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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE MALTE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de Malte sur les mesures prises par cet État partie pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, le Représentant permanent de Malte auprès des Nations Unies à Genève, M. Victor Camilleri, a notamment fait part de l'institution du renversement de la charge de la preuve dans les procédures civiles portant sur la discrimination raciale et de dispositions législatives sur la non-discrimination dans la fourniture de biens et services, tant dans les secteurs public que privé, y compris pour ce qui est des services sociaux, de la couverture de santé, du logement ou encore de l'éducation. Suite aux incidents de 2005 liés à des manifestations de migrants en détention, les autorités maltaises ont passé en revue les structures liées à la gestion des lieux de détention à Malte. Le rapport du juge Franco Depasquale sur la question avait conclu que les immigrants qui avaient protesté y avaient été incités par des personnes extérieures aux centres et que la protestation n'était ni pacifique, ni légitime, et adressait des recommandations que le Gouvernement a appliquées. M. Camilleri a également rendu compte des circonstances de la mutinerie qui a éclaté mardi 16 août dernier dans le centre de détention de Safi.

La délégation maltaise était également composée de représentants du Ministère de la justice et de l'intérieur, du Ministère de l'éducation, de l'emploi et de la famille et du Bureau du Procureur général. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, les questions d'immigration, y compris l'émeute de migrants au centre de rétention de Safi; ainsi que les mesures prévues en matière de prévention et de lutte contre la discrimination dans le logement, l'emploi et l'éducation.

M. Waliakoye Saidou, rapporteur du Comité pour le rapport de Malte, a rappelé que le pays était proche des côtes libyennes et tunisiennes et est aujourd'hui confronté à un flux continu d'immigrants en situation irrégulière. «Ce phénomène à peine contenu a fait naître des limitations qui malheureusement prennent souvent une dimension de discrimination raciale dans le domaine notamment du logement, de l'emploi et du droit à la sûreté des immigrants irréguliers, des réfugiés et des demandeurs d'asile», a-t-il déclaré. Il a relevé en fin de séance les progrès notoires accomplis par le pays sur le plan législatif, réglementaire et institutionnel en matière de lutte contre la discrimination, en particulier à l'égard des migrants, des réfugiés et des requérants d'asile. Mais Malte est aujourd'hui devenue un pays de destination de l'immigration irrégulière, qui s'est accompagnée de certaines formes de discrimination raciale. Le rapporteur a insisté pour que Malte veille à l'effectivité des mesures importantes qui ont été mises en place.

Les observations finales du Comité sur le rapport de Malte, ainsi que des autres pays au programme de la présente session, seront rendues publiques à la clôture de la session, le vendredi 2 septembre prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra, en salle XX du Palais des Nations, une séance informelle avec les États parties à la Convention.

Présentation du rapport de Malte

M. VICTOR CAMILLERI, Représentant permanent de Malte auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que le cadre législatif national en place à Malte applique pleinement les dispositions de la Convention. La condamnation et l'élimination de la discrimination raciale font l'objet de lois tant pénales et civiles, a-t-il insisté. La discrimination raciale est interdite par la Constitution et par la Convention européenne sur les droits de l'homme – qui a été incorporée dans les lois internes, tout comme d'autres conventions internationales auxquelles le pays a adhéré. Plusieurs amendements apportés au Code pénal ainsi que le Décret relatif à l'égalité de traitement des personnes, adopté en 2007, contiennent d'importantes dispositions qui répondent aux recommandations adressées à Malte par le Comité suite à l'examen du précédent rapport du pays en 1999, a fait valoir M. Camilleri.

Des dispositions contre la haine et la violence raciales ont été ajoutées au Code pénal en 2002 et en 2009, a poursuivi le représentant maltais. Les modifications apportées en 2009 ont aussi érigé expressément en infraction le fait de se rendre complice ou d'être l'instigateur de l'une quelconque des infractions relatives à la violence ou à la haine raciales, a-t-il précisé. Cela s'applique aussi aux infractions commises en temps de guerre ou durant un soulèvement civil contre un groupe défini par la race, la couleur, la religion, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique. En vertu des modifications apportées en 2009, le Code pénal prévoit également que les personnes morales peuvent voir leur responsabilité engagée pour ces infractions, les peines encourues allant d'une amende à la dissolution forcée de la personne morale, a ajouté M. Camilleri. Pour ce qui est d'Internet, le cadre législatif maltais est totalement conforme aux exigences de la Convention relativement aux délits à caractère raciste et à la discrimination raciale dans le discours ou dans les médias, y compris Internet.

Les modifications apportées au Code pénal en 2009 ont également introduit dans la législation la notion d'aggravation de l'infraction lorsque celle-ci est motivée par la xénophobie, a poursuivi M. Camilleri, ajoutant que lorsque l'infraction est commise par un agent public, la peine est augmentée d'un degré. D'autres réformes législatives importantes ont été menées depuis 1999, notamment l'institution, en vertu du décret relatif à l'égalité de traitement des personnes (2007), du renversement de la charge de la preuve dans les procédures civiles portant sur la discrimination raciale, et, en vertu de la loi no XXIII de 2002, l'incorporation dans la loi relative à l'immigration d'une disposition permettant aux migrants de faire appel des décisions de l'agent principal d'immigration.

La réserve géographique à la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés a été levée en 2001, et le Commissariat maltais aux réfugiés est devenu pleinement opérationnel en 2002, a poursuivi le représentant. La loi relative aux réfugiés, promulguée en 2000 et modifiée en 2004, 2007 et 2008, est pleinement conforme aux dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés et au Protocole y relatif, ainsi qu'aux directives pertinentes de l'Union européenne, a-t-il assuré.

M. Camilleri a assuré qu'il n'y a aucune discrimination raciale en matière d'accès aux tribunaux à Malte. Il a ajouté qu'aucune affaire de discrimination raciale n'a été portée devant les tribunaux entre 2001 et 2005 ni entre 2007 et 2010. Deux cas ont été enregistrés en 2006, l'accusé ayant été reconnu coupable dans l'un de ces cas et innocent dans l'autre.

Toute loi considérée comme étant discriminatoire d'une quelconque manière peut être contestée en faisant référence à la Constitution, a souligné M. Camilleri. Il a en outre attiré l'attention sur un certain nombre d'autres textes de lois qui assurent la non-discrimination, citant notamment la loi électorale ou encore la loi sur le mariage.

Le décret de 2007 relatif à l'égalité de traitement des personnes porte notamment sur la non-discrimination dans la fourniture de biens et services, tant dans les secteurs public que privé, y compris pour ce qui est des services sociaux, de la couverture de santé, du logement ou encore de l'éducation, a précisé M. Camilleri. Un ensemble complet de services de santé est fourni à toutes les personnes qui résident légalement à Malte, a-t-il indiqué; tous les soins nécessaires sont fournis à des groupes spéciaux tels que les immigrants irréguliers ou les travailleurs étrangers ayant un permis de travail valide et ces soins sont gratuits, à l'exception de certains soins dentaires. Dans les écoles publiques, les élèves peuvent choisir de ne pas suivre d'instruction en matière de catholicisme romain, a par ailleurs souligné le Représentant permanent.

Les écoles s'efforcent d'inculquer aux élèves les valeurs d'acceptation et de respect à l'égard de la diversité, a poursuivi M. Camilleri.

À Malte, la Commission nationale pour la promotion de l'égalité est responsable de préserver l'égalité de traitement des personnes en ce qui concerne l'accès aux biens et services et la fourniture de ces biens et services; cette Commission est également responsable de la protection contre toute discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, a rappelé le Représentant permanent. La Commission a le pouvoir d'enquêter sur des plaintes et d'engager des enquêtes de son propre chef si elle a connaissance d'une infraction à la loi relevant de son domaine de compétence, a-t-il ajouté.

S'agissant des questions relatives aux migrations et à l'asile, M. Camilleri a souligné que la législation maltaise en matière de migration s'applique aux non-ressortissants de manière uniforme en référence à leur statut en tant que ressortissants de l'Union européenne ou en tant que ressortissants de pays tiers. Les mesures en matière d'asile et d'immigration s'appliquent à toutes les personnes arrivant à Malte, sans considération de race. Les requérants d'asile sont autorisés à rester à Malte jusqu'à ce qu'une décision finale intervienne au sujet de leur demande d'asile; ainsi, tout recours dans ce domaine en cas de réponse négative est-il suspensif de l'ordre d'expulsion jusqu'à ce que la décision définitive soit prise. Les immigrants irréguliers à Malte sont soumis à un ordre de renvoi et peuvent être placés en détention, conformément à l'article 14 de la Loi sur l'immigration, a par ailleurs indiqué le Représentant permanent. Les personnes soumises à un tel ordre d'expulsion ou placées en détention peuvent faire appel de telles décisions auprès de la Commission des recours en matière d'immigration – dont les décisions peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un recours devant les tribunaux sur des points de droit. La règle veut que la détention des immigrants en situation irrégulière soit limitée à un maximum de 18 mois; les personnes qui entrent dans le pays irrégulièrement et qui présentent aussi une demande d'asile sont, elles, soumises à une période de détention maximale de 12 mois.

Malte, qui se place au premier rang des pays industrialisés pour ce qui est du ratio entre demandes d'asile et nombre d'habitants (environ 6 demandes pour 1000 habitants), respecte pleinement ses obligations à l'égard des requérants d'asile et des bénéficiaires de protection internationale, ce qui ne va pas sans poser au pays des défis importants, notamment en termes d'intégration, a poursuivi M. Camilleri. Cela est notamment dû à la taille limitée du marché du travail maltais – lequel est susceptible d'être saturé. Aussi, Malte a-t-elle demandé la réinstallation dans d'autres pays membres de l'Union européenne (voire dans des pays tiers) des bénéficiaires de protection internationale; certains pays membres de l'Union ont répondu favorablement à cette demande d'assistance et en 2009, la France, par exemple, a réinstallé 95 bénéficiaires de protection internationale. Les États-Unis, pour leur part, en ont réinstallé 514 entre 2007 et 2010.

Suite aux incidents de 2005 qui ont donné lieu au rapport Depasquale, a poursuivi le Représentant permanent, les autorités maltaises ont passé en revue les structures liées à la gestion des lieux de détention à Malte; en fait, plus tard cette année-là, a été créé le Service de la détention, structure spécialisée qui gère les trois centres fermés de Malte, tant du point de vue de leur gestion quotidienne que du point de vue de leur sécurité. Depuis ces incidents, des programmes de rénovation ont été engagés dans ces trois lieux de détention, a fait valoir M. Camilleri. Il a souligné que le rapport Depasquale avait conclu que les immigrants qui avaient protesté y avaient été incités par des personnes extérieures aux centres et que la protestation n'était ni pacifique, ni légitime. Ce rapport contenait diverses recommandations que le Gouvernement a appliquées. Ainsi, la recommandation visant à permettre aux médias de pénétrer dans les centres de détention a été approuvée, a ajouté M. Camilleri. Il a également fait référence aux incidents de 2008, déclenchés par des migrants qui demandaient à être rapatriés rapidement vers leur pays d'origine parce qu'ils jugeaient trop lent le processus à cet égard; M. Camilleri a affirmé que les délais limites imposés par la loi dans ce domaine étaient respectés.

Malheureusement, a poursuivi le Représentant permanent, une mutinerie a éclaté mardi 16 août dernier dans le centre de détention de Safi, à l'issue de laquelle le montant des dégâts aux biens publics a été évalué à près de 1000 euros, des agents publics ayant en outre été blessés. Suite à cette mutinerie, 22 migrants ont été traduits en justice. La mutinerie a éclaté après que les migrants concernés eurent été informés du rejet de leur demande de protection internationale. Tous les migrants ont plaidé non coupable et ont été placés en détention provisoire, a indiqué M. Camilleri.

Le rapport périodique de Malte (CERD/C/MLT/15-20) indique que les autorités maltaises ont engagé diverses mesures pour lutter contre le racisme et la xénophobie et pour promouvoir plus avant l'égalité des chances pour tous. Ces mesures, en particulier les réformes législatives, offrent une plus grande protection à l'ensemble des migrants et leur garantissent le droit à des recours judiciaires. On considère que le cadre législatif national actuel met pleinement en œuvre l'ensemble des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, affirme-t-il.

De vastes réformes ont également été menées en matière d'asile, poursuit le rapport. Dans ce domaine, des progrès importants ont également été accomplis en ce qui concerne les programmes d'intégration destinés aux personnes bénéficiant d'une protection internationale. En effet, divers projets ont été entrepris, malgré la situation difficile due à l'arrivée d'un nombre considérable de migrants et de demandeurs d'asile en situation irrégulière entre 2002 et 2009. Les mesures législatives et autres mentionnées précédemment renforcent incontestablement le cadre législatif qui était en place avant 2000 et qui garantissait déjà à tous les droits et libertés fondamentaux. Il a donc été remédié à toutes les lacunes qu'auraient pu présenter les mesures d'application de la Convention, affirme le rapport.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. WALIAKOYE SAIDOU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Malte, a souligné que Malte est l'une des îles les plus proches des côtes libyennes et tunisiennes et se situe donc sur la route des embarcations qui cherchent à se rendre en Europe au départ de la Libye, principalement, et de la Tunisie. Le pays fait aujourd'hui face à un flux continu d'immigrants en situation irrégulière qui pèse sur les ressources financières et humaines de l'île, a poursuivi M. Saidou. «Ce phénomène à peine contenu a fait naître des limitations qui malheureusement prennent souvent une dimension de discrimination raciale dans le domaine notamment du logement, de l'emploi et du droit à la sûreté des immigrants irréguliers, des réfugiés et des demandeurs d'asile», a-t-il déclaré.

Indépendamment des conditions de vie des immigrés irréguliers, des réfugiés et des demandeurs d'asile, le rapporteur a relevé, dans les observations de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) s'agissant du troisième rapport présenté par Malte à cet organe, que les Arabes ou les personnes perçues comme telles font partie des groupes les plus touchés par la discrimination à l'entrée des lieux de divertissement. De même, l'ECRI a noté que les membres de la communauté musulmane étaient l'objet de préjugés et d'une certaine méfiance, a relevé M. Saidou, qui a souhaité connaître la nationalité des arabes et des musulmans qui en sont victimes.

M. Saidou s'est ensuite enquis de l'impact de la crise financière internationale actuelle sur l'évolution de la situation sociale à Malte et des conditions financières dans lesquelles les autorités politiques de Malte gèrent les flux énormes de migrants en situation irrégulière. Il s'est également enquis des mesures prises par le Gouvernement maltais pour prévenir et combattre efficacement les propagandes politiques extrémistes au regard de l'accentuation actuelle du mouvement de manifestation de l'extrémisme.

Tout en saluant les efforts déployés par Malte pour adopter des mesures législatives et réglementaires voire institutionnelles aux fins de la lutte contre la discrimination raciale, M. Saidou a souhaité savoir si le pays s'était doté d'un plan d'action de lutte contre la discrimination raciale. Le rapporteur a noté avec intérêt qu'en vertu du Décret relatif à l'égalité de traitement des personnes, a été instauré le renversement de la charge de la preuve dans les procédures civiles portant sur la discrimination raciale. Il a en revanche noté avec regret qu'il n'existe toujours pas à Malte une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.

Le Code pénal de Malte prévoit désormais que les personnes morales peuvent voir leur responsabilité engagée pour des infractions relatives à la discrimination raciale, a poursuivi M. Saidou. Tout en jugeant salutaire ces dispositions pénales, il s'est enquis de l'effectivité de ces mesures et notamment d'éventuels cas d'application de peines en la matière à une personne morale. Relevant par ailleurs que selon le Code pénal, lorsque l'infraction est commise par un agent public, la peine est augmentée d'un degré, il s'est enquis des suites données au rapport Depasquale suite aux incidents de 2005 et de 2008, liés à des manifestations de migrants détenus.

M. Saidou a par ailleurs relevé que dans les avis du Comité consultatif de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités de 2005, il apparaît que les dispositions générales de lutte contre la discrimination figurant dans la Constitution maltaise ne s'étendent pas aux relations entre les personnes privées. Le droit civil maltais, ainsi que le droit administratif, ne comportent pas de dispositions relatives à la discrimination dans certains domaines clés, dont le logement et l'accès à des lieux de divertissement, où des cas isolés de discrimination ont été signalés, a-t-il souligné, avant de s'enquérir de mesures législatives et autres éventuellement prises à cet effet.

«Nous avons relevé que certains agents de l'État en service dans les centres de rétention fortement exacerbés par le flux des immigrés deviennent de plus en plus violents» et que «de nouvelles mesures tendant à remplacer les agents de police et de l'armée par des civils mieux formés pour cette tâche ont été envisagées», a poursuivi le rapporteur, avant de demander des compléments d'information à ce sujet.

Est-ce qu'un non-ressortissant peut être propriétaire immobilier à Malte, a d'autre part demandé M. Saidou? Il a également souhaité savoir si les immigrés peuvent créer leurs propres associations.

L'interdiction de la discrimination raciale énoncée dans le domaine de la fourniture de biens et de services doit être saluée; mais de toute évidence, les non-ressortissants continuent de subir le poids des discriminations, comme l'a reconnu Malte, a poursuivi M. Saidou, avant de plaider en faveur d'une plus grande vulgarisation – par le biais de campagnes de sensibilisation – des dispositions législatives pertinentes. Le rapporteur a souhaité savoir si le droit à l'éducation est effectif chez les enfants des immigrés, des requérants d'asile et des réfugiés et dans quelle langue les enseignements sont dispensés.

Des membres du Comité se sont félicités que la législation relative à la discrimination raciale s'est beaucoup améliorée à Malte, un expert s'étonnant toutefois du contraste entre une législation aussi riche dans ce domaine et le très faible nombre de plaintes pour discrimination raciale. Un expert a salué la culture de tolérance de Malte et s'est dit impressionné par les efforts déployés par le pays pour faire face aux flux migratoires.

Un autre expert s'est dit frappé par certaines recommandations résultant de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme concernant Malte, notamment celles ayant trait au respect des droits de l'homme des migrants et des requérants d'asile; à l'amélioration des conditions de détention des migrants irréguliers et des demandeurs d'asile, en accordant une attention particulière à la situation des enfants et des femmes; ou encore à la nécessité pour Malte de participer plus activement au sauvetage en mer des personnes arrivant sur des embarcations de fortune. L'expert s'est en outre enquis de l'impact des événements récents en Afrique du Nord sur l'afflux à Malte des demandeurs d'asile et des réfugiés. Comment le Gouvernement maltais peut-il gérer cette situation certainement très difficile pour le pays, a-t-il demandé?

Nombre d'experts se sont inquiétés d'informations faisant apparaître l'existence d'une discrimination raciale à l'encontre des immigrants en situation irrégulière, des requérants d'asile et des réfugiés à Malte.

Un expert a regretté qu'il ne semble pas exister de service d'aide juridictionnelle gratuite à Malte; ce sont des organisations non gouvernementales qui fournissent gratuitement des avocats aux personnes qui en ont besoin.

Une experte a insisté sur la nécessité, pour Malte, de fournir au Comité un document de base, ne serait-ce que dans un souci de souveraineté, car faute d'un tel document de base fourni par lui-même, le pays reste à la merci des données et des analyses provenant d'autres sources.

Dans une nouvelle série de questions, un membre du Comité a rappelé que l'absence de plaintes pour racisme n'est pas nécessairement un indicateur positif. À l'avenir, a-t-il affirmé, il serait souhaitable que les autorités maltaises s'attachent à assurer une meilleure information des victimes d'actes de racisme et de discrimination quant à leurs droits, y compris pour ce qui a trait à l'aide juridictionnelle et à l'inversion de la charge de la preuve. Il conviendrait également de promouvoir la sensibilisation des autorités de police et de justice quant à l'attention qu'il faut d'apporter aux infractions à caractère racial. Un autre expert a fait remarquer que si, au civil, il faut qu'il y ait plainte pour engager des poursuites, en matière de racisme et de discrimination raciale, on se trouve dans le domaine du pénal et les poursuites sont l'élément essentiel de protection des victimes. Il faudrait donc que les plus graves des délits racistes puissent être poursuivis d'office, a-t-il estimé.

Un expert a par ailleurs attiré l'attention sur «le sort très préoccupant des enfants placés avec leurs parents étrangers dans les centres de rétention». Tout en comprenant qu'il est important de ne pas séparer les enfants de leurs parents, il a souligné que le fait de placer de très jeunes enfants dans des centres de rétention peut avoir des effets négatifs. Aussi, l'expert a-t-il souhaité savoir s'il existe à Malte des modalités particulières pour l'hébergement de ce type de familles.

Réponses de la délégation

En ce qui concerne le cadre général d'application de la Convention, la délégation a notamment affirmé qu'il est interdit à Malte de publier quoi que ce soit susceptible d'engendrer la discrimination raciale. Malte ne ménage aucun effort pour prévenir et combattre systématiquement et par le biais d'une approche globale toutes les formes de discrimination, a assuré la délégation, admettant que «les progrès ne sont peut-être pas visibles pour tous les motifs de discrimination au même niveau d'effectivité de l'impact».

S'agissant de l'absence de plaintes et de poursuites en matière de discrimination raciale, la délégation a souligné qu'un nombre toujours plus étendu de lois protègent contre la discrimination; mais pour qu'il y ait poursuite, il faut qu'il y ait plainte de la partie lésée, faute de quoi, contrairement à ce qui est le cas pour des crimes plus grave, la police ne peut pas engager de poursuites.

Bien qu'elle ne soit pas accréditée comme une institution nationale de droits de l'homme, la Commission nationale pour la promotion de l'égalité est conforme à un certain nombre de Principes de Paris, notamment pour ce qui a trait à son autonomie, a d'autre part souligné la délégation. Il n'en demeure pas moins que cette Commission n'est pas investie du vaste mandat dont sont investies les institutions nationales de droits de l'homme telles que les envisagent les Principes de Paris, a-t-elle reconnu. Cela s'explique par le fait que Malte dispose d'un certain nombre d'institutions de droits de l'homme chargées de protéger, entre autres, l'égalité entre les sexes, l'égalité des chances pour les personnes handicapées ou encore les droits de l'enfant. Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement maltais étudie actuellement la possibilité de prendre des mesures menant à la création d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.

Les tendances en matière d'immigration sont assez stables à Malte, a souligné la délégation. En 2002, a-t-elle précisé, 1106 migrants étaient arrivés sur l'île et, en 2008, le nombre de nouveaux migrants s'établissait à 2700. Cette année, un grand nombre de personnes sont arrivées sur le territoire maltais alors qu'elles étaient établies en Libye depuis longtemps. Plus de la moitié des migrants arrivant à Malte reçoivent le statut de la protection internationale, ce qui signifie qu'ils ont le droit de séjourner et de travailler dans le pays, a indiqué la délégation. La délégation a indiqué, en réponse à d'autres questions, que les enfants arrivant à Malte avec leurs parents étrangers ne sont pas placés en rétention très longtemps mais seulement jusqu'à ce qu'on obtienne les certificats médicaux nécessaires. Ces familles sont ensuite placées dans des centres dits ouverts et dans tous les cas séparés des bâtiments où sont placés les hommes seuls.

En ce qui concerne l'émeute de migrants qui s'est produite le 16 août dernier dans le centre de rétention de Safi, la délégation a indiqué qu'elle avait été déclenchée lorsque des migrants ont été informés qu'ils n'étaient pas éligibles à la protection internationale. Les autorités ont alors eu recours à la force avec retenue; un migrant a été blessé et quinze policiers ainsi que trois membres du personnel ont été légèrement blessés, a précisé la délégation. Elle a assuré que Malte allait poursuivre l'amélioration des conditions de détention dans les centres tant fermés qu'ouverts, ainsi que la promotion de ses cours d'intégration.

Comme les ressortissants, les réfugiés ont le droit de demander un logement social s'ils remplissent un certain nombre de conditions et plus particulièrement s'ils résident à Malte depuis 12 mois et si leurs revenus et leurs biens sont limités, a indiqué la délégation.

Les cas où une personne se voit refuser la possibilité de louer un logement privé en raison de sa race ou de son origine ethnique font l'objet d'une enquête de la Commission nationale pour la promotion de l'égalité, peuvent faire l'objet d'une demande d'indemnisation et sont également considérés comme un délit, passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement ou les deux, en vertu du Décret de 2007 sur l'égalité de traitement des personnes, a poursuivi la délégation.

Malte dispose d'un Département des relations professionnelles qui peut se prévaloir d'une longue histoire de protection des conditions de travail, a d'autre part fait valoir la délégation. En vertu du Décret de 2007 susmentionné, ce Département fait office d'organe chargé de l'égalité pour tout ce qui touche à la discrimination dans l'emploi; il mène des enquêtes sur les plaintes déposées pour ce type de discrimination et est habilité, en vertu de la loi, à accorder le cas échéant une indemnisation aux victimes. La discrimination raciale dans l'emploi est elle aussi considérée comme un délit passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement ou les deux. Comme pour toute discrimination relevant du mandat de la Commission nationale pour la promotion de l'égalité, la charge de la preuve incombe à la personne soupçonnée d'être l'auteur du traitement discriminatoire.

Pour ce qui est de l'accès à l'éducation, la délégation a rappelé que le Gouvernement maltais accorde une grande importance à l'intégration des migrants par le biais de l'éducation, en particulier à travers l'enseignement des deux langues officielles (le maltais et l'anglais) aux enfants ayant l'âge de la scolarité obligatoire (c'est-à-dire jusqu'à 16 ans), qu'il s'agisse de migrants réguliers ou irréguliers et qu'ils soient accompagnés ou non. Si l'égalité de traitement par rapport aux ressortissants maltais est garantie pour toutes les personnes jusqu'à la fin de l'âge de scolarité obligatoire (16 ans), les réfugiés à Malte bénéficient aussi de l'égalité de traitement au-delà de l'éducation secondaire, jusqu'au niveau de l'éducation tertiaire. Bien que les personnes admises au titre de la protection subsidiaire ainsi que les migrants réguliers originaires de pays non membres de l'Union européenne ne bénéficient pas de ce droit, a ajouté la délégation, le Ministère de l'éducation applique une politique en vertu de laquelle ces personnes se voient accorder une concession d'égalité de traitement sur une base humanitaire. Cela a eu un impact positif et un grand nombre d'immigrants d'origine raciale différente participent à l'éducation postsecondaire, a insisté la délégation.

Au début de cette année, a poursuivi la délégation, Malte a lancé un projet de programme national minimum pour l'éducation préscolaire et pour l'enseignement obligatoire, qui est fortement basé sur le renforcement de la démocratie, sur l'éducation citoyenne, sur l'intégration par l'éducation et sur le respect de la diversité de la société.

La majorité des minorités ethniques ont tendance à vivre dans le sud de Malte, a par ailleurs indiqué la délégation, avant de faire état d'une hausse du taux de poursuites pour des infractions commises dans cette partie du pays. On s'est aperçu qu'il s'agissait généralement de conflits internes plutôt que de cas où des ressortissants locaux s'opposaient à des migrants, a ajouté la délégation. Il n'y a pas de culture de bandes – de jeunes ou autres – à Malte, a-t-elle précisé. Il peut en revanche y avoir des confrontations ethniques, mais qui n'atteignent jamais un degré de gravité élevé, a-t-elle insisté. Pour ce qui est des crimes graves comme le trafic de drogues ou l tentative d'assassinat, on a constaté une hausse du nombre d'accusés appartenant aux minorités ethniques, a en outre déclaré la délégation.

Répondant à d'autres questions, la délégation a notamment indiqué que l'aide juridictionnelle est accordée à tout le monde; mais dans les faits, elle est essentiellement fournie pour les personnes qui sont formellement accusées d'un délit. Elle a aussi précisé que dans le cas de certains délits, la police peut intervenir d'office et des poursuites peuvent donc être engagées d'office; par exemple en cas de violences entre les époux, de viol, de violences contre les mineurs. En réponse à une autre question, la délégation a expliqué que pour passer un contrat de mariage civil à Malte, il faut être totalement dégagé de toute contrainte de mariage (sous quelque juridiction que ce soit, maltaise ou non), sous peine d'être poursuivi pour bigamie; en d'autres termes, si l'on est déjà marié, il faut divorcer.


Observations préliminaires

M. SAIDOU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Malte, a relevé que des progrès notoires ont été accomplis par Malte sur le plan législatif, réglementaire et institutionnel en matière de lutte contre la discrimination, en particulier à l'égard des migrants, des réfugiés et des requérants d'asile. Mais Malte est confrontée à une triste réalité, à savoir le flux croissant d'immigrés, l'île étant devenue un pays de destination. L'immigration irrégulière a servi de plateforme au développement de certaines formes de discrimination raciale, a ajouté M. Saidou. Comme cela été dit durant ce dialogue, les mesures sont donc là mais il s'agit désormais de veiller à leur effectivité, a-t-il conclu.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD11/034F