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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE LA SYRIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport de la Syrie sur les mesures prises par ce pays en application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport de son pays, Mme Insaf Hamad, Présidente de la Commission syrienne pour les affaires familiales auprès de la Présidence du Conseil des Ministres, a déploré que les besoins et demandes légitimes du peuple soient aujourd'hui exploités à des fins malveillantes qui n'ont rien à voir avec les revendications et les intérêts du peuple syrien. Des groupes armés exploitent ces revendications pour exercer la sédition, saper la sécurité, terroriser les citoyens et se livrer à des actes de sabotage contre les biens privés et publics. La représentante a souligné que la direction politique de la Syrie a d'ores et déjà pris de nombreuses mesures de réformes; une loi sur les partis politiques a été promulguée, qui garantit le pluralisme politique, et une loi sur l'information a été adoptée, qui établit des médias libres et indépendants. Elle a par ailleurs dénoncé la fabrication d'informations et les exagérations s'agissant notamment d'enfants tués lors des événements récents.

Mme Hamad a assuré que l'intérêt supérieur de l'enfant préside aux diverses politiques et mesures menées en Syrie. Les efforts menés par l'État et divers secteurs de la société visent à offrir gratuitement santé, éducation, protection et culture à tous les enfants, sans discrimination, tant dans les zones urbaines que rurales et tant pour les filles que pour les garçons, a-t-elle ajouté. Il n'y a dans le pays aucune restriction à l'exercice du droit de l'enfant d'exprimer son opinion ou d'obtenir des informations, a-t-elle également déclaré.

La délégation syrienne était également composée de M. Faysal Khabbaz Hamoui, Représentant permanent de la Syrie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères et de la Commission syrienne pour les affaires familiales. Elle a notamment répondu à une série de questions des membres du Comité s'agissant des événements qui se sont déroulés dans le pays depuis mars de cette année et qui affectent directement ou indirectement les enfants et leurs droits. Elle a aussi fourni des renseignements complémentaires sur les mesures d'application de la Convention, s'agissant notamment du travail des enfants; du droit de l'enfant de choisir sa religion; de la traite de personnes; des châtiments corporels; de la lutte contre la corruption; ou encore de la justice juvénile.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Syrie, M. Hatem Kotrane, a indiqué que le Comité était préoccupé face à la situation que connaît le pays, dont il a espéré qu'elle pourra être réglée afin que les enfants syriens puissent voir leurs droits protégés et revenir à une vie normale. Il a relevé qu'un grand nombre d'enfants – 187 – sont décédés dans le cadre des événements qui se produisent en Syrie depuis le 14 mars dernier, et que d'autres ont fait l'objet de tortures et de violences dans les centres de détention et dans d'autres lieux – y compris des écoles qui ont été transformées en lieux de détention. La corapporteuse, Mme Kamla Devi Varmah, s'est pour sa part dite préoccupée par les arrestations arbitraires qui, selon certaines informations, auraient visé des enfants âgés parfois de seulement 7 ou 8 ans. Selon certaines informations, des enfants ont été torturés voire mutilés. D'autres membres du Comité se sont dits préoccupés par les informations faisant état de meurtres, de torture et d'arrestations arbitraires à l'encontre des enfants en Syrie.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de la Syrie, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 7 octobre prochain.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Islande (CRC/C/ISL/3-4).


Présentation du rapport

M. Faysal Khabbaz Hamoui, Représentant permanent de la Syrie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que la Syrie est attachée à la protection des droits de l'enfant, comme en témoignent, d'une part, la préparation du rapport très détaillé qui est soumis au Comité et, d'autre part, la délégation de très haut niveau qui se présente aujourd'hui devant cet organe. Il a exprimé l'espoir que le dialogue d'aujourd'hui sera constructif afin de parvenir à l'objectif ultime de cette discussion qui est de promouvoir les droits de l'enfant en Syrie.

MME INSAF HAMAD, Présidente de la Commission syrienne pour les affaires familiales auprès de la Présidence du Conseil des Ministres de la Syrie, a fait valoir que le pays avait levé ses réserves à l'égard des articles 20 et 21 de la Convention. Elle a par ailleurs assuré que l'intérêt supérieur de l'enfant préside aux diverses politiques et mesures menées en Syrie. Les efforts menés par l'État et divers secteurs de la société visent à offrir gratuitement santé, éducation, protection et culture à tous les enfants, sans discrimination, tant dans les zones urbaines que rurales et tant pour les filles que pour les garçons, a-t-elle ajouté. Il n'y a dans le pays aucune restriction à l'exercice du droit de l'enfant d'exprimer son opinion ou d'obtenir des informations, a-t-elle affirmé.

Aujourd'hui, la Syrie se heurte à un double problème, a poursuivi Mme Hamad. D'un côté, le pays a besoin de réformes politiques, sociales et économiques, qui sont revendiquées par le peuple, a-t-elle rappelé. À cet égard, la direction politique syrienne a reconnu, avant même la crise actuelle, la nécessité de telles réformes et a fait part de son intention de les mener à bien; mais les pressions politiques sans cesse exercées sur la Syrie et les tentatives d'isoler le pays l'ont empêché d'accorder la priorité à ces réformes pourtant nécessaires. D'un autre côté, a poursuivi Mme Hamad, les besoins et demandes légitimes du peuple sont exploités à des fins malveillantes qui n'ont rien à voir avec les revendications et les intérêts du peuple syrien. Des groupes armés exploitent ces revendications pour exercer la sédition, saper la sécurité, terroriser les citoyens et se livrer à des actes de sabotage contre les biens privés et publics, avec le risque d'une exploitation de la situation pour constituer autant de prétextes en vue d'une intervention étrangère qui mettrait en péril la sécurité nationale et l'avenir de la Syrie.

Mme Hamad a souligné que la direction politique de la Syrie a d'ores et déjà pris de nombreuses mesures de réformes; une loi sur les partis politiques a été promulguée, qui garantit le pluralisme politique, et une loi sur l'information a été adoptée, qui établit des médias libres et indépendants. En outre, la Constitution a été amendée afin de garantir une transition démocratique pacifique. Malheureusement, en dépit de la mise en œuvre de toutes ces réformes, les actes des groupes armés qui servent les visées étrangères n'ont pas cessé et la Syrie doit assumer sa responsabilité de préserver la sécurité de ses citoyens, a déclaré Mme Hamad. Les autorités souhaitent que cessent la violence et les complots contre l'essence même des intérêts du peuple syrien, a-t-elle insisté. Elles attendent en outre d'être soutenues dans leur élan sincère en faveur des réformes politiques, économiques et sociales nécessaires.

C'est dans ce contexte que surgit le problème de l'implication des enfants et de leur exploitation à des fins politiques dans des vagues de manifestations dirigées par des groupes de conspirateurs armés, a poursuivi Mme Hamad. La conjonction des deux aspects de la crise actuelle susmentionnés entraîne de fortes pertes humaines et matérielles. Les autorités syriennes sont attristées et désolées pour la perte de chaque vie humaine en Syrie, en particulier lorsqu'il s'agit d'enfants, et continuent de demander aux parents de les protéger de toute exposition au danger, a insisté Mme Hamad.

Mme Hamad a par ailleurs dénoncé la «campagne médiatique à caractère politique menée contre la Syrie, qui recourt à des méthodes odieuses, notamment en fabriquant certaines informations et certains événements et en en exagérant d'autres, comme cela est le cas pour les histoires d'enfants tués lors des événements récents». Dans ce contexte, a-t-elle ajouté, il convient de rappeler qu'un comité judiciaire indépendant ad hoc a été mis en place pour enquêter sur les plaintes et pour renvoyer devant la justice les personnes responsables de méfaits, afin qu'elles reçoivent les peines qu'elles méritent.

Les sanctions économiques récemment imposées à la Syrie auront des conséquences néfastes sur les ressources du pays, ce qui ne manquera pas d'avoir des répercussions sur sa capacité à offrir des services à ses citoyens, en particulier les enfants, a d'autre part souligné Mme Hamad.

Mme Hamad a ensuite fait part de l'adoption par son pays, en 2010, d'un décret sur la prévention du trafic de personnes ainsi que de l'adoption, la même année, d'une loi régissant les relations de travail dans le secteur privé et qui interdit l'emploi de mineurs n'ayant pas achevé le cycle d'enseignement de base ou atteint l'âge de 15 ans. En outre, le Fonds national d'assistance sociale a été mis en place cette année pour protéger les familles pauvres et à leur venir en aide. Un décret a été adopté cette année qui octroie la nationalité syrienne aux personnes enregistrées comme étrangères (Kurdes) dans le gouvernorat d'Al-Hassaka; à ce stade, près de 100 000 personnes ont ainsi déposé une demande de nationalité et environ la moitié l'ont obtenue, a précisé Mme Hamad. Elle a en outre souligné que le projet de loi sur les droits de l'enfant a récemment été adopté par le Comité de la réforme juridique.

Mme Hamad a par ailleurs souligné que la poursuite de l'occupation israélienne du Golan syrien entrave la mise en œuvre par la Syrie de ses engagements à l'égard des enfants syriens du Golan, du fait des violations israéliennes de tous les articles de la Convention relative aux droits de l'enfant et du terrorisme d'État pratiqué par Israël, puissance occupante. Ces violations et pratiques se manifestent pour les enfants syriens par une privation de leurs droits à une identité nationale, à une langue, à une culture, aux soins de santé et à l'éducation, a-t-elle précisé. Ces enfants sont également soumis à une exploitation économique, à la détention et à des arrestations; en outre, leurs vies sont menacées par les mines antipersonnel et d'autres violations flagrantes des droits de l'homme. De plus, l'occupation israélienne impose un fardeau supplémentaire au Gouvernement syrien qui se voit obligé de consacrer une part importante de son budget à des fins de défense, a souligné Mme Hamad.

Incontestablement, les efforts déployés par le Gouvernement syrien pour améliorer le niveau de vie de ses citoyens se heurtent à des difficultés, dont la plus importante découle du fort taux de croissance démographique – l'un des plus élevé du monde, a poursuivi Mme Hamad. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la vague de sécheresse qui frappe la région depuis plusieurs années. Elle a en outre mentionné le défi que constitue le grand nombre de réfugiés qu'accueille la Syrie. Leur nombre est d'environ 1,5 million et ils ne vivent pas dans des camps isolés mais se mêlent au tissu social du pays, bénéficiant de l'ensemble des services gratuits offerts aux Syriens, a-t-elle fait valoir, avant de souligner la pression ainsi exercée sur les dépenses budgétaires et les ressources naturelles du pays.

Le rapport de la Syrie (CRC/C/SYR/3-4) réaffirme l'engagement de la République arabe syrienne envers le respect des Traités, Conventions et Chartes internationaux ratifiés ou auxquels elle a adhéré, dans la mesure où la ratification de ces instruments vaut force de loi au niveau national et entraîne la prééminence sur les lois syriennes conformément aux dispositions du Code civil syrien et de la Convention de Vienne sur le droit des traités, à laquelle la République arabe syrienne a adhéré en 1980. Il signale en outre que la République arabe syrienne a retiré sa réserve sur les articles 20 et 21 de la Convention en 2007, étant précisé que la seule réserve maintenue concerne l'article 14 de la Convention. Le rapport indique en outre que le projet de loi relatif aux droits de l'enfant a pris en considération l'observation adressée à la Syrie par le Comité en fixant à 18 ans, l'âge minimum du mariage pour les filles, comme pour les garçons.

Tous les enfants syriens et les enfants non syriens résidant en République arabe syrienne sont scolarisés dans les écoles d'enseignement de base et sont traités sur un pied d'égalité, tant en ce qui concerne les soins que l'encadrement et le suivi, et ce, quel que soit leur milieu, leur niveau social et leur religion, poursuit le rapport. Le Gouvernement syrien fournit les services de base (éducation, santé) à tous les enfants, à tous les niveaux de l'enseignement, tant en zone urbaine qu'en zone rurale, aux garçons comme aux filles. Pour les enfants non déclarés à la naissance, un document mentionnant leur âge présumé est établi par les services de santé scolaire afin de les inscrire dans les écoles de l'enseignement de base. Le droit à la non-discrimination a été incorporé dans les programmes scolaires et inscrit dans le document relatif aux normes régissant les matières enseignées.

Examen du rapport de la Syrie

En prélude à l'examen du rapport de la Syrie, le Président du Comité, M. JEAN ZERMATTEN, a indiqué que dans un premier temps, le Comité allait aborder les problèmes qui sont liés à la situation actuelle du pays et qui affectent directement ou indirectement les enfants et leurs droits; après quoi, le Comité se penchera sur les mesures générales d'application de la Convention.

Questions et commentaires des membres du Comité s'agissant de la crise actuelle

M. HATEM KOTRANE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Syrie, a souligné que la présente discussion se tient à un moment exceptionnel, au regard des événements douloureux que vit le peuple syrien depuis le 14 mars dernier, jour où des groupes d'élèves ont accolé des affiches sur les murs d'une ville syrienne, avec des slogans hostiles au régime en place. Les forces de sécurité ont alors fait face aux manifestants par l'utilisation excessive de la force et l'usage de balles réelles, a-t-il rappelé. Depuis lors, les choses se sont dégradées: les chars sont intervenus, les arrestations se sont multipliées et des violations graves de droits de l'homme, y compris des actes de torture, ont été perpétrées, a poursuivi M. Kotrane. Les enfants figurent parmi les victimes de cette situation, a-t-il souligné; un grand nombre d'enfants (au moins 187) sont décédés, selon les informations qu'a pu recevoir le Comité, alors que d'autres enfants ont fait l'objet de tortures et de violences dans les centres de détention et dans d'autres lieux – y compris des écoles qui ont été transformées en lieux de détention. De plus, les enfants ont été exploités politiquement par toutes les parties, sans exception, a ajouté M. Kotrane. Des enfants ont notamment été vus proférant ou arborant des slogans favorables au régime. Quelles sont les mesures que les autorités syriennes seraient disposées à mettre en œuvre immédiatement pour mettre un terme à cette situation qui se dégrade de jour en jour et pour mener des enquêtes sur les violations graves de droits de l'homme qui ont été perpétrées et dont ont notamment été victimes les enfants, a demandé M. Kotrane?

MME KAMLA DEVI VARMAH, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport syrien, a félicité la délégation pour sa présence aujourd'hui, en dépit de la grave situation que connaît la Syrie, ce qui témoigne de l'importance que ce pays accorde au dialogue avec le Comité. Elle s'est ensuite dite préoccupée par les arrestations arbitraires menées depuis le mois de mars dernier et qui, selon certaines informations, auraient visé des enfants âgés parfois de seulement 7 ou 8 ans. Selon certaines informations, a-t-elle ajouté, des enfants ont été torturés voire mutilés. Mme Varmah a souhaité que la délégation syrienne fournisse des statistiques sur les enfants qui ont été placés en détention, leur âge et les mesures prises pour assurer leur protection. Pendant combien de temps ces enfants peuvent-ils être détenus et quand seront-ils libérés, a-t-elle demandé?

Une autre experte s'est elle aussi dite extrêmement préoccupée par les informations faisant état de meurtres, de torture et d'arrestations arbitraires à l'encontre des enfants en Syrie. Dans un communiqué de presse publié au mois de mai dernier, a-t-elle précisé, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) parlait de 30 enfants qui auraient été tués - mais Amnesty International a revu ces chiffres largement à la hausse. Amnesty International parle en outre de 88 personnes décédées en prison dont dix étaient des enfants, a par ailleurs souligné cette experte. Elle s'est en outre inquiétée que la délégation ait indiqué qu'il incombe aux parents des enfants qui se font prendre dans un conflit de protéger leurs enfants; la Convention, pour sa part, déclare clairement que la protection des enfants relève de la responsabilité de l'État. Combien d'enfants ont-ils été tués depuis le début des événements en Syrie; combien sont détenus et quels sont les chefs d'accusation retenus à leur encontre, a demandé un expert? Dans le contexte actuel, peut-on considérer que les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant sont effectivement appliquées et ne sont-elles pas en fait suspendues, a demandé un autre membre du Comité?

Questions et commentaires des membres du Comité sur des mesures générales d'application

M. KOTRANE s'est réjoui, au titre des mesures générales d'application, d'un certain nombre de mesures positives prises par la Syrie depuis l'examen de son précédent rapport, s'agissant notamment de la ratification par ce pays d'un certain nombre d'instruments internationaux. Néanmoins, il faut espérer que le projet de loi sur les droits de l'enfant sera adopté rapidement, car il subsiste de nombreux domaines dans lesquels la législation syrienne n'est pas conforme aux dispositions de la Convention, s'agissant notamment des enfants nés hors mariage, de la garde des enfants ou encore des questions de tutelle, a ajouté le rapporteur.

MME VARMAH s'est pour sa part enquise de la coopération entre le Gouvernement syrien et la société civile dans le cadre de l'élaboration du présent rapport de la Syrie. Les allocations familiales sont très faibles au regard des besoins fondamentaux des Syriens, a poursuivi la corapporteuse, avant de demander si le Gouvernement envisageait de relever ces prestations. Mme Varmah a par ailleurs demandé si la Syrie avait l'intention d'accroître l'âge du mariage pour les filles. Où en est la situation en ce qui concerne le projet d'amendement législatif visant à permettre aux femmes syriennes mariées à des non-Syriens, y compris des Palestiniens, de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Le châtiment corporel est encore légal, au moins dans la famille, s'est en outre inquiétée la corapporteuse.

Un autre membre du Comité a relevé que selon le rapport, les mineurs de moins de 18 ans n'ont pas compétence pour témoigner sauf s'ils sont victimes de viol ou d'attentat à la pudeur; cela signifie-t-il que dans les autres cas, par exemple en cas de séparation ou de divorce des parents, l'enfant n'est pas entendu? Une autre question a été posées sur l'âge de la majorité pénale.

Une experte a souhaité en savoir davantage au sujet de la distinction qui est faite en Syrie entre les enfants légitimes et les enfants naturels. Un autre expert s'est interrogé sur la possibilité pour les enfants nés hors mariage de prouver leur ascendance.

Un expert s'est pour sa part inquiété de la discrimination dont sont victimes les enfants nés de mère syrienne et de père étranger, les enfants issus de mariage entre personnes de religions différentes et les enfants naturels; tous ces enfants n'ont pas les mêmes droits que les autres enfants, a-t-il souligné.

Tout en se félicitant du programme lancé ces dernières années en faveur de l'éducation des filles, une autre experte s'est inquiétée que les filles semblent davantage que les garçons être amenées à quitter l'enseignement secondaire; elles sont à cet égard confrontées à un certain nombre d'obstacles, parmi lesquels on peut citer les mariages précoces, la saison agricole ou encore le manque d'incitation. L'éducation primaire et secondaire est-elle gratuite, a-t-il en outre été demandé?

La Syrie a fait des progrès remarquables dans les domaines de l'éducation et de la santé a relevé une experte. Une autre a salué la forte chute enregistrée par le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans.

Mais dans les zones reculées, les enfants n'ont pas un accès adéquat à ces services, certaines écoles n'étant même pas équipées d'eau potable, a souligné une experte. Une autre experte s'est elle aussi inquiété que 45% des écoles syriennes, en particulier dans les régions septentrionales et orientales du pays, ne disposent pas d'eau potable.

Une experte a déploré que les châtiments corporels restent une manière d'imposer la discipline dans les écoles.

Une experte a rappelé qu'avant la crise que traverse actuellement le pays, 11% de la population syrienne vivaient dans la pauvreté extrême; aussi, s'est-elle enquise des mesures prises pour venir en aide aux enfants des familles pauvres – dont la situation s'est sans nul doute aggravée dans le contexte de la crise actuelle.

S'agissant du travail des enfants, un membre du Comité a fait état de pratiques consistant à modifier les horaires scolaires pour permettre aux enfants d'aller travailler.

D'autres questions ont notamment porté sur les mesures prises pour remédier à la situation des enfants des rues; les mesures prises pour éliminer les mariages précoces d'enfants.

Réponses de la délégation sur la crise actuelle

En ce qui concerne les mesures prises afin d'atténuer l'impact négatif de la crise actuelle en Syrie, la délégation a renvoyé d'une part aux diverses lois qui ont été adoptées dans le but de répondre aux revendications des Syriens et, d'autre part, aux mesures économiques qui ont été prises, notamment pour accroître les salaires.

En ce qui concerne les enfants arrêtés à Deraa, la délégation syrienne a rappelé que les événements ont débuté le 14 mars et ont commencé à gagner en importance vers le 20 mars. Le 31 mars 2011, un haut comité judiciaire a été mis en place, avec à sa tête le Procureur général et composé de juges impartiaux et totalement indépendants. Ce comité a organisé une série de conférences de presse pour tenir le public informé de l'avancée de ses travaux. Ce comité a reçu plus de 1500 plaintes, a indiqué la délégation; toutes ne sont pas liées à des détentions ou des arrestations, des plaintes ayant aussi été déposées pour attaques contre des biens publics ou privés, a-t-elle précisé. Des décisions de justice ont été prises contre toute une série de personnalités officielles, y compris un gouverneur, et certaines ont été placées en détention, a-t-elle ajouté. La semaine prochaine, ce comité présentera un rapport sur certains des résultats obtenus, mais les procédures judiciaires en cours, elles, sont confidentielles, a indiqué la délégation. Les forces de sécurité ont déployé des efforts pour rétablir la paix et la sécurité là où cela était nécessaire, a-t-elle souligné.

Commentant les chiffres cités par des membres du Comité concernant des détentions ou meurtres d'enfants, la délégation a déclaré que «selon nos informations, il n'y a pas d'enfants détenus en Syrie en raison des événements actuels». Elle a indiqué qu'un enfant a été tué pendant les manifestations et qu'une enquête a été engagée sur ce décès, précisant que cet enfant n'est pas mort suite à des tortures, contrairement à ce qui a été allégué.

La Convention est applicable et en vigueur même pendant l'état d'urgence qui était en vigueur avant les événements et qui a été levé depuis.

Aucun enfant n'a été arrêté et d'ailleurs, la loi ne le permet pas, a d'autre part assuré la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué ne pas disposer d'indications selon lesquelles des écoles auraient été transformées en centres de détention. Cette semaine, 5,6 millions d'élèves ont fait leur rentrée scolaire, a-t-elle précisé.

Une experte du Comité ayant demandé à la délégation de réagir aux informations s'agissant d'une liste de dix enfants tués - dont elle a donné lecture - et d'enfants soumis à la torture, la délégation a réaffirmé qu'il y avait eu une grande exagération de la situation, qui a été exploitée à des fins malveillantes. Elle a notamment cité le cas d'un enfant mordu par un chien dans la rue un an avant les événements et dont la photo a été exploitée en prétendant qu'il avait été blessé dans le contexte des événements actuels.

La Syrie traverse un moment exceptionnel et très sensible et, faute de précédent sur lequel s'appuyer, elle espère que grâce à l'expertise du Comité, elle sera informée des procédures auxquelles elle doit recourir afin d'éviter nombre de problèmes concernant la protection des enfants, a indiqué la délégation.

Mme Hamad a ensuite déclaré que «nous savons que des enfants sont morts et qu'il y a eu des abus, ce qui découle du manque de contrôle de l'État sur des lieux qui se sont retrouvés aux mains de groupes armés». Certes, l'État a l'obligation de protéger ses citoyens; mais il demande aux parents de l'aider à cette fin en empêchant leurs enfants de se trouver dans des endroits dangereux.

Commentant le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme associé à la mission d'établissement des faits, la délégation a souligné que la Syrie a fourni dans ce contexte nombre d'informations qui n'ont pas été reprises dans ledit rapport ou figurent uniquement dans son annexe.

Réponses de la délégation sur les mesures d'application de la Convention

Les événements récents en Syrie ont entravé le processus d'adoption du projet de loi sur les droits de l'enfant qui, sinon, serait peut-être déjà adopté et devrait en tout cas désormais être discuté lors de la prochaine session du parlement élu, a notamment déclaré la délégation.

La délégation a indiqué que la Syrie a effectivement un problème avec l'article 14 de la Convention qui autorise l'enfant à choisir sa religion; en effet, la Syrie préfère que l'individu choisisse sa religion lorsqu'il a atteint l'âge adulte étant donné les conséquences importantes d'un tel choix.

En réponse à une question, la délégation syrienne a indiqué que la loi oblige la femme à obtenir une autorisation avant de pouvoir voyager seule avec ses enfants.

La législation en Syrie interdit les châtiments corporels, a assuré la délégation. De nombreux enseignants ont été suspendus, disciplinairement sanctionnés ou renvoyés pour avoir violé cette loi, a-t-elle insisté. Des membres du Comité ayant souligné qu'il n'existe à leur connaissance qu'une directive du Ministère de l'éducation interdisant les châtiments corporels à l'école, la délégation a précisé que l'article 28 de la Constitution stipule que personne ne peut être torturé ou maltraité physiquement ou moralement; la sanction pénale encourue peut être accrue si l'auteur du crime a la garde de l'enfant. Le projet de loi sur les droits de l'enfant contient une disposition qui interdit spécifiquement les châtiments corporels, a-t-elle en outre indiqué. Le même projet de loi relève à 18 ans l'âge minimum du mariage, a aussi fait valoir la délégation.

La Syrie est confrontée à des problèmes pour modifier la législation relative à la garde de l'enfant, car la société résiste à des changements dans ce domaine, a par ailleurs expliqué la délégation, avant d'assurer que les autorités allaient s'employer à surmonter les obstacles en la matière.

Le Code du travail syrien ne permet pas le travail des enfants avant qu'ils aient atteint l'âge de 15 ans, ni avant qu'ils aient achevé le cycle d'enseignement de base, a par ailleurs souligné la délégation. Elle a reconnu qu'il y a un problème de travail des enfants en Syrie, mais a assuré ne jamais avoir entendu parler de pratiques légales par lesquelles les horaires scolaires auraient été modifiés pour permettre à des enfants de travailler, comme il a été suggéré par un membre du Comité. La délégation a par ailleurs souligné que la législation syrienne ne permet pas le travail domestique en dessous de l'âge de 18 ans.

Il est vrai qu'il y une pénurie d'inspecteurs du travail, a reconnu la délégation en réponse à une question, mais des mesures ont été prises, dans le cadre du prochain exercice budgétaire, pour combler les lacunes en la matière.

Pour ce qui est de la traite de personnes, la délégation a renvoyé aux dispositions pertinentes du Code pénal et a souligné qu'il existe en Syrie une compétence universelle dans ce domaine lorsque la victime ou l'auteur de l'infraction est syrien.

En ce qui concerne la justice pour mineurs, la délégation a rappelé que la Syrie dispose depuis 1974 d'un système de justice juvénile comprenant des tribunaux pour mineurs où siègent des juges pour mineurs qui exercent à temps plein. Selon l'article 3 du Code pénal, a indiqué la délégation, l'âge de la responsabilité pénale est de sept ans; mais le décret n°52 de 2003 a porté cet âge à 10 ans, a-t-elle aussitôt ajouté. Pour les mineurs de moins de 18 ans, les sanctions encourues en vertu du Code pénal sont diminuées; ainsi, la prison à vie ou la peine de mort seraient pour ces mineurs ramenées à une peine d'emprisonnement allant de six à douze ans. Les mineurs condamnés à des peines d'emprisonnement sont détenus dans des centres spéciaux pour mineurs et non en prison, a précisé la délégation.

La corruption est répandue en Syrie, comme cela ressort de différents rapports, a par ailleurs reconnu la délégation, avant d'assurer que de nombreuses mesures ont été prises pour la combattre. Ainsi, un comité de lutte contre la corruption a-t-il été créé, a-t-elle précisé. En 2010, a-t-elle ajouté, la Syrie a été l'un des premiers pays à signer et ratifier la Convention internationale pour la lutte contre la corruption.

La délégation a par ailleurs indiqué ne pas avoir connaissance d'un quelconque phénomène de vente d'enfants en Syrie.

Il est vrai que 45% des écoles syriennes ne disposent pas d'eau potable, a reconnu la délégation. Il s'agit là d'un véritable défi pour le Gouvernement, a-t-elle ajouté, rappelant que la Syrie est située dans une région sèche.

La délégation a par ailleurs insisté sur la nécessité de mettre un terme aux violations graves des droits de l'homme et des droits de l'enfant perpétrées par les forces d'occupation israéliennes dans le Golan syrien occupé.

Le système de l'adoption et celui de la kafala cohabitent en Syrie, a ensuite fait remarquer la délégation. C'est le Ministère des affaires sociales, par le biais d'un comité chargé de la question, qui est compétent pour accorder les autorisations dans le contexte de ces deux systèmes, a-t-elle précisé.

En fin de journée, la délégation a commenté la liste de dix noms d'enfants décédés citée par un membre du Comité en indiquant avoir contacté la capitale et pouvoir d'ores et déjà être en mesure de dire qu'au moins deux des dix enfants dont les noms ont été cités ne sont absolument pas morts sous la torture, n'ont pas été arrêtés ni détenus mais ont été tués accidentellement lors d'échanges de coups de feu. La délégation a en outre indiqué n'avoir trouvé aucune information concernant un autre enfant dont le nom figurait dans cette liste.

Observations préliminaires

MME VARMAH a remercié la délégation syrienne pour ce dialogue fructueux, complet et intéressant qui, a-t-elle espéré, permettra de mettre en place de nouvelles stratégies visant à améliorer la situation des enfants dans ce pays. La corapporteuse a exprimé l'espoir que la situation revienne rapidement à la normale en Syrie.

M. KOTRANE, a lui aussi remercié la délégation syrienne pour l'ouverture d'esprit dont elle a fait preuve durant la discussion fructueuse, constructive et ouverte qui s'est nouée aujourd'hui. Chacun a bien analysé la situation des droits de l'homme et de l'enfant en Syrie et cette discussion s'est nouée dans un contexte difficile pour le pays, a-t-il reconnu. Le rapporteur a indiqué que le Comité allait rédiger ses observations finales en faisant part de sa préoccupation face à la situation que connaît le pays et qui, faut-il espérer, pourra être réglée afin que les enfants syriens puissent voir leurs droits protégés et revenir à une vie normale.

M. Kotrane a par ailleurs relevé que l'orientation politique de la Commission nationale pour les affaires familiales semble se heurter à certains courants extrêmes qui empêchent que ne soient prises les réformes nécessaires, s'agissant notamment du projet de loi sur les droits de l'enfant. Il faut en outre que la Syrie prenne les mesures nécessaires afin de permettre aux mères syriennes de transmettre leur nationalité à leurs enfants, a poursuivi M. Kotrane. Il a en outre rappelé que des questions relatives, entre autres, au travail des enfants et situation des jeunes délinquants ont été soulevées au cours du dialogue.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRC11/027F