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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DU SÉNÉGAL

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Sénégal sur les mesures qu'il a prises pour se conformer aux dispositions de la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Présentant le rapport, Mme Innocence Ntap Ndiaye, Ministre du travail et des organisations professionnelles, a souligné que le Sénégal est tout à la fois un pays d'origine, de transit et de destination et considère que les migrants, qui souvent contribuent grandement au développement de leurs pays d'origine, apportent également quelque chose aux pays d'accueil. L'émigration clandestine continue d'être un défi pour le Sénégal, qui a pris des mesures législatives depuis l'adoption de la loi de 2005 sur la traite de personnes et la création, en 2010, d'une cellule ministérielle de lutte contre ce fléau. Si des personnes qui pouvaient être tentées d'emprunter les voies clandestines sont de plus en plus nombreuses à renoncer à le faire, c'est qu'elles ont trouvé une alternative dans les projets que permettent de réaliser des initiatives comme la Grande offensive pour la nourriture et l'abondance conçue par le Chef de l'État. La Ministre a par ailleurs indiqué que le Sénégal procède désormais à la liquidation systématique des pensions de vieillesse de tous les ressortissants étrangers, au prorata des droits acquis au cours de leur séjour au Sénégal.

La délégation sénégalaise était également composée d'autres représentants du Ministère du travail et des organisations professionnelles et de membres de la Mission permanente du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du droit de vote; des conventions bilatérales conclues par le Sénégal en matière de sécurité sociale et, plus particulièrement, des questions liées au transfert des pensions de retraite; des accords de gestion concertée des flux migratoires conclus avec certains pays; des enfants talibés et plus largement de la traite des enfants. S'agissant de cette dernière question, la délégation a mis en avant la loi sur la traite de personnes adoptée par le pays en 2005. Elle a par ailleurs fait valoir que suite à l'accord de gestion concertée des flux migratoires conclu avec l'Espagne en 2006, de 901 embarcations transportant 35 488 personnes en 2006, le flux migratoire clandestin entre le Sénégal et les îles Canaries est passé au premier semestre 2007 à 101 embarcations et 4304 personnes.

Les observations finales du Comité sur le rapport du Sénégal seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 3 décembre prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité se penchera, en première lecture, sur son projet d'observation générale n°1 concernant les travailleurs migrants domestiques. Lundi matin, à 10 heures, le Comité entamera une journée de commémoration du vingtième anniversaire de la Convention.

Présentation du rapport

MME INNOCENCE NTAP NDIAYE, Ministre du travail et des organisations professionnelles du Sénégal, a assuré que le Sénégal ne ménage aucun effort pour respecter les engagements auxquels il a souscrit en juin 1999 en ratifiant la Convention, tant à l'égard des Sénégalais résidant à l'étranger qu'à l'égard des travailleurs migrants établis sur son territoire. Le Sénégal est tout à la fois un pays d'origine, de transit et de destination et considère que les migrants, qui souvent contribuent grandement au développement de leurs pays d'origine, apportent également quelque chose aux pays d'accueil, a poursuivi la Ministre. «Le monde dans lequel nous vivons est rempli de menaces multiformes accompagnées d'une recrudescence de la xénophobie et de l'intolérance à l'égard de l'autre», a-t-elle rappelé. «Dans un tel contexte, la reconnaissance formelle de la contribution positive des migrants au développement économique et culturel des États qui les accueillent est un préalable indispensable au respect de leur dignité, à travers celui de leurs droits», a-t-elle souligné. L'universalisation de la Convention pourrait être un pas important, décisif même, dans cette direction, a-t-elle ajouté, lançant un appel en faveur de la ratification la plus large possible de cet instrument. Mme Ntap Ndiaye a souligné que le vingtième anniversaire de la Convention devrait être l'occasion d'une réflexion profonde sur toute la problématique du respect des droits des migrants, qui représentent près de 3% de la population mondiale.

La société civile sénégalaise contribue grandement à la sensibilisation du public, surtout quant aux dangers de l'émigration clandestine, a poursuivi la Ministre. Ce dernier point continue d'être un défi pour le Sénégal, bien que le phénomène suscite moins d'engouement eu égard aux mesures législatives mises en œuvre depuis l'adoption de la loi de 2005 sur la traite de personnes et la création, en 2010, d'une cellule ministérielle de lutte contre ce fléau, pour mieux coordonner l'action des différents acteurs impliqués dans ce combat. À cela s'ajoutent les contrôles aux frontières, en collaboration avec les partenaires de développement, a précisé Mme Ntap Ndiaye, faisant en outre valoir le rôle non négligeable joué par les médias et artistes nationaux et aussi par les migrants de retour au Sénégal dans la stratégie de dissuasion des «candidats potentiels à l'aventure». Mais, si des personnes qui pouvaient être tentées d'emprunter les voies clandestines sont de plus en plus nombreuses à renoncer à le faire, c'est qu'elles ont trouvé une alternative dans les projets que permettent de réaliser des initiatives comme la Grande offensive pour la nourriture et l'abondance (GOANA), conçue par le Chef de l'État, a fait valoir la Ministre.

En ce qui concerne la population sénégalaise qui vit à l'étranger, Mme Ntap Ndiaye a indiqué que des sources indépendantes avancent le chiffre d'un peu plus de 640 000 personnes, précisant que ce chiffre pourrait être revu lors d'un prochain recensement officiel. Les Sénégalais de l'étranger ont la possibilité d'exercer leur droit de vote, a-t-elle poursuivi. Partout, a-t-elle ajouté, ils s'organisent en réseaux de solidarité et d'entraide pour la prise en charge, dans les pays d'accueil, de leurs préoccupations. Ils bénéficient en outre, auprès des missions diplomatiques du Sénégal, de toute l'assistance possible, y compris la protection consulaire.

Les transferts de fonds des émigrés constituent une importante source de revenus au Sénégal pour les ménages et pour le financement de projets immobiliers, sociaux et humanitaires dans certains cas, a poursuivi Mme Ntap Ndiaye. Selon la Banque mondiale, le montant de ces transferts effectués par les émigrés sénégalais serait estimé à 567 milliards de francs CFA (1,2 milliard de dollars) en 2010, contre 660 milliards de francs CFA en 2009, soit l'équivalent de 9% du PIB du Sénégal. De telles sommes peuvent grandement contribuer à la réduction de la pauvreté, si elles sont bien utilisées, a souligné la Ministre.

En ce qui concerne la protection des droits des travailleurs migrants, a poursuivi Mme Ntap Ndiaye, le Sénégal n'a pas agi en sens unique, c'est-à-dire au seul bénéfice des Sénégalais de l'extérieur; en effet, le pays avait, bien avant l'élaboration de la Convention, pris en compte la nécessaire protection des travailleurs migrants étrangers et de leur famille vivant sur son territoire.

S'agissant enfin de la question de la «portabilité des pensions», la Ministre a indiqué que le Sénégal procède désormais à la liquidation systématique des pensions de vieillesse de tous les ressortissants étrangers, au prorata des droits acquis au cours de leur séjour au Sénégal. Pour rendre effective cette initiative, a-t-elle précisé, l'institution de prévoyance retraite a créé, à cet effet, un service exclusivement dédié au paiement des pensions à l'étranger.

En conclusion, Mme Ntap Ndiaye a rappelé que le Sénégal avait reçu, du 17 au 24 août 2009, la visite du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme des migrants.

Le rapport initial du Sénégal (CMW/C/SEN/1) indique que la population sénégalaise compte environ 11,4 millions d'habitants, dont 2 % d'étrangers environ, surtout présents dans la capitale Dakar et exerçant des activités dans le commerce, l'industrie, les services et les organismes internationaux. L'arsenal juridique sénégalais dans son ensemble accorde beaucoup d'attention aux travailleurs migrants établis au Sénégal sans aucune discrimination, ainsi qu'aux ressortissants des États non signataires de la Convention, où vivent des milliers de Sénégalais dans des conditions souvent difficiles. Les Sénégalais de l'extérieur, citoyens à part entière et acteurs importants du développement économique et social du pays, bénéficient d'une assistance des autorités de l'État; ils exercent leurs droits civils et politiques dans les mêmes conditions que les nationaux (droit de vote, accès aux services administratifs et sociaux). Le rapport indique en outre qu'à bien des égards, les dispositions pertinentes que renferme la Constitution en ce qui concerne les droits inaliénables de la personne humaine sont naturellement étendues aux étrangers notamment les travailleurs migrants et les membres de leur famille vivant sur le territoire national, par l'existence d'un cadre législatif assez substantiel. Le Code du travail et la convention collective nationale interprofessionnelle interdisent toute discrimination à l'égard des travailleurs quel que soit leur statut en matière de recrutement, de traitement salarial, de conditions de travail, de sanction et de sécurité sociale. Le travailleur migrant licencié pour inexécution de son obligation contractuelle vis-à-vis de son employeur ne le prive pas automatiquement de son autorisation de séjour. Les travailleurs saisonniers et frontaliers, qui bénéficient de droits et garanties sont souvent difficiles à identifier par rapport aux nationaux compte tenu que du fait que le tracé des frontières hérité de la colonisation n'a pas tenu compte des réalités sociologiques.

L'admission de tout travailleur migrant à un emploi salarié est subordonnée à une autorisation administrative préalable valant permis de travail. L'autorité compétente accorde l'autorisation de travail en tenant compte de la situation qui prévaut sur le marché de l'emploi et, en particulier, des possibilités d'embauche de nationaux dont les profils professionnels correspondent au type d'emploi considéré. Une fois l'autorisation de travail octroyée, le migrant doit solliciter, auprès de la Police des étrangers, la délivrance d'une carte d'identité d'étranger valant titre de séjour. Les statistiques situent le nombre de migrants immatriculés au Sénégal à 53 966 personnes en juillet 2003: 29 926 hommes pour 24 040 femmes. L'autorisation de séjour ou d'établissement est individuelle. Elle s'étend toutefois aux enfants de moins de quinze ans de l'étranger, si celui-ci (le requérant) en a fait la demande et sous réserve que ses enfants l'accompagnent lors de son entrée au Sénégal. Les étrangers employés au Sénégal bénéficient d'un régime de protection juridique spécifique. En plus des conditions de travail et de rémunération identiques à celles des nationaux, le migrant a droit, en vertu des dispositions du Code du travail, au regroupement familial et au logement qui est à la charge de l'employeur; ce dernier supporte les frais de transport du travailleur migrant, de son conjoint, et de ces enfants mineurs vivant habituellement avec lui. Tout ressortissant étranger peut adhérer librement à un syndicat et peut, s'il est domicilié au Sénégal depuis cinq ans au moins, accéder aux fonctions d'administration et de direction d'un syndicat. Le travailleur migrant et les membres de sa famille bénéficient, dans les mêmes conditions et suivant les mêmes règles appliquées aux travailleurs sénégalais d'une couverture en matière de risques sociaux. En ce qui concerne le versement des pensions de retraite, la législation nationale ne pose aucune restriction relativement au lieu de résidence du travailleur migrant.

La position géostratégique du pays, à la croisée des voies maritimes et aériennes ouvertes vers le continent américain et européen font du Sénégal un lieu privilégié de transit et de destination de flux migratoires importants provenant principalement de la région de l'Afrique de l'Ouest. Le nombre d'étrangers vivant au Sénégal est passé de 119 000 en 1976 à 122 340 en 1988. En 1993 la population étrangère est estimée à 121 321 individus soit 1,5 % de la population totale. Pour la même période, les expatriés recensés tournent autour 285 000 âmes. Le groupe des Non-africains, estimé à environ 25 000 personnes en 1997, est constitué d'Européens avec notamment les Français, premier groupe européen au Sénégal, et de Libanais. Ces derniers sont présents dans le secteur formel des PME et PMI. On notera que les années 2000 sont marquées par l'arrivée de Taïwanais et de Chinois. Le rapport souligne notamment un recours abusif aux procédures d'éligibilité au statut de réfugié. Les requérants n'ayant pu obtenir ce statut préfèrent vivre dans la clandestinité profitant ainsi de la clémence du Gouvernement qui par conviction à la réalité d'une citoyenneté africaine, ne procède pas systématiquement et massivement à des expulsions. L'immense majorité des migrants est réduite, à titre individuel ou collectif, à inventer des stratégies propres d'appropriation d'espaces commerciaux, notamment dans les grands centres urbains, ou d'occuper les créneaux laissés vacants par les nationaux. Enfin, le rapport souligne que le Code électoral sénégalais n'autorise pas encore le vote des étrangers.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME MYRIAM POUSSI, membre du Comité, a relevé que le Sénégal, de par sa position géographique, est de plus en plus devenu un carrefour pour les migrants. Le pays a ratifié la majeure partie des conventions de l'Organisation internationale du travail et dispose d'une législation nationale assez fournie protégeant les droits des travailleurs migrants. L'experte a toutefois estimé que la grande lacune du rapport était le manque de statistiques et d'estimations, ce qui ne permet pas d'apprécier objectivement la réalité de la problématique migratoire dans le pays.

Par ailleurs, a poursuivi l'experte, si le Sénégal dispose d'une législation en rapport avec les travailleurs migrants vivant au Sénégal, cette législation – à l'instar des statistiques – est assez ancienne. Elle a souhaité savoir quelles dispositions ont été prises pour faire suite à l'engagement du Sénégal en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants conformément à la Convention.

Mme Poussi s'est en outre enquise de la mise en œuvre du droit à la pension de retraite alors que le paragraphe 57 du rapport souligne une difficulté s'agissant de la mise en œuvre de ce droit pour les Sénégalais de l'étranger puisqu'ils sont tenus de résider sur le territoire de leur pays d'accueil pour pouvoir jouir de cette pension. Cette question de sécurité sociale ne pourrait-elle pas être réglée par des accords bilatéraux comme ceux que le pays a conclus avec certains pays? Elle a aussi voulu savoir si d'autres accords que ceux déjà signés avec l'Espagne et la France ont été conclus par le Sénégal s'agissant de la gestion concertée des flux migratoires.

Quelle est l'ampleur des expulsions ou refoulements de travailleurs migrants vers le Sénégal, a par ailleurs demandé l'experte. Qu'en est-il des mesures prises pour accompagner le retour de travailleurs migrants sénégalais dans leur pays?

Est-il vrai qu'au Sénégal, des Sénégalais et des ressortissants d'autres pays soupçonnés d'être des migrants illégaux ou d'avoir eu l'intention de le devenir sont détenus et même incarcérés avec des délinquants de droit commun, a par ailleurs demandé l'experte?

S'agissant de la lutte contre la traite de personnes, Mme Poussi a relevé que le Sénégal s'est doté d'un plan d'action en la matière pour les années 2008-2013, assorti d'une stratégie très complète. Deux ans après l'adoption de ce plan - qui semble très bien conçu -, l'experte a voulu connaître le bilan qui peut être tiré de sa mise en œuvre. En ce qui concerne la traite des enfants – qui est une triste réalité en Afrique de l'Ouest – l'experte a souligné que ce phénomène touche particulièrement le Sénégal, en particulier dans le contexte de la mendicité à laquelle sont livrés dans ce pays des milliers d'enfants appelés talibés. Pour l'essentiel, semble-t-il, les talibés ne sont pas des Sénégalais; provenant essentiellement de pays tels que la Guinée-Bissau, la Gambie ou encore le Mali, ils sont forcés, par des marabouts, à se livrer à la mendicité, sont soumis à toutes formes de maltraitances et sont souvent victimes de malnutrition. Quelles informations peut donner la délégation au sujet de ce phénomène?

Un autre membre du Comité a relevé que la majorité des immigrés au Sénégal semblait travailler dans le secteur informel; dans ce contexte, qu'advient-il de leur sécurité sociale?

Un expert s'est enquis des résultats et de la portée des accords bilatéraux tels que ceux que le Sénégal a d'ores et déjà conclus avec la France et l'Espagne. Un autre membre du Comité a relevé que le Sénégal avait conclu avec l'Espagne et l'Italie des accords bilatéraux permettant la migration régulière de jeunes Sénégalais; comment doit-on comprendre cette mention apparemment restrictive à de «jeunes» Sénégalais?

Quel est le nombre de personnes concernées par les mesures prises au Sénégal aux fins de la liquidation systématique des pensions de vieillesse de tous les ressortissants étrangers, a demandé un autre expert, faisant observer que peu de pays ont pris une telle initiative?

Relevant que le Code électoral sénégalais n'accorde pas le droit de vote aux étrangers, un membre du Comité a demandé si les autorités sénégalaises envisagent de revenir sur cette disposition.

Une experte du Comité s'est enquise des difficultés particulières qui s'opposent à la ratification par le Sénégal des deux conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail relatives aux travailleurs migrants: les conventions n°97 (1949) et n°143 (1975).

L'experte a en outre souhaité savoir s'il est vrai qu'au Sénégal, les femmes mariées qui désirent émigrer doivent au préalable obtenir une autorisation écrite de leur époux.

Relevant que la loi de 2005 sur la traite de personnes punit d'une peine de 5 à 10 ans d'emprisonnement et d'une amende la migration clandestine organisée par mer ou par terre, une experte s'est enquise du sens qu'il faut dans ce contexte donner au terme «organisée». Doit-on comprendre que la répression ne touche que la seule migration clandestine organisée ou bien un migrant opérant seul peut-il aussi être touché par cette répression ?

Réponses de la délégation

La délégation sénégalaise a souligné que c'est le Ministère des affaires étrangères qui fait office de point focal pour ce qui a trait à la coordination de l'action en faveur des migrants. Les autorités sénégalaises envisagent de mettre en place un observatoire national pour les migrations, a-t-elle par ailleurs indiqué.

Les autorités sénégalaises envisagent de procéder à un examen complet de la législation nationale afin de déterminer les éventuelles dispositions qui pourraient ne pas être conformes à la Convention.

Le Sénégal fait partie des premiers pays africains à avoir associé ses ressortissants de l'étranger aux élections nationales, a en outre fait valoir la délégation. Pour que soit déployée toute la logistique nécessaire à l'exercice de ce droit de vote des Sénégalais de l'étranger, un seuil relatif au nombre minimum de ressortissants requis a été fixé qui, de 600, a été ramené à 300; ainsi, s'il est établi – sur la base des enregistrements auprès de l'ambassade sénégalaise concernée – qu'au moins 300 ressortissants sénégalais vivent dans un pays donné, alors des bureaux de vote sont ouverts à l'intention de ces ressortissants.

S'agissant des conventions bilatérales conclues par le Sénégal en matière de sécurité sociale, la délégation a indiqué qu'une convention avait été signée en la matière avec la France en mars 1974, qui regroupe toutes les branches de sécurité sociale et est très généreuse en termes de prestations. Une convention a également été signée avec le Mali, mais elle se limite aux seules questions d'aide administrative. De la même manière, la convention conclue avec la Mauritanie est limitée aux risques professionnels. Alors que de nombreux ressortissants sénégalais sont installés au Gabon, la convention conclue avec ce pays en 1982 a été signée par le Sénégal mais toujours pas par le Gabon. Il en va de même de la convention conclue avec le Cameroun, qui n'a toujours pas été signée par ce pays alors qu'elle l'a été par le Sénégal. En revanche, il n'existe pas encore de convention de ce type avec l'Italie et si un projet de convention a été élaboré avec l'Espagne, il n'a à ce stade toujours pas abouti.

La délégation a indiqué que le Sénégal a ratifié la Convention n°102 de l'Organisation internationale du travail concernant les normes minima de sécurité sociale. La doctrine internationale en matière de sécurité sociale s'appuie sur cinq grands principes, à savoir l'égalité de traitement, le choix de la législation applicable, la conservation des droits acquis, la conservation des droits en cours d'acquisition et le service de prestations hors du pays d'accueil, a rappelé la délégation. Pour sa part, le Sénégal a décidé de procéder à la liquidation systématique des pensions de vieillesse de tous les ressortissants étrangers qui rentrent dans leur pays d'origine. Par ailleurs, instruction a été donnée aux autorités compétentes du Sénégal de prendre les mesures nécessaires en vue de la ratification par le pays de la Convention multilatérale de sécurité sociale de la CIPRES (Conférence interafricaine de la prévoyance sociale), une Conférence qui regroupe 14 pays.

En ce qui concerne la traite des enfants, la délégation a indiqué qu'une loi a été mise en place en 2005 qui incrimine le recrutement, le transport, l'hébergement et l'accueil de personnes, ainsi que l'offre et le paiement d'avantages à des fins d'exploitation d'une personne ou de pratiques analogues à l'esclavage. Ces actes sont passibles de peines allant de 5 à 30 ans d'emprisonnement ainsi que d'amendes, a précisé la délégation. Conscient du phénomène persistant de la migration clandestine et de la tragédie qui l'accompagne, le Sénégal a pris des mesures afin de punir les passeurs et d'alléger les souffrances des candidats à la migration. C'est dans ce cadre qu'il faut appréhender le recours à la loi de 2005 relative à la lutte contre la traite de personnes et les pratiques assimilées et à la protection des victimes – une loi qui a reconnu la migration clandestine comme étant illégale. Cette loi devrait être saluée car elle traduit la mise en œuvre de la Convention par le Sénégal.

Répondant aux questions sur les enfants talibés, la délégation a reconnu leurs souffrances en soulignant qu'ils sont doublement vulnérables en tant qu'enfants et du fait de la précarité de leur situation. Le Gouvernement est conscient de cette situation - longtemps tolérée par la société sénégalaise qui mettait en avant l'éducation religieuse de ces enfants; or, le voile a été levé sur les violences physiques et mentales dont ils sont victimes. Aussi, la loi de 2005 susmentionnée instaure-t-elle des sanctions sévères contre toute personne qui mettrait la vie des talibés en péril. Des sanctions ont déjà été prononcées à l'encontre de marabouts dans ce contexte, l'un d'eux ayant été condamné à 3 ans d'emprisonnement ferme en 2008et un autre, pour pédophilie, à une peine de deux ans d'emprisonnement ferme assortie du versement de dommages et intérêts pour la victime.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Sénégal a conclu en 2006 avec la France un accord sur la gestion concertée des flux migratoires dont l'objet principal est de faciliter l'obtention des permis de séjour temporaire pour les travailleurs sénégalais en France. Un accord du même type a également été conclu avec l'Espagne. Suite à ce dernier accord, de 901 embarcations transportant 35 488 personnes en 2006, le flux migratoire clandestin entre le Sénégal et les îles Canaries est passé au premier semestre 2007 à 101 embarcations et 4304 personnes, a fait valoir la délégation.

La délégation a reconnu l'importance des conventions n°97 et 143 de l'Organisation internationale du travail sur les travailleurs migrants et a souligné qu'il n'y avait de problème majeur s'opposant à une accession du Sénégal à ces deux instruments; aussi, attend-on le «déclic des autorités» afin d'engager le processus d'adhésion à ces deux conventions, a indiqué la délégation. Elle a ensuite rappelé qu'avant de ratifier un instrument international, le Sénégal doit au préalable procéder à une harmonisation de sa législation interne avec les dispositions de cet instrument - puisque dès que la ratification est actée, le pays respecte la hiérarchie des normes qui place les dispositions des instruments internationaux au-dessus de celles du droit interne.

Étant donné qu'il n'existe pas de visa de sortie du territoire national au Sénégal, conformément au droit constitutionnel de quitter librement le territoire, la situation d'une personne qui serait tentée seule par l'émigration clandestine ne saurait être sanctionnée, a souligné la délégation. Le législateur, en sanctionnant la migration clandestine organisée, a visé plus particulièrement les passeurs et non pas les victimes, a précisé la délégation.

Conclusions

MME POUSSI, membre du Comité, a rappelé que l'objectif du processus d'examen du rapport du Sénégal est de contribuer à l'amélioration de la situation des travailleurs migrants dans ce pays. L'experte a insisté sur la nécessité, pour le Sénégal, d'accorder davantage d'importance au recueil de statistiques. Il semble y avoir un déficit de communication entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales, a par ailleurs relevé l'experte, plaidant en faveur d'une implication accrue de la société civile dans l'élaboration des rapports présentés par le Sénégal en vertu de la Convention ou encore dans l'élaboration des accords intéressant les questions de migration. Elle a en outre insisté sur l'importance que revêt la formation des agents de l'État ayant à traiter des questions migratoires. Enfin, l'experte a insisté sur la nécessaire protection des ressortissants de la sous-région qui transitent par le Sénégal, du point de vue de la préservation de leurs droits, et a regretté le manque d'informations fournies par la délégation à ce sujet.

M. ABDELHAMID EL JAMRI, Président du Comité, a invité le Sénégal à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles (communications). Il a encouragé le Sénégal à poursuivre ses efforts en faveur des travailleurs migrants et l'a invité à prendre des mesures juridiques pour renforcer leurs droits. À cet égard, le Comité est disposé à apporter son concours.

MME INNOCENCE NTAP NDIAYE, Ministre du travail et des organisations professionnelles, a pris acte des observations qui ont été faites par les membres du Comité et a dit espérer que ce dialogue aura permis aux experts de prendre la mesure de l'engagement du Sénégal à encadrer de manière adéquate les migrations et les travailleurs migrants.


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