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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la République tchèque sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant hier après-midi le rapport de son pays, Mme Andrea Barsova, Directrice du Département des droits de l'homme et de la protection des minorités, a indiqué que le Gouvernement tchèque avait élaboré des stratégies spécifiques à l'intention des trois groupes cibles que constituent les Roms, les autres minorités nationales traditionnelles et les immigrés. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la création de l'Agence pour l'inclusion sociale, sur l'adoption d'une loi antidiscrimination et d'un nouveau Code pénal, ainsi que sur les actions de la police, des tribunaux et des autres autorités compétentes afin d'œuvrer à la suppression des activités extrémistes motivées par l'intolérance raciale. Le Gouvernement s'attache à appliquer les recommandations faites précédemment par le Comité, s'agissant notamment des mesures visant à améliorer les relations entre les Roms et la majorité de la population, la création d'un organe indépendant chargé d'enquêter sur toute mauvaise conduite de la part de policiers, l'amélioration de la situation des enfants roms dans le système éducatif, le taux d'emploi des Roms, l'utilisation des langues des minorités. Mme Barsova a fait valoir que lors des élections parlementaires qui se sont déroulées l'an dernier, les partis d'extrême droite n'ont obtenu aucun siège et sont donc restés en marge de l'échiquier politique, et a fait part de la décision de justice favorable à la dissolution du Parti des travailleurs, qui professait publiquement des idées d'intolérance raciale et visait sans équivoque la restriction des droits et libertés individuels.

L'importante délégation tchèque était également composée du Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève, M. Tomáš Husák, ainsi que d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères et des fonctionnaires du Conseil gouvernemental pour les droits de l'homme et du Conseil gouvernemental des affaires de la minorité rom, ainsi que des Ministères de la justice, de l'intérieur, du développement régional, du travail et des affaires sociales, de la santé et de l'éducation, de la jeunesse et des sports. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la situation des minorités nationales; les questions relatives à la situation des étrangers et à l'obtention de la nationalité tchèque; la situation des Roms; ou encore les mesures prises pour lutter contre les groupes d'extrême droite. La délégation a par ailleurs expliqué pourquoi la République tchèque ne participerait pas, le 22 septembre prochain à New York, aux événements commémoratifs de la Déclaration et du Programme d'action adoptés en 2001 à Durban par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, Mme Anastasia Crickley, a notamment souligné que «le vent de l'extrémisme et du néo-nazisme a aussi touché la République tchèque» et que les partis politiques interdits ont encore des membres qui demeurent très actif. Elle s'est dite particulièrement préoccupée par la situation des Roms, notamment des femmes roms victimes de stérilisation sans consentement éclairé. Mme Crickley s'est également dite particulièrement préoccupée par la situation des migrants en République tchèque. Pays d'émigration devenu pays d'immigration, la République tchèque a maintenant l'occasion d'assurer que les droits qui avaient en leur temps été déniés à ses émigrants soient pleinement assurés aux personnes qui contribuent aujourd'hui à son développement économique. Pour aborder toutes ces questions, un Plan national d'action tel que prévu dans la Déclaration et le Programme d'action de Durban reste un outil utile, a souligné Mme Crickley, exhortant la République tchèque à revenir sur sa décision de participer à la commémoration du dixième anniversaire de son adoption.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de la République tchèque, qui seront rendues publiques à la clôture de la session, le vendredi 2 septembre prochain.

En début de séance, ce matin, le Comité a observé une minute de silence en mémoire des 22 collègues des Nations Unies, parmi lesquels l'ancien Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Sérgio Vieira de Mello, tués il y a aujourd'hui huit ans dans l'attaque du bureau des Nations Unies à Bagdad, le 19 août 2003. «N'oublions pas le sacrifice de tous ceux qui ont travaillé pour les Nations Unies et sont morts pour la paix», a déclaré le Président du Comité, M. Anwar Kemal. En 2008, l'ONU a retenu la date du 19 août pour marquer chaque année la Journée mondiale de l'aide humanitaire.


Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de l'Albanie (CERD/C/ALB/5-8). La matinée sera consacrée à l'audition d'organisations non gouvernementales qui témoigneront de la situation dans des pays dont les rapports sont à l'examen la semaine prochaine.

Présentation du rapport

MME ANDREA BARSOVA, Directrice du Département des droits de l'homme et de la protection des minorités au Conseil gouvernemental pour les droits de l'homme du Bureau du Gouvernement de la République tchèque, a indiqué qu'elle allait consacrer l'essentiel de son intervention à la situation des Roms, sur lesquels se concentrent nombre des thèmes de discussion proposés pour l'examen du présent rapport. D'autres groupes importants de la société tchèque pour ce qui est de la protection contre la discrimination sont les autres minorités nationales traditionnelles, comme les Polonais et les Allemands, qui jouissent de droits spéciaux accordés aux minorités, a-t-elle précisé. Un troisième groupe est celui que compose l'importante communauté des immigrés, dont la majorité sont ukrainiens, vietnamiens et russes, a-t-elle ajouté. À l'intention de ces trois groupes cibles, a-t-elle indiqué, le Gouvernement tchèque a élaboré des stratégies spécifiques qui sont appliquées conjointement aux procédures générales visant la lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme.

Attirant l'attention sur quelques-uns des progrès enregistrés en République tchèque durant la période couverte par le présent rapport, à savoir les années 2005 à 2009, Mme Barsova a notamment fait part de la création de l'Agence pour l'inclusion sociale, qui témoigne de l'engagement du Gouvernement de combattre l'exclusion sociale. Elle a également rappelé qu'une loi antidiscrimination et un nouveau Code pénal ont été adoptés qui, tous deux, améliorent la protection contre le racisme, l'intolérance raciale et la discrimination raciale. La police, les tribunaux et les autres autorités compétentes ont œuvré à la suppression des activités extrémistes motivées par l'intolérance raciale, notamment les concerts racistes, et sont parvenus à affaiblir l'influence des points de vue extrémistes, a fait valoir Mme Barsova.

Au cours des deux dernières années, qui ne sont pas couvertes par le rapport, le Gouvernement a également adopté d'autres mesures en réponse aux défis actuels, a poursuivi la Directrice du Département des droits de l'homme et de la protection des minorités. Ainsi, a-t-elle notamment précisé, le bureau du Médiateur a commencé à fonctionner en tant qu'organe antidiscrimination; en plus de l'aide qu'il offre aux personnes dans les affaires individuelles, il commence à contribuer à l'élaboration de nouvelles normes de protection contre la discrimination. Cette année, a ajouté Mme Barsova, le Gouvernement a adopté une nouvelle stratégie pour l'intégration des immigrants, en réponse à la situation migratoire actuelle, et a mis sur pied un réseau de centres régionaux pour l'intégration des étrangers.

Le Gouvernement s'est également attaché à améliorer les relations entre les Roms et la majorité de la population, comme l'avait recommandé le Comité dans ses observations antérieures. En outre, le Gouvernement s'est efforcé de répondre activement aux recommandations que lui avait adressées le Comité s'agissant, par exemple, de la création d'un organe indépendant chargé d'enquêter sur toute mauvaise conduite de la part de policiers; de la situation des enfants roms dans le système éducatif; ou encore de l'emploi des Roms et de l'utilisation des langues des minorités, y compris le romani.

Lors des élections parlementaires qui se sont déroulées l'an dernier, a poursuivi Mme Barsova, les partis d'extrême droite n'ont obtenu aucun siège et sont donc restés en marge de l'échiquier politique. À cet égard, a-t-elle ajouté, il convient de souligner que, saisi par le Gouvernement, le Tribunal suprême administratif a statué que le Parti des travailleurs, qui professait publiquement des idées d'intolérance raciale et visait sans équivoque la restriction des droits et libertés individuels, devait être dissous.

En août 2010, le Gouvernement a fait une déclaration politique dans laquelle il s'est engagé à soutenir l'intégration sociale des personnes vivant dans des communautés exclues par le biais du travail de l'Agence pour l'intégration sociale des localités roms. Cette Agence est en train de préparer une stratégie nationale de lutte contre l'exclusion sociale, a précisé Mme Barsova.

Revenant sur la loi antidiscrimination adoptée par la République tchèque, Mme Barsova a souligné que le principal bénéfice de cette Loi a été d'étendre les compétences du Médiateur, auquel peuvent désormais s'adresser les victimes de comportements discriminatoires. Pour ce qui est de la procédure judiciaire, cette Loi renforce la position des victimes de discrimination en ce sens que désormais, la charge de la preuve est partagée, le plaignant n'ayant plus qu'à apporter la preuve de certains éléments fondamentaux, alors que le défenseur doit apporter la preuve que le traitement différencié argué par le plaignant n'était pas motivé par la race, l'origine ethnique ou tout autre motif interdit par la loi. Depuis décembre 2009, a précisé Mme Barsova, le Médiateur a déjà reçu plusieurs centaines de plaintes pour discrimination; en 2010, sur un total de 176 plaintes reçues, 38 portaient sur la discrimination raciale (soit 21%). Dans cinq affaires, a ajouté Mme Barsova, le Médiateur a engagé des enquêtes et dans les autres cas, il a répondu en apportant une information sur les moyens de réparation; dans un cas, il a trouvé qu'il y avait discrimination dans le domaine du logement.

En ce qui concerne l'action en faveur des Roms, Mme Barsova a précisé que la politique tchèque d'intégration des Roms cherche traditionnellement à remédier aux problèmes que rencontrent les Roms sous trois angles: droits de l'homme, droits des minorités et situation socioéconomique. Le Gouvernement tchèque reconnaît que pour parvenir à la pleine intégration de la minorité rom, il convient de prendre des mesures adaptées aux expériences socioéconomiques spécifiques des communautés roms, a-t-elle ajouté. Au niveau local, a-t-elle souligné, les questions relatives aux Roms sont traitées par le Conseil gouvernemental des affaires de la minorité rom, qui fait office d'organe interministériel et consolide l'action des coordonnateurs régionaux pour les affaires roms qui opèrent dans les 14 régions du pays. En 2010, le statut du Conseil des affaires de la minorité rom a été renforcé; il est désormais présidé par le Premier Ministre en personne et comprend des membres de tous les principaux ministères ainsi que seize représentants roms.

Mme Barsova a ensuite attiré l'attention sur les mesures prises pour compenser les désavantages auxquels sont confrontés les enfants roms dans le système éducatif, prévenir la discrimination à leur égard à l'école et assurer une plus grande ouverture des écoles normales à l'éducation des enfants roms défavorisés. Ces mesures ont permis de réduire le nombre d'élèves éduqués dans les anciennes écoles spéciales, a-t-elle souligné. En vertu de la réforme apportée au début de cette année aux règles régissant l'éducation des élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux, il est désormais interdit d'éduquer les élèves socialement défavorisés en leur faisant suivre des programmes destinés aux enfants ayant des déficiences mentales. La législation qui prendra effet au début de l'année scolaire à venir prévoit l'intégration dans les écoles normales des élèves socialement défavorisés.

Évoquant le taux élevé de chômage parmi la population rom, Mme Barsova a fait part des mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la situation. Les études menées ont confirmé que la base d'un accroissement du taux d'emploi des Roms réside dans l'achèvement, au minimum, du cycle d'enseignement secondaire. Évoquant ensuite la situation précaire de nombreux Roms en termes de logement, Mme Barsova a également souligné que le Ministère du développement régional finance la construction de logements destinés à être loués à des groupes cibles socialement définis.

S'agissant des «erreurs individuelles identifiées dans le cadre d'opérations de stérilisation contraires aux directives du Ministère de la santé» – erreurs au sujet desquelles le Gouvernement a présenté des excuses en 2009 – Mme Barsova a indiqué que la Cour suprême avait donné un avis qui pourrait lever l'application d'un délai de prescription pour des cas de stérilisation illégale et dont il reste encore à évaluer pleinement l'impact. Pour sa part, la Chambre des députés est en train de discuter d'une nouvelle législation définissant les conditions dans lesquelles peut être pratiquée la stérilisation.

Mme Barsova a par ailleurs fait part de la Stratégie de lutte contre l'extrémisme adoptée par le Gouvernement tchèque. Elle a d'autre part fait valoir qu'en 2010, le pays avait connu une baisse sensible (de 4,9% par rapport à 2009) des comportements criminels à motivation raciale ainsi qu'une diminution significative du nombre de crimes antisémites. L'année 2010 a également été marquée par l'adoption, par les forces de sécurité et les organes judiciaires de l'État, d'un certain nombre de mesures contre les néo-nazis qui ont grandement contribué à réduire les opérations des extrémistes d'extrême droite.

Aujourd'hui, a poursuivi Mme Barsova, les immigrants en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne représentent 2,8% de la population tchèque. Les principaux groupes proviennent de trois pays, a-t-elle précisé: Ukraine (130 000 personnes), Vietnam (61 000 personnes) et Fédération de Russie (30 000 personnes). La République tchèque est devenue un pays d'immigration et entre 2006 et 2008, quelque 40 000 étrangers y ont immigré chaque année. Toutefois, la crise économique de 2008-2009 a considérablement limité les possibilités d'emploi et a temporairement entraîné une stagnation de l'immigration, a souligné Mme Barsova. Elle a ajouté que le Gouvernement tchèque avait adopté, en février dernier, un Concept mis à jour pour l'intégration des immigrants en République tchèque, baptisé «Coexistence commune».

Le rapport périodique de la République tchèque (CERD/C/CZE/8-9) indique notamment que le Gouvernement s'est joint à l'initiative internationale de la Décennie européenne de l'inclusion des Roms 2005-2015 et a également adopté un plan d'action national pour la décennie, qu'il s'est engagé à exécuter pour 2015. La République tchèque s'emploie activement à intégrer les Roms dans toute l'Union européenne et a organisé, durant sa présidence de l'Union européenne en 2009, la première réunion d'un programme intégré pour l'inclusion des Roms aboutissant à l'adoption des principes de base communs pour l'inclusion des Roms. Les principes de la politique d'intégration des Roms à long terme ont été adoptés par le Gouvernement tchèque en 2005 afin d'améliorer la vie des Roms dans des domaines fondamentaux comme l'éducation et le marché du travail d'ici à 2025. C'est pourquoi, selon le Gouvernement tchèque, des mesures spécifiques visant à intégrer la communauté rom, moyennant une action volontariste, ne sont plus nécessaires. Le rapport indique par ailleurs que la République tchèque a décidé de ne pas adopter de plan d'action national contre le racisme, soulignant que le pays applique peu à peu les différents points de la Déclaration et du Programme d'action de Durban en utilisant les mesures existantes. La protection contre la discrimination est garantie par la nouvelle loi antidiscrimination, qui protège le droit de toutes les personnes à l'égalité de traitement dans les domaines suivants: droit à l'emploi et accès à l'emploi; à une profession, à la création d'entreprise ou à d'autres formes d'emploi indépendant; emploi dans la fonction publique et autres emplois salariés; adhésion et participation aux syndicats, comités d'entreprises et organisations d'employeurs; adhésion et participation à des organismes professionnels; sécurité sociale; octroi et fourniture de prestations sociales; accès aux prestations de santé; enfin, accès à des biens et services, y compris au logement. Enfin, un nouveau Code pénal entré en vigueur en janvier 2010 qui introduit certains changements en matière de crime raciste et modifie notamment la définition du délit de «violence contre un groupe d'habitants ou contre un individu» motivé par l'appartenance raciale, ethnique, nationale ou une autre forme d'appartenance, réelle ou supposée, à un groupe de personnes, et introduit une nouvelle définition du délit de «diffamation d'une nation, d'une race, d'un groupe ethnique ou d'un autre groupe de personnes».

En juin 2009, un accord a été conclu entre les autorités constitutionnelles, les partis politiques parlementaires et les citoyens sur une action commune contre la montée de l'extrémisme et du racisme, qui condamne sans équivoque la poussée des idées extrémistes en République tchèque. On a observé un intérêt croissant des néo-nazis tchèques pour les manifestations publiques à caractère politique au cours de la période du rapport. Les manifestations des néo-nazis ne se sont pas déroulées sans problème en 2007 et 2008, à la différence de 2006. En 2007, la coopération internationale entre les néo-nazis s'est également renforcée, et on a constaté le rôle de plus en plus important de l'Internet. Aucun parti politique d'extrême droite n'est représenté à la Chambre des députés ou au Sénat du Parlement tchèque, fait valoir le rapport. En revanche, le «Parti des travailleurs» a obtenu de bons résultats lors des élections au Parlement européen en 2009, puisqu'il a recueilli 25 368 voix, soit 1,07 % des voix, pourcentage suffisant pour bénéficier des fonds publics. Les partis politiques extrémistes ont évolué en 2008, notamment du fait des efforts déployés par de nombreux militants d'extrême droite pour entrer sur la scène politique. À cette fin, les groupes non déclarés − Résistance nationale et Nationalistes autonomes − ont commencé à collaborer avec le Parti des travailleurs, qui a accueilli la plupart des néo-nazis et des nationalistes autonomes. Le Parti des travailleurs est soupçonné d'avoir des tendances d'extrême droite, antisémites et antidémocratiques et des opinions très xénophobes. La montée de l'extrémisme et les risques qui en découlent en matière de sécurité et qui ont des incidences négatives sur la situation des Roms ont également pour effet d'accentuer la tendance de certains membres de communautés roms à émigrer, bien qu'il ne soit pas certain que la décision de quitter la République tchèque puisse être imputée uniquement à l'extrémisme.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME ANASTASIA CRICKLEY, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, s'est félicitée d'un certain nombre de progrès intervenus en République tchèque ces dernières années, saluant notamment l'adoption d'une loi antidiscrimination ou encore la décision de dissoudre le Parti des travailleurs – qui avait une politique anti-immigrés et faisait la promotion des idées néo-nazies.

Mme Crickley s'est dite consciente qu'un climat de dialogue et de tolérance existe s'agissant des minorités nationales mais a également dit savoir qu'il existe des difficultés particulièrement enracinées dans le domaine de la discrimination contre les Roms. Paraphrasant le document préparé par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme en vue de l'examen périodique universel de la République tchèque, elle a relevé que les Roms souffrent de discrimination dans tous les aspects de leurs vies et d'une totale impunité pour la discrimination raciale à leur encontre.

La rapporteuse s'est en outre dite préoccupée par les dispositions qui ont été prises afin de lier le statut d'immigration à un emploi particulier; par les pratiques de certaines agences d'emploi; par les débats concernant le programme de renvoi volontaire de personnes dans leur pays; ainsi que par les informations relatives à la détention de demandeurs d'asile. Elle a souhaité en savoir davantage au sujet de toutes ces questions.

Mme Crickley a par ailleurs souhaité connaître les mesures prises pour promouvoir le rôle des médias en matière de lutte contre la discrimination raciale.

Relevant d'autre part que les dispositions légales contre la discrimination semblent éparpillées à travers les principaux textes du droit public, privé et administratif et les codes de procédures associés, Mme Crickley a fait part de ses craintes que les victimes de discrimination ne trouvent l'accès à la justice trop lourd, lent et inefficace.

Le Comité a reçu des informations faisant état d'un nombre croissant d'incidents d'incitation à la haine et d'actes de violence tels que ceux prenant pour cibles les zones de peuplement rom en les attaquant au cocktail Molotov, a poursuivi la rapporteuse. Elle s'est en outre dite très préoccupée par les informations selon lesquelles d'anciens membres du Parti des travailleurs seraient maintenant fonctionnaires du Ministère de l'éducation, de la jeunesse et des sports. Elle s'est enquise de la stratégie et des priorités des autorités en matière de lutte contre les mouvements et partis politiques extrémistes.

Pour ce qui est des questions d'éducation, Mme Crickley a rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme avait rendu un jugement indiquant que l'éducation distincte appliquée aux enfants roms en République tchèque était une pratique inacceptable et une violation des droits de l'homme; or, a-t-elle fait observer, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Thomas Hammarberg, a affirmé, à l'issue de la visite qu'il a effectuée dans le pays en novembre 2010, que la situation semblait avoir peu changé sur le terrain depuis ce jugement. Mme Crickley s'est fait l'écho de craintes exprimées que les amendements apportés à la législation dans ce domaine – et qui entreront en vigueur à compter de la prochaine rentrée scolaire – ne fassent que renforcer la discrimination contre les enfants roms dans l'éducation et que les changements concrets dont bénéficieront les enfants roms en vertu du Plan national d'action en faveur de l'éducation inclusive ne soient envisagés qu'à compter de 2014. Tout en affirmant comprendre qu'il n'est pas possible de changer la situation en un jour lorsque l'on parle de discrimination profondément enracinée, Mme Crickley a demandé à la délégation tchèque si les autorités envisageaient d'introduire une législation interdisant clairement la ségrégation dans l'éducation sur la base de l'appartenance ethnique.

Mme Crickley a par ailleurs exprimé des préoccupations persistantes au sujet du logement et de l'emploi des Roms et s'est enquise des stratégies publiques en la matière.

Tout en relevant que les autorités tchèques ont exprimé leur regret, en novembre 2009, pour les pratiques de stérilisation de femmes roms sans leur consentement libre et éclairé, Mme Crickley a souligné que le délai de prescription de trois ans qui subsiste dans ce domaine a pour effet de faire obstruction et à la réparation et à l'indemnisation pleines et entières des victimes.


Un autre membre du Comité s'est inquiété que des écoles dites «écoles pratiques» aient remplacé les écoles spéciales pour enfants roms. Une autre experte s'est également dite préoccupée par la question de l'éducation des Roms et a demandé quels progrès ont été enregistrés concrètement dans ce domaine. Elle a mentionné le nombre négligeable de 46 élèves roms ayant quitté en 2009 les écoles spéciales.

Un autre membre du Comité a relevé que la ségrégation dans le logement est pratiquée à l'encontre des Roms dans de nombreuses localités de la République tchèque.

Un autre expert s'est inquiété que selon les statistiques officielles, l'origine ethnique de quelque 172 000 personnes soit considérée comme inconnue, alors que pour 76 000 personnes, c'est la langue maternelle qui est inconnue. S'il peut être parfois difficile de déterminer l'origine ethnique d'une personne, il n'en va pas de même pour la langue maternelle, a souligné l'expert. Évoquant la possibilité d'un refus des personnes recensées de déclarer leur origine ethnique ou leur langue maternelle, l'expert a estimé qu'il serait plus judicieux alors de classer ces réponses non pas sous la rubrique «inconnu» mais sous une rubrique «refus de répondre», ce qui n'aurait pas les mêmes implications quant à l'analyse des statistiques.

Dans le même ordre d'idées, un autre membre du Comité s'est étonné que, selon les statistiques officielles, le nombre de Roms en République tchèque soit de 11 000 alors que, selon ces mêmes statistiques, le nombre de personnes parlant la langue romani est de 23 000. De même, les Slovaques seraient 193 000 en République tchèque, alors que le nombre de personnes parlant le slovaque serait de 208 000.


Un expert s'est inquiété des mauvais traitements dont se plaignent les étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention dans lesquels ils sont placés.

L'expert s'est en outre enquis de l'influence de la crise financière et économique sur les problèmes de discrimination en République tchèque et plus précisément sur l'attitude des Tchèques à l'égard des Roms et des immigrés; en d'autres termes, la crise est-elle source d'aggravation de la xénophobie?

Un expert a demandé à la délégation s'il est envisagé que la cour suprême aura à se prononcer de nouveau sur des cas de stérilisation forcée ou illégale. Un autre a exprimé sa vive préoccupation s'agissant du délai de prescription de trois ans au-delà duquel s'éteint toute possibilité d'action en justice dans les cas de stérilisation forcée ou illégale.

De l'avis du Comité, les mesures spéciales sont nécessaires et même obligatoires lorsqu'il existe des groupes de population particulièrement défavorisés, a en outre souligné l'expert.

La législation actuellement en vigueur en République tchèque ne couvre pas l'article 4.b) de la Convention, relatif à l'interdiction des organisations incitant au racisme ou à la discrimination raciale, a-t-il d'autre part estimé.

Plusieurs experts se sont enquis de la situation des minorités autres que les Roms, en particulier les Ruthènes, les Ukrainiens et les Vietnamiens.

Dans une nouvelle série de questions, un expert s'est inquiété des informations faisant état d'une exploitation sexuelle dont seraient victimes des femmes roms mais aussi des femmes originaires de Slovaquie, d'Ukraine, de Fédération de Russie, du Brésil et du Viet Nam, entre autres.

Un membre du Comité s'est interrogé sur les risques d'interprétation négative à laquelle pourrait donner lieu la décision de la République tchèque de ne pas participer à la commémoration du dixième anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Durban.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des experts sur le cadre d'application de la Convention, la délégation a reconnu que l'absence en République tchèque d'une institution des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris constituait une lacune. Elle a toutefois précisé que le Médiateur fait de plus en plus office d'institution indépendante des droits de l'homme, non seulement parce que ses pouvoirs ont été étendus pour pouvoir traiter de la discrimination raciale, mais aussi parce que dans son portefeuille, le Médiateur a une fonction de supervision des lieux de privation de liberté. La délégation a par ailleurs souligné que le Médiateur rédige des opinions juridiques qui sont précieuses en ce sens qu'elles fournissent des orientations tant aux victimes qu'aux juristes. En réponse à une autre question, la délégation a notamment indiqué que le Gouvernement tchèque actuel avait renoncé à l'idée de désigner un Ministre des droits de l'homme, comme cela avait été le cas en 2007, préférant confier tout ce qui concerne les droits de l'homme au Premier Ministre lui-même.

Une experte ayant demandé quelle suite avait été donnée aux recommandations du Conseil gouvernemental des affaires de la minorité rom et comment était assurée son indépendance , la délégation a expliqué qu'un tel organe ne peut être considéré comme indépendant, puisqu'il s'agit précisément d'un organe gouvernemental. Elle a ajouté que les Roms membres de ce Conseil sont nommés par le Gouvernement par décret. En 2010, le Conseil n'a tenu qu'une seule réunion, a ajouté la délégation, notamment à cause du remaniement ministériel qui s'est produit cette année-là.

Aux experts qui s'étaient inquiétés que la législation existante en République tchèque ne permette pas de toujours sanctionner comme il se doit les actes de racisme et de discrimination raciale, la délégation a indiqué que la loi sur les infractions administratives punit d'amendes les troubles à l'ordre public et à la bonne coexistence entre les citoyens. Si la police établit que l'infraction n'a pas de caractère pénal, elle peut – elle-même ou le procureur – renvoyer l'affaire devant une procédure administrative. Ainsi, existe-t-il encore des possibilités de sanctions même si l'infraction n'a pas un caractère pénal, a insisté la délégation.

En réponse aux questions relatives aux statistiques concernant les minorités, la délégation a attiré l'attention sur la disposition particulière dans le chapitre de la Constitution relatif aux droits fondamentaux où il est dit que chacun a le droit de choisir en toute liberté le groupe auquel il appartient. Il incombe donc à chacun de décider de son appartenance à telle ou telle minorité ou communauté, a insisté la délégation. Ainsi, une personne pourrait-elle affirmer appartenir à la minorité rom tout en se considérant membre de la communauté majoritaire tchèque.

En ce qui concerne la situation des minorités nationales, la délégation a souligné que le régime juridique tchèque a prévu un système très développé de protection de ce que l'on appelle les «minorités nationales traditionnelles»; ce système est inscrit dans la Constitution et sa mise en œuvre se fait par le biais de la Loi sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales, laquelle énonce pour ses personnes une série de droits, en particulier en matière linguistique et en matière de participation. Ces personnes ont droit à un enseignement dans leur langue maternelle et ont droit d'utiliser la langue de leur minorité dans les procédures officielles, a précisé la délégation. En outre, il est possible pour ces minorités de disposer d'une signalisation dans leur langue nationale. Pour leur part, les Vietnamiens sont arrivés dans les années 1950 dans le cadre d'une migration liée au travail, a souligné la délégation.

S'agissant des Roms, la délégation a rappelé l'existence d'un Conseil gouvernemental des affaires de la minorité rom dont 16 des 32 membres sont des Roms. Il s'agit d'un organe consultatif auprès du Gouvernement. Il existe en outre 192 conseillers municipaux pour les Roms et le pays dispose aussi de 70 comités pour les minorités dans les municipalités et de six comités similaires dans les régions, a ajouté la délégation. Le concept pour l'intégration des Roms s'articule autour de trois axes: les droits de l'homme, l'aspect minorité et les aspects socioéconomiques. Selon les experts, il y aurait entre 180 000 et 200 000 Roms en République tchèque, dont 80 000 vivraient dans l'exclusion – exclusion entendue comme un processus par lequel des particuliers ou des groupes de particuliers dans des communautés ont un accès limité à des ressources minima, sont désavantagés ou rencontrent des difficultés pour accéder à tout ce qui leur permettrait de participer à la société et d'exercer leurs droits socioéconomiques.

En ce qui concerne la question des classes spéciales dans lesquelles la majorité des élèves étaient roms, la délégation a expliqué que suite à l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme à ce sujet, de nouveaux textes de loi ont été préparés qui devraient entrer en vigueur à compter du mois prochain. Ainsi, un nouveau décret réglemente-t-il désormais la scolarisation des enfants ayant des besoins particuliers et interdit de scolariser dans des institutions pour personnes ayant des déficiences mentales des enfants qui n'en ont pas. En outre, ne peuvent non plus être scolarisés dans des écoles spéciales (pour enfants ayant des besoins particuliers) des enfants n'ayant pas de besoins particuliers.

La délégation a par ailleurs fait part des mesures d'appui public prises, par le biais de l'octroi de bourses dites sociales, en faveur des élèves de l'enseignement supérieur issus d'un milieu défavorisé.

La délégation a par ailleurs fait part des mesures prises pour lutter contre les groupes d'extrême droite, soulignant notamment que le nombre de concerts racistes autorisés a été réduit. L'an dernier, 230 personnes ont été poursuivies pour des infractions relatives à l'extrémisme, a précisé la délégation. Les crimes contre les Roms ne sont pas toujours organisés par des groupes extrémistes, a toutefois souligné la délégation; ils sont parfois le fait de personnes isolées, qui peuvent, mais pas toujours, avoir des sympathies pour les groupes extrémistes, a-t-elle ajouté.

S'agissant de la situation dans les centres de rétention pour les étrangers, la délégation a indiqué que ces structures relèvent du Ministère de l'intérieur et assurent toute une gamme de services, y compris en termes de loisirs. La durée moyenne du séjour dans ces centres s'établit à 84 jours, a précisé la délégation.

Répondant à des questions des membres du Comité sur l'obtention de la nationalité tchèque, la délégation a attiré l'attention sur le problème de la langue: seuls 15 millions de personnes à travers le monde parlent le tchèque et il n'est pas très facile pour un étranger d'apprendre cette langue, a-t-elle précisé. L'essentiel des 900 étrangers ayant acquis la nationalité tchèque étaient ukrainiens, polonais, vietnamiens et slovaques, a par ailleurs indiqué la délégation. Les chiffres les plus récents indiquent qu'en 2010, plus de 400 000 étrangers avaient des permis de séjour en République tchèque, dont 100 000 un permis de séjour permanent et plus de 200 000 un permis de séjour longue durée, a ajouté la délégation, précisant que les principales nationalités représentées dans ce contexte étaient les Ukrainiens, les Slovaques et les Vietnamiens.

Le Président du Comité, M. Anwar Kemal, ayant demandé à la délégation si la République tchèque participerait à la commémoration, le 22 septembre prochain à New York, à la réunion de l'Assemblée générale consacrée la commémoration du dixième anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, la délégation a répondu par la négative. Cette décision ne fut pas facile à prendre, a ajouté la délégation. La République tchèque pense fermement que toute forme de racisme, de discrimination raciale et d'intolérance doit être rejetée avec toute la vigueur possible. Cependant, alors que le racisme touche l'ensemble du monde, la Déclaration et le Programme d'action de Durban ne sont pas parvenus à assurer la neutralité géographique voulue et mettent l'accent sur la situation particulière d'un pays, a déclaré la délégation. En outre, les deux conférences jusqu'ici associées au processus de Durban, tenues à Durban en 2001 et à Genève en 2009, ont été entachées par des déclarations politiques tout à fait inacceptables pour le Gouvernement tchèque. Par ailleurs, certains cherchent à promouvoir des intérêts cachés qui visent à ériger en principe des concepts tels que la diffamation des religions, ce qui reviendrait à léser les droits des individus en exerçant une contrainte sur des droits tels que la liberté d'expression. C'est donc pour cela que la République tchèque a décidé de ne pas poursuivre sa participation au processus préparatif des événements commémoratifs du 22 septembre prochain. La République tchèque n'est pas le seul pays à avoir pris une telle décision, a souligné la délégation.

Observations préliminaires

MME ANASTASIA CRICKLEY, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, a notamment souligné que «le vent de l'extrémisme et du néo-nazisme a aussi touché la République tchèque» et que les partis politiques interdits ont encore des membres qui demeurent très actifs. Elle s'est dite particulièrement préoccupée par la situation des Roms, notamment des femmes roms victimes de stérilisation sans consentement éclairé. Mme Crickley s'est également dite particulièrement préoccupée par la situation des migrants en République tchèque. Pays d'émigration devenu pays d'immigration, la République tchèque a maintenant l'occasion d'assurer que les droits qui avaient en leur temps été déniés à ses émigrants soient pleinement assurés aux personnes qui contribuent aujourd'hui à son développement économique. Pour aborder toutes ces questions, un Plan national d'action tel que prévu dans la Déclaration et le Programme d'action de Durban reste un outil utile, a souligné Mme Crickley, avant d'exhorter la République tchèque à se réengager dans la commémoration du dixième anniversaire de leur adoption.


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