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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT TIENT UNE JOURNÉE DE DISCUSSION GÉNÉRALE SUR LE THÈME DES ENFANTS DE PARENTS DÉTENUS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a tenu, aujourd'hui, au Palais des Nations, à Genève, une journée de discussion générale sur le thème des enfants de parents détenus.

Des exposés ont été présentés par M. Abdullah Khoso, Chef du Programme national sur la justice juvénile (Pakistan); Mme Ann Skelton, Directrice du Centre pour la loi juvénile (Afrique du Sud); Mme Isabel Altenfelder Santos Bordin, Chef de la Division de psychiatrie sociale à l'Université fédérale de Sao Paulo (Brésil). Deux représentants de la jeunesse ont apporté leur témoignage à titre d'enfants de parents détenus: Mlle Sian Knott et M. Raheel Hussain.

Ouvrant le débat, le Président du Comité, M. Jean Zermatten, a souligné que la problématique des enfants dont les parents sont en prison préoccupe le Comité depuis très longtemps. Bien sûr, a-t-il poursuivi, la Convention relative aux droits de l'homme traite de cette thématique, mais la question va bien au-delà, elle concerne les relations familiales, le droit de l'enfant d'être élevé par ses deux parents et de recevoir conseil des deux parents. Cette question traite aussi de détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant, de son droit d'être entendu, de son développement et de la non-discrimination à son égard, comme de ses conditions de vie. La Convention est basée sur l'idée du caractère primordial de la relation parents-enfant, a ajouté le Président.

Le Comité s'est ensuite scindé en deux groupes de travail distincts, consacrés, l'un, aux bébés et enfants vivant avec et visitant leur parent en détention et, l'autre, aux enfants qui ne sont pas avec leurs parents incarcérés.

Rendant compte en fin de journée des travaux du premier de ces groupes, Mme Hadeel Al-Asmar, membre du Comité, a déclaré que son groupe de travail recommandait de privilégier les mesures non privatives de liberté, c'est-à-dire des peines de substitution ou communautaires. Il faut aussi déterminer qui est responsable de la supervision des enfants en détention et il est en outre important de procéder à une réforme judiciaire adéquate en conciliant les intérêts de l'État et ceux de l'enfant. Le Comité souhaite éviter d'imposer un âge maximum pour le placement de l'enfant auprès de sa mère en détention et préconiser plutôt une fourchette d'âge et s'en remettre aux experts en la matière. Il convient aussi de lutter contre la stigmatisation sociale des enfants de parents détenus.

La rapporteuse du deuxième groupe de travail, Mme Maria Herczog, a indiqué que ce groupe s'est penché sur les différentes solutions à mettre en place pour les enfants qui ne sont pas avec leurs parents en prison, tant avant, que pendant et après leur incarcération de leurs parents. La question de la dignité et de l'intérêt supérieur de l'enfant a longuement été discutée, l'accent ayant été mis sur la nécessité d'éviter la stigmatisation dont peuvent faire l'objet les enfants dont les parents sont incarcérés. Elle a ajouté que l'attention a également été attirée sur les questions ayant trait au droit de visite de l'enfant à ses parents emprisonnés, eu égard à l'impératif de maintenir le contact de l'enfant avec ses parents. Il a aussi été souligné qu'il est important d'éviter dans toute la mesure du possible d'humilier les parents devant leurs enfants, alors que cette pratique est assez fréquente.

Concluant la discussion, Mme Yanghee Lee, Vice-Présidente du Comité, a considéré que les enfants de parents incarcérés constituent un groupe que l'on peut qualifier d'enfants oubliés, eu égard au manque de données et de méthodes pour appréhender l'ampleur des problèmes auxquels ils sont confrontés. La priorité à cet égard doit être accordée à l'intérêt supérieur de l'enfant, a-t-elle conclu.

En fin de séance, le Président du Comité, M. Zermatten, a indiqué que l'an prochain, à la fin du mois de septembre 2012, la journée annuelle de discussion générale du Comité sera consacrée au thème «les droits de l'enfant et les situations de migration».


Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité examinera le rapport présenté par la Suède au titre du Protocole facultatif se rapportant à la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SWE/1).

Discussion générale sur le thème des enfants de parents détenus

Introduction

M. JEAN ZERMATTEN, Président du Comité, a souligné que la problématique des enfants dont les parents sont en prison préoccupe le Comité depuis très longtemps. Bien sûr, a-t-il poursuivi, la Convention relative aux droits de l'homme traite de cette thématique dans son article 9; mais cette question va bien au-delà de cet article et pose la question des relations familiales, du droit de l'enfant d'être élevé par ses deux parents et de recevoir conseil des deux. Cette question traite aussi de détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant, de son droit d'être entendu, de son développement et de sa non-discrimination, comme de ses conditions de vie.

Comme cela est souvent rappelé, l'enfant dont les parents sont incarcérés est avant tout un enfant; et un enfant qui souffre de manière «collatérale» d'une décision qui a été prise à l'égard d'un de ses deux parents voire des deux, a poursuivi le Président. Il y a donc le problème législatif: quel cadre mettre en place au niveau national pour répondre au respect des droits de ces enfants dans cette situation particulière et faire en sorte qu'ils ne soient pas affectés par une situation qui entraîne dans la plupart des cas précarité, insécurité, rejet, honte et qui restreint leurs droits. «Mais, il y a aussi le problème humain: celui de la dignité de l'enfant, qui est amputé d'une partie de la reconnaissance de son statut et de ses besoins particuliers d'enfant en développement, surtout son droit à recevoir affection, éducation et protection de la part de ses parents et qui en est privé par une décision d'autorité, car très souvent l'incarcération d'un parent signifie aussi l'éclatement de la famille», a souligné M. Zermatten. Or, la Convention relative aux droits de l'enfant est basée sur l'idée du caractère primordial de la relation parents-enfant(s), a-t-il fait observer. Dans ce contexte, il convient de savoir comment faire pour que ces enfants puissent continuer à disposer des soins éducatifs dont ils ont besoin; comment préserver la relation avec le parent incarcéré; et comment stimuler la résilience de l'enfant.

Enfin, au-delà, se pose la question des politiques pénales et pénitentiaires des États, a ajouté le Président du Comité. «Ne doit-on pas, lorsqu'une décision de justice est prise vis-à-vis d'un parent, se poser la question de son impact sur ses enfant et penser non seulement et exclusivement à la question de la sécurité publique – que se comprend –, mais également à celle de l'intérêt supérieur de l'enfant?», s'est-il interrogé. Et lorsqu'un parent est détenu, a-t-il poursuivi, ne peut-on pas imaginer l'exécution de cette peine différemment lorsque le sort de l'enfant est en jeu? Enfin, le recours à la privation de liberté est-il toujours indispensable, s'est demandé le Président du Comité.

Panélistes

M. ABDULLAH KHOSO, Chef du Programme national sur la justice juvénile (Pakistan), a souligné que rares sont les études scientifiques menées pour évaluer les effets sociaux et psychologiques des traitements accordés et des procédures appliquées s'agissant des enfants qui accompagnent des femmes emprisonnées dans des centres de détention, pas plus qu'il n'existe de systèmes permettant d'étudier la vulnérabilité particulière de ces enfants à l'intérieur des centres de détention. Au Pakistan, en dépit des garanties constitutionnelles, ces enfants sont en fait totalement privés de leurs droits fondamentaux. Au Pakistan, l'âge maximum d'un enfant vivant dans un centre de détention (avec sa mère) varie d'une province à l'autre; en règle générale, au niveau du pays, cet âge est de six ans, mais il arrive fréquemment que ces enfants restent en prison avec leur mère au-delà de l'âge de dix ans. Parfois, les femmes détenues enceintes doivent accoucher sans avoir bénéficié de soins prénatals; certains enfants naissent de mères qui ont en fait été victimes d'abus sexuels en prison. L'éducation des enfants vivant en prison constitue un problème au niveau mondial, a poursuivi M. Khoso. Évoquant la stigmatisation dont font l'objet les enfants qui vivent en prison avec leur mère, il a souligné que nombre de ces enfants sont abandonnés par leurs pères lorsque leurs mères sont privées de liberté; personne ne vient leur rendre visite en prison.

Il faudrait donc développer un cadre législatif qui traite des questions intéressant les enfants de parents détenus et prenne en compte tous les problèmes de ces enfants à compter de l'arrestation de leur mère et/ou de leur père, en établissant des règles claires en termes de procédures et de protection applicables à ces enfants, a souligné M. Khoso. La libération sous caution du parent condamné permettrait à ces enfants de vivre en dehors de la prison, a-t-il ajouté. Quant aux gouvernements, ils devraient prendre des mesures en termes d'institutions en faveur des enfants abandonnés dont les parents sont détenus; ces institutions devraient répondre à des normes minima et être situées près des prisons, afin que des rencontres entre la mère détenue et l'enfant puissent être aisément organisées.

MME ANN SKELTON, Directrice du Centre pour la loi juvénile (Afrique du Sud) s'est penchée sur la question de savoir si tous les parents placés en détention doivent nécessairement l'être et si l'intérêt supérieur de l'enfant était pris en compte lorsque la décision de placement du parent en prison est prise. En dehors du droit de l'enfant aux soins parentaux, la Convention relative aux droits de l'enfant ne contient pas de dispositions spécifiques sur les droits des enfants de parents détenus, a fait observer Mme Skelton. La Charte africaine sur les droits et le bien-être des enfants, en revanche, comporte en son article 30 des dispositions à ce sujet, a-t-elle fait valoir. La Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud a connu deux cas liés à cette problématique de parents devant être emprisonnés, a poursuivi Mme Skelton, avant de fournir des détails sur ces deux affaires, précisant notamment que le juge de la Cour constitutionnelle avait fait valoir l'intérêt supérieur de l'enfant. En conclusion, éviter la détention et la condamnation à une peine d'emprisonnement pour le parent ou tuteur principal de l'enfant est une stratégie de prévention que les pays devraient être encouragés à utiliser, a déclaré Mme Skelton.

MME ISABEL ALTENFELDER SANTOS BORDIN, Chef de la Division de psychiatrie sociale à l'Université fédérale de Sao Paulo (Brésil), a souligné que, selon la législation brésilienne, les unités de prison du pays doivent disposer de salles permettant aux mères d'allaiter leurs enfants jusqu'à l'âge de six mois, disposer d'une crèche et d'une salle de soins pour les enfants de six mois à six ans. En outre, tous les enfants au Brésil doivent avoir accès l'enseignement obligatoire. Généralement, les femmes emprisonnées sont abandonnées par leurs proches, y compris leurs partenaires, a souligné Mme Santos Bordin. Les enfants de mère emprisonnée sont souvent victimes de préjugés et en viennent à abandonner l'école, a-t-elle poursuivi. Elle a dénoncé la vulnérabilité et le manque de soutien dont pâtissent les femmes détenues enceintes. Le nombre de femmes détenues augmente au Brésil, essentiellement du fait de leur participation accrue au trafic de stupéfiants et les unités pour femmes sont de ce fait surpeuplées, a souligné Mme Santos Bordin. Elle s'est en outre penchée sur les facteurs de risques en termes de problèmes mentaux pour les enfants de parents détenus, sur la base d'une étude menée au Brésil à ce sujet dans une zone pauvre d'une ville de 230 000 habitants située très près de Sao Paulo. Les résultats de cette étude ont montré que 37% des enfants considérés avaient des problèmes de comportement ou des problèmes émotionnels, 11% ayant les deux types de problèmes. Il ressort de cette étude que les principaux facteurs de risque sont d'être une fille plutôt qu'un garçon et un adolescent plutôt qu'un enfant et avoir une mère souffrant d'anxiété ou de dépression, a indiqué Mme Santos Bordin. L'absence de père est un facteur spécifique pour les comportements délinquants chez les enfants, a-t-elle ajouté.

Deux représentants de la jeunesse ayant vécu ou vivant des situations relevant du thème de cette journée de discussion générale ont apporté leurs témoignages. Mlle Sian Knott a indiqué avoir 13 ans et vivre dans le nord de l'Angleterre; elle a précisé qu'elle était avec son père lorsqu'il a été arrêté et a indiqué qu'il a fallu attendre deux mois, qu'elle a trouvés très longs, avant qu'elle puisse lui rendre une première visite. Elle a indiqué que son père a été condamné en 2010 à 19 ans d'emprisonnement et, en fonction des règles en vigueur, devrait rester 9 ans et demi en prison. M. RAHEEL HUSSAIN a quant à lui indiqué avoir 17 ans et vivre à Manchester en Angleterre. Il a expliqué être ici, devant le Comité, pour apporter son témoignage afin que le système soit changé en ce qui concerne la situation des enfants de parents détenus. Il a indiqué que son père a été condamné en 2010 à 7 ans de prison. M. Hussain a également dit craindre que son père ne l'oublie.

Présentation des travaux des deux groupes de travail

Rendant compte en fin de journée des travaux du groupe de travail sur la question des bébés et enfants vivant avec et visitant leur parent en détention, MME HADEEL AL-ASMAR, membre du Comité rapporteuse de ce groupe de travail, a indiqué que le groupe avait décidé de recommander que les mesures non privatives de liberté, c'est-à-dire des peines de substitution ou communautaires, soient privilégiées. Il convient en outre de déterminer si les parents qui sont arrêtés ont des enfants et que ces enfants soient identifiés en vue de veiller à ce que leur bien-être soit assuré. Il convient en outre de tenir compte des besoins particuliers des enfants handicapés. Il faut aussi déterminer qui est responsable de la supervision des enfants arrêtés. Il est en outre important de procéder à une réforme judiciaire adéquate en conciliant les intérêts de l'État et ceux de l'enfant voire de la personne qui en a la charge. Le Comité souhaite éviter d'imposer un âge maximum pour le placement de l'enfant auprès de sa mère en détention et préconiser plutôt une fourchette d'âges et s'en remettre aux experts en la matière. Il convient en outre de se pencher sur les questions relatives aux visites, y compris pour ce qui a trait à la réconciliation de l'intérêt supérieur de l'enfant et des préoccupations liées à la sécurité dans les prisons. Il est également nécessaire de réconcilier la justice pénale et la protection de l'enfant. Il faut en outre veiller à assurer les soins pré et post-natals pour les femmes enceintes. Il convient aussi de lutter contre la stigmatisation sociale des enfants de parents détenus. Mme Al-Asmar a en outre insisté sur le droit à l'information des enfants, auxquels il arrive trop souvent que l'on mente s'agissant de la situation de leurs parents.

Rendant compte des travaux du groupe de travail sur les enfants qui ne sont pas avec leurs parents incarcérés, MME MARIA HERCZOG, membre du Comité rapporteuse de ce groupe de travail, a souligné que ce groupe s'est penché sur les différentes solutions à mettre en place pour ces enfants, tant avant, que pendant et après l'incarcération de leurs parents. À été longuement discutée la question de la dignité et de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'accent ayant été mis sur la nécessité d'éviter la stigmatisation dont peuvent faire l'objet les enfants dont les parents sont incarcérés. Des dispositions spéciales doivent être prises pour les enfants handicapés, ainsi que pour les enfants autochtones, les enfants des minorités et les enfants étrangers, a-t-il en outre été souligné durant la discussion, a indiqué Mme Herczog. Elle a ajouté que l'attention a également été attirée sur les questions ayant trait au droit de visite de l'enfant à ses parents emprisonnés, eu égard à l'impératif de maintenir le contact de l'enfant avec ses parents; a dans ce contexte été évoquée la possibilité d'apporter une aide financière aux familles qui en ont besoin afin que de telles visites puissent avoir lieu. Il a été souligné qu'il est important d'éviter dans toute la mesure du possible d'humilier les parents devant leurs enfants, alors que cette pratique est assez fréquente; à cet égard, il a été préconisé de placer l'enfant dans une autre pièce au moment de l'arrestation de son parent, a indiqué Mme Herczog. Elle a en outre insisté sur l'importance du droit d'accès de l'enfant à l'information, notamment pour ce qui est de la situation des parents se trouvant dans les couloirs de la mort, afin que l'enfant puisse se préparer à l'exécution de son parent et avoir droit à une dernière visite et être présent lors de l'enterrement. En conclusion, Mme Herczog a insisté sur la nécessité de disposer de directives sur toutes ces questions.

Conclusion

MME Yanghee Lee, Vice-Présidente du Comité et rapporteuse pour cette journée de discussion générale, a considéré que les enfants de parents incarcérés constituent un groupe que l'on peut qualifier d'enfants oubliés, eu égard au manque de données et de méthodes pour appréhender l'ampleur des problèmes auxquels ils sont confrontés. Les raisons ne manquent pas pour conclure que les mesures privatives de liberté doivent être privilégiées pour les personnes qui ont commis un crime et qui ont un ou plusieurs enfants, a-t-elle souligné. Toute la priorité doit être accordée à l'intérêt supérieur de l'enfant, a-t-elle ajouté.


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CRC11/031F