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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME OUVRE SA SESSION D'ÉTÉ

Compte rendu de séance
Il entend la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et auditionne des représentants d'ONG et d'institutions nationales des droits de l'homme

Le Comité des droits de l'homme a ouvert sa cent-deuxième session ce matin en entendant la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, qui l'a informé des faits nouveaux intéressant ses travaux. Il a aussi auditionné des représentants d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales de droits de l'homme sur les moyens d'améliorer leur coopération avec le Comité. Le Comité a en outre adopté l'ordre du jour de la session, qui prévoit notamment l'examen des rapports du Kazakhstan, de l'Éthiopie et de la Bulgarie.

Mme Pillay a en particulier rendu compte de l'état d'avancement du réexamen en cours du système des organes conventionnels, en soulignant les défis auxquels ils sont confrontés. Les divers comités de surveillance des instruments internationaux doivent d'une part harmoniser leur fonctionnement et leurs travaux, tout en étant confrontés d'autre part à l'austérité budgétaire imposée par les États membres de l'ONU. Elle a souligné que malgré la crise économique et financière, les États ne peuvent fuir leurs responsabilités et a jugé inacceptable que les organes conventionnels soient les victimes de leur succès et qu'un manque de ressources affaiblisse la responsabilité des États en matière de droit international humanitaire. La diminution des moyens posera immanquablement un problème de secrétariat, en matière de traduction en particulier. La Haut-Commissaire a aussi indiqué aux États que la capacité du Secrétariat à organiser les réunions avait atteint son maximum, alors que les perspectives de réduction des moyens actuellement envisagées sont plus importantes que celles qui étaient anticipées.

Après une interruption de séance en vue de l'examen, à huis clos, des institutions spécialisées concernant la situation dans les pays dont la situation sera examinée au cours de la session, le Comité a eu un échange de vues avec des représentants d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales des droits de l'homme. Ceux-ci ont notamment souligné la nécessité de renforcer les liens avec les organes conventionnels, souhaitant notamment que ces organisations disposent d'une possibilité plus formelle d'intervention lors des sessions.

Le Comité a en outre procédé à l'adoption du rapport de son groupe de travail sur les communications, qui a examiné la semaine dernière 20 communications, concernant quatre cas qui ont finalement été jugées irrecevables, 15 autres qui ont été examinées quant au fond et un autre reporté à la prochaine session en vue d'obtenir des précisions sur la question de l'épuisement des voies de recours auprès de l'État partie.


Cet après-midi et jusqu'à demain après-midi, le Comité examinera le rapport initial de l'Éthiopie (CCPR/C/ETH/1).


Déclaration de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a notamment indiqué que, lors de sa session de juin dernier, le Conseil des droits de l'homme avait adopté le texte d'un protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant. Celui-ci sera présenté pour approbation à l'Assemblée générale lors de sa soixante-sixième session à l'automne. Le Conseil a aussi adopté, pour la première fois, une résolution exprimant sa sérieuse préoccupation au sujet des actes de violence et de discrimination contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, a-t-elle aussi rappelé. Ce texte demande au Haut-Commissariat de réaliser une étude sur les discriminations et les violences commises dans le monde dans ce domaine, un débat devant se tenir sur cette question l'an prochain lors de la dix-neuvième session du Conseil. Mme Pillay a par ailleurs rappelé qu'en mai dernier, la première réunion des États parties à la Convention pour la protection de toutes les personnes victimes de disparition forcée avait élu les dix premiers membres du tout nouveau Comité chargé de vérifier l'application de cet instrument. Il s'agit pour elle d'un progrès important dans la lutte contre les disparitions forcées.

La Haut-Commissaire a ensuite rappelé qu'elle avait entrepris en 2009 de procéder à un réexamen du système des organes conventionnels en vue de l'améliorer après avoir obtenu l'avis des États et des organisations de la société civile. Plusieurs réunions se sont tenues depuis lors, la dernière en date, à Sion en Suisse, ayant réuni 150 participants. Une réunion finale de synthèse des débats doit se tenir à Dublin cet automne. De nombreuses propositions qui ont été formulés lors de ces diverses réunions. Ainsi, les organisations de la société civile et des institutions nationales de défense des droits de l'homme sont favorables au renforcement du système. Beaucoup d'interventions ont en outre demandé une harmonisation des procédures des organes conventionnels, au lieu de continuer à les multiplier sous différentes formes et formats. De leur côté, les États, tout en apportant leur soutien moral au renforcement des organes conventionnels, formulent clairement un message d'austérité et d'autodiscipline, particulièrement en ce qui concerne les «activités hors mandat» menées par presque tous les organes, tels que les procédures de suivi et l'élaboration de commentaires généraux sur les dispositions des divers instruments.

Pour Mme Pillay, les experts des organes conventionnels sont au cœur du renforcement du système: vous êtes vraiment les agents du changement, a-t-elle dit, et vous réussirez si vous êtes déterminés et unis autour d'une vision partagée. Quant aux défis à relever, à savoir ceux de l'harmonisation et des ressources, le premier nécessite une vision partagée du changement qui tend progressivement à émerger. Pour ce qui est des ressources, elles sont clairement de la responsabilité des États, a souligné Mme Pillay. «Je suis certaine que malgré la crise économique et financière, les États ne peuvent fuir leurs responsabilités. Il est inacceptable, de mon point de vue, que les organes conventionnels soient les victimes de leur succès et qu'un manque de ressources affaiblisse la responsabilité des États en matière de droit international humanitaire», a-t-elle déclaré.

Mme Pillay a aussi exprimé son regret de constater que les problèmes du Secrétariat perduraient. À la réunion de Sion, elle avait rappelé que le niveau des ressources n'avait jamais augmenté en dépit de l'augmentation du nombre d'organes conventionnels et de leurs procédures, y compris celles de suivi. Elle avait aussi souligné devant les États que la capacité du Secrétariat à organiser les réunions avait atteint son maximum, alors que les perspectives de réduction des moyens actuellement envisagées sont plus importantes que celles qui étaient anticipées, ce qui ne peut qu'avoir un impact négatif sur la capacité du Secrétariat à traduire les documents dans les temps. Il apparaît que le problème fondamental vienne du fait que l'Assemblée générale n'a pas approuvé des ressources suffisantes pour couvrir les réunions prévues et programmées des organes conventionnels. «Je partage vos frustrations», a-t-elle confié. La Haut-Commissaire a par ailleurs appelé les membres du Comité à apporter leur contribution à la défense de l'environnement en utilisant le moins de papier possible, rappelant que les milliers de pages imprimées pour les dossiers qui leur ont été remis pour cette session finiraient à la poubelle à la fin des travaux.

Enfin, Mme Pillay a abordé le programme de travail du Comité pendant les trois prochaines semaines, estimant que cette session devrait être très intéressante avec l'examen des rapports de trois pays, le Kazakhstan, l'Éthiopie et la Bulgarie, deux d'entre eux étant des rapports initiaux. La situation de la Dominique sera aussi débattue en privée alors que cet État n'a pas présenté de rapport. Par ailleurs, les experts examineront un certain nombre de questions relatives au rapport initial des Maldives, ainsi qu'aux rapports périodiques du Turkménistan et de l'Islande. Enfin, une liste de sujets à traiter sera adoptée au sujet de la situation au Mozambique, dont le rapport initial est attendu depuis longtemps.

Un membre du Comité s'est interrogé sur la manière dont les différents organes pourraient «exercer des pressions» sur les États membres. La situation est véritablement grave et déplorable, certains États parties souhaitant que les organes conventionnels échouent, a-t-il estimé.

Mme Pillay a répondu que le Haut-Commissariat assumait pour sa part toutes ses responsabilités, soulignant que la question des ressources avait été soulevée à diverses reprises et qu'elle le serait à nouveau lors de la prochaine Assemblée générale cet automne.

Débat avec les organisations non gouvernementales et les institutions nationales des droits de l'homme

M. VLADLEN STEFANOV, Chef de la Section des institutions nationales et des mécanismes régionaux des droits de l'homme au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a déclaré que l'un des objectifs stratégiques du Haut-Commissariat a été de renforcer les systèmes nationaux de protection des droits de l'homme grâce à un soutien aux capacités des institutions nationales des droits de l'homme et une aide aux gouvernements pour établir de nouvelles institutions nationales des droits de l'homme en conformité avec les Principes de Paris. Le Haut-Commissariat a fourni un soutien de secrétariat au Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme, composée de plus de 100 institutions nationales des droits de l'homme. Une des responsabilités les plus importantes du Comité international de coordination consistait à évaluer si les institutions nationales sont en conformité avec les Principes de Paris et à accréditer les institutions nationales avec un statut spécifique.

MME ROSSLYN NOONAN, Présidente du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme, a souligné que ces institutions devaient entretenir des relations étroites et mutuellement profitables avec les organes conventionnels. Le comité international de coordination est favorable à la création d'un point focal du Comité des droits de l'homme pour les institutions nationales des droits de l'homme, cela afin de renforcer le dialogue et la coopération entre ces institutions, le Comité des droits de l'homme et le Comité de coordination. Ce dernier souhaite par ailleurs que les organes conventionnels puissent se réunir périodiquement en dehors de Genève et de New York dans des centres régionaux afin de rapprocher les experts du terrain.

Une représentante de l'Institut danois des droits de l'homme s'est plus particulièrement exprimée sur l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme et sur son impact. Il a été admis par les autorités et par l'opinion publique que l'Institut danois des droits de l'homme soit considéré comme point focal dans ce processus d'examen, ce qui constitue véritablement une avancée, a-t-elle estimé. Elle a dit espérer que le dialogue avec le Gouvernement allait se poursuivre dans le cadre de la mise d'un plan national des droits de l'homme. L'Examen périodique universel est un processus qui a eu un impact très positif au Danemark, a-t-elle affirmé.

Un représentant de la Commission éthiopienne des droits de l'homme a indiqué que son institution, qui bénéficie de l'assistance technique du Haut-Commissariat, avait pu aider le Gouvernement à présenter une vingtaine de rapports aux organes conventionnels, comblant ainsi le retard qui s'était accumulé dans la présentation des rapports. Les informations nécessaires sont traduites dans les dialectes locaux, tandis que la Commission des droits de l'homme s'efforce de suivre l'application des recommandations. Le défi à relever est le manque d'information, surtout lorsque les recommandations ne sont pas concrètes, lorsqu'un comité propose par exemple d'améliorer tel ou tel mécanisme.

Un membre du Comité a souligné le rôle essentiel des institutions nationales des droits de l'homme dans l'application des recommandations des organes conventionnels. Il a proposé une harmonisation des pratiques des différents Comités s'agissant de la reconnaissance des institutions nationales des droits de l'homme en tant que rouages essentiels du système. Un autre expert a souligné que cela posait la question des méthodes de travail: ces institutions ainsi que les organisations non gouvernementales permettent en effet de combler le fossé séparant la théorie de la pratique. Quant à la possibilité de mener des commissions d'enquête, comme de se réunir en dehors de Genève et de New York, cela serait pertinent dans un monde idéal, a-t-il déclaré, mais la question des ressources se posera immanquablement. Alors que les ressources diminuent, la question de leur utilisation se pose. Peut-être conviendrait-il de cesser de surveiller certains pays pendant un certain temps, pour se consacrer à ceux où la question du respect des droits de l'homme se pose avec le plus d'acuité, a-t-il suggéré. Un de ses collègues a fait part de son désaccord sur l'éventualité de distinguer certains États plutôt que d'autres. Il se peut en effet qu'un État respecte globalement les droits de l'homme tout en ayant de graves lacunes dans tel ou tel domaine particulier, a-t-il dit. S'il est important que les travaux du Comité soient plus connus au sein de l'État partie concerné, le Comité n'est pas un tribunal, a-t-il observé. Certains États «modèles» ont d'ailleurs un lourd passif, le colonialisme par exemple, a-t-il ajouté. l'expert a estimé que de grands progrès avaient été accomplis depuis les débuts des organes conventionnels, notamment avec la participation des organisations non gouvernementales, qui n'était pas autorisée à l'origine, certains problèmes ne pouvant alors tout simplement pas être mentionnés par manque de témoignages concrets.

Mme Noonan a fait observer qu'en tenant compte de l'austérité budgétaire actuelle, certaines villes – elle a cité Bangkok – seraient beaucoup moins chères que New York ou Genève pour réunir les organes conventionnels.

MME LIDIYA GRIGOREVA, du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a souligné que plusieurs mécanismes des droits de l'homme en place aujourd'hui ont été créés grâce au travail de la société civile et il faut saluer leur travail acharné et les efforts menés par les organisations non gouvernementales au niveau local. La stratégie de travail du Haut-Commissariat avec les organisations de la société civile est fondée sur le renforcement des capacités, la protection de l'espace pour la société civile et une participation accrue. Ainsi, un manuel en 9 langues a été préparé dans les six langues des Nations Unies ainsi que d'une version pour les personnes ayant une déficience visuelle. Des efforts de sensibilisation ont été menés en ligne, a aussi fait valoir la représentante du Haut-Commissariat, qui a fait valoir que les réactions des organisations non gouvernementales avaient été très positives. Des séances d'information régulières ont été organisées pour les organisations non gouvernementales.

Le représentant du Centre pour les droits civils et politiques a souligné la nécessité de disposer d'un calendrier général à jour de l'ensemble des comités, comportant un formulaire de recherche par pays – et non pas seulement pas comités. Il a attiré l'attention sur le fait que les délais de procédure étaient insuffisants pour pouvoir étudier les rapports en profondeur. Il a aussi demandé une amélioration des échanges avec les ONG, souhaitant un format plus formel que les actuels déjeuners d'information. Il s'est félicité par ailleurs de la diffusion des débats en direct sur Internet.

Le représentant d'Amnesty International a rappelé que de nombreux États n'avaient pas présenté de rapport, se félicitant que le Comité débatte de la situation des pays en l'absence même d'un tel document officiel. En revanche, un tel examen à huis clos est dissuasif pour de nombreuses organisations non gouvernementales, a-t-il observé. Les institutions nationales auront de la difficulté à venir à Genève dans un tel cadre, selon lui. Il a aussi souhaité que les observations et conclusions sur les États qui ne soumettent pas leur rapport soient publiées immédiatement, déplorant qu'elles demeurent provisoires pendant une longue durée pouvant parfois atteindre une année. Elles ne sont alors guère exploitables par les organisations non gouvernementales et ne favorisent pas le fait que les opinions concernées puissent s'y intéresser lorsqu'elles sont finalement publiées. De tels délais ne permettent pas non plus de suivre le suivi qui leur est donné de manière correcte. D'autant que la participation des organisations non gouvernementales au suivi est un élément très important, celles-ci étant de plus en plus nombreuses à s'impliquer dans ce domaine.

Le représentant du Cercle de recherche sur les droits et devoirs de la personne humaine a indiqué que son organisation travaillait sur l'élaboration d'un code de conduite édictant des règles qui s'appliqueraient à tous les États. Un symposium international doit se tenir en novembre sur l'harmonisation des politiques en ce qui concerne la liberté de réunion et d'association notamment.

Un membre du Comité a déclaré que tous les pays devaient être mis sur un pied d'égalité. Il faut aider les États «lacunaires», et reconnaître que certains violent les droits de manière systématique. Il faut avoir le courage de le dire, a-t-il conclu. Un autre expert a indiqué que les méthodes de travail face à ces situations étaient en débat, l'actuelle procédure en vigueur risquant fortement d'être modifiée rapidement.

Une experte a évoqué le suivi des communications individuelles en notant que le Gouvernement suisse avait ouvert un dialogue sur les droits de l'homme avec plusieurs pays d'Asie centrale. La plupart n'ont aucune expérience en la matière et ne savent pas du tout ce que l'on attend d'eux, a-t-elle observé. Cela implique donc que l'on travaille beaucoup plus avec les ONG locales, selon elle. Un autre expert a jugé très important de communiquer avec les ONG locales, estimant nécessaire l'assistance du Secrétariat à cet égard.

Quant à la tenue de réunions en dehors des sièges de l'ONU, un membre du Comité a proposé aux organisations non gouvernementales de presser les pays défenseurs des droits de l'homme d'organiser des sessions sur leur territoire qui n'auraient pas d'incidences budgétaires pour le Secrétariat et les Nations Unies.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CT11/002F