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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DE L'ARGENTINE

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par l'Argentine sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Présentant le rapport, M. Raul Pelaez, Représentant permanent adjoint de l'Argentine auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'Argentine a, par mandat constitutionnel, l'obligation de garantir une politique migratoire ouverte, généreuse et solidaire et a rappelé que cela a permis la construction d'une nation fondé sur l'immigration. La loi fixe des normes de protection élevées pour les droits du migrant et constitue la base de la mise en œuvre des politiques publiques d'intégration sociale: elle stipule expressément que le droit à la migration est un droit essentiel et inaliénable de la personne; que l'État garantit l'égalité de traitement aux étrangers; que ces derniers et les membres de leur famille ont accès, dans les mêmes conditions que les Argentins, à la jouissance des services sociaux, des biens publics, de la santé, de l'éducation, de la justice, du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale; et que les étrangers, même en situation irrégulière, doivent être admis dans des établissements éducatifs et pris en charge dans les centres de santé. Le représentant argentin a aussi fait valoir que l'Argentine a octroyé un total de 1 092 606 permis de résidence entre janvier 2004 et août 2011. Une politique migratoire sérieuse doit être appréhendée sur le long terme et ne saurait être ajustée périodiquement aux cycles économiques qui, invariablement, se succèdent au fil du temps. Le représentant a ajouté que son gouvernement estime que les politiques fondées sur le contrôle aux frontières et sur les restrictions à l'immigration ne sont pas efficaces parce qu'elles ne contiennent pas les flux migratoires, parce qu'elles condamnent à la marginalité légale des millions d'individus, parce qu'elles augmentent les risques en matière de sécurité et parce qu'elles alimentent indirectement le trafic de personnes.

La délégation argentine était également composée de représentants de la Direction nationale des migrations et du Ministère des relations extérieures, du commerce international et du culte. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, la législation relative à l'immigration; les étrangers en situation irrégulière et les politiques de régularisation mises en place par l'Argentine, s'agissant notamment du programme «Patria Grande»; la situation des citoyens sénégalais résidant en Argentine; les services à l'intention des Argentins de l'étranger; la lutte contre la traite de personnes; les conditions de travail des employés domestiques; les questions de nationalité; les droits syndicaux des migrants; ou encore la législation du travail applicable aux travailleurs migrants en situation irrégulière. Sur ce dernier point, la délégation a souligné que les droits relatifs au droit du travail sont reconnus à tous les travailleurs migrants indépendamment de leur statut d'immigration.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de l'Argentine qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 23 septembre prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Chili (CMW/C/CHL/1).


Présentation du rapport

M. Raul Pelaez, Représentant permanent adjoint de l'Argentine auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que son pays avait, de par sa constitution, l'obligation de garantir une politique migratoire ouverte, généreuse et solidaire. Il a rappelé que cette obligation a permis la construction d'une nation basée sur l'immigration. Les dernières décennies du XXe siècle ont vu l'Argentine manquer de politique migratoire, alternant amnisties et politiques restrictives, alors que ni les unes, ni les autres ne parvenaient à résoudre le grave problème de l'irrégularité migratoire. En effet, a souligné M. Pelaez, les amnisties, conjoncturelles, ne permettaient de résoudre que des questions ponctuelles, alors que les mesures restrictives, elles, ne faisaient que générer de véritables poches d'étrangers en situation irrégulière qui devaient travailler sans la protection des normes du droit du travail et constituaient ainsi un véritable marché du travail parallèle. L'accès à l'éducation et à la santé était plein d'écueils pour ceux qui n'étaient pas établis officiellement et dépendait souvent de la bonne volonté des autorités éducatives et sanitaires.

En dépit du retour à la démocratie en 1983, il fallut attendre jusqu'à la fin de 2003 pour que la loi sur les migrations mise en place par le dernier gouvernement militaire soit abrogée et remplacée par une nouvelle norme qui garantisse les mandats constitutionnels, a souligné le représentant. C'est à cette époque que la loi 25.871 a été adoptée, qui fixe des normes de protection élevées pour les droits du migrant et constitue la base de la mise en œuvre des politiques publiques d'intégration sociale. Cette loi stipule expressément que le droit à la migration est un droit essentiel et inaliénable de la personne; que l'État garantit l'égalité de traitement aux étrangers; que ces derniers et les membres de leur famille ont accès, dans les mêmes conditions que les Argentins, à la jouissance des services sociaux, des biens publics, de la santé, de l'éducation, de la justice, du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale; et que les étrangers, même en situation irrégulière, doivent être admis dans des établissements éducatifs et pris en charge dans les centres de santé. Il ne s'agit là que de quelques-uns des droits fondamentaux que la législation argentine reconnaît aux migrants, a souligné M. Pelaez. Une simple lecture de la loi argentine sur les migrations permet de conclure que les droits les plus significatifs consacrés dans la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille étaient déjà prévus dans la législation interne avant même que l'Argentine ne signe la Convention en 2004 et l'introduise dans sa législation interne en février 2007.

M. Pelaez a d'autre part attiré l'attention sur la Déclaration de Santiago sur les principes migratoires, qui constitue un véritable décalogue des principes qui inspire le MERCOSUR en matière migratoire. Il a en outre fait observer que l'Accord sur la résidence pour les ressortissants des États parties du MERCOSUR et les États associés permet à quiconque est né dans un de ces pays d'obtenir un permis de résidence régulière dans un autre de ces pays, sur la simple base de sa nationalité et sous la seule réserve de n'avoir aucun antécédent judiciaire. Il est clair que les pays de la région n'ont pas soumis la réception réciproque de migrants à la conjoncture économique ou à la situation de l'emploi. Ainsi, ont-ils reconnu que migrer est un droit de l'homme et que les migrations constituent un apport positif pour les sociétés réceptrices. À cet égard, il convient de souligner que l'Argentine a signé cet Accord sur la résidence et a adopté sa nouvelle loi sur les migrations sans exiger de réciprocité et dans un contexte socioéconomique franchement défavorable, a fait observer M. Pelaez, avant de rappeler que l'Argentine était même allée plus loin par des programmes de régularisation de centaines de milliers d'étrangers sans papiers qui se trouvaient sur son territoire.

Dans un premier temps, le décret n°1169/04 facilitait l'établissement de toutes les personnes originaires de pays non membres du MERCOSUR ni associés à lui qui se trouvaient en situation irrégulière sur le territoire argentin; ce décret prévoyait que les personnes qui pouvaient démontrer qu'elles étaient entrées en Argentine avant le 30 avril 2004 et n'avaient pas d'antécédents pénaux pouvaient accéder à une résidence temporaire en Argentine pour deux années renouvelables pour une période d'une durée égale, après quoi elles étaient en mesure d'obtenir une résidence de caractère permanent. Ainsi, quelque 11 536 étrangers furent-ils régularisés au terme d'une année, seules 530 demandes de régularisation ayant été rejetées parce qu'elles ne répondaient pas aux exigences minima requises par le décret. Mais le grand défi consistait à régulariser les migrants des pays sud-américains membres du MERCOSUR et associés, a souligné M. Pelaez. L'initiative prise à cette fin, et qui visait les personnes arrivées en Argentine avant le 17 avril 2006, a été un incontestable succès puisque 423 697 étrangers qui vivaient de manière irrégulière dans le pays se sont inscrits aux fins de régularisation de leur situation et que, au 1er juin 2010, quelque 224 924 personnes avaient vu leur situation migratoire régularisée. Entre les programmes de régularisation migratoire et l'admission de nouveaux migrants qui arrivent constamment dans le pays, l'Argentine a octroyé un total de 1 092 606 permis de résidence entre janvier 2004 et août 2011, a précisé M. Pelaez, avant de souligner que le programme «Patria Grande» n'est pas assorti d'une date butoir. M. Pelaez a par ailleurs souligné que, comme le montrent les chiffres, la régularisation massive ne s'est pas accompagnée d'une hausse de la criminalité.

En dépit de la crise financière internationale qui frappe le monde depuis 2008 – et qui n'a pas épargné l'Argentine – le flux de migrants vers l'Argentine n'a pas diminué ces dernières années et a même continué d'augmenter, a poursuivi M. Pelaez. Une politique migratoire sérieuse doit être appréhendée sur le long terme et ne saurait être ajustée périodiquement aux cycles économiques qui, invariablement, se succèdent au fil du temps.

Les politiques fondées sur le contrôle aux frontières et sur les restrictions à l'immigration ne sont pas efficaces parce qu'elles ne contiennent pas les flux migratoires, parce qu'elles condamnent à la marginalité des millions d'individus, parce qu'elles augmentent les risques en matière de sécurité et parce qu'elles alimentent indirectement le trafic de personnes, a conclu M. Pelaez.

Un autre membre de la délégation a notamment souligné que l'Argentine a adhéré à la quasi-totalité des instruments de droits de l'homme des Nations Unies et de l'Organisation des États américains (OEA). Le 31 août dernier, les pays membres du MERCOSUR ont participé à une audience de la Cour interaméricaine des droits de l'homme à des fins d'avis consultatif au sujet de la très grave situation des droits des enfants qui migrent pour des raisons économiques et sociales; ils se sont penchés sur les normes internationales en la matière et ont constaté le manque de politique harmonisée en matière de droits de l'enfant dans ce contexte.

Le rapport initial de l'Argentine (CMW/C/ARG/1) souligne que suite à la réforme de la Constitution d'août 1994, l'alinéa 22 de l'article 75 du nouveau texte dispose que «les traités et conventions priment sur les lois». En outre, poursuit le rapport, l'article 20 de la Constitution nationale consacre expressément l'égalité des droits civils des migrants et des ressortissants nationaux, et ses dispositions sont sans équivoque. Il stipule en effet: «Les étrangers jouissent sur le territoire de la nation de tous les droits civils du citoyen; ils peuvent exercer leur industrie, commerce et profession; posséder des biens‑fonds, les acquérir et les aliéner; naviguer sur les cours d'eau et le long des côtes; exercer librement leur culte; tester et se marier conformément aux lois. Ils ne sont pas tenus d'adopter la citoyenneté, ni assujettis à des impôts extraordinaires. Ils obtiennent la nationalité après deux ans de résidence continue dans le pays, mais les autorités peuvent réduire la période de résidence obligatoire en faveur du demandeur qui peut justifier de services rendus à la République.». Cet article est l'un des piliers de la politique migratoire du pays. Le rapport indique en outre que l'action de l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), qui a commencé à fonctionner en 1997, s'adresse à toutes les personnes victimes de discrimination fondée sur l'origine ethnique ou la nationalité, l'opinion politique ou les convictions religieuses, le sexe ou l'identité sexuelle, le handicap ou la maladie, l'âge ou l'aspect physique.

Face à la nécessité de concevoir de nouveaux modes de gestion des migrations, et compte tenu du processus d'intégration, les autorités ont, d'une part, prévu d'offrir aux ressortissants des pays de la région un traitement privilégié pour obtenir le statut de résident et, d'autre part, ont reconnu les droits des migrants dans le pays en adoptant les normes internationales de protection les plus élevées, en réaffirmant l'égalité des droits et l'égalité de traitement des migrants et des ressortissants nationaux, y compris l'accès des migrants en situation irrégulière aux services de santé publique et d'éducation sans condition aucune, poursuit le rapport. À l'heure actuelle, précise-t-il, les flux migratoires sont avant tout des flux régionaux d'où émergent trois nationalités − des Paraguayens, des Boliviens et des Péruviens (par ordre d'importance). Ces personnes représentent 90 % des demandes d'autorisation de résidence présentées au cours des trois dernières années par des ressortissants de pays membres du MERCOSUR.

La loi relative aux migrations, promulguée en janvier 2004, fixe des normes élevées de protection des droits des migrants et sert de fondement aux politiques publiques qui visent à intégrer les migrants dans la société. Elle prévoit notamment que tous les étrangers qui se trouvent en République argentine, y compris les migrants en situation irrégulière, jouissent du droit à la santé et à l'éducation. L'État garantit par ailleurs le droit à la réunification familiale des immigrants − parents, conjoints et enfants − sachant que la famille est un soutien nécessaire et important pour les migrants. Le décret no 836/2004 porte création du Programme national de régularisation des migrants qui a pour objet d'établir le cadre nécessaire à la mise en œuvre des nouvelles politiques migratoires, axées sur l'insertion et l'intégration des immigrants, et de régulariser la situation des immigrants. À la suite du décret no 836/2004, le décret no 1169/2004 a été promulgué qui prévoit la mise en place d'un programme de régularisation des migrants originaires de pays hors MERCOSUR qui résidaient de fait sur le territoire national au 30 juin 2004. Le Programme Patria Grande comportait deux étapes: la première a permis de régulariser la situation de près de 13 000 ressortissants de pays hors MERCOSUR, la seconde portait sur la régularisation de la situation des ressortissants des pays du MERCOSUR.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a relevé qu'il semble qu'un nombre suffisant de lois, décrets et réglementation aient été adoptés ou soient en passe de l'être en Argentine s'agissant des questions relatives aux migrations et aux travailleurs migrants. On peut donc dire que l'Argentine va dans la bonne direction, a-t-il estimé. Il a toutefois souhaité savoir pourquoi l'Argentine n'avait toujours pas ratifié la Convention n°143 sur les travailleurs migrants (1975) de l'Organisation internationale du travail. La législation qui exigeait des étrangers qu'ils présentent des papiers d'identité pour avoir accès à des soins de santé a-t-elle réellement été abrogée, a en outre demandé l'expert?

Un autre membre du Comité a dit avoir l'impression qu'un traitement préférentiel est accordé aux ressortissants du MERCOSUR et des pays associés. N'y a-t-il pas là un risque de discrimination à l'encontre des travailleurs migrants non membres du MERCOSUR et des pays associés, s'est-il interrogé? Pourquoi continuer de parler de régularisation en ce qui concerne les ressortissants du MERCOSUR et des pays associés alors qu'il semble que la simple nationalité de l'un de ces pays soit une condition suffisante pour pouvoir immigrer en toute légalité en Argentine, a demandé une experte? Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet de la situation des migrants provenant de pays autres que ceux du MERCOSUR.

Une experte s'est enquise des possibilités de régularisation des travailleurs indépendants, c'est-à-dire établis à leur compte, étant donné que généralement, pour entrer dans un pays, il faut disposer d'un contrat de travail, ce dont ne peut se prévaloir cette catégorie de travailleurs.

Un autre membre du Comité a fait état d'informations laissant apparaître qu'il y aurait en Argentine des pratiques de travail forcé, en particulier concernant les migrants boliviens, et a souhaité connaître la réalité de la situation en la matière. Quelle est l'ampleur de la traite de personnes en Argentine, a-t-il également été demandé?

Un expert s'est en outre enquis des droits syndicaux des migrants sans papiers et a souhaité savoir si les migrants en situation régulière peuvent fonder des syndicats et exercer des fonctions syndicales.

Tous les enfants de migrants se trouvant sur le territoire argentin peuvent-ils réellement avoir accès au système éducatif, a demandé une experte? Les migrants en Argentine jouissent-ils du droit de vote pour les élections locales, a demandé un autre expert?

Un expert s'est en outre enquis des mesures prises par l'Argentine pour lutter contre les actes de racisme et de xénophobie.

Un membre du Comité s'est enquis des mesures prises pour faciliter le transfert de fonds des migrants de l'Argentine vers leurs pays d'origine.

Comment l'Argentine définit-elle un immigrant irrégulier, a demandé un expert?

Un autre expert a souhaité savoir si la double nationalité était autorisée en Argentine et, si tel est le cas, s'est enquis des modalités et conséquences de l'acquisition d'une telle double nationalité.

Un expert a insisté pour savoir si les migrants peuvent se syndiquer et fonder des syndicats.

Une experte a souhaité savoir s'il y a en Argentine des travailleurs saisonniers qui partent travailler à l'étranger et, le cas échéant, si des services ou une quelconque autre forme d'assistance sont prévus à leur intention.

Plusieurs experts se sont félicités du cadre législatif mis en place par l'Argentine pour protéger les droits des migrants.

Réponses de la délégation

La délégation argentine a remercié les experts pour leurs commentaires concernant la législation argentine relative aux migrations. Elle a rappelé qu'en 1910, 30% de la population en Argentine était étrangère, européenne dans sa quasi-totalité. Les projections estimaient alors qu'un siècle plus tard, en 2010, l'Argentine compterait 100 millions d'habitants, alors qu'elle n'en compte finalement que 40 millions. La grande majorité des immigrants en Argentine sont en âge de travailler et de procréer et c'est ce dont a besoin le pays, a ajouté la délégation.

Toutes les personnes nées dans un pays du MERCOSUR ou un pays associé ont le droit de résider en Argentine et elles n'ont pas à dire aux autorités argentines ce qu'elles viennent y faire, a rappelé la délégation. Il s'agit effectivement d'un critère de type préférentiel, basé sur les données migratoires actuelles puisque environ 82% des flux actuels d'immigration en Argentine proviennent de ces pays. Les 18% restants doivent répondre aux critères énoncés dans la loi sur les migrations et notamment exercer une activité licite que l'État argentin peut vérifier.

Les autorités argentines estiment à deux à trois mille le nombre de citoyens sénégalais résidant actuellement en Argentine; ils y sont entrés irrégulièrement depuis le Brésil où ils sont entrés légalement, a indiqué la délégation. L'Argentine a la volonté de régler la question sur le plan bilatéral avec les autorités sénégalaises, a-t-elle précisé, soulignant que le Sénégal ne possède pas de représentation diplomatique en Argentine et que c'est désormais la représentation du Sénégal à Brasilia qui est chargée des relations avec l'Argentine, et non plus son ambassade à Washington.

Les ressortissants de pays autres que ceux du MERCOSUR se voient octroyer en Argentine des permis de séjour uniquement temporaires, renouvelables et pouvant être transformés en permis permanents après trois années de séjour, a poursuivi la délégation. Tous les permis de séjour, temporaires ou permanents, donnent droit à exercer un emploi en Argentine, qu'il s'agisse de ressortissants de pays du MERCOSUR et associés ou de ressortissants d'autres pays, a-t-elle souligné.

Si une inspection détecte un étranger en situation irrégulière, cette personne est appelée à régulariser sa situation dans un délai donné, susceptible d'être prolongé, sous peine d'être passible d'une expulsion administrative – auquel cas c'est à un juge fédéral qu'il incombe d'autoriser la procédure de rétention de cette personne, a indiqué la délégation. Ces quatre dernières années, seules 17 personnes, toutes majeures, n'ont pas respecté les délais de régularisation qui leur avaient été fixés, a précisé la délégation. Il n'y a pas d'expulsions de type collectif en Argentine, a-t-elle souligné.

Les personnes se trouvant en situation irrégulière ont la possibilité de régulariser leur situation mais elles ne le font pas toujours, a poursuivi la délégation. Cela s'explique par un certain nombre de raisons dont l'une est liée à l'étendue du territoire argentin.

Le programme de régularisation «Patria Grande» examine un grand nombre de demandes et si toutes les affaires n'ont pas été traitées, c'est notamment parce que de nombreux migrants sont finalement rentrés d'eux-mêmes dans leur pays d'origine, a expliqué la délégation. La délégation a souligné qu'il était très simple d'être régularisé en vertu de ce programme.

En sept ans, plus d'un million de personnes ont été régularisées en Argentine; pour le seul mois d'août dernier, plus de 25 000 permis de résidence en Argentine ont été accordés, a fait valoir la délégation.

«Loin de nous l'intention de persécuter les migrants», a déclaré la délégation, qui a précisé qu'en revanche, les employeurs de personnes en situation irrégulière sont passibles de sanctions.

Interrogée sur la législation du travail applicable aux travailleurs migrants en situation irrégulière, la délégation a souligné que les droits relatifs au droit du travail sont reconnus à tous les travailleurs migrants indépendamment de leur statut d'immigration.

S'agissant des Argentins de l'étranger, la délégation a notamment souligné que la politique suivie à leur intention par les services consulaires argentins se fonde sur les droits de l'homme de ces personnes. La délégation a par ailleurs fait part des programmes «Raices» et «Volver a trabajar» destinés à encourager les Argentins de l'étranger, notamment parmi eux les scientifiques et les personnels ayant une formation de haut niveau, à revenir travailler en Argentine.

Les Argentins se trouvant à l'étranger peuvent, depuis plusieurs années maintenant, participer aux élections nationales argentines; il suffit pour cela qu'ils soient enregistrés auprès de la représentation diplomatique argentine du pays où ils se trouvent.

Les Argentins qui travaillaient dans un pays du MERCOSUR et qui rentrent en Argentine ont la possibilité de bénéficier d'un transfert des cotisations sociales qu'ils avaient versées dans le pays où ils travaillaient, aux fins du calcul des prestations sociales auxquelles ils peuvent prétendre en Argentine. Un tel transfert est possible en vertu de l'accord multilatéral sur la sécurité sociale passé dans le cadre du MERCOSUR et entré en vigueur en juin 2005, qui vise à assurer en toute circonstance le droit à la sécurité sociale des personnes ayant travaillé dans l'un des États du MERCOSUR. L'objectif est que les cotisations sociales payées par un ressortissant du MERCOSUR dans l'un quelconque des pays de cette zone soient considérées comme si elles avaient été payées dans le pays d'origine et puissent donc être prises en compte pour le calcul des prestations de vieillesse ou d'invalidité auxquels peut prétendre ce ressortissant. Pour les autres pays qui ne sont pas du MERCOSUR, des accords bilatéraux de sécurité sociale peuvent être passés, comme cela est déjà le cas pour un pays, a précisé la délégation.

C'est en 2007 que la Convention a été ratifiée par l'Argentine et c'est donc depuis 2007 qu'elle peut être invoquée devant les tribunaux argentins, a rappelé la délégation. Elle a fait observer que les dispositions de la loi argentine sur les migrations assurent parfois un degré de protection des travailleurs migrants supérieur à celui des dispositions de la Convention, notamment dans le domaine de la santé.

En ce qui concerne la lutte contre la traite de personnes, la délégation a rappelé que l'Argentine avait ratifié le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite de personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui se rapporte à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. En Argentine, a-t-elle ajouté, la traite des personnes est incriminée par la loi comme un délit fédéral. Pour les victimes majeures, la loi prévoit qu'il faut démontrer qu'il y a eu coercition pour que soit qualifié ce délit, a précisé la délégation. Elle a en outre fait part de la création, au sein du Ministère des droits de l'homme, d'un Bureau pour les secours et l'assistance aux personnes touchées par la traite. Des modifications ont été apportées le mois dernier à la loi relative à la traite de personnes et désormais, l'idée de consentement de la victime ne pourra plus être invoquée dans ce contexte, a précisé la délégation. Du point de vue des statistiques, a poursuivi la délégation, il apparaît que, au total, 2290 personnes victimes de traite, en grande majorité majeure et de nationalité argentine, ont été secourues. La plupart étaient exploitées à des fins de travail, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs fait état de la campagne lancée par les autorités argentines pour promouvoir les droits à la santé génésique des femmes migrantes. Elle a également attiré l'attention sur les programmes de promotion des capacités professionnelles mis en place à l'intention des personnels en charge des questions migratoires.

Répondant à une nouvelle série de questions des membres du Comité, la délégation a indiqué que la législation argentine prévoit un régime spécial de sécurité sociale pour les employés domestiques - jardinier, majordome, gouvernante, femmes de ménage ou de compagnie, etc.. – qui travaillent plus de six heures hebdomadaires. Afin d'encourager à la régularisation des employés domestiques, les employeurs de tels personnels bénéficient de déduction d'impôts lorsqu'ils régularisent leurs employés domestiques, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs fait part des activités de l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), qui agit comme organe chargé de traiter des plaintes émanant de personnes qui s'estiment victimes de traitement discriminatoire; depuis la création de cet Institut, plus de 4000 plaintes ont été reçues, a précisé la délégation.

Il n'y a aucune limite, en Argentine, au droit des migrants de se syndiquer, de créer un syndicat ou d'être élu à une fonction syndicale, a par ailleurs assuré la délégation.

L'Argentine n'a pas ou n'a presque jamais eu de travailleurs migrants saisonniers au sens où les Argentins ne se rendent pas à l'étranger pour travailler saisonnièrement, a en outre indiqué la délégation.

La nationalité argentine ne se perd pas; on ne cesse jamais d'être argentin, même si l'on acquiert une autre nationalité, a souligné la délégation. Il faut avoir vécu deux ans en Argentine pour pouvoir obtenir la nationalité argentine; en outre, toute personne née en Argentine est considérée comme argentine, que les parents soient des migrants réguliers ou non.

Observations préliminaires

M. José S. Brillantes, membre du Comité, a remercié la délégation pour les réponses détaillées qu'elle a fournies aux experts, s'agissant plus particulièrement de la politique d'immigration de l'Argentine. Le Comité va désormais préparer ses observations finales concernant le rapport de l'Argentine, a-t-il indiqué. Il a jugé très constructif le dialogue que le Comité a noué avec les membres de la délégation argentine et s'est réjoui que l'Argentine ait fait de la migration un droit inaliénable de tout individu, saluant par ailleurs les programmes de régularisation appliqués en faveur des migrants des pays du MERCOSUR et associés. Le Comité note aussi avec satisfaction la ratification par l'Argentine de tous les instruments internationaux de droits de l'homme et des protocoles facultatifs y relatifs – à l'exception du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a souligné M. Brillantes. En conclusion, a-t-il ajouté, le rapport argentin est d'une telle qualité que l'on ne saurait le considérer autrement que comme un modèle pour les autres pays.

Il n'en reste pas moins que des préoccupations demeurent au sujet, par exemple, des expulsions forcées de personnes résidant dans les squats; des confrontations entre citoyens et membres de communautés voisines; de l'accès limité à la régularisation; du manque d'informations relativement à la protection des droits; ou encore de l'aide limitée fournie aux victimes, a fait observer M. Brillantes.


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CMW11/009F