 2% de personnes handicapées au sein de leur personnel; les sanctions ont été alourdies pour les entreprises ne respectant pas ce chiffre. S'agissant de l'accessibilité, une loi récente garantit l'accès aux bâtiments publics, tandis que des incitations sont offertes aux bailleurs privés pour qu'ils aménagent leurs locaux. Enfin, les placements sous tutelle font l'objet d'une surveillance étroite et impliquent l'accord de la personne concernée dans la mesure du possible.

M. German Xavier Torres-Correa, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a relevé des lacunes dans les données fournies par l'Espagne s'agissant des personnes handicapées vivant dans la pauvreté et sur les personnels spécialisés disponibles susceptible d'assister les personnes souffrant d'un handicap physique. Le rapporteur a aussi souligné qu'un problème d'information des personnes handicapées semblait se poser en ce qui concerne les services mis à leur disposition. Le Président du Comité a pour sa part tenu à souligner que l'Espagne était à ce jour le seul État partie à avoir respecté le délai fixé dans la présentation de son rapport initial.


Les observations finales du Comité sur le rapport de l'Espagne seront rendues publiques à la fin des travaux, ce vendredi 23 septembre. Un communiqué final sera publié à la clôture de la session, qui se poursuit cette semaine dans le cadre de séances privées.


Présentation du rapport de l'Espagne

M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER, Représentant permanent de l'Espagne aux Nations Unies à Genève, a souligné en préambule que l'égalité était au cœur du plan des droits de l'homme élaboré par son pays. Il a rappelé que l'Espagne participait activement aux organes de l'ONU, à commencer par le Conseil des droits de l'homme. Il a aussi souligné que l'Espagne avait inscrit, dans sa Constitution de 1978 son engagement dans la promotion et la défense des droits de l'homme.

MME ISABEL MARTÍNEZ LOZANO, Secrétaire générale de la politique sociale et de la consommation au Ministère de la santé, de la politique sociale et de l'égalité, a indiqué que la volonté du législateur avait été de faire en sorte que les handicapés soient traités sur un pied d'égalité avec les autres citoyens. Cette volonté a été concrétisée assez rapidement avec l'entrée en vigueur dès 1982 de la Loi d'intégration sociale des personnes handicapées, connue en Espagne sous son acronyme, LISMI, qui stipule comme principe général l'intégration des personnes handicapées dans le système général d'éducation. Si l'on a constaté une élévation de leur niveau d'instruction, la représentante a reconnu qu'il restait encore beaucoup à faire dans ce domaine. Une loi d'égalité des chances a été votée en 2003 qui a prévu une série de mesures afin de garantir et de rendre effectif ce droit. Elle a permis de concrétiser l'accessibilité à des domaines tels que les transports, l'urbanisme, les relations avec l'administration ou les télécommunications.

Les handicapés sont bien acceptés par la société et les sondages montrent que 90% d'entre eux affirment ne jamais se sentir victimes de discrimination. En outre, la société civile organisée constitue l'outil le plus puissant pour garantir les droits des personnes handicapées. En particulier, le Comité espagnol des représentants des personnes handicapées, le CERMI, s'est fait leur porte-voix en direction de toutes les institutions nationales et locales.

Mme Martínez Lozano a rappelé que son pays figurait parmi les dix premiers à ratifier la Convention entrée en vigueur en 2008. L'accessibilité est garantie en Espagne par un principe fondamental: la «transversalité» qui est l'axe de la Stratégie espagnole sur le handicap 2012-2020 qui doit être approuvée incessamment. Ce concept est concrétisé par la Direction générale de coordination des politiques sectorielles sur le handicap. En 2009, a été constitué un groupe de travail composé de tous les ministères chargé d'étudier et de mettre l'accent sur les adaptations nécessaires. L'un des fruits de son travail a été la publication d'un rapport sur les mesures nécessaires pour mettre la législation en accord avec la Convention. Ont été identifiées les mesures à prendre, notamment le nécessaire amendement d'une vingtaine de lois affectant la vie quotidienne des personnes handicapées. Ce texte, à l'élaboration duquel a participé activement la société civile, a été adopté le mois dernier.

Dans le domaine crucial du travail, Mme Martínez Lozano a souligné l'effet positif de la «Stratégie globale d'action pour l'emploi des personnes handicapées» entrée en vigueur en 2008. Par ailleurs, l'Espagne a accompli de grands efforts en faveur de l'accessibilité des trains et des gares. L'expérience dans ce domaine a montré l'importance d'établir des partenariats avec le secteur privé, avec les grandes entreprises en particulier. Il s'agit d'effectuer un travail de sensibilisation sociale et de recherche de l'adhésion du plus grand nombre. La Convention, a-t-elle noté, implique de se livrer à un exercice constant de réflexion sur les innovations et les adaptations de normes à prévoir. La représentante du Gouvernement espagnol a souligné que la participation citoyenne des personnes handicapées devait aussi être prise en compte afin que des personnes handicapées puissent participer à la vie politique comme au fonctionnement de la justice, avec leur inclusion au sein des jurés populaires par exemple. En mars dernier, un décret a ainsi été promulgué afin de faciliter la participation des personnes handicapées à la vie politique et aux processus électoraux. Une stratégie en faveur de la culture pour tous a aussi été définie, sans oublier un domaine comme le sport. Enfin, sur le plan international, l'Espagne subventionne de nombreux projets de coopération, dont celui conclu avec la Tunisie touchant à l'intégration des handicapés dans les secteurs de l'éducation et de l'emploi.

Le rapport initial de l'Espagne (CRPD/C/ESP/1) indique que la Constitution espagnole prenait déjà en compte les droits des personnes handicapées avant même que le pays ne ratifie la Convention et avant que celle-ci n'entre en vigueur, le 3 mai 2008. La Constitution garantit la liberté et l'égalité de tous les citoyens et des groupes dont ils font partie, dans la vie politique, économique, culturelle et sociale; l'article 14 consacre le principe selon lequel les Espagnols sont égaux devant la loi et ne peuvent être l'objet d'aucune discrimination fondée sur la naissance, la race, le sexe, la religion, l'opinion ou quelque autre condition ou particularité personnelle ou sociale. Cette prise en compte, qui avait commencé par l'adoption de la grande loi de 1982 relative à l'intégration sociale des personnes handicapées (LISMI), a atteint son point culminant avec l'adoption d'une loi en 2003 relative à l'égalité des chances, à la non-discrimination et à l'accessibilité universelle pour les personnes handicapées et de ses textes d'application. Néanmoins, pour incorporer la Convention dans l'ordre juridique interne et rendre effectifs les droits qu'elle énonce, encore fallait-il adapter certains textes des différentes branches du droit, adaptation qui est en cours. Une décision du Conseil des ministres de juillet 2009 a créé un groupe de travail interministériel chargé de rédiger un rapport d'analyse de la législation en vigueur, assorti de conclusions sur les modifications à y apporter. Le rapport précise enfin que 3,8 millions de personnes sont handicapées à des degrés divers en Espagne, ce qui signifie que près de 20% des ménages espagnols sont concernés par cette question, les femmes représentant près de 60% des personnes handicapées. Le taux de handicap par tranche d'âge est légèrement supérieur chez les hommes jusqu'à 44 ans puis, à partir de 45 ans, la situation s'inverse et la différence augmente avec l'âge.

Examen du rapport initial de l'Espagne

Questions et observations des membres du Comité

M. GERMAN XAVIER TORRES-CORREA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a attiré l'attention sur l'importance de permettre la participation des personnes handicapées à l'élaboration de textes les concernant. En outre, les données fournies par l'Espagne présentent des lacunes en ce qui concerne la proportion des personnes handicapées vivant dans la pauvreté, et le rapporteur a voulu savoir si le pays a une politique globale de lutte contre la pauvreté. Il a aussi souhaité en savoir plus sur les mesures prises pour l'identification des besoins spécifiques. La promotion de l'autonomie personnelle a fait l'objet d'une loi mais celle-ci pâtit d'une mise en œuvre insuffisante, selon le rapporteur. Quant à l'accessibilité, il a constaté que le rapport ne donne guère d'indication sur les personnels spécialisés disponibles susceptible d'assister les personnes souffrant d'un handicap physique.

Dans le domaine social, le rapport ne précise pas quelles pénalités ont été infligées aux entreprises de plus de 50 personnes qui sont normalement astreintes à une proportion de 2% de personnes handicapés. Il ne dit rien non plus sur l'assistance susceptible d'être apportée aux femmes handicapées victimes de violences. Quant aux enfants, si un Observatoire de l'enfance a été mis en place, le rapport dit peu de choses sur les mesures prises en faveur des mineurs handicapés. Le rapporteur a enfin souligné qu'un problème d'information des personnes handicapées semblait se poser en ce qui concerne les services mis à leur disposition.

Un autre membre du Comité a demandé quel était le statut de la Convention en relation avec la Constitution et des lois nationales. Il a aussi demandé si la législation sur le handicap visait bien à la fois les secteurs public et privé, ainsi que les 47 millions de citoyens espagnols. Un autre expert a évoqué les cas éventuels d'internement forcé. Un expert s'est interrogé sur l'évaluation des handicaps et sur la validité des pourcentages utilisés à cette fin. Une experte s'est également dite préoccupée par les mesures quantitatives du handicap. Si la législation est apparemment conforme à la Convention, l'experte s'est demandé si des améliorations ne pourraient pas être apportées s'agissant de l'identification des handicaps en tenant compte des personnes souffrant de handicaps peu visibles.

Un expert s'est inquiété des questions de discrimination et d'égalité, souhaitant que la délégation donne quelques exemples d'affaires ayant fait l'objet d'actions judiciaires. Par ailleurs, l'Espagne étant un pays fortement décentralisé, dans quelle mesure les droits des personnes handicapées sont-ils respectés dans toutes les régions.

Un membre du Comité a souhaité savoir si la législation protégeait contre les discriminations indirectes. Un autre membre du Comité a demandé quelles mesures le gouvernement avait prises afin d'assurer une participation active des enfants à l'application de la Convention. Une experte a posé une question sur le choix du tuteur, s'inquiétant du manque de précision à cet égard, afin que l'on s'assure bien du consentement de la personne handicapée.

Une autre experte a demandé si les besoins des personnes handicapées étaient pris en compte dès l'élaboration des lois et mesures prises par les autorités. Elle a cité le cas de Microsoft dont un représentant expliquait hier devant le Comité que tout nouveau produit prévoyait d'emblée son utilisation par les handicapés. Par ailleurs, elle a rappelé que les problèmes d'accessibilité se posaient dans de nombreux pays, dans les transports, aériens en particulier, souhaitant savoir ce qui était fait en Espagne à cet égard.

Une experte a rappelé que d'autres organes conventionnels (Comité des droits de l'enfant, Comité pour l'élimination de la discrimination raciale) avaient appelé l'Espagne à mieux prendre en compte la question des handicapés. Elle s'est inquiétée de la législation sur la stérilisation forcée qui n'est pas réprimée par la loi locale. Elle a aussi souligné que les personnels d'encadrement, les enseignants en particulier, étaient insuffisamment formés sur le handicap, ce qui pose le problème d'une inégalité de qualité de l'éducation fournie.

Un membre du Comité a souhaité savoir combien d'adultes étaient placés sous tutelle en Espagne. Quant aux cas d'hospitalisation involontaire, il semble que le droit espagnol ne réponde plus aux exigences contemporaines à cet égard. Si les abus restent exceptionnels dans les établissements pénitentiaires espagnols, on sait que ce type d'abus ne sont pas rares dans tous les pays, y compris dans les institutions spécialisées. L'expert a souhaité savoir quels contrôles étaient effectués dans ce domaine.

Une experte a souhaité savoir si les régions autonomes étaient bien au fait de leurs obligations relatives à la protection des handicapés. Un autre expert s'est demandé si les mesures prises dans la capitale pour faciliter l'accès des bâtiments publics avaient leur équivalent dans les capitales régionales.

Un membre du Comité a demandé si en cas d'incarcération d'un handicapé dans un établissement inadapté à son état, il lui était possible d'obtenir son transfert dans une prison répondant aux normes actuelles.

Quelle sont les possibilités de porter plainte pour les femmes ou les enfants handicapés ayant subi des maltraitances, a demandé une experte? Celle-ci a aussi souhaité savoir quels motifs pouvaient entraîner une décision de stérilisation et si le consentement de la personne concernée était nécessaire.

Une experte a demandé si la crise financière avait eu des conséquences sur les budgets consacrés aux personnes handicapées. Enfin, un expert a demandé ce qu'il en était de la prise en charge des enfants roms handicapés.

Un autre expert a demandé s'il existait des indications quant à la satisfaction des handicapés dans leur travail, ainsi que par rapport à leur salaire. Un autre s'est étonné du tableau particulièrement idyllique offert par la délégation, estimant que celui-ci était presque trop beau, reconnaissant qu'il s'agissait là d'une remarque personnelle. En ce qui concerne le transport aérien, il a jugé que la réglementation européenne était insuffisante pour contraindre les compagnies à prendre les personnes handicapées à leur bord. Il a enfin souhaité savoir si des enfants étaient privés d'école en raison de leur handicap.

S'agissant de l'éventuelle privation du droit de vote, officiellement exceptionnelle, un expert a rappelé le recours introduit par une personne handicapée qui avait obtenu gain de cause devant la justice espagnole. Il a demandé quel pourcentage des personnes sous tutelle conservaient leur droit de vote et s'est interrogé sur ce qui pouvait justifier son éventuelle privation.

Une experte a demandé dans quelle mesure les handicapés étaient pris en compte dans les campagnes d'information sur le VIH/sida.

Un autre membre du Comité a posé une question sur le niveau de handicap à partir duquel il était possible de prétendre à une assistance personnelle.

Réponses de la délégation espagnole

Mme Martínez Lozano a indiqué que la dernière enquête statistique, qui date de 2008, donnait une idée précise de la situation du handicap en Espagne. Par ailleurs un observatoire permanent a été mis en place qui permet d'actualiser les chiffres et les données en permanence.

En ce qui concerne les questions posées par les experts quant à la définition du handicap, un membre de la délégation a indiqué que la loi espagnole reprenait la définition de la Convention.

L'ordre juridique espagnol prévoit le rejet total de toute discrimination, en dehors de la discrimination positive dans l'emploi par exemple. Si la loi fixe un seuil de 33% de handicap des capacités personnelles pour pouvoir être reconnu en tant que personne handicapée, des mesures ont été prises néanmoins pour les personnes en deçà de ce seuil d'un handicap donné. La délégation est d'accord sur le fait qu'ils convient d'adopter un modèle moins strictement médical.

La loi adoptée en août dernier contient un article relatif à la «propriété horizontale» garantissant l'accès aux bâtiments, en fonction d'un certain nombre de critères. Des obligations ont été édictées sur les délais et les ressources à consacrer aux aménagements à apporter par les propriétaires ou les gérants d'immeuble. Différents plans de soutien financier existent, y compris au niveau local, afin d'aider par exemple à l'aménagement des ascenseurs. Une politique d'aide existe dans le cadre d'un plan 2009-2012, comprenant une aide de 3700 euros pour assurer l'accès des édifices privés aux personnes à mobilité réduite.

En ce qui concerne les situations d'urgence en cas de catastrophe par exemple, une loi de 2011 sur les mesures d'aide à la population civile prévoit la prise en compte de l'assistance aux personnes handicapées. Le risque nucléaire et radiologique est inclus dans ces dispositions. La Protection civile fournit des formations spécifiques à cette fin, y compris une sensibilisation aux dispositions de la Convention.

S'agissant des mécanismes de contrôle de placement sous tutelle, ceux-ci font l'objet d'une surveillance étroite, a indiqué la délégation. Ainsi, le tuteur doit faire un compte-rendu annuel de la situation de la personne dont il a la charge, en particulier sur le plan matériel et des ressources. Le tuteur doit présenter un inventaire de la totalité des biens, toute vente éventuelle d'un bien faisant l'objet d'une autorisation de l'autorité judiciaire.

Malgré l'austérité budgétaire actuelle, dix milliards d'euros ont été consacrés ces quatre dernières années à l'aide sociale, au bénéfice de 730 000 personnes. L'État a pour souci d'assurer la cohésion sociale afin de garantir des prestations de services. Il existe six catégories de personnes dépendantes, cataloguées en fonction d'un barème. Les problèmes de dépendance grave touchant environ un million de personnes, le Gouvernement a la volonté de persévérer dans la voie de la promotion de l'autonomie personnelle. En dehors de tous les services d'accessibilité physique, les autorités ont aussi prévu sur tout le territoire national un ensemble de mesures afin d'assurer l'autonomie des personnes handicapées en assurant des services sanitaires.

Quant aux sanctions susceptibles de frapper les sociétés ne respectant pas le seuil de 2%, Mme Martínez Lozano a reconnu qu'il s'agissait là du seul moyen de s'assurer que la loi était respectée. Des mesures d'incitation ont été prises, notamment des primes pour les entreprises faisant preuve d'initiative pour atteindre, voire dépasser ce seuil de 2%. Un membre de la délégation a précisé qu'en l'absence de respect de la loi dans les entreprises de plus de 50 personnes, les sanctions avaient été aggravées cette année. De nouvelles mesures doivent être prises dans les douze mois à venir, notamment par la définition de normes précises. Quant à l'exclusion éventuelle de contrats publics pour les sociétés ne respectant pas le seuil des 2% d'employés handicapés parmi le personnel, cela n'est pas possible, en vertu de la réglementation européenne. Il est néanmoins possible de favoriser les entreprises respectant ce seuil lors de l'examen des appels d'offres. À une question complémentaire sur ce qu'il advenait aux entreprises ne respectant pas la proportion de 2% de travailleurs handicapés, la délégation a indiqué que 340 d'entre elles avaient été sanctionnées l'an dernier, 148 depuis le début de cette année.

Les politiques de l'emploi de personnes handicapées visent à améliorer les choses à la fois sur les plans quantitatifs et qualitatifs, a par la suite précisé la délégation.

S'agissant des droits de l'enfant, la délégation a souligné que la société civile était extrêmement active, en particulier le Comité espagnol des représentants des personnes handicapées (CERMI) en tant qu'organisation faîtière. Au quotidien, on ne distingue pas les enfants handicapés des non handicapés quant aux garanties et protections auxquelles tous ont droit, a assuré la délégation.

Quant à la violence sexiste, l'Espagne est consciente de la double discrimination dont peuvent souffrir les femmes handicapées. Des campagnes d'information sont organisées, l'État étant conscient de l'importance de mener des actions de sensibilisation, a précisé Mme Martínez Lozano. Des programmes d'assistance sociale sont en place pour les victimes. Un groupe de travail sur la violence et le handicap a été réuni avec des représentants du CERMI et des organisations non gouvernementales. Un rapport est en préparation sur l'impact de la violence sur le handicap. Les autorités sont conscientes du fait que le handicap puisse être une circonstance aggravante pour les victimes. La stratégie et le plan d'action 2012-2015 sur le handicap actuellement en préparation auront un volet spécifique consacré à l'enfance.

En ce qui concerne les personnes internées et les garanties dont elles peuvent jouir, la délégation a indiqué que l'intégrité physique des personnes handicapées était garantie de manière absolue. Les personnels, les gardiens de prison en particulier, doivent suivre une formation spéciale en matière de droits de l'homme. Toute conduite discriminatoire est considérée comme une infraction très grave. Les mécanismes mis en place garantissent contre le risque de se voir infliger des mauvais traitements, les détenus eux-mêmes étant sensibilisés à cette question. Les 25 000 personnes employées par l'institution pénitentiaire font preuve d'un haut degré d'éthique à cet égard, ce qui explique que les mauvais traitements sont rarissimes. La délégation a estimé que le système pénitentiaire espagnol garantissait pratiquement à 100% la protection de la vie et l'intégrité physique des personnes handicapées emprisonnées.

Quant à la place de la Convention dans l'ordre juridique espagnol, la délégation a indiqué qu'elle avait le même rang que tout autre qu'instrument international ratifié par l'Espagne. Dès lors que les traités sont publiés au Journal officiel espagnol, ils peuvent être considérés comme faisant partie intégrante de la législation espagnole. Les droits et libertés fondamentales doivent par exemple être interprétés à la lumière de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En ce qui concerne l'égalité face à la justice, la procédure pénale doit prévoir des mécanismes d'appui aux personnes handicapées. La première préoccupation a consisté à demander à la Cour suprême si l'État espagnol était en conformité avec la Convention. La Cour suprême a considéré que l'incapacité devait être graduée afin de fournir un mécanisme d'appui proportionnel à la capacité naturelle. La Cour ne dit pas s'il s'agit de tutelle, d'appui ou de complément. Il revient aux États parties de le déterminer.

Répondant à des questions complémentaires, la délégation a notamment expliqué que des plaintes contre les autorités peuvent être déposées par les personnes concernées et leur famille auprès du bureau chargé des personnes handicapées. Elles sont enregistrées et font l'objet d'un rapport annuel qui indique s'il y a été remédié.

S'agissant des questions sur le disparités régionales, la délégation a indiqué que les communautés autonomes sont libres de définir leurs propres priorités tout en respectant les directives nationales. S'agissant par exemple des critères d'accès aux édifices publics, ceux-ci s'imposent sur l'ensemble du territoire. Il est exact toutefois que certaines régions sont moins dynamiques que d'autres, avec le danger d'avoir un filet social à deux vitesses, a reconnu la délégation. Certaines questions relèvent à l'inverse du niveau européen et l'on peut déplorer que l'Union européenne n'ait pas suffisamment avancé sur le plan de ce qu'il est convenu d'appeler les «ajustements raisonnables», c'est-à-dire des dispositions pratiques visant faciliter la vie des handicapés. Mme Martínez Lozano a estimé à cet égard que le CERMI (Comité espagnol des représentants des personnes handicapées) pourrait servir de modèle à d'autres pays.

En réponse à la question sur l'accessibilité s'agissant des compagnies aériennes, la délégation a reconnu que cette question avait fait l'objet de nombreuses plaintes à la suite de difficultés pour l'embarquement et le débarquement des passagers handicapés, et ceci dans un passé relativement récent. Le problème a été pris à bras le corps et le nombre de cas a pratiquement été réduit à néant. En outre, des brochures, dont des exemplaires ont été montrées au Comité, sont mises à la disposition des voyageurs handicapés afin de les informer sur les services et les facilités auxquels ils peuvent prétendre.

L'éducation est garantie à tous les élèves et elle a lieu, dans la mesure du possible, dans des établissements ouverts à tous. Jusqu'en 1985, il existait deux systèmes, le classique et celui réservé aux handicapés. Aujourd'hui, 78% des enfants handicapés ont intégré les établissements classiques. Si des progrès sont encore possibles pour diminuer encore le chiffre de 22% des élèves handicapés fréquentant des établissements spécialisés, il est probable que les progrès à venir en ce sens seront désormais beaucoup plus limités en raison de la lourdeur des handicaps concernés.

En ce qui concerne la coopération internationale, la délégation a énuméré les pays avec lesquels des projets étaient en cours, citant en particulier la Jordanie, les territoires palestiniens ou le Sénégal, 34 millions d'euros ayant été consacrés à ces projets d'assistance entre 2006 et 2010.

S'agissant de la question sur l'hospitalisation forcée, la délégation a répondu qu'il s'agissait d'une violation de la loi, aucune personne ne pouvant être privée de liberté contre son gré si elle n'a pas commis de délit.

Quant aux mauvais traitements éventuels envers des personnes handicapées, un accompagnement est prévu pour les femmes faisant l'objet de mauvais traitements, qui peuvent s'adresser à l'administration pour être secourue. Il existe des aides, y compris matérielles, pour les aider à échapper à des situations de violence.

En réponse à la question sur la prise en charge des enfants roms, la délégation a indiqué que la loi n'autorisait pas la publication de statistiques sur une base ethnique, ces mineurs étant pris en charge au même titre que les autres.

Télé-assistance et aide à domicile figurent parmi les services les plus demandés par les personnes handicapées et les personnes âgées. La prise en charge de la dépendance fait partie des priorités du Gouvernement, ce qui est particulièrement important si l'on entend faire en sorte que les gens demeurent chez eux le plus longtemps possible. Un programme de construction de logement adapté existe aussi. Toute personne en situation de dépendance a droit à une assistance.

Face à la crise, le Gouvernement fait le maximum pour ne pas tailler dans les dépenses sociales, a indiqué la délégation, qui a assuré que les handicapés n'ont pas eu à pâtir de la situation actuelle.

Pour ce qui concerne le droit de vote, les autorités s'efforcent d'apporter les garanties nécessaires afin de faire en sorte que tout électeur, quel que soit son handicap éventuel, puisse accéder à son bureau de vote. Le bulletin doit aussi être adapté aux malvoyants et aux sourds, avec des bulletins en braille ou les services d'un assistant. Toutes ces facilités sont fournies par les pouvoirs publics. Quant aux mesures d'interdiction de voter, il s'agit de décisions de justice exceptionnelles. Pour présider un bureau de vote, il faut simplement être diplômé de l'université et un handicap physique ne peut pas être un motif de refus, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne l'accès à la culture, l'Espagne s'est fixé la proportion de 10% de lecture «facilitée» dans les bibliothèques. Dans les musées, dans les salles de spectacles, des dispositifs sont mis en place pour aider à l'audition, voire à la prise de contact sensorielle, pour les personnes sourdes ou aveugles. La délégation a vanté auprès des membres du Comité l'ambitieux programme intitulé «La culture pour tous en Espagne» qui, selon elle, peut inspirer les États parties intéressés. Un exemplaire de ce document volumineux sera envoyé au Comité.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRPD11/008F