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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS OUVRE SES TRAVAUX

Compte rendu de séance
Plus de 1400 migrants sont morts en mer entre l'Afrique du Nord et l'Europe depuis le début de cette année, souligne une représentante du Haut-Commissariat


Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a ouvert, ce matin, les travaux de sa quinzième session en adoptant son ordre du jour et son programme de travail et en entendant la responsable de la Section des groupes thématiques au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, Mme Wan-Hea Lee. Le Comité a également auditionné plusieurs organisations non gouvernementales au sujet de la situation qui prévaut, au regard de l'application des dispositions de la Convention, dans les trois pays dont les rapports doivent être examinés durant la présente session, à savoir l'Argentine, le Chili et le Guatemala.

Mme Lee a notamment souligné que, depuis la dernière session du Comité, les événements en Afrique du Nord ont continué à dominer l'actualité, et qu'un nombre important de migrants continuent de quitter la Libye et d'autres pays de la région. À travers le monde, la migration continue d'être une entreprise risquée voire, souvent, fatale. Dans un rapport sur la situation des migrants et des requérants d'asile qui fuient les événements récents en Afrique du Nord le Haut-Commissariat aux droits de l'homme estime que plus de 1400 migrants sont morts en mer entre l'Afrique du Nord et l'Europe depuis le début de cette année et note que des contrôles plus stricts aux frontières peuvent accroître le risque pour les migrants de mourir ou d'être blessés, en ce sens qu'ils sont alors acculés à adopter des modes de voyage de plus en plus dangereux pour échapper à ces contrôles. Mme Lee a d'autre part attiré l'attention sur une réunion entre le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et le Haut-Commissariat pour les réfugiés qui a notamment permis de rappeler qu'il n'existe aucune preuve formelle indiquant que la détention aurait une quelconque fonction dissuasive sur la migration irrégulière.

Ce matin, le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a souligné que la situation actuelle des travailleurs migrants dans le monde est inquiétante: la mobilité augmente pour différentes raisons, en particulier en cette année de crise, et rend les migrants encore plus vulnérables. Il est donc important d'appeler à la mobilisation de tous les acteurs pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants, a-t-il insisté. Dans ce contexte, M. El Jamri a lancé un appel à tous les États parties afin qu'ils fassent la déclaration prévue à l'article 77 de la Convention, reconnaissant la compétence du Comité pour examiner des plaintes individuelles. Le Président du Comité a par ailleurs insisté sur la nécessité d'assurer une non-différenciation, en termes de droits, en fonction de la situation administrative des travailleurs migrants, qu'ils se trouvent en situation régulière ou irrégulière. À ce sujet, a rappelé le Président, le Comité va tenir lundi prochain, 19 septembre, une journée de discussion générale sur les travailleurs migrants en situation irrégulière. C'est la Suisse qui est chargée d'organiser le prochain Forum global sur la migration et le développement, a par ailleurs indiqué M. El Jamri.

Plusieurs autres membres du Comité ont pris la parole durant cette séance d'ouverture pour présenter différentes activités auxquelles ils ont participé depuis la dernière session du Comité. Un expert s'est en outre interrogé sur la manière dont le Comité pouvait assurer la surveillance de la mise en œuvre de la Convention dans un État partie même en dehors de l'examen d'un rapport dudit État, soulevant dans ce contexte le problème soulevé par la Libye. En effet, la surveillance de la situation en Libye manque actuellement de clarté étant donné la rupture juridique dans cet État partie à la Convention, où nombre de travailleurs migrants sont touchés par la situation qui y prévaut. Il s'est interrogé sur les mesures qui pourraient être prises ou que le Comité pourrait recommander concernant les travailleurs migrants qui ont été pris au piège ou maltraités dans ce contexte.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Argentine (CMW/C/ARG/1).


Déclaration d'ouverture

MME WAN-HEA LEE, Chef de la Section des groupes thématiques au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a souligné que les événements du monde ont une fois de plus montré la pertinence de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la nécessité urgente de faire face à la réalité de la mobilité croissante des personnes dans le monde d'aujourd'hui, qu'elle soit liée à la recherche d'opportunités économiques ou à la fuite face à des catastrophes naturelles ou causées par l'homme. La présente session du Comité lui permettra d'apporter une importante contribution en vue d'assurer que tous les travailleurs migrants soient en mesure de rejoindre cette minorité bénie qui jouit de la protection de leurs pays d'origine, de transit et d'accueil. À cet égard, il convient de se réjouir de l'attention spéciale que le Comité accordera à la présente session à un groupe particulièrement vulnérable, à savoir celui des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille.

La présente session sera également importante en ce sens qu'elle sera la dernière avant que la Haut-Commissaire ne rende compte des résultats des consultations qu'elle a menées pendant deux ans en vue du renforcement du système des organes conventionnels; cette session sera donc la dernière occasion pour le Comité de réfléchir encore à cette question et de soumettre toute nouvelle réflexion à ce sujet à la Haut-Commissaire, a souligné Mme Lee.

Mme Lee a par ailleurs rappelé que le Comité sur les disparitions forcées tiendra sa première session au mois de novembre prochain et que cet automne, l'Assemblée générale sera saisie du projet de Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant – qui institue un mécanisme de plaintes. Elle a en outre attiré l'attention sur la résolution que, pour la première fois, le Conseil des droits de l'homme a adoptée pour exprimer sa grave préoccupation face aux actes de violence et à la discrimination contre les individus en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité sexuelle. Cette résolution demande au Haut-Commissariat aux droits de l'homme d'entreprendre une étude globale afin de documenter la discrimination et la violence fondées sur l'orientation et l'identité sexuelles; une discussion en rapport avec cette étude se déroulera durant la dix-neuvième session du Conseil en mars 2012, a précisé Mme Lee.

Lors de leur dernière réunion, a en outre rappelé Mme Lee, les Présidents d'organes conventionnels ont décidé de tenir leur prochaine réunion sur le continent africain afin, entre autres, d'interagir avec les mécanismes régionaux et d'autres acteurs sur place. Dans un élan d'économie et d'amélioration de l'efficacité, la Réunion intercomités a été suspendue par les Présidents d'organes conventionnels, a d'autre part indiqué Mme Lee.

Depuis la dernière session du Comité, a poursuivi Mme Lee, les événements en Afrique du Nord ont continué à dominer l'actualité, alors qu'un nombre important de migrants continuent de quitter la Libye et d'autres pays de la région. À travers le monde, la migration continue d'être une entreprise risquée voire, souvent, fatale. Dans un rapport sur la situation des migrants et des requérants d'asile qui fuient les événements récents en Afrique du Nord – rapport qui sera présenté à la dix-huitième session du Conseil des droits de l'homme qui s'ouvre également aujourd'hui au Palais des Nations – le Haut-Commissariat aux droits de l'homme estime que plus de 1400 migrants sont morts en mer entre l'Afrique du Nord et l'Europe depuis le début de cette année et note que des contrôles plus stricts aux frontières peuvent accroître le risque pour les migrants de mourir ou d'être blessés, en ce sens qu'ils sont alors acculés à adopter des modes de voyage de plus en plus dangereux pour échapper à ces contrôles.

Au mois de mai dernier, a ajouté Mme Lee, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a tenu avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés une table ronde globale conjointe sur les alternatives à la détention dans le contexte de l'immigration; cette réunion a permis de rappeler qu'il n'existe aucune preuve formelle indiquant que la détention aurait une quelconque fonction dissuasive sur la migration irrégulière et les États ont donc été instamment priés d'envisager, pour tous les migrants, des mesures effectives autres que le placement en détention.

Enfin, Mme Lee a indiqué qu'avec la récente ratification par le Bangladesh, le nombre d'États parties à de la Convention est désormais de 45. Elle a rappelé que durant la présente session, le Comité allait examiner les rapports de trois États parties – l'Argentine, le Chili et le Guatemala – et tenir une journée de discussion générale sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille.


Audition d'ONG au sujet de la situation dans les pays dont les rapports seront examinés durant la présente session

S'agissant de l'Argentine, une représentante du Centro de Estudios Legales y Sociales, au nom de plusieurs autres ONG, a salué les avancées importantes réalisées par l'Argentine mais a souligné que l'État argentin a encore beaucoup à faire en matière de reconnaissance des droits des migrants. Elle a notamment fait état des difficultés persistantes quant aux objectifs de régularisation des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Ainsi, le programme de régularisation baptisé «Patria Grande» n'a pas atteint ses objectifs; en août 2010, 126 385 personnes ayant déposé un dossier de régularisation ne bénéficiaient encore que d'une résidence temporaire. La représentante s'est en outre dite préoccupée par la situation des personnes provenant de pays non membres du MERCOSUR, en particulier du Sénégal et de la République dominicaine et qui, avec les Haïtiens sont celles qui rencontrent le plus de difficultés pour obtenir une régularisation de leur situation migratoire, en raison, en particulier, de l'inexistence d'un critère de régularisation précis. Le travailleur migrant dépourvu de tout statut juridique ou social est souvent victime d'abus voire d'exploitation, a rappelé la représentante. Elle a par ailleurs déploré que pour être allocataire d'une pension de vieillesse, une personne doive justifier d'une résidence minimum continue de 40 ans dans le pays. Un représentant de l'Alliance internationale des personnes handicapées a pour sa part attiré l'attention sur les dispositions qui établissent une exigence de 20 ans de séjour dans le pays pour pouvoir prétendre aux prestations d'invalidité.

Une représentante de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme a salué les avancées de la nouvelle loi sur les migrations qui reconnaît le droit de migrer comme un droit de l'homme. Elle a toutefois déploré que la législation ait maintenu certains motifs d'interdiction d'entrée et de séjour, notamment la sanction prévue pour l'entrée dans le pays par un lieu ou un chemin non autorisé. Par ailleurs, la législation prévoit une restriction pour les personnes en situation irrégulière, car elle leur interdit de réaliser des activités lucratives ou rémunérées, de sorte que les migrants en situation irrégulière exercent les tâches les plus précaires, sans protection sociale, et sont exposés à des pratiques d'exploitation.

En ce qui concerne le Chili, un représentant de ACHE International a attiré l'attention sur la situation très délicate qui est celle des migrants au Chili, soulignant notamment que de nombreuses travailleuses domestiques, notamment péruviennes, vivent de la prostitution.

Une représentante de Humanas, Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Género, a rappelé que le Chili est un pays qui reçoit des migrants essentiellement de la communauté andine et du Mercosur et a attiré l'attention sur la féminisation des migrations et sur la double discrimination dont sont victimes les femmes travailleuses migrantes. Elle a notamment dénoncé les écarts de salaires entre hommes et femmes, sans compter que ces dernières occupent surtout des emplois précaires et informels. Il faudrait que le Chili entreprenne une réforme législative afin de garantir de manière adéquate les droits des travailleurs migrants, a-t-elle souligné. Il faudrait en outre reconnaître la nationalité chilienne des enfants nés au Chili, quelle que soit la nationalité de leurs parents, a-t-elle ajouté.

S'agissant du Guatemala, un représentant de la Mesa Nacional para las Migraciones en Guatemala a insisté sur la nécessité pour ce pays de promulguer une nouvelle loi sur l'immigration qui pourrait notamment établir des délais pour les procédures d'expulsion. En effet, il y a eu au Guatemala des cas où des personnes ont été détenues durant trois à dix mois en attendant leur expulsion, a-t-il souligné. Du point de vue des migrations, le Guatemala est un important pays de transit et est également le deuxième pays de destination en Amérique centrale, a-t-il souligné.

Un représentant de Pastoral de Movilidad a fait observer que la structure sociale du Guatemala n'offre certes pas de grandes opportunités aux travailleurs, qu'ils soient ou non guatémaltèques. Il n'en demeure pas moins que les migrants sont souvent victimes de discrimination. Les institutions publiques comme la police traitent la question des migrations comme une question relevant de la sécurité nationale, a déploré l'orateur. Il a en outre recommandé à l'État guatémaltèque de se pencher sur le trafic de stupéfiants et sur la criminalité organisée en rapport avec la situation des migrants.

Plusieurs membres du Comité sont intervenus suite à ces présentations. L'un d'eux a souhaité savoir si les ONG avaient été consultées dans le cadre du processus de préparation des rapports nationaux des trois pays inscrits à l'ordre du jour de la présente session.

Une experte s'est enquise de l'applicabilité directe de la Convention dans ces pays. Elle a également voulu connaître les conditions actuelles d'hébergement des migrants au Guatemala et s'est en outre dite préoccupée par les mesures prises pour construire un mur sur le fleuve San Lorenzo afin de freiner l'immigration.

La représentante d'une ONG a notamment indiqué que l'Argentine applique un système moniste, les traités internationaux étant d'application directe dans ce pays. Il n'en demeure pas moins que beaucoup reste à faire dans ce pays pour que les normes existantes soient appliquées. «Patria Grande» est un programme de régularisation de l'Argentine qui ne concerne que les migrants provenant d'un pays du MERCOSUR, a-t-elle en outre souligné. La représentante d'une autre ONG a estimé qu'il faudrait recommander au Chili d'accorder une applicabilité directe à la Convention. Le représentant d'une ONG a jugé préoccupante la situation qui prévaut au Guatemala, étant donnée l'intervention de l'armée et de la police nationale lorsque des migrants sont placés en détention.

La militarisation des frontières sous prétexte de lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée est préoccupante, car ceux qui en font les frais sont les travailleurs migrants qui sont souvent eux-mêmes acculés à faire passer des stupéfiants, a déclaré le représentant d'une organisation non gouvernementale, qui a ajouté que des militaires sont souvent impliqués dans ce trafic.


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CMW11/008F